CA Versailles, 1re ch. sect. 1, 15 février 2019, n° 17-05387
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Ramces (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Palau
Conseillers :
Mmes Lelievre, Lauer
Avocats :
SCP Cabin Labrosse, SCP Gibier Festivi Rivierre Guepin
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Chartres en date du 14 juin 2017 qui a statué ainsi':
- déclare irrecevable la demande de M. M. comme mal dirigée,
- condamne M. M. aux dépens, lesquels seront recouvrés directement par la SCP Gibier Festivi Rivierre Guepin en vertu de l'article 699 du Code de procédure civile,
- condamne M. M. à verser à la société Ramces la somme de mille euros (1 000 euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.
Vu la déclaration d'appel de M. M. en date du 13 juillet 2017.
Vu les dernières conclusions en date du 14 septembre 2017 de M. M. qui demande à la cour de':
- le déclarer recevable en son appel et l'y dire bien fondé,
- infirmer le jugement,
Et statuant à nouveau,
- dire que la Sarl Ramces s'est comportée en véritable organisateur de la loterie publicitaire litigieuse, ou à tout le moins s'en est donné l'apparence,
- à titre principal, condamner la Sarl Ramces à lui régler la somme de 500 000 euros, outre intérêts légaux à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- à titre subsidiaire, condamner la Sarl Ramces à lui régler la somme de 75 000 euros outre intérêts légaux à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- condamner la Sarl Ramces à lui verser la somme de 2 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la Sarl Ramces en tous les dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP Cabin Labrosse, avocat, par application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions en date du 14 novembre 2017 de la société Ramces qui demande à la cour de':
- confirmer purement et simplement le jugement,
Y ajoutant,
- condamner M. M. à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner M. M. aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés directement par la SCP Gibier Festivi Rivierre Guepin en vertu de l'article 699 du Code de procédure civile.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 13 septembre 2018.
Faits et moyens
M. M. a reçu, le 30 août 2012, un courrier ainsi libellé':
" 1) AVERTISSEMENT n°1 :
Suite à une Grande Opération Financière organisée par James P., M. Luc M.d., vous allez recevoir obligatoirement 2 Chèques Bancaires à votre nom :
Un 1er Chèque d'un montant de 75 000,00
Un 2ème Chèque du montant de votre choix
Pour ce 2ème Chèque Gagné, remplissez vous même la somme que vous souhaitez recevoir sur le Chèque ci dessous en CHIFFRES et EN LETTRES (somme strictement limitée entre 10.000, 00 et 500 001,00 Euros)
Il est déjà libellé à votre ordre et signé par James P.. OUI... ces 2 Chèques sont bien à vous !
2) AVERTISSEMENT n°2 :
M M., maintenant il ne vous reste plus qu'à remplir le Chèque Bancaire ci dessous à votre ordre du montant dont vous avez besoin et de répéter cette somme au dos de cette feuille. Renvoyez le tout sous 5 JOURS MAXIMUM à James P. Pour recevoir vos 2 Chèques Bancaires selon les conditions confirmées. Un immense bravo à vous ".
Le même courrier précisait qu' afin de bénéficier de ces gains, il convenait de commander une " clef salvatrice aux trois feuilles d'or ", pour la somme de 25 euros à l'adresse suivante':' " James P. Ramces BP 11 28410 Saint Lubin de la Haye'".
M. M. a rempli les documents et mentionné une somme de 500 000 euros sur le deuxième chèque promis.
Il a également adressé la somme de 25 euros, par mandat du 12 septembre 2012 et, en retour, a reçu une " clef salvatrice aux trois feuilles d'or ".
Aucun des chèques promis ne lui a été envoyé.
Par lettre du 26 septembre 2012, adressée à la société Ramces, il a réclamé les gains annoncés.
Cette demande est restée sans réponse.
Par acte du 28 septembre 2015, M. M. a fait assigner la société Ramces devant le tribunal de grande instance de Chartres qui a prononcé le jugement déféré.
Aux termes de ses écritures précitées, M. M. rappelle, citant des arrêts, que le fait pour l'organisateur d'un jeu publicitaire d'annoncer un gain à une personne dénommée, sans mettre en évidence à première lecture l'existence d'un aléa, l'oblige, par ce fait purement volontaire, à le délivrer.
Il déclare que les documents qui lui ont été adressés par la seule société Ramces ne mettent pas en évidence, à première lecture, l'existence d'un aléa et rappelle qu'il s'est acquitté de ses obligations.
En réponse à la société, il affirme qu'il a été victime d'un montage frauduleux dont le seul but est de créer l'apparence d'une part de la société organisatrice de cette loterie et d'autre part du gain obtenu.
Il qualifie de douteuses - voire établies pour les besoins de la cause - les pièces versées au débat par la société dont l'authenticité ne peut être vérifiée.
Il ajoute qu'elles ne lui sont pas opposables car il n'en a jamais eu connaissance auparavant.
Il déclare qu'aucun des documents publicitaires qui lui ont été envoyés ne comporte la mention d'une société Phoenix International comme étant l'organisateur de la loterie publicitaire litigieuse.
Il affirme qu'il n'aurait pas répondu en achetant les 3 clés d'or s'il avait été prévenu que l'organisateur de la loterie résidait à Hong Kong.
Il expose qu'il a effectué, dans la cadre de la première instance, des recherches sur la société Phoenix International auprès de la chambre de commerce française de Hong Kong malgré la confusion entretenue par l'intimée qui mentionne, dans ses écritures, soit la société Phoenix International Service soit la société Phoenix International Services.
Il indique qu'il a découvert l'existence d'une société Phoenix International Service (HK) Limited mais dont l'adresse est différente de celle figurant sur les factures produites en première instance par la société intimée, et dont l'objet social ("'Electronics ") n'est pas celui de la société derrière laquelle tente de se cacher la société Ramces.
Il fait état d'une "'tentative grotesque'" de la société Ramces de se dissimuler derrière une pseudo société chinoise, dont les factures produites "'sont évidemment des faux, et dont au surplus elle ne prend même pas la peine de verser au débat les statuts ...'".
Il fait valoir que l'ensemble des documents adressés pour lui annoncer son gain l'ont été par la société Ramces et qu'aucune mention portée sur ces documents ne fait référence à cette société chinoise.
Il souligne qu'il a payé la somme de 25 euros par mandat cash à l'ordre de la société Ramces et estime que le procédé s'apparente à une escroquerie si la société Ramces n'avait pas qualité pour l'encaisser au motif, comme elle le prétend, qu'elle n'est pas l'organisateur de ce jeu.
Il ajoute que l'objet du contrat de prestation produit en première instance par la société intimée ne fait pas mention de l'encaissement des versements effectués par les gagnants pour acquérir la " clé salvatrice ", ce qui fait ainsi de la société Ramces "'plus qu'un simple routeur'".
Il conclut qu'elle s'est donné l'apparence d'un organisateur de loterie publicitaire et se prévaut de la théorie de l'apparence qui lui permet de réclamer son gain à la société Ramces.
Aux termes de ses écritures précitées, la société Ramces rappelle que " l'organisateur d'un jeu publicitaire qui annonce un gain à personne dénommée sans mettre en évidence à première lecture l'existence d'un aléa s'oblige, par ce fait purement volontaire, à le délivrer " et que, dans le cadre des jeux publicitaires, seule la responsabilité de l'organisateur dudit jeu peut donc être recherchée.
Elle déclare qu'elle n'est pas l'organisatrice du jeu publicitaire incriminé.
Elle expose qu'elle est une société commerciale de 10 personnes dont l'activité principale est la reproduction et la presse numérique (impression de courriers promotionnels, de courriers de gestion type fiches de salaires, factures ...) et précise qu'elle réalise, notamment, une activité d'assemblage de documents, la mise sous enveloppes, le colisage, l'expédition de messages, de lots de concours.
Elle affirme qu'à ce titre, elle a passé un contrat de prestation de services avec la société Phoenix International Service aux termes duquel elle n'est qu'un simple intermédiaire et estime que rien ne permet de remettre en cause l'existence juridique de celle ci.
Elle déclare verser aux débats les factures libellées à l'ordre de cette société et estime qu'il importe peu que M. M. n'ait découvert que récemment l'identité de l'organisateur du jeu publicitaire.
Elle considère qu'il ne lui appartient pas d'endosser la responsabilité de l'organisateur réel du jeu publicitaire.
Elle affirme qu'il appartenait à M. M., avant d'engager une procédure judiciaire à " l'aveuglette ", de l'interroger afin de connaître les coordonnées de l'organisateur du jeu publicitaire.
Elle soutient qu'il incombe à celui ci d'engager la procédure contre l'unique éventuel responsable, c'est-à-dire la société organisatrice du jeu publicitaire.
Elle fait valoir que son seul rôle est d'imprimer les supports publicitaires et de les expédier suivant les directives de ses clients, majoritairement basés à l'étranger.
Elle ajoute que sa boîte postale est utilisée par ses mandataires comme adresse de réponse et qu'elle réexpédie les documents et les fonds.
Elle précise qu'à ce titre, elle supporte des frais d'expédition suite aux deux envois réalisés hebdomadairement pour retransmettre les fonds et les courriers à l'organisateur du jeu.
Elle déclare donc qu'elle n'a aucune prise sur le contenu des jeux publicitaires et des promesses incluses dans les prospectus distribués, exerçant la même activité de distribution que La Poste.
Elle souligne qu'aucune décision de condamnation n'a été rendue à l'encontre de la société chargée de l'expédition des "'mailings'", qui ne peut être juridiquement considérée comme l'organisatrice du jeu.
Elle conclut qu'elle n'est qu'un intermédiaire de services, l'organisateur du jeu étant la société Phoenix susvisée ayant son siège à Hong Kong, et, donc, qu'elle ne saurait voir sa responsabilité engagée.
Elle rappelle son objet social et précise qu'immatriculée en 1990 au registre du commerce et des sociétés, elle n'a jamais rencontré la moindre difficulté "'en termes de moralité'".
Elle indique que les recherches de M. M. ont confirmé l'existence juridique de la société Phoenix International Service et, concernant les factures, fait état d'une erreur purement matérielle avec l'ajout d'un "'S "'".
Elle fait valoir que cette société, organisatrice du jeu, existe réellement et que M. M. est irrecevable à agir à l'encontre de la société Ramces qui n'est pas l'organisatrice du jeu.
Elle conteste se dissimuler derrière cette société, réfute toute fausseté des factures et se prévaut de ses livres comptables afin de justifier de la réalité de la facturation et de l'encaissement.
Elle conclut qu'elle a été rémunérée, comme la Poste ou une autre société aurait pu l'être, afin d'adresser un "'mailing'", puis récupérer les fonds et courriers à son adresse postale et les transmettre à sa mandante.
Elle souligne qu'elle n'est qu'une prestataire de service et non l'organisatrice du jeu.
Considérant que le fait pour l'organisateur d'un jeu publicitaire d'annoncer un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence, à première lecture, l'existence d'un aléa l'oblige à le délivrer';
Considérant qu'il appartient à M. M. de démontrer que la société Ramces est l'organisateur du jeu ou, à tout le moins, qu'elle en a donné l'apparence';
Considérant que la société Ramces a pour activités, notamment, la reproduction et la presse numérique, la réalisation de travaux informatiques et l'assemblage de documents, leur mise sous enveloppe, et l'envoi de messages';
Considérant qu'elle conclut donc des contrats de prestations de services dont celui avec la société Phoenix International Services - corroboré par la production de factures';
Considérant qu'à ce titre, elle est utilisée comme adresse de réponse et réexpédie les documents et les fonds récoltés';
Considérant que la société n'est donc pas l'organisatrice du jeu publicitaire';
Considérant qu'il ne ressort d'aucune mention du document litigieux qu'elle a donné l'apparence d'être cette organisatrice ;
Considérant que le seul fait que la demande d'acquisition de la clef soit envoyée à son adresse ne suffit pas à caractériser une telle apparence'étant observé au surplus que les chèques doivent être libellés à l'ordre de James Parker'et que le mandat émis par M. M. est à l'ordre de M. P., James';
Considérant, ainsi, qu'aucun élément n'établit que la société a donné l'apparence d'être l'organisatrice du jeu';
Considérant, en conséquence, qu'elle n'est intervenue dans la distribution de ce courrier qu'en qualité de prestataire chargée de l'expédition de "'mailings'" et qu'elle n'a nullement donné l'apparence d'être l'organisatrice du jeu';
Considérant que les demandes formées contre elle sont donc irrecevables';
Considérant que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions';
Considérant que l'appel interjeté par M. M. a contraint la société à exposer des frais non compris dans les dépens'; que M. M., bien que bénéficiant de l'aide juridictionnelle, devra lui payer une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile'; que la demande de M. M. aux mêmes fins sera, compte tenu du sens de l'arrêt, rejetée';
Par ces motifs, LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne M. M. à payer à la Sarl Ramces la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette les demandes plus amples ou contraires, Condamne M. M. aux dépens qui seront recouvrés par la SCP Gibier Festivi Rivierre Guepin en vertu de l'article 699 du Code de procédure civile. - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, Condamne M. M. aux dépens qui seront recouvrés par la SCP Gibier Festivi Rivierre Guepin en vertu de l'article 699 du code de procédure civile.