CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 21 février 2019, n° 17-17918
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Giesswein France (EURL), Giesswein Walkwaren (Sté)
Défendeur :
Callegari (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Schaller
Conseillers :
Mmes Soudry, Moreau
Avocats :
Mes Boccon Gibod, Adam Caumeil, Teytaud, Marcus Madel
FAITS ET PROCÉDURE
La société Callegari est une société d'agence commerciale dont le président est M. X.
La société de droit autrichien Giesswein Walkwaren (ci-après la société GW) fabrique et commercialise des articles chaussants pour l'intérieur, des chaussures et des vêtements en laine.
La société de droit français Giesswein France (ci-après la société GF), créée en 1993, a pour activité le commerce de gros et de détail et la prise en charge de la représentation d'articles d'habillement, de chaussures et de jouets.
M. X a collaboré avec les sociétés Giesswein pour la vente en France des produits de la marque Giesswein en qualité de VRP d'abord de la société GW, de septembre 1988 à février 1994, puis de la société GF, en vertu d'un contrat du 16 novembre 1993.
Le 1er décembre 2002, un contrat d'agence commerciale a été conclu entre la société GF et la société Callegari, celle-ci étant mandatée à titre exclusif pour vendre les articles chaussants d'intérieur de la marque Giesswein, dans la zone géographique suivante : les départements 75-77-78-91-92-94-95 (secteur A), les départements 03-14-16-17-18-22-29-35-36-37-41-44-45-49-50-53-56-58-61-63-72-79-85-86 (secteur B) et les départements 02-27-59-62-76-82 (secteur G).
Le 16 mai 2013, la société GF et la société Callegari ont conclu un protocole d'accord pour définir les conditions de cessation de leurs relations à compter du 1er juillet 2013. Il a été convenu qu'une somme de 30 000 euros serait réglée à la société Callegari au titre du rachat de sa carte.
Le même jour, la société GW et la société Callegari ont conclu un contrat portant sur le rachat par des secteurs A et B au prix de 72 500 euros.
La société Callegari, se plaignant d'avoir découvert que certaines commandes de la société Sarenza, qu'elle avait apportée comme client à la société Giesswein France, n'avaient pas donné lieu à commission, a sollicité, par lettre adressée le 4 août 2014 à la société GW, les éléments permettant d'évaluer son droit à rémunération.
Par ordonnance du 2 décembre 2014, le président du tribunal de commerce de Paris a, sur la requête de la société Callegari, désigné un huissier de justice afin de se rendre dans les locaux de la société Sarenza et de se faire remettre les éléments utiles à l'évaluation de la rémunération de l'agent commercial.
C'est dans ces conditions qu'un procès-verbal de constat a été dressé le 29 décembre 2014 par Me Chevrier de Zitter.
Par actes des 21 avril 2015 et 30 avril 2015, la société Callegari a assigné les sociétés Giesswein devant le tribunal de commerce de Paris en vue d'obtenir le paiement d'un arriéré de commissions sur la société Sarenza ainsi qu'une indemnité de rupture complémentaire outre la réparation de son préjudice moral.
Par jugement rendu le 7 septembre 2017, le tribunal de commerce de Paris a :
- rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée par les sociétés Giesswein France et Giesswein Walkwaren AG,
- condamné solidairement les sociétés Giesswein France et Giesswein Walkwaren à régler à la société Callegari au titre des arriérés de commissions dues sur le client Sarenza la somme de 21 901,15 euros.
- condamné solidairement les sociétés Giesswein France et Giesswein Walkwaren à régler à la société Callegari la somme de 14 600 euros au titre de l'indemnité de rupture ;
- débouté la société Callegari de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral,
- débouté les sociétés Giesswein France et Giesswein Walkwaren de leur demande reconventionnelle,
- condamné solidairement les sociétés Giesswein France et Giesswein Walkwaren à régler de la société Callegari, au titre de l'article 700 du Code de procédure, la somme de 5 000 euros,
- ordonné l'exécution provisoire,
- débouté les parties de leurs autres demandes,
- condamné solidairement les sociétés Giesswein France et Giesswein Walkwaren aux dépens, en ce compris les frais exposés pour faire diligenter le procès-verbal de constat.
Les sociétés Giesswein France et Giesswein Walkwaren ont interjeté appel de cette décision le 25 septembre 2017.
Prétentions et moyens des parties
Dans leurs dernières conclusions du 14 juin 2018, les sociétés Giesswein France et Giesswein Walkwaren demandent à la cour de :
À titre principal,
- constater l'absence de preuve de ce que les commandes litigieuses résultaient de la seule intervention et du seul travail de prospection de l'agent commercial,
- constater la dénaturation du contrat par le tribunal de Paris, en ce que la clause particulière du contrat d'agence commerciale restreignant le droit à commission de l'agent avait été écartée au profit du droit commun seulement supplétif de volonté,
- infirmer le jugement sur ce point et débouter la société Callegari de sa demande tant au niveau des prétendus arriérés de commissions que de l'indemnité de rupture,
À titre subsidiaire,
- constater que le montant total des commandes litigieuses s'élève, non à 243 346,22 euros, mais à 220 328,80 euros,
- constater le contrat prévoit que doivent être déduit de la commission due à l'agent, la moitié du montant des remises, rabais et ristournes consentis,
- constater que, en vertu de l'usage entre les parties, lorsque les rabais consentis étaient supérieurs au montant de la commission, l'agent se voyait accordé une commission incompressible de 1 % du montant de la commande,
- constater que, en vertu des deux protocoles d'accords du 16 mai 2013, le montant de l'indemnité de rupture, évalué forfaitairement, n'est pas révisable,
- infirmer le jugement attaqué sur ces points,
- limiter la condamnation du mandant, la société Giesswein France, au titre du prétendu arriéré de commission, à la somme de 2 203,28 euros et débouter la société Callegari de sa demande au titre de l'indemnité de rupture,
À titre reconventionnel,
- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il les a déboutées les sociétés Giesswein France et Autriche de leur demande indemnitaire,
- condamner la société Callegari à leur payer, en réparation de la perte de gains subie, la somme de 19 155,77 euros,
Et, en tout état de cause,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Callegari de sa demande indemnitaire au titre du soi-disant préjudice moral,
- condamner la société Callegari à leur payer une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Callegari aux entiers dépens.
Pour s'opposer à la demande en paiement de commissions de la société Callegari sur les ventes réalisées avec la société Sarenza, les sociétés Giesswein invoquent l'article 4 du contrat d'agent commercial selon lequel une commission ne serait due qu'en cas d'intervention de l'agent commercial. Elles soutiennent que les dispositions des articles L. 134-5 et L. 134-6 du Code de commerce relatives à la rémunération de l'agent commercial ne sont pas d'ordre public de sorte qu'elles ont pu être écartées par la volonté des parties.
Or elles prétendent que les commandes litigieuses ont été directement adressées par la société Sarenza à la société GW et qu'en l'absence d'intervention de la société Callegari, aucune commission n'est due. Elles expliquent qu'il s'agissait de commandes portant sur des fins de série.
À titre subsidiaire, les sociétés Giesswein font valoir d'une part, que la somme des commandes de la société Sarenza n'ayant pas donné lieu à commission s'élève à 220 328,80 euros et non à 243 346,22 euros comme retenu à tort par les premiers juges et d'autre part, que s'agissant de fin de séries vendues avec une remise supérieure à 40 %, la société Callegari ne pouvait prétendre qu'à une commission résiduelle de 1 % de sorte qu'elle ne serait fondée en tout état de cause qu'à réclamer un solde de commissions de 2 203,28 euros.
Pour s'opposer à la demande au titre de l'indemnité de rupture, les sociétés appelantes invoquent le caractère forfaitaire et non révisable de l'indemnité de rupture telle que prévue par les parties aux termes des deux accords conclus le 16 mai 2013. Elles soutiennent que lesdits accords avaient la nature de transaction au sens des articles 2044 et suivants du Code civil.
Les sociétés appelantes allèguent divers manquements de la société Callegari à ses obligations contractuelles dont elles indiquent ne pas demander réparation. En revanche, elles prétendent voir engager la responsabilité extra contractuelle de la société Callegari à leur égard qui serait à l'origine du refus qui leur a été opposé quant à leur participation au salon professionnel " Crecendo Expo " au parc Floral de Paris au mois de septembre 2015 et au mois de mars 2016, ce qui leur aurait causé un préjudice commercial.
Dans ses dernières conclusions du 16 mars 2018, la société Callegari demande à la cour de :
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en 7 septembre 2017 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande fondée sur le préjudice moral,
- condamner en conséquence in solidum les sociétés Giesswein à la somme de 10 000 euros à titre de réparation du préjudice moral,
- débouter les sociétés Giesswein de toutes leurs demandes,
- condamner les sociétés Giesswein solidairement à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner les sociétés Giesswein aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Teytaud, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
A l'appui de sa demande en paiement de commissions sur les ventes réalisées avec la société Sarenza, la société Callegari prétend que le procès-verbal de constat d'huissier démontre qu'entre 2011 et 2013, la société GW a facturé directement à la société Sarenza un montant total de 243 346,22 euros HT, sur lequel il convient d'appliquer un taux de commission de 9 %. Elle soutient que ces ventes ont été réalisées en fraude à ses droits, les sociétés Giesswein s'entendant avec la société Sarenza pour que les commandes soient passées directement à la société GW de manière à l'évincer de son droit à commission. La société Callegari ajoute être à l'origine de la mise en relation entre la société Sarenza et les sociétés Giesswein en 2006. Par ailleurs, la société Callegari affirme que la stipulation contractuelle prévoyant une réduction du droit à commission n'est applicable que lorsque la remise est accordée par l'agent commercial avec l'accord du mandant, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, la remise ayant été accordée par le mandant lui-même.
Au soutien de sa demande d'indemnité de rupture complémentaire, la société Callegari affirme que l'indemnité de rupture étant évaluée sur les dernières commissions perçues, une indemnité complémentaire lui est due pour tenir compte des commissions éludées (soit 21 900 euros sur les trois dernières années) et réclame à ce titre une somme de 14 600 euros correspondant à deux années de commissions éludées.
En outre, elle invoque subir un préjudice moral en raison de l'attitude de son mandant qui l'aurait trompée après 25 années de collaboration et de travail pour développer la marque Giesswein en France. Au titre des frais engagés pour la procédure, elle prétend avoir exposé des frais d'huissier d'un montant de 1 780,60 euros TTC, des frais d'expert informatique d'un montant de 1 344 euros et des frais de traduction de 500 euros.
Pour s'opposer à la demande reconventionnelle adverse, elle affirme que son intervention pour faire obstacle à la présence des sociétés Giesswein au salon du Parc floral n'est aucunement démontrée.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 novembre 2018.
MOTIFS
Sur la demande en paiement de commissions
Considérant que l'article L. 134-6 du Code de commerce dispose que pour toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission définie à l'article L. 134-5 lorsqu'elle a été conclue grâce à son intervention ou lorsque l'opération a été conclue avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre ; que lorsqu'il est chargé d'un secteur géographique ou d'un groupe de personnes déterminé, l'agent commercial a également droit à la commission pour toute opération conclue pendant la durée du contrat d'agence avec une personne appartenant à ce secteur ou à ce groupe ;
Considérant néanmoins que les parties peuvent convenir de déroger à ces dispositions dans la mesure où cet article ne figure pas au nombre des articles listés à l'article L. 134-16 du Code de commerce ;
Considérant que l'article 4.1 du contrat d'agence commerciale conclu le 1er décembre 2002 entre la société GF et la société Callegari stipule que : " A titre de rémunération exclusive, couvrant notamment tous les frais de son intervention, l'agent percevra une commission sur les ventes de son territoire résultant d'ordres directs ou indirects reçus par le Mandant avant l'expiration ou la résiliation du présent contrat, par suite de sa seule intervention et de son seul travail de prospection. " ;
Considérant qu'il résulte de cette clause que les parties ont entendu limiter le droit à commission de l'agent aux seules commandes passées grâce à son intervention ;
Considérant toutefois qu'il n'est pas démenti par les sociétés Giesswein que c'est le travail de la société Callegari qui a permis de les mettre en relation avec la société Sarenza depuis 2006 ; que cette société faisait partie du secteur sur lequel la société Callegari bénéficiait d'une exclusivité ; que par suite, le droit à commission du fait des ventes passées directement à la société Giesswein est acquis sauf à vider la clause d'exclusivité de toute substance ; qu'en outre, les commandes passées par la société Sarenza directement à la société Giesswein résultent bien de la seule intervention de la société Callegari et de son travail de prospection puisque c'est elle qui est à l'origine de leur mise en relation ;
Considérant qu'en vertu de l'article 1315 du Code civil dans sa version applicable au litige, il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver ;
Considérant que les parties sont en désaccord sur le montant des commandes passées par la société Sarenza n'ayant pas donné lieu à commissions ; que dans ces conditions, il appartient à la société Callegari d'établir le montant de son droit à commission ; que si le procès-verbal de constat du 29 décembre 2014 reproduit un extrait du journal des achats de la société Sarenza à la société Giesswein sur la période du 1er janvier 2012 au 31 juillet 2014, aucune analyse n'est faite par la société Callegari de cet extrait de sorte qu'il n'est pas possible de différencier les ventes ayant donné lieu à commission et celles n'ayant pas donné lieu à commission ; que dans ces conditions, il convient de retenir le montant des ventes admis par la société Giesswein, soit la somme de 220 328,80 euros ;
Considérant que les parties s'opposent également sur le taux de commission applicable ;
Considérant que l'article 4.2 du contrat d'agence commerciale du 1er décembre 2002 prévoit que la commission " sera égale à 10 pour cent (10 %) sur le montant du prix fixé des marchandises nues, hors taxe sur la valeur ajoutée, déduction faite de tout rabais, ristournes et/ou escomptes, crédits pour rendus. " ;
Considérant que les parties s'accordent pour dire qu'était également applicable à leurs relations une clause 7.2 insérée dans le contrat du 16 novembre 1993 conclu entre M. X et la société GF selon laquelle : " Pour les ventes de Produits conclues avec l'accord de la Société à d'autres conditions que celles du tarif et des conditions de vente et de paiement courants de la société, le taux de commission pourra être réduit d'un commun accord entre la Société et le Représentant en fonction de l'importance des remises consenties aux clients. Cette réduction représentera la moitié de la remise consentie ; dans le cas d'une réduction supérieure ou égale à la commission de base, le Représentant se voit garantir une commission incompressible de 1 %. " ;
Considérant qu'il résulte de cette clause que la réduction de commission n'est applicable qu'en cas de conclusion de la vente par le représentant ; que dès lors, les ventes litigieuses ayant été conclues directement par le mandant, ladite clause ne saurait recevoir application ;
Considérant que dans ces conditions, il y a lieu d'appliquer un taux de commission de 9 % sur la somme de 220 328,80 euros étant rappelé que la société Callegari ne revendique que l'application d'un taux de 9 % et non de 10 % comme prévu au contrat ; que seule la société GF étant tenue au paiement de la commission en vertu du contrat du 1er décembre 2002, il convient de condamner exclusivement cette dernière à régler à la société Callegari une somme de 19 829,59 euros ; que le jugement entrepris sera infirmé sur ce point ;
Sur la demande au titre de l'indemnité de rupture
Sur le principe de l'indemnité :
Considérant que l'article L. 134-4 du Code de commerce dispose que les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l'intérêt commun des parties ;
Considérant que l'article L. 134-12 du même Code indique qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ;
Considérant par ailleurs que l'article L. 134-16 du même Code prévoit qu'est réputée non écrite toute clause ou convention dérogeant, au détriment de l'agent commercial, aux dispositions de l'article précité ;
Considérant qu'en l'espèce, les sociétés Giesswein dénient à la société Callegari tout droit à indemnité de rupture complémentaire en invoquant la clause insérée dans les deux contrats conclus le 16 mai 2013 selon laquelle " le présent accord vaut transaction définitive et sans réserve au sens de l'article 2044 du Code civil et de l'article 2052 du même Code (...) " ; que la société Callegari se prévaut du caractère d'ordre public de son droit à indemnité et du fait qu'elle a été trompée sur l'appréciation du montant de l'indemnité de rupture en raison du comportement de ses cocontractants ;
Considérant qu'il résulte de l'analyse des contrats conclus le 16 mai 2013 qu'ils ont été conclus en raison du départ à la retraite de M. X le 30 juin 2013 ; que le contrat conclu avec la société GF avait pour objet de définir les conditions de la cessation des relations entre les parties tandis que le protocole d'accord avec la société GW avait pour objet le rachat à la société Callegari des secteurs A et B ; qu'ainsi que l'ont exactement relevé les premiers juges, il n'est question, dans ces accords, d'aucun litige né ou à naître ; que surtout il n'est pas évoqué de concessions réciproques ; que la volonté des parties de mettre fin à un litige ne ressort pas davantage de ces actes qui se contentent pour l'un, de définir les conditions de cessation du droit à commission de la société Callegari et de rachat de la carte et pour l'autre, de fixer le prix du rachat des secteurs A et B ; qu'en conséquence, les accords précités ne peuvent être qualifiés de transaction bénéficiant de l'autorité de chose jugée ;
Considérant par ailleurs que les sociétés Giesswein se prévalent du caractère forfaitaire des indemnités convenues ; que toutefois il ressort de ce qui précède que les sociétés Giesswein ont tout au moins fait preuve de réticence dolosive pour éluder le droit à commission de la société Callegari en gardant le silence sur les ventes réalisées directement avec la société Sarenza ; qu'en raison du principe selon lequel " fraus omnia corrumpit ", les sociétés Giesswein ne sont pas fondées à opposer à la société Callegari la clause prévoyant le caractère forfaitaire des indemnités convenues dans les contrats du 16 mai 2013 ;
Sur le quantum de l'indemnité :
Considérant que l'indemnité de rupture est destinée à réparer le préjudice subi par l'agent du fait de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune ;
Considérant que l'article 8 du contrat du contrat d'agence commerciale du 1er décembre 2002 prévoit que : " En cas de rupture du contrat ou de son non-renouvellement du fait du Mandat, il est convenu entre les parties qu'une indemnité de clientèle sera versée par le Mandant à l'Agent. Cette indemnité sera calculée selon les règles établies par la jurisprudence actuelle et en accord avec la législation en vigueur. " ;
Considérant que la jurisprudence fixe le montant de l'indemnité de rupture en fonction des circonstances spécifiques de la cause ;
Considérant qu'en l'espèce, compte tenu de la durée importante de la mission d'agence commerciale qui a débuté en 2002 (soit une durée de plus de dix ans), il convient de fixer à 13 219,33 euros le montant de l'indemnité de rupture complémentaire à verser à la société Callegari, soit l'équivalent de deux années de commissions éludées (19 829,59 euros/ 3 x 2) conformément aux règles susrappelées ;
Considérant que seule la société GF étant tenue aux termes du contrat d'agence commerciale au paiement de cette indemnité, il n'y a pas lieu de condamner la société GW de ce chef ; que le jugement entrepris sera infirmé sur ce point ;
Sur la demande au titre du préjudice moral
Considérant que la société Callegari se prévaut d'un préjudice moral résultant de la tromperie dont elle a été victime de la part de son mandant ; qu'il résulte de ce qui précède que les sociétés Giesswein se sont entendues pour garder le silence sur les ventes directement passées par la société Sarenza à la société GW ; que cette faute est à l'origine d'un préjudice moral pour la société Callegari qui entretenait des relations de confiance avec son mandant, qui a travaillé pendant plus de dix années pour développer sa clientèle en France et qui été contrainte d'introduire une action en justice pour faire reconnaître ses droits devant l'inertie de son mandant ; que ce préjudice moral sera réparé par l'allocation d'une somme de 2 000 euros ;
Considérant qu'en conséquence, la société GF sera condamnée à régler à la société Callegari une somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral ; que le jugement entrepris sera infirmé de ce chef ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit précédemment le préjudice moral de la société Callegari résulte des relations de confiance entretenues avec son mandant ; qu'un tel préjudice n'est pas démontré s'agissant de la faute commise par la société GW ; que la demande de dommages et intérêts formulée à son encontre sera rejetée ; que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ;
Sur la demande reconventionnelle des sociétés Giesswein
Considérant tout d'abord que les sociétés Giesswein reprochent diverses fautes contractuelles à leur agent commercial sans toutefois formuler de demande en responsabilité contractuelle à son encontre ; que dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'examiner les fautes alléguées ;
Considérant par ailleurs que les sociétés Giesswein prétendent que M. X aurait oeuvré pour les exclure du salon professionnel Crecendo ;
Considérant néanmoins que les pièces qu'elles produisent aux débats ne permettent pas d'imputer leur exclusion à la société Callegari ni à son président ; qu'en effet, si les éléments versés aux débats permettent de démontrer que les organisateurs du salon, dans la mesure où ils faisaient partie d'une association d'agents commerciaux, avaient pris parti pour la société Callegari dans le litige l'opposant aux sociétés Giesswein, ils ne permettent pas d'établir le rôle actif de la société Callegari dans la décision d'exclure ces sociétés du salon ; qu'ainsi l'attestation de Mme K., qui rapporte un entretien téléphonique avec M. X, organisateur du salon, ne permet pas de prouver l'implication de la société Callegari ou de son président dans le refus opposé à la société Giesswein même s'il est avéré que ce refus était lié au litige opposant les sociétés Giesswein à la société Callegari ; que l'attestation de Mme Y ne fait pas état de faits qu'elle a pu directement constater mais rapporte l'opinion de sa collègue Mme Z et ne peut donc revêtir un caractère probant ; que le fait que l'association Crecendo expo et la société Callegari aient le même conseil ne permet de tirer aucune conséquence sur l'influence de la société Callegari sur la décision d'exclusion du salon ; qu'enfin le fait que la société Callegari se soit vue attribuer un stand au salon ne permet pas davantage de caractériser son rôle dans l'exclusion des sociétés Giesswein du salon ;
Considérant qu'en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés appelantes de leur demande reconventionnelle tendant à l'engagement de la responsabilité extra contractuelle de la société Callegari ;
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile
Considérant que les sociétés Giesswein succombent à l'instance; qu'elles devront supporter in solidum, et non solidairement, les dépens tant de première instance que d'appel ; que les dépens d'appel pourront être recouvrés par Me Teytaud selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ; que par ailleurs, l'article 695 du Code de procédure énumère de manière limitative les dépens de sorte que les frais de constat d'huissier établi le 29 décembre 2014 ne sauraient être compris dans les dépens de première instance ; que le jugement entrepris sera infirmé de ce chef ; que le jugement entrepris sera également infirmé en ce qu'il a condamné solidairement les sociétés Giesswein au titre des frais irrépétibles, cette condamnation ne pouvant être qu'in solidum à défaut de solidarité stipulée ; que les frais de constat d'huissier et d'expert informatique que la société Callegari justifie avoir exposés à concurrence de 3 124 euros doivent être compris dans l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; que les frais de traduction n'étant pas établis, il n'y a pas lieu d'en tenir compte pour fixer le montant de l'indemnité allouée au titre des frais irrépétibles ; qu'eu égard à la somme déjà allouée en première instance, il convient de condamner in solidum les sociétés Giesswein à régler à la société Callegari une somme supplémentaire de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Infirme le jugement du tribunal de commerce de Paris du 7 septembre 2017 sauf en ce qu'il a débouté les sociétés Giesswein de leur demande reconventionnelle et condamné les sociétés Giesswein à régler à la société Callegari une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens de première instance, Statuant à nouveau, Condamne la société Giesswein France à régler à la société Callegari une somme de 19 829,59 euros au titre des commissions complémentaires dues sur les commandes de la société Sarrenza ; Condamne la société Giesswein France à régler à la société Callegari une somme de 13 219,33 euros à titre d'indemnité de rupture complémentaire ; Condamne la société Giesswein France à régler à la société Callegari une somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral ; Dit que la condamnation des sociétés Giesswein au titre de l'article 700 du Code de procédure civile prononcée en première instance sera supportée in solidum par elles ; Dit que les dépens de première instance ne comprennent pas le coût du procès-verbal de constat du 29 décembre 2014 dressé par Me Chevrier de Zitter et seront supportés in solidum par les sociétés Giesswein ; Y ajoutant, Condamne in solidum la société Giesswein France et la société Giesswein Walkwaren à régler à la société Callegari une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne in solidum la société Giesswein France et la société Giesswein Walkwaren aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par Me Teytaud selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ; Déboute les parties du surplus de leurs demandes.