CA Dijon, 2e ch. civ., 21 février 2019, n° 17-00006
DIJON
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
Benoit Chapelle (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Vautrain
Conseillers :
Mme Dumurgier, M. Wachter
Avocats :
Mes Gerbay, Strugeon, Soulard, Grammont
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La SARL Benoit Chapelle a pour activité le négoce de vins, alcools et spiritueux, d'origine française et étrangère.
Pour développer son activité commerciale, elle a conclu avec Monsieur X un contrat d'agent commercial, le 24 juin 2002, portant sur la commercialisation des produits fabriqués ou commercialisés par le mandant.
Ce contrat prévoyait des commissionnements sur l'ensemble des ventes réalisées avec ou sans son intervention sur le secteur géographique exclusif des départements 73-74-01 et en Allemagne.
Monsieur X a vendu au-delà du territoire pour lequel il avait une exclusivité.
A compter de l'année 2011, Monsieur X a commercialisé des produits de la SAS Cocktail Express, spécialisée dans la fabrication et la distribution de bases de préparation de cocktails pour les professionnels.
A compter de l'année 2015, la société Benoit Chapelle a entrepris de lancer une nouvelle activité et de développer sa propre gamme de cocktails.
Par courrier du 4 février 2015, elle a proposé à Monsieur X la régularisation d'un avenant à son contrat, incluant la commercialisation des cocktails Benoit Chapelle, et lui a rappelé les dispositions de l'article L. 134-3 du Code de commerce, interdisant à l'agent commercial la représentation d'une entreprise concurrente de celle de l'un de ses mandants sans l'accord de ce dernier.
Par courrier du 23 mars 2015, Monsieur X a signifié à la société Benoit Chapelle sa décision de résilier le contrat d'agent commercial.
Estimant que des modifications unilatérales étaient apportées à son contrat d'agent commercial, que son mandant avait gravement manqué à ses obligations contractuelles et qu'il était à l'origine de la rupture de ce contrat, Monsieur X, a, par courrier du 15 juillet 2015, réclamé à la société Benoit Chapelle le paiement de tous les arriérés de commissions dus au titre des ventes directes et indirectes réalisées sur l'ensemble du territoire notamment des 20 départements attribués et auprès de la clientèle qui lui était également attribuée, ainsi que de l'indemnité de fin de contrat due au titre de l'article 134-12 du Code de commerce, sur la base du montant de deux années de commissions brutes, calculées sur la moyenne des commissions versées ou qui auraient dû être versées pendant les trois dernières années d'activité sur ce périmètre.
Par acte du 18 janvier 2016, il a fait assigner la société Benoit Chapelle devant le tribunal de commerce de Dijon, selon la procédure à jour fixe, aux fins d'obtenir le paiement d'une indemnité de fin de contrat de 123 447,57 , considérant que la rupture du contrat est intervenue aux torts de sa mandante, ainsi que le paiement d'une somme de 160 000 au titre des frais qu'il a engagés pour la réalisation de prestations dans l'intérêt de celle-ci.
Il sollicitait également l'allocation d'une indemnité de procédure de 5 000 et le bénéfice de l'exécution provisoire.
Le demandeur prétendait que la rupture du contrat était imputable à la société Benoit Chapelle en raison de la modification unilatérale d'un élément essentiel de son contrat, à savoir la restriction de son secteur exclusif de prospection, reprochant à sa mandante de lui avoir imposé la distribution de nouveaux produits, un nouveau contrat désavantageux et un comportement déloyal de vente directe chez ses clients.
Il sollicitait le remboursement des frais de préparation de commandes et de livraisons sur les sites clients avec son véhicule sur le fondement des articles 1372 et 1375 du Code civil.
La société Benoit Chapelle concluait au rejet de l'ensemble des demandes en reprochant à l'agent commercial d'avoir violé les dispositions des articles L. 134-3 et L. 134-4 du Code de commerce, d'avoir manqué à ses obligations contractuelles en refusant de promouvoir la gamme de bases de cocktails qu'elle commercialisait et d'avoir commis des actes de concurrence déloyale et de dénigrement à son encontre.
Elle demandait au tribunal qu'il soit enjoint au demandeur de cesser tout acte déloyal, et en particulier tout dénigrement à son encontre, de cesser d'utiliser les informations confidentielles la concernant, en particulier son fichier clients et ses pratiques tarifaires, et de le condamner à lui payer :
- la somme de 111 360 en réparation de son manque à gagner,
- la somme de 20 000 en réparation des pertes subies,
- la somme de 135 000 en réparation de la désorganisation,
- la somme de 50 000 en réparation de l'atteinte à son image,
- la somme de 60 000 en réparation du trouble commercial,
- la somme de 2 656,27 en réparation du préjudice lié à l'impossibilité de récupérer la TVA,
- la somme de 10 000 en réparation de la procédure abusive,
- la somme de 6 000 en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- les entiers dépens,
le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
La défenderesse faisait valoir qu'aucune exclusivité n'avait été concédée à Monsieur X en dehors du territoire contractuel mentionné dans le contrat d'agent commercial et considérait, qu'en refusant de promouvoir la gamme de bases de cocktails qu'elle commercialisait, il avait commis une violation de son contrat.
Elle lui reprochait, d'autre part, des actes de concurrence déloyale, faisant valoir que, depuis 2012, son chiffre d'affaires avait significativement baissé, depuis que l'intéressé représentait les produits de cocktails asiatiques d'une marque Cocktail Express sans son autorisation, ajoutant que le requérant avait assuré la promotion des vins Vignobles du Chatel durant son préavis et qu'il l'avait par ailleurs dénigrée auprès de ses clients.
Par jugement rendu le 1er décembre 2016, le tribunal a :
- dit que la rupture du contrat d'agent commercial est imputable exclusivement à Monsieur X,
En conséquence,
- débouté Monsieur X de l'ensemble de ses demandes,
- reçu la société Benoit Chapelle en ses demandes reconventionnelles et les a dit partiellement fondées,
En conséquence,
- ordonné à Monsieur X de cesser tout acte déloyal, en particulier tout dénigrement de la société Benoit Chapelle, et lui a enjoint de cesser d'utiliser les informations confidentielles relatives à la société Benoit Chapelle,
- débouté la société Benoit Chapelle de sa demande d'indemnisation au titre de son manque à gagner, de sa demande d'indemnisation en réparation des pertes subies et de sa demande d'indemnisation au titre de la désorganisation,
- condamné Monsieur X à payer à la société Benoit Chapelle la somme de 5 000 pour atteinte à l'image,
- condamné Monsieur X à payer à la société Benoit Chapelle la somme de 10 000 pour trouble commercial,
- condamné Monsieur X à payer à la société Benoit Chapelle la somme de 2 656,27 en réparation du préjudice subi,
- condamné Monsieur X à payer à la société Benoit Chapelle la somme de 3 000 à titre de dommages intérêts pour procédure abusive,
- condamné Monsieur X à payer à la société Benoit Chapelle la somme de 2 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tous cas mal fondées et les en a déboutées,
- condamné Monsieur X en tous les dépens de l'instance.
Après avoir considéré que, bien qu'ayant été amené à toucher des commissions sur des ventes réalisées dans d'autres départements que ceux désignés par le contrat comme son secteur exclusif, les premiers juges ont retenu que Monsieur X n'avait pas l'exclusivité sur ces départements et que la restriction de territoire invoquée par l'agent commercial n'était donc pas établie. Ils ont ensuite estimé que le demandeur ne rapportait pas la preuve d'avoir été lésé dans le versement de commissions, et, qu'ayant refusé de commercialiser la gamme de cocktails produite par la société Benoit Chapelle, en violation de l'article 4 de son contrat, il ne pouvait pas reprocher à sa mandante d'avoir commercialisé directement ces produits auprès de ses clients tout en lui maintenant le versement des commissions associées. Ils ont enfin relevé que, dans son courrier du 23 mars 2015, Monsieur X avait signifié à sa mandante sa décision de résilier le contrat, sans réclamer d'indemnité de rupture, et ils ont déduit de ces éléments que la rupture du contrat était exclusivement imputable à l'agent commercial.
Le tribunal a rejeté la demande de remboursement des frais de préparation et de livraison de commande en relevant que Monsieur X avait assumé ces prestations pendant plus de 10 ans sans réclamation.
Sur la demande reconventionnelle de la société Benoit Chapelle, les premiers juges ont considéré qu'en représentant depuis 2011 les produits de la société Cocktail Express pour la clientèle des restaurants asiatiques de la France métropolitaine sans l'autorisation de la société Benoit Chapelle, et ce, même en l'absence d'exclusivité sur la France entière, Monsieur X s'était comporté de manière déloyale et qu'il avait commis une violation des articles L. 134-3 et L. 134-4 du Code de commerce, l'agent commercial ne démontrant pas que son mandat était restreint à la commercialisation des vins.
Ils ont par ailleurs estimé, qu'en refusant de promouvoir la base de cocktails commercialisée par la société Benoit Chapelle, Monsieur X avait commis une violation de son contrat et qu'il avait également commis une faute grave en ne respectant pas son préavis.
Ils ont en revanche considéré que la société Benoit Chapelle n'apportait pas la preuve que la baisse du chiffre d'affaires réalisée par l'agent commercial était directement imputable à son activité parallèle de distribution de cocktails, qu'elle n'apportait aucun élément au soutien de sa demande de réparation des pertes subies et qu'elle ne pouvait pas se plaindre des conséquences de la désorganisation occasionnée par le départ de Monsieur X alors que son chiffre d'affaires avait augmenté de 26 % en 2015.
Monsieur X a relevé appel de ce jugement, par déclaration reçue au greffe le 2 janvier 2017.
Par ses dernières écritures notifiées le 19 juillet 2017, l'appelant demande à la cour au visa des articles L. 134-1, L. 134-12 et suivants du Code de commerce, 1372 et 1375 du Code civil, de :
- le dire et juger recevable et bien fondé en l'ensemble de ses demandes,
- infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Dijon du 1er décembre 2016 dans toutes ses dispositions, et statuant à nouveau :
- dire et juger que la rupture du contrat d'agent commercial conclu entre lui et la société Benoit Chapelle est imputable à la société Benoit Chapelle,
- condamner la société Benoit Chapelle à lui payer une indemnité compensatrice d'un montant de 123 447,57 ,
- condamner la société Benoit Chapelle à lui payer la somme de 160 000 au titre des frais qu'il a engagés pour la réalisation de prestations dans l'intérêt de la société Benoit Chapelle,
- dire et juger qu'il n'a commis aucun manquement contractuel,
- dire et juger qu'il n'a commis aucune violation des articles L. 134-3 et L. 134-4 du Code de commerce,
- dire et juger qu'il n'a commis aucun acte de concurrence déloyale et de dénigrement à l'encontre de la société Benoit Chapelle,
- dire et juger qu'il n'y a pas de procédure abusive,
- débouter la société Benoit Chapelle de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Benoit Chapelle à lui payer la somme de 10 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées le 29 mai 2017, la SARL Benoit Chapelle demande à la Cour, au visa des articles L. 134-3, L. 134-4, L. 134-13 du Code de Code de commerce, 1134 et 1147 (anciens) du Code civil, 1382 et 1383 (anciens) du Code civil, de :
- confirmer le jugement du 1er décembre 2016 en ce qu'il a :
- dit que la rupture du contrat d'agent est imputable exclusivement à Monsieur X,
- débouté Monsieur X de l'ensemble de ses demandes,
- ordonné à Monsieur X de cesser tout acte déloyal, et en particulier tout dénigrement de la société Benoit Chapelle, et lui a enjoint de cesser d'utiliser les informations confidentielles relatives à cette dernière,
- condamné Monsieur X à lui payer la somme de 2 656,27 en réparation du préjudice subi, lié à l'impossibilité de récupérer la TVA,
- condamné Monsieur X en tous les dépens de l'instance,
- réformer le jugement du 1er décembre 2016 en ce qu'il :
- l'a déboutée de sa demande d'indemnisation au titre de son manque à gagner, de sa demande d'indemnisation en réparation des pertes subies, de sa demande d'indemnisation en réparation de la désorganisation,
- a limité le préjudice lié à l'atteinte à l'image à 5 000 , le trouble commercial à 10 000 , le préjudice lié à la procédure abusive à 3 000 et la condamnation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à 2 000 ,
Et, statuant de nouveau ;
- condamner Monsieur X à lui payer la somme de 111 360 en réparation du manque à gagner,
- condamner Monsieur X à lui payer la somme de 20 000 en réparation des pertes subies,
- condamner Monsieur X à lui payer la somme de 135 000 en réparation de la désorganisation,
- condamner Monsieur X à lui payer la somme de 50 000 en réparation de l'atteinte à l'image,
- condamner Monsieur X à lui payer la somme de 60 000 en réparation du trouble commercial,
- condamner Monsieur X à lui payer la somme de 10 000 en réparation de la procédure abusive,
- condamner Monsieur X à lui payer la somme de 6 000 au titre des frais irrépétibles de première instance, outre le remboursement du coût des sommations interpellatives,
Y ajoutant,
- condamner Monsieur X à lui payer la somme de 8 000 en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,
- le condamner aux entiers dépens d'appel.
Monsieur X a déposés des conclusions d'appelant n° 3 le 3 décembre 2018, veille de la clôture de la procédure, en communiquant une pièce supplémentaire.
La clôture de la procédure a été prononcée le 4 décembre 2018.
Par conclusions d'incident notifiées le 5 décembre 2018, l'intimée a, au visa des articles 15 et 16 du Code de procédure civile, demandé que les conclusions n° 3 et la pièce 32 notifiées tardivement par l'appelant, soient écartées des débats.
Par conclusions en réponse d'incident notifiées le 19 décembre 2018, Monsieur X a conclu au rejet de cette demande, considérant avoir notifié ses conclusions et pièce dans les délais et précisant que ces écritures ne font que reformuler certains arguments pour plus de clarté, sans aucune demande, élément factuel ou argument juridique nouveau.
SUR QUOI
Attendu que l'appelant a attendu la veille de la clôture de la procédure pour communiquer des écritures ajoutant 6 pages aux précédentes, auxquelles il a annexé une pièce supplémentaire aux 31 déjà communiquées, alors qu'il avait conclu le dernier le 19 juillet 2017, en réponse aux écritures de l'intimée notifiées le 29 mai 2017, et que la fixation de l'affaire et la date de l'ordonnance de clôture prévue le 4 décembre 2018 lui avaient été annoncées dès le 30 janvier 2018 ;
Que ces écritures et pièce tardives, auxquelles l'intimée n'a pas été en mesure de répondre, seront écartées des débats et il est référé, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus visées ;
- Sur la résiliation du contrat d'agent commercial
Attendu que l'appelant soutient qu'il a exécuté son mandat d'agent commercial loyalement, pendant les 13 années de sa collaboration avec la société Benoit Chapelle, en prospectant et négociant la vente des vins qu'elle distribue sur le secteur qui lui avait été attribué et en opérant gratuitement la quasi-totalité des livraisons, sans remboursement de ses frais, soulignant que le développement du nombre de clients et du chiffre d'affaires pour le compte de sa mandante a été constant durant toute la relation contractuelle et que la représentation, depuis l'année 2011, des bases de cocktail de la société Cocktail Express a été faite sans objection de la société Benoit Chapelle qui n'avait aucun produit de ce type dans sa gamme ;
Qu'il précise que les difficultés vont apparaître au début de l'année 2015, lorsque l'intimée a décidé de lancer sur le marché des bases de cocktail, exerçant à son égard un véritable chantage en opérant une réduction drastique et immédiate de son territoire à trois départements et en le menaçant de maintenir cette réduction s'il n'accepte pas de signer un nouveau contrat prévoyant qu'il cesse de commercialiser les produits Cocktail Express et qu'il vende ceux de Benoit Chapelle, et le déstabilisant par des manœuvres déloyales visant à le pousser à la rupture ;
Qu'il affirme ainsi que, dans son courrier du 23 mars 2015, il n'a pas eu d'autre choix que de prendre acte de la rupture de son contrat d'agent commercial et que cette rupture est imputable à sa mandante, ce qui lui ouvre droit au paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 134-2 du Code de commerce ;
Qu'il reproche à la société Benoit Chapelle d'avoir modifié un élément essentiel de son contrat en réduisant unilatéralement son secteur à compter du début de l'année 2015, passant de 20 départements à 3, faisant grief aux premiers juges d'avoir occulté cette réduction de secteur en se référant exclusivement au contrat sans tenir compte de l'étendue du secteur sur laquelle il a exercé son activité pendant 12 ans, à savoir le grand Est de la France ;
Qu'il argue également du chantage exercé par sa mandante pour lui faire signer un nouveau contrat très défavorable, intégrant la commercialisation des cocktails de la gamme Benoit Chapelle, prévoyant un secteur de commercialisation réduit à six départements et non exclusif sur lequel il pouvait être concurrencé par le mandant ou d'autres agents commerciaux sans commissionnement, une clause de non-concurrence post-contrat d'une durée de deux ans et son acceptation de livrer les commandes sans pouvoir prétendre à aucune rémunération ;
Qu'il souligne, qu'en cas de refus de ce nouveau contrat, l'intimée lui avait indiqué qu'elle maintiendrait son secteur d'activité à trois départements ;
Qu'enfin, il se prévaut du comportement déloyal et illégal de la société Benoit Chapelle suite à son refus de signer le nouveau contrat, lui reprochant d'être intervenue directement chez ses clients, par la prise de contacts et de commandes, et d'avoir tenu des propos dénigrants à son égard auprès des clients, cherchant ainsi à porter atteinte à sa crédibilité pour le déstabiliser ;
Attendu que la société Benoit Chapelle objecte que Monsieur X avait pour mission la représentation des vins de la société mais également les autres produits, tels que la bière, les liqueurs et les bases de cocktails qu'elle commercialise, comme le Me kuei lu chew que l'appelant a effectivement commercialisé ;
Qu'elle considère que l'agent commercial est à l'origine de la rupture du contrat et qu'il n'a pas été contraint à rompre les relations contractuelles en faisant valoir qu'il n'y a eu aucune restriction de son secteur puisqu'il a conservé le secteur des trois départements prévu par le contrat et qu'il n'a jamais eu d'exclusivité sur les vingt départements qu'il revendique, même si elle admet qu'il a pu conclure des affaires hors secteur, avec son accord, et en ajoutant qu'il n'y a pas eu de réduction de ses commissions et qu'il n'a pas subi de pertes jusqu'au terme du préavis ;
Qu'elle estime que Monsieur X tente d'instrumentaliser la proposition d'avenant qu'elle lui avait faite, pour éviter ses reproches relatifs à la représentation non autorisée de produits concurrents, précisant que son projet de développement de la gamme de bases de cocktails était en gestation depuis les années 2008/2009, que les produits représentés par l'agent sont bien des produits concurrents puisqu'il s'agissait de boissons alcoolisées proposées par les cartes de restaurants chinois et qu'il n'est nullement établi qu'elle avait connaissance de la commercialisation par l'appelant des produits Cocktails Express et qu'elle l'avait autorisée ;
Qu'elle fait enfin valoir que Monsieur X a refusé de faire la promotion de sa gamme de bases de cocktails car le contrat qui le liait à Cocktails Express comportait une clause de non concurrence durant le contrat et les deux années suivant sa cessation, sous peine de devoir la somme de 1000 par jour à sa mandante, et que ce refus aurait pu justifier la rupture du contrat à ses torts ;
Qu'elle souligne que le projet de protocole envisagé à la suite de la rupture du contrat pour réduire la durée du préavis démontre que le différent provenait bien du refus par Monsieur X de représenter la totalité de la gamme des produits Benoit Chapelle et non d'une modification unilatérale du contrat d'agent commercial à l'initiative de la mandante ;
Attendu que, selon les dispositions de l'article L. 134-12 du Code de commerce, " en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi " ;
Que l'article L. 134-13 du même Code précise que " la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :
2° La cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée " ;
Attendu que, par courrier du 23 mars 2015, Monsieur X a, conformément aux dispositions du contrat d'agent commercial signé le 24 juin 2002, signifié à la société Benoit Chapelle sa décision de procéder à la résiliation du contrat qui les liait, en respectant le préavis mentionné à l'article 10 dudit contrat ;
Qu'en premier lieu, l'agent commercial qui est à l'initiative de la cessation du contrat justifie cette rupture par la réduction de son secteur d'activité ;
Que les premiers juges ont justement relevé que le contrat d'agent commercial stipulait que l'agent exercerait son mandat dans un secteur géographique incluant les départements 73-74 et 01 (Allemagne) et que, s'il a pu conclure des ventes en dehors de ce secteur, il n'avait aucune exclusivité sur les autres départements, la carte des secteurs commerciaux qu'il verse aux débats n'ayant aucune valeur probante dès lors que rien ne démontre que ce document a été établi par la société Benoit Chapelle, le témoignage de Monsieur Y, qui affirme avoir lui-même élaboré la carte, établissant le contraire ;
Que c'est par de justes motifs que la Cour adopte que le tribunal a considéré que le maintien par la mandante du secteur d'activité de l'agent tel que prévu au contrat jusqu'à son positionnement sur la proposition d'avenant, résultant de son courrier du 4 février 2015, ne constituait pas une restriction de son territoire, alors que lui était également maintenu l'ensemble des représentations de la société auprès de la clientèle déjà acquise, ce qui ne lui faisait pas perdre le bénéfice de commissions ;
Attendu, qu'en second lieu, Monsieur X justifie la rupture du contrat par le chantage exercé par sa mandante pour lui faire signer un nouveau contrat très défavorable, intégrant la commercialisation des bases de cocktails de la gamme Benoit Chapelle ;
Que l'appelant a toutefois pu refuser la signature de l'avenant proposé par la société Benoit Chapelle, qu'il considérait comme contraire à ses intérêts, en demandant à revenir au contrat du 24 juin 2002, ce qui a été accepté par la mandante qui a cependant exigé qu'il commercialise sa nouvelle gamme de bases de cocktails, conformément à l'article 4 du contrat prévoyant que le mandat porte sur l'ensemble des produits fabriqués ou distribués par le mandant ;
Que Monsieur X ne peut donc ainsi justifier la rupture du contrat dont il avait lui-même sollicité le maintien ;
Attendu que l'appelant se prévaut enfin du comportement déloyal de la société Benoit Chapelle suite à son refus de signer le nouveau contrat, et des manœuvres de la mandante visant à le déstabiliser, notamment en intervenant directement chez ses clients et en tenant des propos dénigrants à son égard ;
Que si les pièces produites révèlent que l'intimée a livré des bases de cocktails et des vins à des clients relevant du secteur géographique de son agent commercial, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que Monsieur X, qui avait refusé de commercialiser la nouvelle gamme de produits de la société Benoit Chapelle, ne pouvait lui reprocher ces livraisons, alors qu'il était démontré qu'il avait été commissionné sur l'ensemble de ces livraisons ;
Que, par ailleurs, les propos dénigrants reprochés à l'intimé ne sont établis par aucun des éléments du dossier ;
Que c'est donc à bon droit que le tribunal a jugé que la résiliation du contrat d'agent commercial était exclusivement imputable à Monsieur X et qu'il a débouté celui-ci de sa demande en paiement de l'indemnité compensatrice prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce, le jugement entrepris méritant confirmation de ces chefs ;
- Sur la demande en paiement des frais exposés par l'agent commercial
Attendu que, se fondant sur les dispositions des articles 1372 et 1375 du Code civil, l'appelant prétend avoir réalisé, en dehors de sa mission de représentation, des opérations supplémentaires dans l'intérêt de la société Benoit Chapelle et notamment la préparation des commandes à partir des entrepôts de Beaune et les livraisons sur le site des clients avec son véhicule, pour lesquelles il n'a perçu aucune rémunération et n'a pas été remboursé de ses frais ;
Qu'il sollicite le remboursement de ces frais exposés durant 8 années, sur la base d'une indemnité kilométrique de 0,4 et du nombre de kilomètres parcourus annuellement avec son véhicule (50 000) ;
Attendu que l'intimée objecte que les frais correspondant aux interventions des commerciaux, en particulier ceux afférents à la livraison des produits aux clients, ont toujours été inclus dans les commissions de l'agent commercial, soulignant que Monsieur X n'a jamais sollicité le remboursement de ces frais pendant plus de dix ans, de sorte que sa demande est atteinte par la prescription ;
Qu'elle précise que, lorsque l'appelant ne faisait pas les livraisons lui-même et qu'il les confiait à un transporteur, il déduisait les frais de transport de sa commission, ce qui démontre que les commissions incluaient les frais exposés par l'agent commercial ;
Attendu que la demande en paiement formée par Monsieur X est irrecevable pour cause de prescription en ce qui concerne les frais exposés antérieurement au 18 janvier 2011 et le jugement sera partiellement infirmé en ce qu'il a débouté intégralement le demandeur de cette prétention ;
Que, s'agissant des frais postérieurs, il ressort du témoignage de Monsieur M., agent commercial de la société Benoit Chapelle, que le mandat d'agent commercial incluait la livraison des marchandises ou leur expédition aux frais de l'agent, ce que confirme la pratique adoptée par l'appelant qui déduisait les frais de livraison de ses commissions lorsqu'il avait recours à un prestataire ;
Qu'ainsi que l'a exactement retenu le tribunal, les livraisons de commandes participent au développement des relations commerciales et satisfont aux intérêts communs du mandant et de l'agent ;
Que le jugement mérite ainsi confirmation en ce qu'il a débouté Monsieur X de sa demande en paiement des frais exposés pour la période postérieure au 17 janvier 2011 ;
- Sur l'indemnisation de la concurrence déloyale
Attendu que la société Benoit Chapelle reproche à l'appelant d'avoir contrevenu aux dispositions des articles L. 134-3 et L. 134-4 du Code de commerce en représentant des bases de cocktails pour le compte d'une société concurrente, la société Cocktail Express ;
Qu'elle précise que, contrairement à ce qu'affirme Monsieur X, elle commercialise non seulement des vins mais également des bières, des liqueurs, des digestifs et des bases de cocktails, et que l'agent commercial était chargé de commercialiser l'ensemble de ces produits et pas seulement les vins ;
Qu'elle indique que le caractère concurrent des produits Cocktail Express est indiscutable, notamment à l'égard de sa base de cocktail Mei kuei lu chiew mais également de la crème de cassis ;
Qu'elle conteste avoir eu connaissance de cette activité concurrente et l'avoir autorisée, ce que l'appelant ne démontre pas ;
Qu'enfin, elle prétend que la violation des articles L. 134-3 et L. 134-4 du Code de commerce s'est accompagnée d'une divulgation à la concurrence d'éléments confidentiels, notamment des fichiers clients, d'une confusion opérée dans l'esprit de la clientèle sur l'origine des bases de cocktails et d'un dénigrement de ses produits ;
Attendu que Monsieur X conteste avoir manqué à ses obligations contractuelles, considérant que sa représentation des produits Cocktail Express était licite puisqu'il n'a jamais représenté ni été commissionné sur des produits concurrents de ceux qu'il représentait pour sa mandante, les produits Cocktail Express n'étant pas concurrents à ceux produits par la société Benoit Chapelle qui ne produisait pas de base de cocktail en 2011 ;
Qu'il ajoute qu'il ne représentait que les vins de la société Benoit Chapelle, qui n'apporte aucune preuve de son activité sur d'autres marchés que celui de la vente des vins, lesquels ne sont pas des produits concurrents aux cocktails ;
Qu'il souligne que la société Benoit Chapelle était parfaitement au courant de son mandat de représentation des produits Cocktail Express ;
Attendu que, selon l'article L. 134-3 du Code de commerce, l'agent commercial peut accepter sans autorisation la représentation de nouveaux mandants mais il ne peut accepter la représentation d'une entreprise concurrente de celle de l'un de ses mandants sans accord de ce dernier ;
Que Monsieur X reconnaît avoir commercialisé auprès des clients de la société Benoit Chapelle des bases de préparation pour cocktails pour le compte de la société Cocktail Express à compter de l'année 2011 ;
Que, contrairement à ce qu'il affirme, la société Benoit Chapelle commercialisait, avant l'année 2011, des produits relevant de cette catégorie tels que le Mei kuei lu chiew, ainsi qu'elle en justifie par la production de catalogues de produits et factures constituant ses pièces 2, 6, 8, 27 et 28 ;
Que, par ailleurs, Monsieur X n'était pas chargé exclusivement de la commercialisation des vins pour le compte de la société Benoit Chapelle, ainsi que le démontrent son contrat d'agent commercial qui vise les produits fabriqués ou distribués par le mandant, l'extrait kbis de la société Benoit Chapelle et les pièces 6, 8, 28, 29 et 30 de l'intimée ;
Que l'agent commercial ne démontre pas qu'il disposait d'une autorisation de sa mandante pour commercialiser les bases de cocktails Cocktail Express ;
Que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont considéré qu'en représentant depuis 4 ans les produits concurrents de la société Cocktail Express, Monsieur X avait contrevenu aux dispositions légales susvisées, commettant ainsi un acte de concurrence déloyale ;
Attendu que l'intimée fait également grief à Monsieur X d'avoir, de la même manière, représenté les vins concurrents de la société Vignobles du Chatel durant l'exécution de son préavis, ce que conteste l'appelant ;
Qu'il ressort cependant des pièces de la société Benoit Chapelle que le tarif des vins de la société Vignobles du Chatel en date du 30 mars 2015 comporte le numéro de téléphone portable de Monsieur X, que le courrier électronique adressé le 5 juin 2015 par la société les Vignobles du Chatel à W indique que X est son agent, et que Monsieur X lui-même écrit le 8 juin 2015 à W qu'il représente la marque Suntime, commercialisée par la société les Vignobles du Chatel ;
Qu'ainsi que l'a justement considéré le tribunal, il s'agit également d'actes de concurrence déloyale ouvrant droit à indemnisation au profit de la mandante ;
Attendu que, pas plus à hauteur d'appel qu'en première instance, la société Benoit Chapelle n'apporte la preuve du manque à gagner dont elle sollicite l'indemnisation, aucune des pièces qu'elle produit ne démontrant que la baisse de chiffre d'affaires réalisé par M. G. entre les années 2013 et 2015 est directement imputable à son activité concurrente ;
Que la société intimée prétend, sans que cette affirmation ne soit étayée par le moindre élément de preuve, qu'elle a perdu certains clients en raison des agissements déloyaux de son agent et qu'elle a accordé des remises à d'autres en raison des propos dénigrants tenus par ce dernier ;
Que, comme l'a justement relevé le tribunal, la désorganisation invoquée par l'intimée au soutien de sa demande de dommages intérêts n'est à l'origine d'aucun préjudice puisque le chiffre d'affaires global de la société a augmenté de 26 % en 2015, son bénéfice redevenant positif ;
Que le jugement mérite ainsi confirmation en ce qu'il a débouté la société Benoit Chapelle de ses demandes indemnitaires formées au titre du manque à gagner, des pertes subies et de la désorganisation ;
Qu'il mérite également confirmation en ce qu'il a indemnisé l'atteinte à l'image de la société Benoit Chapelle causée par les agissements déloyaux de Monsieur X à hauteur de 5 000 ainsi que le préjudice résultant de l'impossibilité de récupérer la TVA du fait de la non-transmission par l'agent des factures de commission des mois de juin à décembre 2015, à hauteur de 2 656,27 ;
Attendu, en revanche, que le trouble commercial dont l'intimée sollicite réparation n'est aucunement caractérisé ;
Qu'au soutien de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive, la société Benoit Chapelle ne justifie d'aucun préjudice distinct de celui résultant de la nécessité de défendre ses intérêts en justice, lequel sera réparé dans le cadre de l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Qu'infirmant le jugement entrepris, l'intimée sera déboutée de ses demandes indemnitaires formées au titre du trouble commercial et de la procédure abusive ;
Attendu que l'appelant qui succombe principalement supportera la charge des dépens de première instance et d'appel, ainsi que celle de l'indemnité de procédure allouée à la société Benoit Chapelle par les premiers juges ;
Qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties la charge de ses frais de procédure non compris dans les dépens exposés en cause d'appel ;
Par ces motifs : LA COUR, Déclare Monsieur X recevable en son appel principal, Déclare la SARL Benoit Chapelle recevable en son appel incident, Ecarte des débats les conclusions n° 3 et la pièce n° 32 notifiées le 3 décembre 2018 par l'appelant, Confirme le jugement rendu le 1er décembre 2016 par le Tribunal de commerce de Dijon en ce qu'il a : - dit que la rupture du contrat d'agent commercial est exclusivement imputable à Monsieur X, - débouté Monsieur X de sa demande en paiement de l'indemnité compensatrice prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce, - débouté Monsieur X de sa demande en paiement des frais qu'il a exposés durant la période postérieure au 17 janvier 2011, - ordonné à Monsieur X de cesser tout acte déloyal, en particulier tout dénigrement de la société Benoit Chapelle, et lui a enjoint de cesser d'utiliser les informations confidentielles relatives à la société Benoit Chapelle, - débouté la société Benoit Chapelle de sa demande d'indemnisation au titre de son manque à gagner, des pertes subies et de la désorganisation, - condamné Monsieur X à payer à la société Benoit Chapelle la somme de 5 000 pour atteinte à son image, - condamné Monsieur X à payer à la société Benoit Chapelle la somme de 2 656,27 à titre de dommages intérêts au titre de l'impossibilité de récupérer la TVA sur les factures de commissions, - condamné Monsieur X à payer à la société Benoit Chapelle la somme de 2 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de l'instance, L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau, - déclare irrecevable pour cause de prescription la demande en paiement de Monsieur X portant sur les frais qu'il a exposés antérieurement au 18 janvier 2011, - déboute la société Benoit Chapelle du surplus de ses demandes indemnitaires, Y ajoutant, Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, Condamne Monsieur X aux dépens d'appel et dit que les dépens pourront être recouvrés directement conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, par Me Soulard, avocat, pour ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision.