Cass. com., 20 février 2019, n° 17-21.861
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Ferrari South West Europe (SARL), Ferrari Spa (Sté)
Défendeur :
Rafoni (ès qual.), Stradale automobile (SAS), Bertholet (ès qual.), Misslin
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Poillot-Peruzzetto
Avocats :
Me Rémy-Corlay, SCP Gatineau, Fattaccini
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 mai 2017), qu'assignées par la société Stradale automobile (la société Stradale) en responsabilité contractuelle sur le fondement des articles 1134, 1147 et 1184 du Code civil, devant le tribunal de commerce de Nanterre, les sociétés Ferrari South West Europe et Ferrari Spa (les sociétés Ferrari) ont conclu au vu des articles 1134 du Code civil et L. 442-6 du Code de commerce ; que la cour d'appel de Versailles ayant déclaré irrecevable l'appel formé par la société Stradale, cette dernière, Mme Rafoni, en qualité de mandataire judiciaire de cette société, et la Selarl de Saint-Rapt, en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de cette même société, ont relevé appel devant la cour d'appel de Paris le 15 octobre 2015 ; que les sociétés Ferrari ayant contesté la recevabilité de l'appel, le conseiller de la mise en état a dit l'appel recevable ;
Attendu que les sociétés Ferrari font grief à l'arrêt, statuant sur déféré, de déclarer l'appel recevable alors, selon le moyen : 1°) qu'en application des articles L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce, seuls les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions du premier degré spécialement désignées sont portés devant la cour d'appel de Paris ; qu'en déclarant recevable l'appel interjeté devant la cour d'appel de Paris le 15 octobre 2015, par la société Stradale automobile, M. Dominique Rafoni et la société Saint-Rapt-Bertholet, contre le jugement rendu le 8 février 2012 par le tribunal de commerce de Nanterre, alors que ce dernier ne figure pas parmi les juridictions du premier degré spécialement désignées par l'article D. 442-3, la cour d'appel a violé les articles L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce, ensemble l'article R. 311-3 du Code de l'organisation judiciaire ; 2°) que tout jugement doit être motivé et que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que dans leurs conclusions d'appel, les sociétés Ferrari South West Europe et Ferrari Spa soutenaient que constituait un comportement contraire au principe de l'Estoppel le fait, pour la société Stradale automobile, de soutenir devant la cour d'appel de Paris que son appel était recevable, alors même qu'elle avait soutenu exactement l'inverse devant la cour d'appel de Versailles, sans qu'aucune circonstance de fait ou de droit ne vienne expliquer ce changement de position ; qu'en écartant la méconnaissance du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que par plusieurs arrêts rendus le 29 mars 2017 (pourvois n° 15-17.659, 15 24.241 et 15-15.337), la Chambre commerciale, financière et économique, amendant sa jurisprudence selon laquelle la cour d'appel de Paris était seule investie du pouvoir juridictionnel de statuer sur les recours formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce, même lorsqu'elles émanaient de juridictions non spécialement désignées par l'article D. 442-3 du même Code, a jugé qu'en application des articles L. 442-6, III et D. 442-3 du Code de commerce, seuls les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions du premier degré spécialement désignées relevaient de la cour d'appel de Paris ;
Que l'arrêt attaqué, se conformant à la jurisprudence ancienne, retient la recevabilité de l'appel, formé le 15 octobre 2015 par la société Stradale, Mme Rafoni, ès qualités, et la Selarl de Saint-Rapt, ès qualités ;
Que l'application, à la présente instance, de la règle issue du revirement de jurisprudence, qui conduirait à retenir l'irrecevabilité de l'appel formé devant la cour d'appel de Paris, aboutirait à priver la société Stradale, qui ne pouvait ni connaître, ni prévoir, à la date à laquelle elle a exercé son recours, la nouvelle règle jurisprudentielle limitant le pouvoir juridictionnel de la cour d'appel de Paris, d'un procès équitable, au sens de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; que la censure de l'arrêt n'est, dès lors, pas encourue ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.