CA Amiens, ch. économique, 21 février 2019, n° 16-05804
AMIENS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Scauda (SARL)
Défendeur :
Pataroye (SARL), GM Developpement (SAS), Expansion Little Big Jack (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Présidents :
Mme Grandjean, Conseillers : Mmes Grevin, Paulmier Cayol
Avocats :
Mes Favre, Frison, Le Roy, Ducom
Décision
La SAS Expansion Little Big Jack et la SARL Pataroye gérée par MM. L. et D. qui exploitait alors un restaurant sous une enseigne franchisée la Pataterie se sont rapprochées afin que cette dernière change d'enseigne et adopte un concept de restauration américaine accompagnée d'une décoration de salle de style vintage proposé par la première, dans le cadre d'un contrat de licence.
Des négociations ont été entamées entre les parties ; la SARL Pataroye a réaménagé ses locaux et a investi dans du nouveau matériel. Le restaurant de la SARL Pataroye a ouvert le 7 janvier 2016. Toutefois, le mois suivant, cette dernière société a décidé de cesser toute relation contractuelle avec la société Expansion L.B. Jack faisant valoir que son accompagnement dans le cadre du projet en cause avait été quasi inexistant. Elle reprochait également à la société Expansion L.B. Jack son manque de sérieux notamment en lui faisant parvenir tardivement, en décembre 2015, un document d'information pré contractuelle ne correspondant pas aux conditions discutées à l'occasion des négociations. La SARL Pataroye a continué à exploiter le restaurant dans les locaux transformés sous l'enseigne Garrett M., donnant par la suite naissance à un réseau d'établissements de la marque Garrett Meals American Grill géré par la société GM Développement.
C'est dans ces circonstances que la SAS Expansion Little Big Jack a assigné la SARL Pataroye, la SAS GM Développement ainsi que MM. L. et D. devant le tribunal de commerce d'Amiens aux fins de les voir condamnés à payer diverses sommes au titre de la rupture du contrat de licence et à titre de dommages et intérêts pour actes de parasitisme économique. Elle demandait par ailleurs que soit ordonné le retrait du mobilier du restaurant ainsi que toute référence au style L.B. Jack.
La SAS Expansion Little Big Jack a également assigné la société LBJR Scauda dirigée par M. R. pour avoir également brutalement rompu en mars 2016 les négociations tendant à ce que cette dernière adhère au réseau L.B. Jack suite à l'acquisition d'un fonds de commerce par la société LBJR Scauda dans le cadre d'une procédure collective au mois de décembre 2015.
Par un jugement du 8 novembre 2016, le tribunal de commerce d'Amiens a :
- mis hors de cause MM. L., D. et R.,
- ordonné à la société P. ainsi qu'à la société LBJR Scauda sous astreinte de 200 par jour de retard, passé quatre mois à compter de la signification du jugement de procéder au retrait du mobilier propre à l'enseigne L.B. Jack et de cesser toute exploitation des agencements et du concept architectural tels que définis dans le cahier technique et architectural, et plus généralement, de procéder à toute modification complémentaire spécifique du restaurant afin de prévenir toute association ou ressemblance avec un restaurant sous l'enseigne du réseau Little B. Jack et susceptible d'entretenir de quelque manière que ce soit dans l'esprit du public, une confusion entre son exploitation et celle d'un restaurant de ce réseau, cesser l'utilisation des recettes et de la carte de ce réseau, cesser de faire référence à la marque appartenant à la société Expansion L.B. Jack, de cesser de se présenter ou de se prévaloir de la qualité de licencié ou d'ancien licencié du réseau L.B. Jack, cesser l'usage de tout document ou support de la marque, modifier son inscription dans les annuaires, faire disparaître du site toute référence à la marque, cesser toute utilisation des signes distinctifs Little B. Jack, procéder à la modification de la dénomination sociale de la société LBJR Scauda qui utilise les initiales de L.B. Jack,
- condamné les sociétés P. et GM Développement à payer à la société Expansion L.B. Jack les sommes de 50 000 à titre de dommages et intérêts pour parasitisme économique et 5 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société LBJR Scauda à payer à la société Expansion L.B. Jack les sommes de 10 000 à titre de dommages et intérêts pour parasitisme économique et 2 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné les défendeurs in solidum aux entiers dépens,
- ordonné l'exécution provisoire des mesures de cessation mais pas des condamnations.
La SARL Pataroye, la SAS GM Développement ainsi que MM. L. et D. ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 14 novembre 2016.
La société Scauda et M. R. ont à leur tour relevé appel de cette décision par déclaration du 19 novembre 2016.
Les deux procédures ont été jointes.
Par ordonnance du 13 mars 2017, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d'appel des sociétés P. et GM Développement pour non respect du délai imparti à l'article 908 du Code de procédure civile et a ordonné la disjonction des procédures.
Par une ordonnance du 10 octobre 2017, le conseiller de la mise en état a rejeté les demandes de caducité de la déclaration d'appel de la société Scauda et de monsieur R. et de radiation de l'appel.
Aux termes de leurs dernières conclusions du 29 novembre 2017, la société Scauda et M. R. demandent à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a jugé l'absence de rupture abusive des pourparlers ayant pu exister entre les parties,
- de condamner la SAS Expansion Little Big Jack à lui payer une somme de 30 000 en réparation des préjudices subis du fait du retard important dans l'exploitation de son fonds de commerce,
- de condamner la SAS Expansion Little Big Jack à lui payer la somme de 8 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel,
- de condamner la SAS Expansion Little Big Jack à payer à M. R. une somme de 4 500 au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel,
- de condamner la SAS Expansion Little Big Jack aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Les appelants reprochent à la SAS Expansion Little Big Jack de ne pas avoir respecté ses engagements dans le cadre des pourparlers, notamment les calendriers des travaux. Ils soulignent qu'aucune rupture abusive tardive ou brutale des pourparlers ne peut leur être reprochée.
Ils soutiennent qu'ils n'ont eu aucun comportement parasitaire ni aucun acte de concurrence déloyale. Ils font valoir que de nombreux restaurants utilisent le style américain 'vintage'.
Ils soulèvent l'irrecevabilité de la demande de condamnation envers M R., ce dernier n'ayant pas agi à titre personnel.
Aux termes de leurs dernières conclusions du 16 juillet 2018, la SARL Pataroye, la SAS GM Développement ainsi que MM. L. et D. demandent à la cour :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a estimé qu'aucun contrat de Licence de marque n'avait été conclu entre la SAS Expansion Little Big Jack et la SARL Pataroye,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que la SARL Pataroye et la SAS GM Développement avaient commis des actes de parasitisme à l'encontre de la SAS Expansion Little Big Jack, le confirmer en ce qu'il a mis hors de cause MM. L. et D. au titre d'une complicité personnelle,
- de débouter la SAS Expansion Little Big Jack et M. P. (sic) de l'intégralité de leurs demandes,
- de condamner la SAS Expansion Little Big Jack à payer à la SARL Pataroye 40 000 de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi sur le fondement de l'article 1240 du Code civil,
- de condamner la SAS Expansion Little Big Jack à payer à la SARL Pataroye et à la SAS GM Développement la somme de 15 000 au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- de condamner la SAS Expansion Little Big Jack à payer à MM. L. et D. la somme de 7 000 au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- de condamner la SAS Expansion Little Big Jack aux dépens.
La SARL Pataroye, ses gérants et la SAS GM Développement rappellent les circonstances qui ont déterminé la SARL Pataroye exploitant un restaurant sous la franchise la Pataterie à changer d'enseigne suite au démarchage opéré par la société Expansion L.B. Jack. Ils précisent qu'ils ont toutefois refusé de donner suite aux pourparlers en raison du manque de sérieux de cette dernière société, au regard de l'absence de formation de ses salariés pourtant promise et en raison de la transmission tardive du document d'information pré contractuelle alors que le restaurant devait ouvrir ses portes au public en janvier 2016. Ils rappellent en outre la frilosité des banques à financer le projet.
Ils soutiennent qu'aucun contrat de licence n'a été conclu entre les parties qui n'en étaient qu'à la phase des pourparlers au moment de la rupture des relations. Ils précisent que la signature du contrat était prévue le 21 janvier 2016, qu'ils n'ont jamais accepté l'offre ni signé ou exécuté le contrat. Ils notent l'absence de document contractuel écrit contrairement à la volonté initiale des parties.
A titre subsidiaire, ils soulèvent la nullité du contrat pour vice du consentement. Ils soulignent que le document pré contractuel a été transmis trop tardivement et que les délais de l'article L. 330-3 alinéa 4 du Code de commerce n'ont pas été respectés.
Ils soutiennent qu'il ont rompu légitimement les pourparlers eu égard à la perte de confiance mutuelle entre les parties. Ils ajoutent que la SARL Pataroye n'a commis aucune manœuvre frauduleuse et n'a eu aucune intention de nuire aux intérêts de la société Little Big Jack.
Ils font valoir que la SARL Pataroye a toutefois opéré de nombreux changements et fait face d'importants investissements d'où son choix de maintenir le style américain du restaurant. Ils rappellent le principe de la liberté d'entreprendre.
Ils contestent avoir commis des actes de parasitisme et font valoir que les restaurants Little Big Jack n'ont pas de concept propre ou innovant comme cela avait pourtant été présenté lors des négociations. Ils font valoir que les éléments mobiliers et d'architecture des restaurants ne sont pas originaux.
Ils soutiennent en outre que le style utilisé par le restaurant Garrett Meals est bien distinct de celui utilisé par les établissements Little Big Jack.
Ils soutiennent que la SARL Pataroye a subi un préjudice du fait du comportement de la SAS Expansion Little Big Jack qui l'a contrainte à exploiter un nouveau concept dans la précipitation. Ils ajoutent que l'exécution du jugement du tribunal de commerce d'Amiens l'a amenée à effectuer des travaux engendrant des coûts supplémentaires. Ils indiquent que la SAS Expansion Little Big Jack a tenté délibérément de porter atteinte à la marque Garrett M..
Aux termes de ses dernières conclusions du 8 février 2018, la SAS Expansion Little Big Jack demande à la cour :
- de déclarer irrecevables les conclusions d'appelant et récapitulatives de la société Scauda et de M. R. qui ont été déposées dans une autre procédure, le numéro de RG ne correspondant pas à celui de la présente procédure, après la disjonction ordonnée par le conseiller de la mise en état,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a considéré :
* qu'il n'existait aucun contrat de licence de marque entre les sociétés Expansion L.B. Jack et P.,
* qu'il n'y avait pas de complicité des sociétés GM Développement et L. Scauda dans la violation par la société P. de ses obligations,
* qu'il n'y avait pas eu de rupture brutale des pourparlers de la part de la société P., ni de la part de la société LBJR Scauda,
- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société P. pour acte de concurrence parasitaire mais l'infirmer en ce qu'il a limité la condamnation à 50 000 ,
- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné solidairement la société GM Développement avec la société P. à réparer le préjudice de l'intimée mais l'infirmer dans la mesure où il ne s'est pas prononcé sur la complicité de la société LBJR Scauda,
- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société LBJR Scauda pour actes de concurrence parasitaires mais l'infirmer en ce qu'il a prononcé une condamnation de seulement 10 000 ,
- de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages et intérêts des sociétés P. et L. Scauda,
statuant à nouveau,
- de juger que le contrat de licence de marque est résilié aux torts exclusifs de la société P. au 26 février 2016,
- de condamner la société P. à lui payer les sommes suivantes:
* 24 000 TTC au titre du droit d'entrée,
* 13 744,16 TTC au titre des redevances de marques impayées,
* 15 600 TTC due au titre de la formation initiale,
- d'ordonner à la société P. sous astreinte judiciaire de 200 par jour de retard passé un délai de 2 mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir de :
* procéder au retrait du mobilier propre à l'enseigne Little B. Jack,
* cesser toute exploitation des agencements et du concept architectural tels que définis dans le cahier technique et architectural,
* procéder à toute modification complémentaire spécifique du restaurant afin de prévenir toute association ou ressemblance avec un restaurant sous l'enseigne du réseau Little B. Jack et susceptible d'entretenir de quelque manière que ce soit dans l'esprit du public une confusion entre son exploitation et celle d'un restaurant exploitant sous l'enseigne Little B. Jack,
* cesser l'utilisation des recettes et de la carte propre au réseau L.B. Jack,
* cesser de faire référence à la marque comme aux droits de propriété intellectuelle appartenant à la société Expansion L.B. Jack,
* cesser de se présenter ou se prévaloir de la qualité de licencié ou d'ancien licencié du réseau L.B. Jack,
* cesser l'usage de tout document ou support comportant tout signe distinctif utilisant ou reproduisant la marque Little B. Jack,
* modifier son inscription dans les annuaires,
* faire disparaître du site de tout tiers toute référence à la marque Little B. Jack y compris si celle ci résulte de techniques de référencement naturel ou est le fait de tiers,
* cesser immédiatement toute utilisation de quelque manière et à quelque titre que ce soit, des signes distinctifs Little B. Jack ainsi que de tous logos, emblèmes, posters, affiches et de tous les éléments publicitaires, promotionnels ou de communication reproduisant la marque ou simplement distinctifs et liés à l'image de la marque ; et en particulier des matériels documents ou articles portant la marque,
* restituer les spécifications, la charte graphique et le cahier technique et architectural ainsi que les supports de formation à la société Expansion L.B. Jack ainsi que tous tirages ou impressions qu'elle aurait pu utiliser à quelque titre que ce soit, ou procéder à leur destruction,
- de condamner la société P. à lui payer les sommes suivantes:
* 463 476,09 TTC sauf à parfaire au titre de la perte de redevances jusqu'au terme du contrat de licence de marque,
* 40 000 TTC en réparation du préjudice subi du fait de la violation par la société P. de ses obligations de non concurrence et de non affiliation post contractuelles,
* 100 000 sauf à parfaire au titre de l'atteinte à l'image de marque Little B. Jack,
* 30 000 sauf à parfaire au titre du préjudice commercial subi par cette dernière,
- de condamner solidairement les sociétés GM Développement et L. Scauda à lui payer avec la société P. une somme de 100 000 au titre de la tierce complicité dans la violation par la société P. de ses obligations de non concurrence et de non affiliation post contractuelles et de cessation des signes distinctifs,
à titre subsidiaire,
- de condamner la société P. à lui payer la somme de 64 000 en réparation de son préjudice liée aux fautes commises à l'occasion des pourparlers,
- de condamner solidairement la société P. et les sociétés GM Développement et L. Scauda à lui payer la somme de 200 000 en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence parasitaire, et ordonner les mêmes cessations et retraits que ceux demandés à titre principal,
- de débouter la société P. de sa demande de 40 000 à titre de dommages et intérêts,
- d'ordonner à la société LBJR Scauda sous astreinte judiciaire de 200 par jour de retard passé un délai de 2 mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir les mêmes cessations et retraits susvisés outre de procéder à la modification de sa dénomination sociale et de son enseigne auprès du greffe du tribunal de commerce de Compiègne,
- de condamner la société LBJR Scauda à lui payer une somme de 10 000 sauf à parfaire au titre de la rupture brutale des pourparlers, ainsi qu'à une somme de 75 000 au titre de l'atteinte à l'image de marque Little B. Jack,
- de débouter la société LBJR Scauda de sa demande de 30 000 à titre de dommages et intérêts,
en tout état de cause,
- d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir sur les sites www. toute la franchise. com et www. observatoiredelafranchise. fr et des encarts dans les revues Franchise magasine, l'Officiel de la franchise, Néorestauration et l 'Auvergnat de Paris aux frais des sociétés P., GM Développement et L. Scauda pour un montant n'excédant pas 5 000 HT,
- de condamner solidairement les sociétés P., GM Développement et L. Scauda à lui payer la somme de 15 000 en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel en application de l'article 699 du Code de procédure civile dont distraction au profit de Maître Le Roy,
- de débouter les sociétés P., GM Développement, L. Scauda, MM. D., L. et R. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
La SAS Expansion Little Big Jack soutient que les conclusions récapitulatives déposées par la société LBJR Scauda et M. R. après la disjonction des procédures n'ont pas été déposées dans la bonne procédure. Elles ne comportent pas le bon numéro de RG (16/05695 au lieu de 16/05804).
La SAS Expansion Little Big Jack retrace les conditions dans lesquelles les parties se sont rapprochées et ont commencé à mettre en œuvre le projet en cause. Elle précise qu'elle a informé son cocontractant sur les conditions de son engagement avant le début des travaux.
Elle soutient qu'un contrat de licence de marque a bien été conclu (preuve de son existence, du contenu, de la rencontre des volontés à l 'exclusion de tout vice du consentement et du commencement d'exécution) entre elle et la société P. et que cette dernière n'a pas respecté ses engagements contractuels en résiliant unilatéralement et de manière anticipée son contrat, après avoir bénéficié de son accompagnement, et en ne réglant pas son droit d'entrée, ses redevances ou encore le montant de la formation initiale.
Elle fait valoir que la société P. a continué à utiliser les signes distinctifs, la carte et les recettes propres au réseau L.B. Jack postérieurement à la rupture de son contrat. Elle soutient que cette dernière société a violé ses obligations de non concurrence et de non affiliation post contractuelles.
Elle reproche à la société P. d'avoir créé un réseau concurrent similaire au réseau L.B. Jack.
Elle souligne qu'elle a subi un préjudice commercial et d'image du fait des fautes de la société P..
Elle soutient que les sociétés GM Développement et Scauda ont été complices de la violation par la société P. de ses obligations de non concurrence et de non affiliation post contractuelles et de son obligation de cessation de l'utilisation des signes distinctifs Little B. Jack.
A titre subsidiaire, à supposer que la cour n'admette pas la preuve de l'existence du contrat conclu entre la société P. et la société Expansion L.B. Jack, cette dernière soutient que les sociétés P. et L. Scauda ont rompu abusivement et brutalement les pourparlers contractuels et ont utilisé des manœuvres frauduleuses pour lui soutirer des informations confidentielles.
Elle soutient que la société P. s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et parasitaire avec la complicité des sociétés GM Développement et Scauda. Elle précise que cette dernière utilise les signes distinctifs, la carte et les recettes propres au réseau L.B. Jack.
Conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions et moyens.
L'instruction de l'affaire a été close le 8 octobre 2018.
Motifs
Il convient de relever que la cour n'est saisie d'aucune demande à l'encontre de messieurs L., D. et R. de sorte que sont définitives les dispositions du jugement concernant ceux ci.
Il ressort du dossier de la cour que les conclusions de la société Scauda ont été régulièrement remises dans le cadre de la présente instance, nonobstant l'erreur matérielle par laquelle le numéro du rôle correspondant à la déclaration d'appel des société P., GM Developpement et de messieurs L. et D. a été mentionné sur ces écritures.
Il convient, partant, de rejeter le moyen tenant à l'irrecevabilité de ces conclusions.
***
Il est constant que la société Expansion L.B. Jack immatriculée le 4 février 2013 avait deux associés, messieurs P. et L. qui avaient l'un et l'autre transformé le restaurant qu'ils exploitaient respectivement en établissement sous l'enseigne Little B. Jack, au mois de décembre 2014, l'un à Glisy, l'autre à Amiens.
Souhaitant créer un réseau, la société Expansion L.B. Jack a déposé la marque 'Little B. Jack' à l'INPI qui l'a enregistrée au mois de décembre 2015.
Au mois de septembre 2015, la société Expansion L.B. Jack a pris contact avec la société P. qui exploitait un restaurant sous l'enseigne La Pataterie, lui a alors adressé un projet de document d'information pré contractuelle ; le projet prévoyait que le ... devienne le premier restaurant licencié d'un réseau Little Big Jack ; des travaux d'aménagement du local ont été entrepris ; le document d'information pré contractuelle a été transmis à la société P. le 22 décembre 2015 ; le restaurant a ouvert le 7 janvier 2016 sous l'enseigne Little B. Jack ; par courrier du 25 février 2016, la société P. a rompu les relations avec la société Expansion L.B. Jack.
Fin 2015, la société Expansion L.B. Jack prenait attache avec la société LBJR Scauda qui acquérait au mois de décembre 2015 dans le cadre d'une procédure collective, un local à usage de restauration ; un document d'information pré contractuelle était adressé à la société LBJR Scauda au mois de février 2016 ; le 8 mars 2016, la société LBJR Scauda informait la société Expansion L.B. Jack qu'elle ne donnait pas suite aux pourparlers.
Sur l'existence d'un contrat de licence de marque entre la société Expansion L.B. Jack et la société P.
La société Expansion L.B. Jack soutient, à l'appui d'une action en responsabilité contractuelle à l'encontre de la société P. que ces deux parties ont conclu un contrat de licence de marque qui, s'il n'a pas été formalisé par un écrit, est avéré par l'acceptation du document d'information pré contractuelle connu de la seconde depuis le mois de septembre 2015 et par son exécution au moins partielle.
La société P. soutient que la rupture des relations est intervenue dans un cadre pré contractuel.
Il est constant que les deux parties citées n'ont pas régularisé un contrat écrit de licence de marque.
Alors que les parties étaient en contact depuis le mois de septembre 2015 au moins, ce n'est que le 22 décembre 2015 qu'est intervenue la transmission à la société P. du document d'information pré contractuelle (DIP) imposée par l'article L 330-3 du Code de commerce, n'étant pas contesté que le projet de contrat qui impliquait un engagement exclusif dans le cadre de la mise à disposition d'une enseigne, s'inscrivait dans les prévisions de ce texte.
S'il est avéré par les pièces versées aux débats que la société P. avait reçu dès le mois de septembre 2015 un projet de DIP, la lecture de celui ci convainc qu'il s'agissait alors d'un document encore incomplet en ce que notamment , la marque Little B. Jack n'étant pas encore enregistrée, le territoire d'exclusivité ou d'interdiction n'était pas défini.
De plus, tant le projet de DIP que le DIP reçu par la société P. le 22 décembre 2015 mentionnent explicitement qu'ils n'engagent pas contractuellement la société Expansion L.B. Jack , de sorte que la seule réception de ce dernier document quelques jours seulement avant la date prévue pour l'ouverture du restaurant ne saurait corroborer l'existence d'un contrat.
Il ressort des termes du DIP que le projet de contrat de licence de marque devait mettre à la charge du candidat licencié diverses obligations tel le paiement d'un droit d'entrée et d'une redevance.
S'il est patent que la société P. a fait procéder à la fin de l'année 2015 à des travaux d'aménagement destinés à répondre au descriptif architectural proposé par la société Expansion L.B. Jack et qu'elle a effectivement ouvert son restaurant sous cette enseigne le 7 janvier 2016, ces actes qui s'inscrivent dans une précipitation partagée par les parties ne sauraient emporter par eux mêmes consentement au projet de contrat dont les clauses financières n'ont fait l'objet d'aucune exécution.
Au contraire, il ressort sans ambiguïté du DIP qui annonce un projet de contrat de licence de marque que les parties ont entendu formaliser leur engagement contractuel ; cette volonté de formalisation était confirmée par la correspondance échangée les 20, 29 janvier er 1er février.
Par une attestation destinée au banquier de la société P., monsieur P. au nom de la société Expansion L.B. Jack le 5 janvier 2016 certifie que la 'candidature' de la société P. pour une ouverture de l'établissement L.B. Jack le 7 janvier est 'validée', formulation qui apparaît très en retrait par rapport à la conclusion d'un contrat ferme.
Les 9 et 13 janvier, les parties échangeaient encore sur les éléments demandés par la banque relativement aux accords des 'franchiseurs' successifs La Pataterie et L.B. Jack.
Le 1er février , monsieur P. indiquait que le territoire attribué au licencié pouvait faire l'objet de discussion et il faut relever que le DIP ne définissait pas la limite entre le territoire sur lequel le candidat licencié devait bénéficier d'une exclusivité et celui sur lequel il lui était interdit de faire toute démarche commerciale, donnée pourtant déterminante de l'équilibre contractuel ; monsieur P. conditionnait alors explicitement les accords ayant pu intervenir jusque là à la signature du contrat de licence de marque 'au plus tard jeudi prochain'.
Il s'induit de l'ensemble de ces éléments que les sociétés Expansion L.B. Jack et P. n'ont pas finalisé leur accord contractuel.
Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'ensemble des prétentions fondées sur un tel contrat et sa résiliation.
Sur la rupture des pourparlers pré contractuels
- par la société P.
Par un courrier en date du 4 février 2016 émanant de son conseil, la société P. relevait qu'elle avait reçu tardivement le DIP, qu'elle n'avait pu prendre connaissance du projet de contrat de licence de marque qu'après avoir réalisé un certain nombre d'investissements, que ce projet de contrat présentait des clauses léonines ou inéquitables notamment la clause qui fixait à 13 000 euros le prix d'une formation du personnel qui n'avait pas été satisfaisante ; elle proposait une médiation.
Le 25 février, la société P. faisait écrire à la société Expansion L.B. Jack qu'elle n'avait pas reçu réponse à son précédent courrier, qu'elle mettait fin aux relations et qu'elle se réservait de solliciter l'indemnisation du préjudice né de l'obligation de changer l'agencement de son établissement et son matériel, de trouver une autre marque et d'engager une nouvelle campagne publicitaire.
Il est manifeste qu'à ces dates, les pourparlers contractuels étaient particulièrement avancés puisque le restaurant à l'enseigne La Pataterie avait été transformé pour adopter un style 'American vintage' et que l'établissement était effectivement ouvert depuis un mois sous l'enseigne Little B. Jack.
Si la société P. avait été informée dès la transmission du projet de DIP au mois de septembre que la formation de son personnel serait facturée à hauteur de 13 000 euros, il est incontestablement
démontré par les attestations des salariés de la société P. concernés et de deux salariés ou anciens salariés de la société Patamiens qui devait accueillir le personnel à former, qu'aucune prestation sérieuse n'a été servie pendant deux journées, le personnel à former, mal accueilli étant utilisé pour remédier à un sous effectif de l'établissement de monsieur Portejoie.
Pour autant, la mauvaise qualité voire l'inexistence de cette formation, dont monsieur P. avait déjà accepté de réduire le prix de moitié ne pouvait justifier une rupture des relations contractuelles. Le fait particulièrement critiquable que cette formation ait été facturée par la société Patamiens plutôt que par la société Expansion L.B. Jack - ces deux sociétés étant gérées par monsieur P. - pouvait tout au plus conforter un refus de paiement.
Au contraire, en sollicitant des attestations de monsieur P. pour étayer les démarches auprès de sa banque alors que le restaurant était déjà ouvert , en annonçant le 11 janvier l'envoi d'un chèque en paiement du droit d'entrée, en ne réagissant pas avant le 4 février 2016 au projet de contrat de licence de marque reçu le 22 décembre 2015, la société P. a maintenu délibérément la société Expansion L.B. Jack dans l'illusion qu'elle entendait finaliser le contrat.
Il convient de relever que le courrier du 4 février ne mentionnait explicitement aucune disposition du projet de contrat (autre que celui relatif à la formation) dont le caractère léonin était pourtant allégué, colorant ainsi d'une intention dilatoire une offre de médiation dépourvue de substance. Pourtant le 14 janvier encore, interpellé sur la délimitation de la zone d'exclusivité qui n'avait pas été définie dans le DIP, monsieur P. proposait à monsieur L. d'élaborer lui même une annexe au contrat sur ce point en concluant par la boutade 'ne va pas jusqu'à Paris' à laquelle M L. répondait 't'inquiète pas', ces éléments de fait montrant que la négociation souhaitée par la société P. était largement possible.
Or, il ressort de la facture de prestation de concept graphique 'Garrett M.' en date du 29 février comme de la constitution de la société GM développement par son propre gérant le 4 mars 2016 que la société P. étudiait simultanément le recours à une autre enseigne et à un autre projet commercial, sans doute plus avantageux économiquement.
La société P. n'étaye pas l'allégation selon laquelle des échanges avec sa banque auraient pu susciter une perte de confiance dans son partenaire ; elle n'explique pas davantage son changement radical de position sur la teneur même de l'offre de la société Expansion L.B. Jack entre la présentation informelle faite au mois de septembre 2015 qui l'avait incitée à mettre en œuvre des travaux et à ouvrir son restaurant avant même de conclure le contrat, sa confirmation par le DIP transmis au mois de décembre et l'allégation désormais soutenue selon laquelle l'offre de contrat était en réalité vide de tout contenu.
Ne peut être ignoré le fait que les animateurs des sociétés Expansion Little Big Jack, P. et GM Developpement se connaissaient de longue date pour avoir tous exploité des restaurants sous franchise La Pataterie et qu'il avaient tous une expérience du commerce en réseau.
Dans ces circonstances est caractérisée une rupture abusive par la société P. des pourparlers commerciaux engagés avec la société Expansion L.B. Jack.
Il convient donc d'infirmer le jugement sur ce point.
Il n'est pas discutable qu'informée en temps utile du souhait de la société P. de ne pas poursuivre les négociations, la société Expansion L.B. Jack aurait pu concentrer ses efforts sur la recherche d'un autre partenaire, notamment dans l'environnement géographique de la société P..
En revanche, si les conditions dans lesquelles la société P. a rompu tardivement les discussions pré contractuelles sont clairement liées à son souhait de développer concurremment un autre projet présentant des similarités, il ne peut être retenu qu'elles ont résulté d'une intention de soutirer des informations confidentielles alors que la société P. disposait dès le mois de septembre 2015 des informations essentielles sur le projet proposé par la société Expansion L.B. Jack ; cette dernière ne peut donc se prévaloir d'un préjudice distinct de celui pouvant résulter de faits de parasitisme économique dont la réalité sera examinée ci dessous.
En conséquence, au regard des éléments du dossier, il convient d'évaluer à la somme de 15 000 euros le préjudice causé à la société Expansion L.B. Jack par la rupture abusive des pourparlers.
La société Expansion L.B. Jack est mal fondée à reprocher à la société GM Développement et à la société Scauda une complicité de la faute commise par la société P. dès lors que la première a été immatriculée le 11 mars 2016 soit postérieurement à la rupture des relations pré contractuelles et que la seconde n'apparaît pas être intervenue dans les échanges entre la société P. et la société Expansion L.B. Jack.
Il ressort au contraire des éléments du dossier que c'est la volonté des dirigeants de la société P. de rompre les relations avec la société Expansion L.B. Jack qui les ont conduit à constituer la société GM Développement pour conduire un nouveau projet et non pas l'inverse.
Il y a lieu, partant, de débouter la société Expansion L.B. Jack de ses demandes de ce chef.
Les motifs qui précèdent suffisent à débouter la société P. de toutes demandes relatives aux conséquences dommageables de cette rupture contractuelle.
- par la société Scauda
Il ressort tant des écritures des parties que d'un message du 5 novembre 2015 par lequel monsieur R., gérant de la société initialement dénommée L. Scauda donne ses coordonnées électroniques à monsieur P. dirigeant de la société Expansion L.B. Jack que les pourparlers relatifs à la mise en place d'un restaurant sous l'enseigne Little B. Jack à Compiègne ont commencé au mois de novembre 2015, étant observé que les deux hommes se connaissaient , monsieur R. ayant travaillé au sein de la société Expansion L.B. Jack.
La société Scauda a acquis un local commercial à usage de restaurant le 20 décembre 2015 dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire.
Il est constant que le DIP relatif au projet de contrat de licence de marque Little B. Jack n'a été adressé à la société Scauda que le 17 février 2016, monsieur P. indiquant le 16 février que certaines modifications restaient à valider.
Dès le 27 février 2016, monsieur R. adressait à la société Expansion L.B. Jack un courrier très circonstancié dans lequel il mentionnait qu'un certain nombre de points du projet de contrat devaient être revus : définition de la zone d'exclusivité, durée du contrat, mention que la société Scauda serait le premier licencié, conditions d'agrément du successeur en cas de vente du fonds de commerce, modalités du droit de préemption du concédant, portée de la clause de non rétablissement, clause relative à la récupération par le concédant du mobilier financé par le licencié, montant du droit d'entrée ; monsieur R. rappelait alors que les parties avaient prévu une ouverture mi février et que le restaurant encore fermé n'était pas en état de recevoir des clients. Monsieur P. accusait réception de ce courrier le 29 février et annonçait une réponse rapide.
Monsieur P., directeur d'une société fournisseur de l'enseigne Little Big Jack confirme les craintes exprimées par la société Scauda sur les données économiques du projet de contrat en attestant que lors d'un rendez vous avec monsieur P., celui ci lui avait annoncé l'ouverture de deux restaurants Little Big Jack dans la région de Compiègne.
Le 8 mars 2016 monsieur R. écrivait à la société Expansion L.B. Jack qu'il était sans nouvelle sur ses réclamations précédentes et qu'il mettait fin aux pourparlers, précisant qu'il détruirait les documents protégés par une clause de confidentialité.
La société Expansion L.B. Jack ne justifie d'aucun fait imputé à la société Scauda qui aurait pu la convaincre de la conclusion prochaine d'un contrat de licence de marque.
Alors que l'avancement des négociations n'est pas autrement étayé que par la mention d'une demande de devis sur une fourniture d'assiettes qui ne traduit que l'impatience de la société Scauda à ouvrir son établissement, la simple chronologie ici rappelée suffit à exclure toute faute dans la rupture des négociations pré contractuelles, la lecture du DIP étayant le sérieux des interrogations légitimes de monsieur R. sur l'équilibre du projet contractuel.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Expansion L.B. Jack de ses demandes de ce chef.
Sur l'action relative au parasitisme économique et à une concurrence déloyale
La concurrence déloyale est le fait, dans le cadre d'une concurrence autorisée, de faire un usage excessif de sa liberté d'entreprendre, en recourant à des procédés contraires aux règles et usages, occasionnant un préjudice.
Modalité particulière de la concurrence déloyale, le parasitisme représente l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir faire.
Il convient de relever qu'à l'époque des faits litigieux, la société Expansion L.B. Jack qui n'avait que dix huit mois environ d'existence ne pouvait se prévaloir d'une notoriété particulière alors que si deux de ses associés avaient agencé leur propre restaurant respectif (à Amiens et à Glisy) selon le concept L.B. Jack qu'elle envisageait de développer, elle n'avait encore contracté avec aucun licencié l'usage d'une marque qui n'a été enregistrée qu'au mois de décembre 2015.
En revanche, il est indiscutable qu'au cours de ses dix huit mois d'existence, la société Expansion L.B. Jack a investi dans l'élaboration d'un cahier technique, la définition d'un schéma architectural, la constitution d'un projet complet d'établissement de restauration destiné à être reconnaissable sous le logo L.B. Jack.
Il ressort des faits constants que la société P., alors même qu'elle n'avait signé aucun contrat et avait décidé de rompre brutalement les négociations pré contractuelles tandis que ses associés préparaient la constitution d'une société manifestement concurrente de la société Expansion L.B. Jack (la société GM Developpement destinée à développement un concept similaire de restauration), a effectivement exploité son restaurant qui avait été entièrement aménagé selon le cahier technique L.B. Jack, sous l'enseigne Little B. Jack à tout le moins jusqu'au 16 mars 2016 et que son site internet faisait encore le lien avec l'enseigne Little B. Jack le 30 mars 2016.
Indépendamment même du caractère original ou non de ce concept, la société P. a ainsi profité - gratuitement - des travaux réalisés par la société Expansion L.B. Jack pour définir un ensemble cohérent de ré aménagement de son local précédemment exploité sous le concept 'La pataterie'. La société P. indique elle même dans ses écritures qu'elle a dû procéder à d'importants travaux de transformation de son restaurant lorsqu'elle a délaissé l'enseigne Little B. Jack admettant ainsi l'existence d'un 'concept' même si le contenu de celui ci est contesté.
La réalité d'un acte de concurrence déloyale tenant à l'utilisation d'une enseigne et d'éléments y afférents développés par un autre acteur économique est donc avérée.
Pour autant, la société Expansion L.B. Jack ne justifie pas des investissements auxquels elle a procédé pour définir le contenu du concept L.B. Jack au delà de la facture de la société Blood brothers shelter production pour un montant de 5 100 euros, le coût de la cession des droits d'auteur (5 000 euros) étant écarté dès lors qu'il a été exposé postérieurement à la période litigieuse ; elle ne justifie pas davantage d'un quelconque préjudice lié à l'exploitation du restaurant de Roye sous l'enseigne Little B. Jack pendant quelques semaines.
En conséquence, il convient de faire droit à sa demande indemnitaire dans la seule limite de 3 000 euros pour ce qui concerne la période d'exploitation du restaurant de la société Pataroye sous l'enseigne Little B. Jack.
La société Expansion L.B. Jack soutient que le développement du concept et de l'enseigne Garrett M. substitués à L.B. Jack par la société P. avec le concours des sociétés GM Developpement et Scauda constitue un parasitisme économique en ce qu'il reprenne les éléments constitutifs du concept qu'elle avait développé.
Les sociétés P. et GM Developpement soutiennent au contraire que les similitudes entre les deux concepts s'inscrivent dans l'exercice d'une concurrence normale dans un contexte de multiplication des lieux de restauration adoptant des références nord américaines à la mode.
Pour caractériser le concept dont elle reproche à ses contradicteurs l'utilisation sous couvert de l'enseigne Garrett M., la société Expansion L.B. Jack met en avant la particularité de l'univers visuel créé au sein des restaurants de son réseau, de la musique d'ambiance et des recettes servies.
Si elle se prévaut d'un cahier de recettes spécifiques, les illustrations versées aux débats convainquent que la cuisine attachée au concept consiste en des plats (ex Ceasar salad, onions rings, BBQ ribs, hot dogs, hamburgers ...) très habituellement servis dans la quasi totalité des très nombreux lieux de restauration revendiquant, en France, une parenté quelconque avec la culture culinaire des Etats unis d'Amérique et que la présentation des assiettes est manifestement dépourvue de toute originalité.
La société SDV, principal fournisseur de produits alimentaires utilisés dans les restaurants proposant de la cuisine américaine, atteste d'ailleurs qu'elle n'est liée par aucune exclusivité.
La cuisine servie dans les restaurants Little Big Jack n'est donc pas un élément distinctif susceptible de contribuer à caractériser un comportement parasite.
Alors que le cahier technique L.B. Jack fait référence à une programmation musicale centrée sur le jazz, le blues, la soul music et la funk music à partir des années 1930, la société P. justifie que lorsqu'elle a adopté le logo Garrett M. elle a aussi changé sa programmation musicale en faveur d'une 'playlist' des années 1980-1990.
Le cahier technique élaboré par la société Expansion L.B. Jack pour définir le concept qu'elle entendait développer en réseau met en avant les signes distinctifs suivants : un local évoquant un environnement industriel avec notamment des poutres Eiffel et des murs en briques apparentes, des fresques murales et des éléments de mobiliers, véhicules et bibelots américains des années 1930 à 1970, un bar et un verrier en métal bouillé, créant un univers 'American vintage' et un logo.
Si les logos Little Big Jack et Garrett M. présentent une similitude en ce qu'ils sont libellés en écriture cursive, l'interrogation posée par des clients de la société P. lors du changement de l'un à l'autre au mois de mars 2016 suffit à convaincre que la clientèle ne commettait aucune confusion entre les deux logos dont les couleurs sont totalement différentes.
En outre, le fait qu'après avoir déposé la marque Little B. Jack à l'INPI, la société Dancing brain (animée par les mêmes personnes physiques que la société Expansion L.B. Jack) ait cru devoir déposer à l'INPI la marque Garrett M. dans les mêmes catégories pour tenter de faire échec au projet de la société GM Developpement est significatif de la distinction opérée par la société Expansion L.B. Jack elle même entre les deux logos.
Il ressort des pièces produites que de nombreuses enseignes se sont développées sur le créneau d'une offre de restauration bon marché proposée dans des locaux marqués par des références à la culture nord américaine : Steack easy, Buffalo burger, réseau The diner, S. Joe, S., Memphis coffee...
Si plusieurs d'entre elles ont adopté un agencement architectural et mobilier particulièrement sobre et neutre dont la similitude ne semble d'ailleurs pas faire obstacle à une concurrence loyale (Mc Donald, KFC, S.), d'autres utilisent des éléments plus typés : pompe à essence, juke box ou effigie de stars américaines (réseau The diner), voitures ou motos de marque américaine (réseau The diner, S. Joe), mur en briques apparentes, poutres Eiffel, bar en métal (S. Joe, E. in USA, Australian bar).
Il n'est pas démontré, ni même allégué l'existence d'une combinaison particulière de ces différents éléments non spécifiques en eux mêmes, de nature à singulariser un restaurant sous l'enseigne Little B. Jack parmi ses concurrents, au point de provoquer une confusion avec un restaurant sous enseigne Garrett M..
Au surplus des photographies versées aux débats montrent une prédominance de la couleur rouge dans l'aménagement du restaurant de la société Pataroye à l'enseigne Garrett M. qui exclut toute confusion avec un restaurant Little Big Jack .
Enfin, la société P. justifie avoir exposé des frais de conception graphique de la charte Garrett M. et de ses déclinaisons pour un montant de 5 940 euros, très comparable aux frais de même nature exposés par la société Expansion L.B. Jack pour son enseigne ainsi que des frais de ré aménagement de son local et de ses accessoires de vente aux mois de mars et avril 2016.
Il s'induit que si le développement du concept Garret M. par la société P. puis par la société GM Developpement procède de la même idée que celui du concept L.B. Jack, utilise des éléments architecturaux et mobiliers s'apparentant au même univers de la culture populaire américaine et a sans aucun doute été encouragé par celui ci, les deux démarches s'inscrivent aussi dans une mode largement partagée avec d'autres commerces dans un contexte de libre concurrence, exclusif de toute confusion entre les enseignes et de tout préjudice avéré.
En conséquence, il y a lieu de débouter la société Expansion L.B. Jack de toutes ses demandes de ce chef à l'encontre des sociétés P. et GM Developpement.
Constituée initialement dans la perspective de la conclusion d'un contrat de licence de marque avec la société Expansion L.B. Jack , la société Scauda a été initialement dénommée L. Scauda.
Alors qu'il a été retenu ci dessus que la société Scauda a légitimement rompu les échanges pré contractuels avec la société Expansion L.B. Jack après avoir constaté que le DIP n'était pas satisfaisant, il ne saurait être reproché à celle ci d'avoir orienté son projet d'ouverture de restaurant vers la proposition concurrente faite par la société GM Développement et d'avoir finalement adopté l'enseigne Garret M..
Si la référence implicite de la dénomination 'L. Scauda' à la marque Little B. Jack sur laquelle elle n'a aucun droit, justifie l'ordre donné par les premiers juges à l'intéressée de modifier sa dénomination sociale en ce qu'elle inclut les initiales de L.B. Jack, les éléments qui précèdent et qui ont rejeté la notion de parasitisme économique avancée par la société Expansion L.B. Jack quant à l'exploitation de l'enseigne Garrett M. suffisent à débouter cette dernière de toutes ses autres demandes à l'encontre de la société Scauda.
La société Scauda sollicite à l'encontre de la société Expansion L.B. Jack l'indemnisation du préjudice né du retard d'ouverture de son restaurant.
Or, les échanges pré contractuels ayant été rompus dans des conditions exclusives de toute faute, en l'absence d'obligation contractuelle opposable à la société Expansion L.B. Jack, la société Scauda ne caractérise aucune faute délictuelle susceptible d'être imputée à celle ci. En effet, le seul fait de démarcher un acteur économique pour lui proposer un contrat ne saurait être fautif en lui même et aucune circonstance n'imposait à la société Scauda d'examiner avec précision le projet présenté par la société Expansion L.B. Jack avant d'engager des travaux d'aménagement de son local.
Enfin, il convient de relever que la société Scauda ne justifie pas avoir exposé quelques sommes pour aménager son local sous l'enseigne Little B. Jack puis le modifier sous l'enseigne Garrett M. ni avoir subi un préjudice susceptible d'être imputé personnellement à la société Expansion L.B. Jack.
***
Succombant dans l'essentiel de ses prétentions, la société Expansion L.B. Jack supporte les dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande que la somme de 5 000 euros soit accordée à la société P., à la société GM Developpement et à la société Scauda respectivement (soit au total la somme de 15 000 euros) à la charge de la société Expansion L.B. Jack.
Il n'y a lieu à autre application de ce texte, notamment au bénéfice de messsieurs L., D. et R..
Par ces motifs LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, confirme le jugement dont appel en ce qu'il a : - rejeté toutes demandes fondées sur l'existence d'un contrat de licence de marque conclu entre la société P. et la société Expansion L.B. Jack ; - ordonné à la société LBJR Scauda de modifier sa dénomination en ce qu'elle inclut les initiales de L.B. Jack auprès du greffe du tribunal de commerce ; l'infirme en toutes ses autres dispositions et, statuant à nouveau, condamne la société P. à payer à la société Expansion L.B. Jack la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture fautive des échanges pré contractuels et celle de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'exploitation de son restaurant sous l'enseigne Little B. Jack jusqu'au mois de mars 2016 ; déboute la société Expansion L.B. Jack de toutes ses autres demandes ; déboute les sociétés P. et GM Developpement de toutes leurs demandes ; déboute la société Scauda de ses demandes ; condamne la société Expansion L.B. Jack aux dépens de première instance et d'appel et à payer à chaque des sociétés P., GM Developpement et Scauda la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; dit n'y avoir lieu à autre application de l'article 700 du Code de procédure civile.