CA Lyon, 1re ch. civ. B, 19 février 2019, n° 18-00225
LYON
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Carrier
Conseillers :
M. Ficagna, Mme Papin
Avocats :
Mes Cogne, SCP Jacques Aguiraud, Philippe Nouvellet, SCP Gloaguen Phily
Exposé de l'affaire
Le 16 mai 2012, M. et Mme L. ont acquis un véhicule Audi A4 S Line auprès de M. Baptiste M. pour un prix de 24 500 , le compteur kilométrique affichant 80 754 km.
Par acte du 30 octobre 2013, ayant des soupçons sur le kilométrage réel du véhicule, ils ont assigné M. M. aux fins d'obtenir la résolution de la vente et l'indemnisation de leurs préjudices.
Par acte du 31 décembre 2013, M. M. a appelé en garantie son propre vendeur, M. Paulo A. da C..
Par ordonnance du 18 décembre 2014, le juge de la mise en état a ordonné une expertise et désigné M. R. pour y procéder.
L'expert a conclu au terme de son rapport déposé le 22 juillet 2015, que le kilométrage réel était de 100 000 km plus élevé que celui affiché au compteur et que cette modification était antérieure à l'acquisition du véhicule par M. M. .
M. M. et Alves d. ont conclu l'un et l'autre au débouté des demandes dirigées à leur encontre faisant valoir principalement que M. et Mme L. avaient été informés que le kilométrage n'était pas garanti.
Par jugement du 6 novembre 2017, le tribunal de grande instance de Lyon a:
- prononcé la résolution de la vente du véhicule,
- condamné M. M. à restituer aux époux L. le prix versé à hauteur de 24 500 , outre intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2003,
- dit que M. et Mme L. devront tenir ce véhicule à disposition de M. M. qui devra, le cas échéant, faire procéder à son enlèvement à ses frais,
- condamné M. M. à verser aux époux L. la somme de 374,50 au titre des frais occasionnés par la vente,
- condamné M. M. à verser aux époux L. la somme de 5 993,96 à titre de réparation de leur préjudice matériel,
- condamné M. M. à verser la somme de 2 500 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné M. M. à supporter les dépens de l'instance.
M. M. a relevé appel de ce jugement sur toutes ses dispositions, par acte du 9 janvier 2018.
Il demande à la cour :
- d'infirmer le jugement déféré et statuant de nouveau et y ajoutant,
- de débouter M. et Mme L. de leurs demandes,
subsidiairement,
- de condamner M. A. da C. à le relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,
en toutes hypothèses,
- de condamner M. W. et Mme Marie L. et M. A. da C. in solidum à lui verser la somme de 6 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- de condamner les mêmes aux entiers dépens de première instance, d'appel qui comprendront les frais d'expertise.
Il soutient :
- que le kilométrage n'était pas garanti dans l'acte de vente signé par M. et Mme L. de sorte qu'il n'a commis aucun manquement à l'obligation de délivrance du véhicule AUDI objet du contrat de vente aux époux L.
- que le défaut de conformité allégué par M. et Mme L. n'est pas d'une gravité qui justifierait la résolution de la vente, dans la mesure où ceux ci se servent du véhicule, depuis 2012,
- qu'il n'avait lui même aucun moyen de savoir, même en sa qualité de contrôleur technique que le kilométrage avait été trafiqué au regard de l'état du véhicule et des informations données par M. A. da C., qui semble faire partie d'un véritable réseau de revente de véhicules au kilométrage trafiqué.
M. et Mme L. demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à rectifier l'erreur matérielle l'affectant, le point de départ des intérêts au taux légal étant au 30 octobre 2013 et de condamner M. M. au règlement de la somme de 7 000 sur le fondement de l'article 700 en cause d'appel.
Ils soutiennent :
- que le kilométrage même indicatif, constitue une qualité substantielle de la chose vendue,
- que la différence est près de trois fois supérieure,
- que la bonne foi de M. M. pose interrogation au vu des circonstances ayant entourées sa propre acquisition.
M. A. da C. n'a pas constitué avocat, bien qu'ayant régulièrement reçu notification le 14 mars 2018 de la déclaration d'appel, et le 2 mai 2018 des conclusions de l'appelant.
Ces actes n'ayant pas été signifiés à sa personne, il sera statué par défaut à son égard.
Il résulte du jugement qu'il avait conclu au débouté de M. M. et soutenu que ce dernier s'était volontairement abstenu d'informer M. et Mme L. sur l'incertitude du kilométrage affiché au compteur alors qu'il en avait connaissance, que l'annonce qu'il avait fait paraître sur le site "Le Bon Coin" ne comportait aucune réserve sur le kilométrage, que M. M. a revendu le véhicule 3
semaines après l'avoir acheté qu'il s'est abstenu de donner l'information pour réaliser la vente qui lui a procurée une plus value de 4 500 et que c'est à tort que l'expert a mentionné dans son rapport que "M. M. avait acquis en toute confiance et peut être naïvement ce véhicule pour une utilisation familiale".
Motifs
Sur la demande de résolution de la vente du 16 mai 2012 entre M. M. et M. et Mme L.
Il résulte de l'expertise que le véhicule litigieux avait parcouru au jour de la vente aux époux L., 100 000 km de plus que le kilométrage affiché au compteur, et que sa valeur réelle était de 16 000 et non de 24 500 .
C'est donc par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le premier juge a retenu que cette différence importante de 100 000 km compte tenu du prix de vente, suffisait à démontrer un manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme, la seule mention "km non garantis" apposé sur le certificat de vente ne constituant nullement une clause contractuelle et n'ayant pas de valeur exonératoire.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur les restitutions et préjudices
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné la restitution du véhicule au vendeur et la restitution du prix à l'acquéreur.
Les intérêts courent sur le prix de vente du jour de la demande en justice équivalente à la mise en demeure. Il sera fait droit à la demande limitée au jour de l'assignation.
C'est aussi par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le premier juge a retenu comme bien fondée la demande d'indemnité des époux L. au titre :
- des coûts de remise en état du véhicule engagés avant la révélation du défaut de conformité et imputable directement au kilométrage excédentaire (5 790,04 )
- du coût de la location d'un véhicule (203,92 )
- des frais de la vente (certificat d'immatriculation)
Les intérêts sont dus à compter du jugement de première instance en application de l'article 1231-7 du Code civil.
Sur la demande de garantie
L'expert a établi que la modification frauduleuse du compteur était intervenue avant l'acquisition par M. M. auprès de M. A. da C., ce qui est confirmé par les pièces administratives qui mentionnent un kilométrage de 78 112 km à la date du 20 avril 2012.
Aucune pièce produite au dossier ne démontre que M. M. était informé du kilométrage réel du véhicule et de l'affichage erroné du compteur.
M. A. da C. ne l'avait d'ailleurs pas soutenu, se bornant à indiquer que M. M. était avisé de l'incertitude du kilométrage.
En conséquence, il sera fait droit à la demande de garantie, dès lors que M. A. da C. lui a vendu un véhicule non conforme. Cette garantie ne peut porter que sur les indemnités et non sur le prix de vente, la restitution du prix de vente étant la contrepartie de la restitution du véhicule.
Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a : - prononcé la résolution de la vente du véhicule, - condamné M. M. à restituer aux époux L. le prix versé à hauteur de 24 500 , - dit que M. et Mme L. devront tenir le véhicule à disposition de M. M. qui devra, le cas échéant, faire procéder à son enlèvement à ses frais, - condamné M. M. à verser aux époux L. la somme de 374,50 au titre des frais occasionnés par la vente, la somme de 5 993,96 à titre de réparation de leur préjudice matériel, et la somme de 2 500 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, - débouté M. M. du surplus de ses demandes de dommages et intérêts, - condamné M. M. aux entiers dépens de l'instance avec distraction au profit de son avocat, le réformant pour le surplus et statuant de nouveau : - Dit que la restitution du prix de vente sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 2013, - Dit que les intérêts sur les sommes de 374,50 et la somme de 5 993,96 sont dus à compter du 6 novembre 2017, - condamne M. A. da C. à relever et garantir M. M. du paiement des sommes de 374,50 et de 5 993,96 en principal et intérêts, ainsi que de celle de 2 500 au titre de l'article 700 et du montant des dépens de première instance, y ajoutant : - condamne M. M. au paiement d'une somme de 2 000 supplémentaires au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, - condamne M. M. aux dépens d'appel.