CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 26 février 2019, n° 18-17840
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
O'Tacos El Maida (SARL)
Défendeur :
O'Tacos Corporation (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Peyron
Conseillers :
Mme Douillet, M. Thomas
Avocats :
Mes Hervet, Meynard, Nicolas
Exposé des faits
La société O'Tacos Corporation anime et développe un réseau de restauration rapide à l'enseigne O'Tacos, dans le cadre d'un système de franchise.
Le 17 mars 2015, la société O'Tacos Corporation et Monsieur X signaient un contrat de franchise O'Tacos d'une durée de 3 ans, aux termes duquel Monsieur X était autorisé à exploiter le concept O'Tacos au sein d'un restaurant situé <adresse> à Paris.
La société O'Tacos El Maida lui fut substituée en qualité de franchisé et exploite ce restaurant.
Le 31 août 2017, la société O'Tacos Corporation informait la société O'Tacos El Maida, par courrier recommandé avec accusé de réception, de sa volonté de ne pas voir le contrat se renouveler à son terme, et, qu'en toute hypothèse, les relations contractuelles entre elles prendraient fin au plus tard le 17 mars 2018.
Le 6 octobre 2017, après plusieurs mises en demeure de respecter ses obligations contractuelles - au titre de manquement au respect de ses obligations contractuelles et notamment la réglementation applicable en matière d'hygiène -, la société O'Tacos Corporation notifiait à la société O'Tacos El Maida la résiliation anticipée de son contrat de franchise à ses torts exclusifs ; elle lui rappelait notamment la nécessité de retirer sous 8 jours l'enseigne O'Tacos de son restaurant, et de respecter les obligations post contractuelles visées aux articles 8, 9 et 13 du contrat.
La société O'Tacos El Maida et Monsieur X assignaient alors le 17 octobre 2017 la société O'Tacos Corporation devant le tribunal de commerce de Paris, afin notamment d'obtenir l'annulation des effets de la décision de résiliation et la poursuite du contrat de franchise.
Le 25 avril 2018, la société O'Tacos Corporation engageait une procédure de référé devant le tribunal de commerce de Paris, afin notamment de voir constater la fin du contrat par application de la clause résolutoire.
Par ordonnance du 27 juin 2018, le président du tribunal de commerce de Paris :
a condamné la société O'Tacos El Maida à cesser toute utilisation de la marque, du concept et de l'ensemble des signes distinctifs du réseau O'Tacos dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir sous astreinte de 500 par jour de retard pendant 60 jours, 15 jours après la signification de l'ordonnance ;
ne s'est pas réservé la liquidation de l'astreinte ; a autorisé la société O'Tacos Corporation et/ou tous tiers désignés par cette dernière à retirer du restaurant de la société O'Tacos El Maida l'ensemble des signes distinctifs du réseau O'Tacos, qu'ils soient situés à l'extérieur et/ou à l'intérieur du restaurant, et ce aux frais de la société El Maida ;
a autorisé, le cas échéant, la société O'Tacos Corporation à se faire assister de l'huissier de son choix, de la force publique et d'un serrurier et autorisé ces derniers à pénétrer si nécessaire dans le restaurant d'O'Tacos El Maida pour assister la requérante et/ou tout tiers désignés par elle dans leur mission de retrait ;
a condamné la société O'Tacos El Maida à verser à la société O'Tacos Corporation la somme de 4 500 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
a rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties ; a condamné en outre la SARL O'Tacos El Maida aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquides à la somme de 46,34 TTC dont 7,51 de TVA.
La société O'Tacos El Maida a fait appel de cette ordonnance.
Par conclusions du 18 septembre 2018, la société O'Tacos El Maida demande à la cour de:
réformer dans sa totalité le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 25 juin 2018,
rejeter l'ensemble des demandes formulées par la société O'Tacos Corporation, ordonner la suspension du retrait des éléments d'identification de la société O'Tacos dans l'attente du jugement de fond,
condamner la société O'Tacos Corporation à lui verser la somme de 5 000 au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Elle affirme qu'une clause résolutoire de plein droit ne peut être déclarée acquise au créancier, sauf dispense expresse et non équivoque, sans la délivrance préalable d'une mise en demeure restée sans effet, précisant au débiteur les manquements invoqués et le délai dont il dispose pour y remédier. Elle ajoute que le juge des référés doit s'assurer du respect de cette procédure.
Elle conteste en l'espèce le respect de cette disposition, la société O'Tacos Corporation ne démontrant pas lui avoir adressé la lettre de mise en demeure recommandée préalable.
Elle soutient, s'agissant de la fin du contrat, que le contrat de franchise, d'une durée de 3 ans et renouvelable au bon vouloir du franchiseur, crée un déséquilibre significatif entre les parties au sens de l'article L. 442-6 du Code de commerce.
Par conclusions du 17 octobre 2018, la société O'Tacos Corporation demande à la cour de :
constater la fin du contrat du contrat de franchise par l'application de la clause résolutoire contractuelle ;
constater subsidiairement la fin du contrat par arrivée du terme ; constater l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant de la méconnaissance par la société O'Tacos El Maida de son obligation post contractuelle de cesser d'utiliser la marque et le concept O'Tacos et de retirer tous les signes distinctifs O'Tacos de son restaurant ;
En conséquence,
confirmer l'ordonnance de référé rendue par le Président Tribunal de Commerce de Paris le 27 juin 2018 en toutes ses dispositions,
En toute hypothèse,
débouter la société O'Tacos El Maida de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, condamner la société O'Tacos El Maida à verser à la société O'Tacos Corporation la somme de 5 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
condamner la société O'Tacos El Maida aux entiers dépens d'appel.
Elle soutient que la société O'Tacos El Maida n'est plus franchisée depuis le 6 octobre 2017 et qu'en toute hypothèse le contrat est arrivé à son terme le 17 mars 2018, mais que cette société continue à utiliser le concept, la marque et les signes distinctifs O'Tacos.
Elle affirme qu'il entre dans les pouvoirs du juge des référés de faire cesser cette utilisation indue, au titre de la cessation du trouble manifestement illicite.
S'agissant de la clause résolutoire, elle soutient que ses effets s'imposent au juge, et que le contrat est ainsi résilié depuis le 6 octobre 2017, car la procédure de résiliation a été bien respectée. Elle conteste la nullité de la clause résolutoire, comme le non-respect de la procédure de résiliation. Elle ajoute qu'en toute hypothèse le contrat a pris fin le 17 mars 2018.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 décembre 2018.
Motivation
Le contrat de franchise conclu le 17 mars 2015 prévoit en son article 4 une durée de trois années à compter de sa signature par les parties, et précise qu'il peut se renouveler tacitement pour une durée de trois années à défaut de l'envoi par une des parties d'une notification de résiliation du contrat par lettre recommandée avec accusé de réception six mois avant l'échéance.
Par courrier du 31 août 2017 recommandé avec accusé de réception, la société O'Tacos Corporation a notifié à la société O'Tacos El Maida sa volonté de ne pas voir le contrat se renouveler à son échéance, et indiqué que les relations prendraient fin au plus tard le 17 mars 2018.
Ainsi la société O'Tacos Corporation a bien notifié à la société O'Tacos El Maida la résiliation du contrat dans les conditions prévues par son article 4.
Par ailleurs, la société O'Tacos El Maida soutient que le contrat de franchise lui a imposé des investissements lourds et un engagement personnel permanent alors qu'il n'a commencé à produire ses effets qu'au bout de la 3e année, de sorte que la durée de trois années était de nature à créer un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au sens de l'article L. 442-6 du Code de commerce.
Cependant, cette société ne saurait déduire de l'allongement à sept années de la durée des contrats de franchise désormais proposés par la société O'Tacos Corporation que la durée de trois années prévue par son contrat était créateur d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
La société O'Tacos El Maida ne produit aucune pièce justifiant des investissements lourds qu'elle revendique avoir assumés, ou de l'importance de l'engagement personnel qui a dû être fourni, de sorte que sa demande sur le fondement de l'article L. 442-6 ne saurait prospérer.
Au vu de ces seuls éléments et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres points, il convient de confirmer l'ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a considéré que le contrat était parvenu à son terme à la suite du courrier du 31 août 2017, ce qui induisait que la société O'Tacos El Maida se dessaisisse de toutes les enseignes et signes distinctifs caractérisant la marque O'Tacos, conformément à l'article 13 du contrat de franchise.
La société O'Tacos El Maida sera condamnée au paiement des dépens, ainsi qu'au versement d'une somme de 4 000 euros à la société O'Tacos Corporation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : LA COUR, Confirme l'ordonnance de référé rendue par le président tribunal de commerce de Paris le 27 juin 2018 en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne la société O'Tacos El Maida à verser à la société O'Tacos Corporation la somme de 4 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société O'Tacos El Maida aux entiers dépens d'appel.