CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 27 février 2019, n° 16-11279
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Société d'Exploitation Garage de Versailles (SARL)
Défendeur :
Suzuki France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
Mme Comte, M. Bedouet
Avocats :
Mes Ougouag Berber, Crepin de Corvaisier, Guerre, Arroyo
Faits et procédure
La société d'Exploitation Garage de Versailles (ci-après GDV) a pour activité la réparation et la vente de véhicules.
La société Suzuki France est l'importateur officiel, en France, des véhicules automobiles, des pièces détachées et des accessoires fabriqués sous la marque Suzuki par la société japonaise Suzuki Motor Corporation ou par toute entreprise avec laquelle elle est associée. Elle a mis en place en France un réseau de concessionnaires, ainsi qu'un réseau de réparateurs sélectionnés sur la base de critères qualitatifs afin d'assurer les activités d'après-vente en relation avec les véhicules Suzuki.
En conséquence, elle vend les véhicules automobiles aux seuls concessionnaires qu'elle a agréés dans le cadre de son réseau de distribution.
Au cours de l'année 2006, la société GDV a signé une proposition de collaboration avec la société Tajima, concessionnaire du réseau Suzuki, pour la vente de véhicules Suzuki.
Alors que la société GDV n'a jamais été concessionnaire ou réparateur agréé Suzuki, ni " agent " Suzuki, elle a notamment fait mentionner sur le site internet www.pagesjaunes.fr, le nom suivant : " Suzuki Garage de Versailles Agt ", accompagné du logo et sigle Suzuki, ainsi que la mention " Agent Fiat, Alfa Roméo, Suzuki, Lancia (...) ".
Par ordonnance de référé du 24 juillet 2013, le tribunal de commerce de Versailles lui a fait interdiction de tout usage des signes distinctifs Suzuki et de se présenter comme " Agent Suzuki " ou sous toute autre dénomination faisant croire qu'elle aurait des liens avec le constructeur Suzuki et la société Suzuki France, sur le site internet www.pagesjaunes.fr, et ce, sous astreinte.
Le 8 avril 2015, la société GDV a fait assigner la société Suzuki devant le tribunal de commerce de Versailles afin de la voir condamner à lui verser 50 000 euros au titre de la réparation de la rupture brutale des relations commerciales établies.
Le 3 juin 2015, le tribunal de commerce de Versailles s'est déclaré incompétent.
Le 9 juillet 2015, la société GDV a saisi le tribunal de commerce de Paris des mêmes demandes.
Par jugement du 18 avril 2016, le tribunal de commerce de Paris a :
- débouté la Société d'Exploitation Garage de Versailles de l'intégralité de ses demandes,
- condamné la Société d'Exploitation Garage de Versailles à payer à la société Suzuki France la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté la société Suzuki France de ses demandes autres, plus amples ou contraires,
- condamné la Société d'Exploitation Garage de Versailles aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,52 euros de TVA.
La cour est saisie de l'appel interjeté par la société d'Exploitation Garage de Versailles.
Vu les dernières conclusions de la société d'Exploitation Garage de Versailles, appelante, déposées et notifiées le 10 décembre 2018, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 18 avril 2016 sauf en ce qu'il a débouté la société Suzuki France de sa demande au titre de la procédure abusive,
et statuant à nouveau de ce chef :
- condamner la société Suzuki France à payer la somme de 50 000 euros à la société d'Exploitation du Garage de Versailles sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce,
- débouter la société Suzuki France de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive au titre de l'article 32-1 du Code de procédure civile,
en tout état de cause,
- condamner la société Suzuki France à verser 5 000 euros à la société d'Exploitation du Garage de Versailles au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Suzuki France aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions de la société Suzuki France, intimée, déposées et notifiées le 14 décembre 2018, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté la société Suzuki France de sa demande au titre de la procédure abusive,
et, statuant à nouveau de ce chef :
- condamner la Société d'Exploitation du Garage de Versailles à régler à la société Suzuki France la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
en tout état de cause,
- condamner la Société d'Exploitation du Garage de Versailles à régler à la société Suzuki France la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la Société d'Exploitation du Garage de Versailles aux entiers dépens ;
Sur ce, LA COUR,
Sur la demande en rupture brutale
Les deux sociétés s'opposent sur l'existence même d'une relation commerciale.
Pour justifier de l'existence d'une relation commerciale établie avec la société Suzuki France, la société GDV produit :
- un échange de courriers (pièces 1 et 2 de GDV),
- des factures émises par la société GDV à l'attention de la société Tajima France (pièce 6).
- un tableau retraçant des commissions sur la vente de véhicules Suzuki (pièce 12),
- une attestation de son expert comptable qui indique que la société GDV aurait " touché des commissions sur vente de véhicules neufs et d'occasion Suzuki suivant les accords pris avec Tajima motors concession officielle de la marque, pour la période du 1er janvier 2006 au 31/12/2011 ",
- " l'intégralité du fichier clients Suzuki " (pièces 11 et 14).
- divers courriers, mails et bons de commande (pièces 16 à 19).
Mais aucune de ces pièces ne concerne des relations commerciales entre la société GDV et Suzuki, seule étant concernée la société Tajima France :
- l'échange de courriers est relatif aux conditions commerciales de Tajima France,
- les factures sont émises par GDV à l'attention de Tajima France,
- le tableau n'identifie pas la provenance de ces " commissions Suzuki ", de sorte qu'il est impossible de les lier à la société Tajima France ou à toute autre société, et il est, au surplus, incohérent avec les pièces 13 et 14,
- l'attestation fait état de commissions versées par la société Tajima France en 2010 et en 2011, alors que cette société n'était plus concessionnaire Suzuki depuis 2009 et avait cédé son fonds de commerce en janvier 2009 à la société Priod Automobiles (pièce 20 de Suzuki),
- le fichier client fait état de véhicules dont les dates de carte grise et dates de mise en circulation sont fantaisistes ou bien antérieures aux prétendues relations commerciales entre la société Tajima France et la société GDV, qui auraient débuté en 2006,
- aucun des courriers, mails et bons de commande ne sont relatifs à des relations avec Suzuki.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a débouté la société d'Exploitation Garage de Versailles de l'ensemble de ses demandes.
Sur la demande reconventionnelle de la société Suzuki France pour procédure abusive
La société d'Exploitation Garage de Versailles a intenté un appel manifestement voué à l'échec, puisqu'elle n'a entretenu aucune relation avec la société Suzuki France.
Elle sera donc condamnée à lui payer la somme de 2 000 euros pour procédure abusive.
Sur les dépens et frais irrépétibles
La société d'Exploitation Garage de Versailles succombant au principal, sera condamnée à supporter les dépens d'appel et à payer à la société Suzuki France la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement entrepris, y ajoutant, Condamne la société d'Exploitation Garage de Versailles à payer la somme de 2 000 euros à la société Suzuki France pour appel abusif, Condamne la société d'Exploitation Garage de Versailles aux dépens de l'instance d'appel, Condamne la société d'Exploitation Garage de Versailles à payer à la société Suzuki France la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.