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Décisions

CA Chambéry, ch. civ. sect. 1, 26 février 2019, n° 17-01462

CHAMBÉRY

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

SDS (EURL)

Défendeur :

Bellota Herramientas SAU (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Greiner

Conseillers :

Mmes Fouchard, Real Del Sarte

Avocats :

SCP Bollonjeon Arnaud Bollonjeon, Selarl Juris Opera, Mes Dormeval, Bove

T. com. Annecy, du 24 mai 2017

24 mai 2017

Exposé du litige

La société Bellota Herramientas (ci-après la société Bellota) est une société de droit espagnol qui produit et commercialise des outils pour l'agriculture, le jardinage et le bâtiment. Pour la commercialisation de ses produits en France métropolitaine, elle a conclu le 4 novembre 2013 un contrat d'agent commercial exclusif avec la société DMP International, pour une durée d'un an, renouvelable par tacite reconduction pour une durée de trois ans, sauf dénonciation par l'une des parties avec respect d'un préavis d'au moins trois mois.

A compter du 1er octobre 2014, et sans nouveau contrat écrit d'agent commercial, c'est la société SDS qui a été chargée de la commercialisation des produits de la société Bellota en France.

Insatisfaite des résultats de la société SDS, par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 mai 2015, la société Bellota a notifié à celle-ci la cessation du contrat après un "préavis légal de deux mois à compter de la réception" de la lettre, soit au 11 juillet 2015.

La société SDS, se prévalant de la poursuite à son profit du contrat initialement consenti à la société DMP, n'a pas admis que le contrat puisse être résilié avec un simple préavis de deux mois et a sollicité de la société Bellota le paiement de diverses sommes.

Aucun accord n'ayant été trouvé entre les parties, par acte délivré le 19 janvier 2016, la société SDS a fait assigner la société Bellota devant le tribunal de commerce d'Annecy pour obtenir sa condamnation à lui payer, selon le dernier état de ses demandes, les sommes de:

- 33 234,78 euros HT à titre de rappels de commissions pour la période jusqu'au 11 juillet 2015,

- 115 018,70 euros au titre de la perte des commissions jusqu'au 3 novembre 2017,

- 125 475,00 euros à titre d'indemnisation des conséquences préjudiciables de la rupture,

- 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Bellota s'est opposée aux demandes en soutenant que le contrat conclu avec la société SDS était oral et distinct de celui signé avec la société DMP qui n'a donc pas été poursuivi, ce dernier contenant de surcroît une clause attributive de compétence au profit de tribunal de commerce d'Alençon justifiant dans ce cas l'incompétence territoriale du tribunal de commerce d'Annecy.

Par jugement contradictoire rendu le 24 mai 2017, le tribunal de commerce d'Annecy:

- s'est déclaré territorialement compétent,

- a rejeté l'intégralité des demandes de la société SDS concernant les droits et obligations qu'elle souhaitait hériter du contrat passé initialement entre la société DMP et la société Bellota,

- a condamné la société Bellota à régler à la société SDS la somme de 3 710,88 euros en règlement de la facture 1507011,

- a constaté que la vérification faite sur pièces effectuée par un professionnelle indépendant est recevable et suffisante pour répondre à la revendication de documents justificatifs formulée par la société SDS,

- a rejeté l'intégralité des autres demandes des parties,

- a condamné la société SDS à verser à la société Bellota la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société SDS aux dépens.

Par déclaration du 26 juin 2017, la société SDS a interjeté appel de ce jugement.

L'affaire a été clôturée à la date du 12 novembre 2018 et renvoyée à l'audience du 26 novembre 2018, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 12 février 2019, prorogé au 26 février 2019.

Par conclusions notifiées le 17 avril 2018, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société SDS demande en dernier lieu à la cour de:

- vu les articles L. 134-4, L. 134-6 alinéa 2, L. 134-9 à L. 134-13 du Code de commerce,

- vu les articles R. 134-3 alinéa 2 et R. 134-4 du Code de commerce,

- vu les articles 1134 et 1154 du Code civil,

- vu les articles 46, 455 et 700 du Code de procédure civile,

- infirmer le jugement déféré, sauf en ce qu'il reconnaît sa compétence territoriale,

- dire et juger que la société Bellota doit indemniser la société SDS d'une part de la perte des commissions qui auraient dû être payées jusqu'au terme contractuellement fixé et, d'autre part, de toutes les conséquences préjudiciables, du fait de la rupture,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Bellota à lui payer la somme de 3 710,88 euros et débouter la société Bellota de son appel incident à cet égard,

- condamner la société Bellota à payer à la société SDS les sommes de:

- 33 234,78 euros HT à titre de rappel de commissions pour la période contractuelle jusqu'au 11 juillet 2015,

- 115 018,70 euros à titre d'indemnisation des conséquences préjudiciables de la rupture et subsidiairement la somme de 100 300 euros,

- dire et juger que les intérêts sur ces sommes seront dus à compter de la demande en justice et se capitaliseront,

- condamner la société Bellota à payer à la société SDS la somme de 10 000 euros à titre de participation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouter la société Bellota de l'intégralité de ses demandes,

- condamner la société Bellota en tous les dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais de traduction, avec pour ceux d'appel application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de la SCP Bollonjeon Arnaud Bollonjeon, avocats associés.

Par conclusions notifiées le 22 janvier 2018, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société Bellota demande en dernier lieu à la cour de:

- vu les articles L. 134-5 et suivants, et R. 134-3 du Code de commerce,

- vu les articles 1134 et 1165 du Code civil dans leur version antérieure,

à titre liminaire:

- donner acte à la société Bellota qu'elle ne conteste pas la compétence du tribunal de commerce d'Annecy, dans le cas où la société SDS n'est pas admise à revendiquer le bénéfice du contrat DMP,

- subsidiairement, et dans le cas contraire, se dessaisir au profit de la cour d'appel de Caen conformément à l'article 15.2 du contrat DMP,

- constater que la société DMP, qui n'est pas dans la cause, n'a jamais contesté la résiliation du contrat et dire et juger que la société SDS est forclose à se prévaloir d'une éventuelle créance à l'encontre de la société Bellota,

sur le fond:

- constater que la société SDS n'est pas en droit de se prévaloir du contrat DMP et que la relation ayant existé entre la société Bellota et la société SDS s'analyse en un contrat verbal à durée indéterminée,

- en conséquence, confirmer le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné la société Bellota à payer à la société SDS la somme de 3 710,88 euros,

- débouter la société SDS de toutes ses demandes, dès lors qu'il a été satisfait à l'injonction de communication qui lui a été faite conformément à l'article R. 134-3 du Code de commerce, et qu'il n'est pas démontré de préjudice réparable par l'appelante, ni son droit à l'indemnité compensatrice prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce,

- subsidiairement, réduire cette indemnité compte tenu de la brièveté des relations contractuelles,

- infiniment subsidiairement, si la cour considérait que la société SDS est en droit de se prévaloir du contrat DMP, réduire l'indemnité compensatrice qui ne peut être supérieure à la somme de 31 541,13 euros,

- condamner la société SDS à payer la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec pour ces derniers application au profit de Me Clarisse Dormeval, avocat, des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Motifs et décision

1/ Sur la compétence territoriale et le contrat liant les parties

Le contrat d'agent commercial conclu entre la société Bellota et la société DMP avec effet à compter du 4 novembre 2013 prévoit, dans son article 15.2 que les parties entendent "soumettre tout litige résultant de l'exécution ou de l'interprétation du contrat aux tribunaux de la ville d'Alençon, avec renoncement express à leur propre juridiction, si une autre leur correspondait".

La société SDS revendique la transmission à son profit de ce contrat, mais s'oppose à l'exception d'incompétence soulevée par la société Bellota sur le fondement de cette clause en soutenant que la commune intention des parties était de soumettre le règlement des litiges à la juridiction du lieu d'établissement de l'agent commercial.

Pour déterminer la compétence et l'application éventuelle de cette clause, il convient tout d'abord de déterminer si la société SDS est ou non au bénéfice de la transmission du contrat conclu par la société DMP.

Le contrat stipule dans son article 13.1 "Bellota Herramientas pourra céder, de forme partielle ou totale, les droits et les obligations dérivés du présent contrat à n'importe quelle tierce personne, sans le consentement préalable de l'agent. En revanche, étant donné le caractère "intuitu personae" de la relation régulée par le présent contrat, l'agent ne pourra pas céder les droits et les obligations dérivés de celui-ci à aucune tierce personne sans le consentement préalable express et par écrit de Bellota Herramientas".

La société Bellota ne conteste pas que la société SDS soit devenue son agent commercial à compter du 1er octobre 2014, mais n'a jamais revendiqué avoir transféré à celle-ci le contrat précité.

La société SDS ne justifie pas du consentement préalable exprès et par écrit de la société Bellota pour la cession de ce contrat, et se contente de produire une attestation dactylographiée signée par M. X, gérant de la société DMP (pièce n° 3 de l'appelante) selon laquelle celle-ci cède le contrat à compter du 1er novembre 2014, date qui au demeurant ne correspond pas au commencement effectif du contrat entre la société Bellota et la société SDS qui est le 1er octobre 2014, ainsi que cela ressort des factures émises successivement par DMP et par SDS (pièces n° 34 et 75 de l'appelante).

L'examen des pièces produites aux débats, et notamment des échanges entre les parties, ne permet aucunement de retenir, comme le soutient l'appelante, que le contrat aurait été nécessairement transféré à son bénéfice avec le consentement, même tacite, de la société Bellota. En effet, si la lettre de rupture du 8 mai 2015 rappelle la succession des contrats, elle ne contient toutefois aucune reconnaissance par le mandant d'un transfert entre ses deux agents successifs, puisqu'il est rappelé en fin de courrier qu'aucun contrat écrit n'a été établi avec la société SDS, excluant ainsi la reprise du contrat DMP.

Il convient de rappeler à cet égard que la société SDS étant distincte de la société DMP, elle n'a pas qualité pour se prévaloir des circonstances de la rupture des relations contractuelles entre celle-ci et la société Bellota, qui ne sont pas l'objet du présent litige. De la même manière, le fait que M. Y, précédemment associé ou salarié de la société DMP, ait été l'interlocuteur de la société Bellota pour cette société, puis pour la société SDS dont il est, par la suite, devenu le gérant (pièces n° 2 de l'intimée et n° 1 de l'appelante) est indifférent dès lors que la preuve du consentement exprès de la société Bellota au transfert du contrat initial n'est pas rapportée.

De plus, la société SDS ne justifie ni ne prétend avoir payé à la société DMP un quelconque prix de cession du contrat litigieux, de sorte que la cession à son profit n'est pas établie.

Aussi, c'est à juste titre que le tribunal a retenu que la société SDS ne pouvait pas prétendre au transfert du contrat DMP, qu'un nouveau contrat s'est donc conclu, sans écrit, entre la société Bellota et la société SDS, et qu'ainsi la compétence territoriale du tribunal de commerce d'Annecy a été valablement retenue.

C'est encore à juste titre que le premier juge a, en raison de l'absence de transfert du premier contrat, débouté la société SDS de toutes ses demandes fondées sur celui-ci.

2/ Sur la résiliation du contrat

En application de l'article L. 134-11 alinéas 2, 3 et 4 du Code de commerce, lorsque le contrat d'agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis. La durée du préavis est d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes, les parties pouvant convenir de délais plus longs. En l'absence de convention contraire, la fin du délai de préavis coïncide avec la fin d'un mois civil.

En l'espèce, le contrat non écrit conclu entre la société Bellota et la société SDS est nécessairement à durée indéterminée, de sorte que, le contrat ayant commencé le 1er octobre 2014 et ayant été résilié par le mandant par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 mai 2015, soit bien avant la fin de la première année, le délai de préavis de deux mois appliqué par la société Bellota est conforme aux exigences légales ci-dessus, et le contrat a été effectivement résilié à la fin du mois de juillet 2015, conformément aux dispositions ci-dessus, et non le 11 juillet 2015.

3/ Sur les factures impayées

La société SDS réclame le paiement de diverses factures impayées qu'il convient d'examiner successivement.

Concernant la facture n° 1507011 d'un montant de 3 710,88 euros (pièce n° 54 de l'appelante), celle-ci correspond aux commissions variables pour le premier semestre 2015. La société Bellota soutient que l'objectif de chiffre d'affaires de 1 000 000 euros n'ayant pas été atteint, la société SDS ne pourrait y prétendre.

Toutefois, le contrat n'étant pas écrit, il appartient à la société Bellota de rapporter la preuve que l'objectif était fixé à 1 000 000 euros, ce qu'elle ne fait pas, aucun des documents produits ne permettant de retenir cette somme, étant souligné, de surcroît, que le contrat conclu avec la société DMP prévoyait un objectif de 400 000 euros pour la première année.

Or le mandataire, en application de l'article L. 134-5 du Code de commerce, a droit, dans le silence du contrat, à une rémunération conforme aux usages pratiqués, dans le secteur d'activité couvert par son mandat, et, à défaut d'usages, à une rémunération raisonnable qui tient compte de tous les éléments qui ont trait à l'opération.

Aussi, à défaut d'éléments probants contraires, il convient de retenir que la commission facturée par la société SDS pour le premier semestre 2015 (CA réalisé de 247 391,85 euros) est entièrement due et le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Bellota à payer la somme de 3 710,88 euros à ce titre.

De la même manière, la facture n° 1508001 du 1er août 2015 (pièce n° 56 de l'appelante) porte sur le service commercial et la prospection du mois de juillet 2015, elle est donc due en totalité pour 3 451,67 euros, dont il convient de déduire l'acompte payé par la société Bellota de 1 298,61 euros, soit un solde de 2 153,06 euros.

Toute réclamation formée par la société SDS au titre des autres factures émises postérieurement au mois de juillet 2015 pour le service commercial et les opérations de prospection ne peut qu'être rejetée, puisqu'elle n'était plus chargée de ces missions pour la société Bellota (factures n° 1509001 et 1510001, pièces n° 58 et 59).

Concernant les factures n° 1508004 et 1509004 (pièces n° 55 et 57), il s'agit d'avances sur commission sur chiffre d'affaires dans l'attente de la communication des éléments comptables.

La société SDS soutient que la société Bellota ne lui a jamais communiqué les éléments comptables nécessaires au calcul de ces commissions, comme elle en a pourtant l'obligation, et réclame donc à ce titre un rappel de commissions calculé sur la moyenne des commissions versées par son mandant tant à la société DMP qu'à elle même depuis le 4 novembre 2013.

Toutefois les documents produits en pièces n° 13 et 13.2 bis par l'intimée, qui correspondent au rapport établi par son commissaire aux comptes et contiennent tous les éléments nécessaires à la détermination des commissions dues jusqu'au terme du contrat, sont amplement suffisants et le manquement allégué aux dispositions de l'article R. 134-3 du Code de commerce n'est pas établi. En effet, ce texte n'exige la communication au mandataire que des seuls éléments comptables nécessaire au calcul de ses commissions ("extraits" selon le texte), et non le bilan global du mandant. Par ailleurs, le commissaire aux comptes, bien que payé par la société Bellota, est bien un professionnel indépendant de par son statut, et son rapport doit être pris en compte comme probant.

La société SDS n'a pas chiffré sa demande de commission au regard des documents comptables communiqués qu'elle rejette en totalité, et persiste à demander l'équivalent de la moyenne antérieure, ce qui ne se peut, les justificatifs ayant été produits.

Or l'examen des documents comptables produits par la société Bellota en pièces n° 13 et 13.2bis révèle que l'ensemble des commissions variables dues par le mandant au titre de l'année 2015 ont bien été payées à la société SDS, puisque le chiffre d'affaires final ressort à 226 866,44 euros, soit inférieur à celui pris en compte par la facture n° 1507011 traitée ci-dessus, de sorte que la demande à ce titre sera rejetée, aucune commission variable supplémentaire n'étant due.

Enfin, la société SDS réclame le paiement de commissions supplémentaires pour la période courant de la rupture du contrat jusqu'à son terme du 3 novembre 2017. Toutefois, cette réclamation ne peut qu'être rejetée dès lors qu'il a été jugé ci-dessus que le contrat liant les parties était à durée indéterminée et non la poursuite du contrat DMP.

En définitive, la société Bellota sera condamnée à payer la somme de 5 863,94 euros HT au titre des factures impayées.

4/ Sur l'indemnité compensatrice de rupture

En application de l'article L. 134-12 du Code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. L'agent commercial perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits.

L'article L. 134-13 dispose que cette réparation n'est pas due dans les cas suivants:

1° la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial,

2° la cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial par la suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée,

3° selon un accord avec le mandant, l'agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence.

Bien que régulièrement saisi de la demande de la société SDS sur ce fondement, le tribunal ne l'a pas examinée, il convient donc de statuer sur ce point.

Aucune des causes de privation de l'indemnité compensatrice de rupture prévue par le texte précité n'est établie en l'espèce, ni même revendiquée d'ailleurs. Le courrier de résiliation du contrat ne fait d'ailleurs aucunement état de fautes qui justifieraient que l'agent soit privé d'indemnité de rupture.

Aussi, la société SDS est bien fondée à réclamer une indemnité compensatrice de rupture.

La société Bellota soutient à titre principal que cette indemnité n'est pas due, aucun préjudice n'étant établi, et subsidiairement qu'elle ne saurait excéder 9 mois de commissions brutes.

Concernant le préjudice subi, il n'est pas contestable que la société SDS a nécessairement perdu de l'activité du fait de la rupture du contrat d'agent commercial par la société Bellota. L'absence de personnel salarié licencié du fait de cette rupture n'exclut pas l'existence d'un réel préjudice.

Par ailleurs, s'il est exact que la société SDS ne produit pas ses bilans qui permettraient d'établir la perte de chiffre d'affaires imputable à cette rupture, ainsi que la part de son chiffre d'affaires représentée par l'activité consacrée à la société Bellota, elle a incontestablement perdu les commissions auxquelles elle aurait pu prétendre si le contrat s'était poursuivi.

A cet égard, elle justifie d'une réelle activité au bénéfice de la société Bellota, y compris à l'égard du client important qu'est Jardiland. En effet, la société Bellota soutient que ce client était déjà en contact avec elle directement, sans l'intermédiaire de son agent commercial, et produit à cet effet un courrier électronique en pièce n° 15 émanant de M. Z, daté du 1er septembre 2016. Toutefois, ce courrier ne peut être considéré comme probant dès lors qu'il ressort de sa lecture qu'il s'agit manifestement d'une attestation, non signée d'ailleurs, de pure complaisance, écrite par un ancien salarié de Jardiland dont le CV révèle qu'il n'y est resté que d'octobre 2012 à janvier 2015, et qui n'est étayée par aucune autre pièce.

Enfin, l'indemnité compensatrice de rupture, usuellement évaluée à deux années de commission, doit toutefois être proportionnelle à la durée des relations contractuelles, lesquelles ont ici été de dix mois. Il apparaît ainsi que l'indemnisation revendiquée par la société SDS équivalente à 30 mois de commissions brutes, et subsidiairement à deux ans, est manifestement excessive au regard de la durée effective de son mandat.

Aussi, et en considération des justificatifs produits, il convient de fixer l'indemnité compensatrice de rupture à l'équivalent des commissions brutes perçues par la société SDS pendant les dix mois de son mandat.

Les justificatifs produits permettent de retenir (pièces n° 34 à 54 et 56 de l'appelante) qu'en prenant en considération les rappels de commissions alloués ci-dessus pour la période de fin du contrat, la société SDS devait percevoir une somme globale de 50 506,01 euros HT au titre de ses commissions fixes et variables pour les dix mois de son activité (44 642,07 + 3 710,88 + 2 153,06). C'est donc cette somme qui lui sera allouée à titre d'indemnité de rupture.

5/ Sur les autres demandes

L'ensemble des sommes allouées ci-dessus porteront intérêts au taux légal à compter de l'assignation délivrée le 4 février 2016, avec capitalisation par année entière, conformément aux dispositions de l'article 1154 ancien du Code civil.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société SDS la totalité des frais exposés, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de lui allouer la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Bellota, qui succombe à titre principal, supportera les entiers dépens avec, pour ceux d'appel, distraction au profit de la SCP Bollonjeon Arnaud Bollonjeon, avocats associés, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Annecy en ce qu'il : - s'est déclaré territorialement compétent, - a rejeté l'intégralité des demandes de la société SDS concernant les droits et obligations qu'elle souhaitait hériter du contrat passé initialement entre la société DMP et la société Bellota Herramientas, Infirme le jugement déféré pour le surplus, et statuant à nouveau, Condamne la société Bellota Herramientas à payer à la société SDS les sommes de: - 5 863,94 euros HT au titre des factures impayées, - 50 506,01 euros au titre de l'indemnité compensatrice de rupture du contrat d'agent commercial, outre intérêts au taux légal sur ces sommes à compter du 4 février 2016, Dit que les intérêts dus pour une année entière seront capitalisés, conformément aux dispositions de l'article 1154 ancien du Code civil, Déboute la société SDS du surplus de ses demandes, Condamne la société Bellota Herramientas à payer à la société SDS la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Bellota Herramientas aux entiers dépens avec, pour ceux d'appel, distraction au profit de la SCP Bollonjeon Arnaud Bollonjeon, avocat, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

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