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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 6 mars 2019, n° 17-21261

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Arkeos (SARL), Cap Eco Energie (SARL), Apem Energie (SARL), Sol'Air Confort (SARL), Gavriane (SAS), Cap Sud France (SARL)

Défendeur :

EDF (SA), EDF Energies Nouvelles Renouvelées (SASU), Apem (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseiller :

M. Bedouet

Avocats :

Mes Fromantin, Boccon Gibod, Calvet, Rougier

T. com. Paris, du 27 sept. 2017

27 septembre 2017

FAITS ET PROCÉDURE

Les sociétés Apem Energie, Arkeos, Cap Eco Energie, Cap Sud France, Gavriane et Sol'Air Confort sont actives dans le secteur de la vente et de l'installation de panneaux photovoltaïques pour la production d'électricité à destination des particuliers.

La société Electricité de France (ci-après dénommée " EDF "), opérateur historique français, intervient dans la production, le transport, la distribution, la fourniture et le négoce d'électricité.

La société EDF Energies Nouvelles Renouvelées (ci-après dénommée " EDF ENR "), filiale à 100% de la société EDF intervient sur le marché des installations photovoltaïques à destination des particuliers depuis 2007, via des offres pouvant comprendre la fourniture de matériel, la pose, l'aide à la préparation de dossiers de demande de raccordement, et l'aide aux démarches administratives de mise en service et solutions de financement personnalisé.

La société EDF ENR Solaire est filiale à 100% de la société EDF ENR ; depuis 2010, elle est spécialisée dans l'offre de service de production d'électricité photovoltaïque à destination des particuliers sous la marque " EDF ENR ".

Par actes introductifs d'instance des 11 et 12 décembre 2014, dix entreprises, dont les sociétés appelantes, ont assigné les sociétés EDF, EDF ENR et EDF ENR Solaire devant le tribunal de commerce de Paris, à la suite de la saisine, par la société Solaire Direct, filiale d'Engie, du Conseil de concurrence (devenu Autorité de la concurrence), pour des pratiques anticoncurrentielles d'abus de position dominante mises en œuvre par les sociétés EDF et ses filiales intervenant dans le secteur des services destinés à la production d'électricité photovoltaïque par les particuliers.

Le 8 avril 2009, dans une décision n°09- MC-01, l'Autorité de la concurrence a décidé de prononcer des mesures conservatoires à l'encontre d'EDF s'agissant de plusieurs pratiques, susceptibles d'être anticoncurrentielles. Elle avait notamment jugé que " L'ensemble des éléments réunis au dossier permettent en conséquence, à ce stade de l'instruction, de considérer, au regard de la position dominante occupée par EDF sur le marché de la fourniture d'électricité aux clients résidentiels soumis aux tarifs réglementés, que cette entreprise est susceptible d'avoir mis en œuvre un abus de cette position sur le marché connexe de l'offre de services aux particuliers souhaitant devenir producteurs d'électricité photovoltaïque ayant pour objet ou pour effet de fausser la concurrence sur ce dernier marché, en violation des articles 82 du traité CE et L. 420-2 du Code de commerce ", cet abus étant constitué d'une " communication institutionnelle d'EDF dans la filière photovoltaïque qui confond, sans les différencier, le domaine régulé et le champ concurrentiel " (la cour souligne).

L'Autorité a également jugé dans cette décision que " l'utilisation, dans le cadre du Conseil Energie Solaire, de la base de données non reproductible détenue par l'opérateur historique, est susceptible de donner un avantage indu à sa filiale EDF ENR, au détriment de ses concurrents sur le marché connexe en cause. Cette pratique est susceptible de constituer un abus de la position dominante occupée par EDF sur le marché de la fourniture d'électricité aux clients résidentiels soumis aux tarifs réglementés, ayant pour objet ou pour effet de faire obstacle à l'entrée de concurrents d'EDF ENR sur le marché connexe de l'offre de services aux particuliers souhaitant devenir producteurs d'électricité photovoltaïque, en violation des articles 82 du traité CE et L. 420-2 du Code de commerce " (la cour souligne).

Elle a enjoint à la société EDF de supprimer, dans tous les supports de communication de la marque Bleu Ciel d'EDF, toute référence à l'activité d'EDF ENR dans la filière solaire photovoltaïque ; de faire cesser, par les agents répondant au 3929, toute référence aux services offerts par la société EDF ENR ; de mettre fin à toute communication à destination de la société EDF ENR d'informations recueillies via le service d'assistance téléphonique de la société EDF 39.29.

Dans sa décision au fond n° 13-D-20 du 17 décembre 2013, l'Autorité de la concurrence a condamné la société EDF pour pratiques d'abus de position dominante sur le marché des services aux particuliers souhaitant devenir producteurs d'électricité photovoltaïque. L'Autorité a reproché à la société EDF d'avoir, enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce ainsi que l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, premièrement, en mettant à disposition de ses filiales intervenant dans le secteur photovoltaïque des moyens matériels et immatériels qui ont permis à ces dernières de bénéficier de l'image de marque et de la notoriété de la société EDF, et en utilisant les données dont elle dispose en sa qualité de fournisseur historique d'électricité pour faciliter la commercialisation des offres de sa filiale EDF ENR entre novembre 2007 et avril 2009 (article 1er), et deuxièmement, en mettant à disposition de ses filiales actives dans le secteur photovoltaïque la marque et le logo EDF ENR qui ont permis à ces dernières de bénéficier de son image de marque et de sa notoriété entre le mois de mai 2009 et le 31 mars 2010 (article 2). En raison des infractions ainsi établies au droit de la concurrence, l'Autorité de la concurrence a infliigé une sanction globale de 13 813 000 euros à l'encontre de la société EDF, et ordonné la publication de la décision dans les journaux.

Le 7 février 2014, la société EDF a formé un recours contre la décision de l'Autorité de la concurrence devant la cour d'appel de Paris.

Par arrêt du 21 mai 2015 la cour d'appel de Paris a partiellement réformé la décision de l'autorité de la concurrence. Elle a en effet jugé que la mise à disposition de ses filiales par la société EDF de sa marque et du logo EDF ENR, lui ayant permis de bénéficier de l'image de marque et de la notoriété d'EDF, n'enfreint pas les dispositions de l'article L.420-2 du Code de commerce et celles de l'article 102 TFUE. Elle a par conséquent annulé les sanctions prononcées de ce chef par l'Autorité de la concurrence. La cour d'appel a également réformé le montant de la sanction prononcée au titre de l'article 1er de la décision de l'Autorité de la concurrence.

La Cour de cassation a, dans un arrêt du 27 septembre 2017, confirmé le raisonnement de la cour d'appel, sauf en ce que la cour d'appel a écarté la circonstance aggravante tirée de la réitération des pratiques anticoncurrentielles et réformé à ce titre la sanction infligée par l'Autorité de la concurrence.

En saisissant le tribunal de commerce de Paris, les sociétés appelantes sollicitaient par conséquent la réparation des préjudices subis du fait des pratiques anticoncurrentielles, ainsi établies successivement par l'Autorité de la concurrence, la cour d'appel de Paris et la Cour de cassation.

Par jugement du 27 septembre 2017, le tribunal de commerce de Paris a :

- dit prescrite l'action intentée par la SARL Apem Energie, SARL Arkeos, SARL Biosystem AD, SARL Cap Eco Energie, SAS Cap Sud, SAS Isowatt, SARL PCI. M, SARL Sol'Air Confort et SARL France Eco Energie,

- déclaré irrecevables leurs prétentions,

- condamné la SARL Apem Energie, SARL Arkeos, SARL Biosystem AD, SARL Cap Eco Energie, SAS Cap Sud, SAS Isowatt, SARL PCI. M, SARL Sol'Air Confort et SARL France Eco Energie à payer chacune la somme de 1 000 euros aux sociétés SA Electricité de France, SA ED ENR et EDF ENR Solaire,

- condamné la SARL Apem Energie, SARL Arkeos, SARL Biosystem AD, SARL Cap Eco Energie, SAS Cap Sud, SAS Isowatt, SARL PCI. M, SARL Sol'Air Confort et SARL France Eco Energie aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 339,84 euros dont 56,42 euros de TVA.

Les sociétés Apem Energie, Arkeos, Cap Sud France, Gavriane, et Sol'Air Confort ont interjeté appel du jugement du tribunal de commerce de Paris le 20 novembre 2017.

La société Cap Eco Energie a interjeté appel le 24 novembre 2017.

Par ordonnance du 18 décembre 2018, les deux procédures ont été jointes.

La société Apem a formé une demande d'intervention volontaire.

Vu les dernières conclusions des sociétés Apem Energie, Arkeos, Cap Eco Energie, Cap Sud (aux droits de laquelle de laquelle vient la société Gavriane), SARL France Eco Energie (aux droits de laquelle vient la société Cap Sud France), ainsi que la SARL Sol'Air Confort du 07 décembre 2018, dans lesquelles elles demandent à la cour de :

au visa des articles 102 du TFUE, 367 du Code de procédure civile, L. 420-2, L. 481-1 et suivants du Code de commerce, et l'article 1383 (ancien ' 1240 nouveau) du Code civil,

- prononcer la jonction des procédures enregistrées sous les numéros 17/21261 et 17/21711,

- infirmer le jugement du 27 septembre 2017 en toutes ses dispositions, et, statuant à nouveau :

- constater l'intervention volontaire de la société Apem et dire et juger son action recevable,

- juger les sociétés appelantes recevables et bien fondées,

- juger non prescrite l'action intentée par les sociétés appelantes les 11 et 12 décembre 2014,

- juger que les sociétés Electricité de France (EDF), EDF Energies Nouvelles Réparties (EDF ENR) et EDF ENR Solaire, ont commis des pratiques anticoncurrentielles et fautes de concurrence déloyale ayant causé un préjudice aux sociétés Apem Energie, Arkeos, Cap Eco Energie, Cap Sud (aux droits de laquelle de laquelle vient la société Gavriane), France Eco Energie (aux droits de laquelle vient la société Cap Sud France), ainsi que la société Sol'Air Confort,

- condamner solidairement les sociétés Electricité de France (EDF), EDF Energies Nouvelles Réparties (EDF ENR) et EDF ENR Solaire à payer les sommes de :

* [...] euros à la SARL Apem Energie, subsidiairement, à la société Apem,

* [...]euros à la SARL Arkeos,

* [...]euros à la SARL Cap Eco Energie,

* [...]euros à la société Gavriane (venant aux droits de la SAS Cap Sud),

* [...] euros à la société Cap Sud France, (venant aux droits de la société France Eco Energie),

* [...] euros à la SARL Sol'Air Confort,

A titre subsidiaire :

- condamner solidairement les sociétés Electricité de France (EDF), EDF Energies Nouvelles Réparties (EDF ENR) et EDF ENR Solaire à payer la somme provisionnelle à valoir sur leur préjudice de 100.000,00 euros à chacune des sociétés appelantes (et subsidiairement en ce qui concerne la société Apem Energie, à la société Apem),

- désigner tel Expert qu'il plaira à la Cour, avec pour mission de réunir tous les éléments nécessaires afin d'apprécier le préjudice subi par les demanderesses et d'en faire une évaluation chiffrée,

En tout état de cause :

- dire et juger que les condamnations prononcées contre les sociétés Electricité de France (EDF), EDF Energies Nouvelles Réparties (EDF ENR) et EDF ENR Solaire porteront intérêt au taux légal à compter de l'assignation du 11 décembre 2014,

- condamner solidairement les sociétés Electricité de France (EDF), EDF Energies Nouvelles Réparties (EDF ENR) et EDF ENR Solaire à payer à chacune des sociétés appelantes (et subsidiairement en ce qui concerne la société Apem Energie, à la société Apem), la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance,

- débouter les sociétés Electricité de France (EDF), EDF Energies Nouvelles Réparties (EDF ENR) et EDF ENR Solaire de toutes demandes, fins et prétentions contraires ;

Vu les dernières conclusions déposées le 7 janvier 2019, par les sociétés EDF, EDF Energies Nouvelles et EDF ENR Solaire, dans lesquelles elles demandent à la cour de :

Au visa des articles 1240 et 2224 du Code civil,

- déclarer irrecevable la société APEM Energie, faute de qualité et d'intérêt à agir,

- déclarer irrecevable la société GAVRIANE, faute de qualité et d'intérêt à agir,

- déclarer irrecevable l'intervention volontaire de la société APEM faute de qualité et d'intérêt à agir,

À titre principal,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Par conséquent,

- juger prescrite l'action intentée par les appelantes,

À titre subsidiaire,

- juger les appelantes irrecevables ou, à tout le moins, mal fondées en leurs demandes, fins et conclusions,

- rejeter l'ensemble de leurs demandes,

En tout état de cause,

- condamner les appelantes à s'acquitter chacune d'une somme de 30 000 euros entre les mains d'EDF, EDF ENR et EDF ENR Solaire au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner les appelantes aux entiers dépens de la présente instance ;

SUR CE, LA COUR,

Sur le caractère indéterminé des demandes dans le dispositif des dernières conclusions des appelantes

Les sociétés intimées, qui ont relevé cette lacune, n'en tirent aucune conséquence juridique dans leurs conclusions.

Au surplus, la cour constate que c'est par suite d'une erreur purement matérielle que les quantums de dommages intérêts, qui figuraient dans les avant dernières conclusions des appelantes, ne figuraient plus dans le dispositif des dernières conclusions.

Sur la qualité à agir des sociétés appelantes

Les sociétés intimées soutiennent que la société Gavriane (anciennement dénommée Cap Sud), n'est pas recevable à intervenir aux droits de sa filiale, la société FEEL, dans le cadre d'une action en justice visant à la réparation du préjudice personnel subi par ladite filiale, en application de la règle selon laquelle " nul ne plaide par procureur ". Elles s'opposent également à la demande d'intervention volontaire de la société Apem qui n'exerçant plus aucune activité dans le secteur de l'énergie photovoltaïque, à la suite de la cession de sa branche d'activités énergies renouvelables, ne justifierait pas d'un intérêt à intervenir. Enfin, elles affirment que la société Apem Energie n'établit ni qualité ni intérêt à agir en l'espèce.

Les sociétés appelantes font valoir à contrario que les société Apem et Apem Energie interviennent sur le marché photovoltaïque à travers une offre de service d'aide aux démarches administratives, les plaçant en concurrence directe avec la société EDF ENR ; dès lors, elles concluent à l'existence respectivement d'un intérêt à agir et à intervenir des deux sociétés. Elles ajoutent que la société Gavriane intervenant aux droits de la société Cap Sud, elle-même détenant la totalité des parts de la société FEEL est fondée à agir, en ce qu'elle a subi un préjudice du fait de la disparition de sa filiale en raison de la concurrence de la société EDF.

La société Apem a cédé le 1er avril 2013 à la société Apem Energie sa branche d'activité d'études, de gestion, de suivi d'installations utilisant des énergies renouvelables. Ayant subi des pratiques d'EDF avant cette cession, elle est bien recevable à être indemnisée pour elles jusqu'à cette date.

A compter du 1er avril 2103, la société Apem Energie exerce une activité dans le secteur photovoltaïque.

La société Gavriane, nouveau nom de la société Cap Sud, est une holding qui détenait les parts sociales de la société Feel, active sur le marché photovoltaïque, depuis 2008, puis radiée du registre du commerce en novembre 2011. Elle n'est pas recevable à intervenir aux droits de sa filiale, car elle ne saurait être indemnisée pour sa filiale au titre de la perte de chance subie par celle-ci, mais seulement au titre d'un préjudice personnel qu'elle ne soutient pas.

Il en résulte que la société Apem est recevable à agir, la société Gavriane ne l'étant pas.

Sur la prescription de l 'action en dommages et intérêts à raison d'une pratique anticoncurrentielle

Les sociétés appelantes soutiennent que le point de départ de la prescription quinquennale de l'article 2224 du Code civil ne saurait courir qu'à compter du jour où la pratique anticoncurrentielle a été, non pas soupçonnée, mais constatée et établie en fait et en droit, à savoir le 17 décembre 2013, date de la décision au fond de l'Autorité, voire le 27 septembre 2017, date de l'arrêt de la Cour de cassation.

Elles considèrent en effet que c'est à tort que le jugement entrepris a fixé le point de départ de la prescription au 8 avril 2009, date à laquelle l'Autorité de la concurrence a prononcé des mesures conservatoires, ces mesures temporaires étant prononcées à raison d'une simple suspicion, et n'établissant dès lors les pratiques anticoncurrentielles que dans leurs éléments factuels et non juridiques.

Subsidiairement, les sociétés appelantes font valoir qu'en application de l'article L. 462-7 alinéa 4 du Code de commerce, tel qu'introduit par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 (dite " L. Hamon "), qui est d'application immédiate, le délai de prescription de l'action indemnitaire a été interrompu par la saisine de l'Autorité de la concurrence, et n'aurait recommencé à courir qu'au lendemain de l'arrêt de la cour d'appel, soit le 22 mai 2015, voire au lendemain de l'arrêt de la Cour de cassation, le 28 septembre 2017. Elles estiment en effet qu'il ressort d'une jurisprudence constante qu'en application du principe d'application immédiate de la loi nouvelle, et dès lors que la prescription n'est pas acquise, les lois relatives à la prescription sont applicables immédiatement aux pratiques antérieures à leur entrée en vigueur.

Elles font, en outre, valoir que ce raisonnement est conforté par l'ordonnance du 9 mars 2017 portant transposition de la directive 2014/104/UE et la circulaire du 23 mars 2017 aux termes desquelles l'application de l'article L. 462-7 du Code de commerce a pour conséquence un allongement du délai d'action en réparation.

En tout état de cause, elles estiment que la prescription ne saurait valoir pour les pratiques qui se seraient poursuivies jusqu'à aujourd'hui. Elles concluent dès lors à l'absence de prescription de leur action.

En réplique, les sociétés intimées soutiennent que l'existence d'une procédure diligentée par l'Autorité de la concurrence étant publique depuis le 8 avril 2009, les sociétés intimées avaient ou à tout le moins auraient dû avoir connaissance depuis cette date des faits leur permettant d'exercer leur action ; dès lors cette date constitue le point de départ de la prescription au sens de l'article 2224 du Code civil. Elles soulignent en outre qu'à cette date, l'Autorité, qui avait adopté des mesures conservatoires, a suffisamment établi les pratiques anticoncurrentielles en fait et en droit, et qu'en tout état de cause ces mêmes éléments factuels et juridiques fondent la décision au fond, de sorte qu'il n'est pas justifié de reporter le point de départ de la prescription à la date de la décision au fond. Elles font valoir qu'en tout état de cause les sociétés appelantes disposaient de la faculté d'assigner dans les délais légaux, et de la possibilité le cas échéant de demander un sursis à statuer dans l'attente d'une décision au fond pour débattre de l'affaire.

Elles considèrent que l'alinéa 4 de l'article L. 462-7 du Code de commerce introduit par la loi n°2014-344 dite Hamon du 17 mars 2014 ne trouve pas à s'appliquer aux procédures ouvertes antérieurement à sa date de promulgation. Elles ajoutent que le raisonnement des sociétés intimées portant sur le principe d'application immédiate des lois nouvelles est inopérant en ce qu'il n'a vocation à s'appliquer qu'aux dispositions portant allongement de la durée de la prescription ; or tel n'est pas le cas du texte invoqué.

Enfin, elles font valoir que l'article 22 de la directive 2014/104/UE s'oppose expressément à son application aux affaires antérieures au 26 décembre 2014. De même elles estiment que l'ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017 transposant la directive n° 2014/104/UE et la circulaire du 23 mars 2017 ne sauraient avoir pour effet de faire revivre des prescriptions acquises avant le 11 mars 2017, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance.

In fine, elles font valoir que la poursuite alléguée des pratiques anticoncurrentielles ne saurait avoir d'effet sur la date de départ de la prescription de l'article 2224 du Code civil, lequel fixe le point de départ au jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Sur le point de départ de la prescription

L'article 2224 du Code civil, modifié par la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, dispose que : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ".

La notion de " faits permettant d'exercer un droit " s'entend de faits permettant d'agir ou de défendre ce droit. En matière d'action en responsabilité, comme dans la présente espèce, la prescription ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance, à savoir de la date à laquelle elle savait ou aurait pu savoir qu'elle avait été victime de l'infraction, et connaître la consistance de celle-ci, son imputabilité et sa durée.

Compte tenu de ses caractéristiques et de son contenu, la décision de mesures conservatoires n°09- MC-01 du 8 avril 2009, retenue par le tribunal de commerce comme point de départ de la prescription, ne confère pas aux victimes des pratiques anticoncurrentielles la connaissance réelle ou supposée des faits leur permettant d'exercer en justice leur droit à réparation au sens de l'article 2224 du Code civil et ne saurait par conséquent faire courir le délai de prescription.

En effet, de façon générale, les décisions de mesures conservatoires établissent qu'une pratique " est susceptible " d'enfreindre le droit de la concurrence et sont temporaires, la Cour de cassation ayant rappelé que des mesures conservatoires peuvent être décidées " dès lors que les faits dénoncés, et visés par l'instruction dans la procédure au fond, apparaissent susceptibles, en l'état des éléments produits aux débats, de constituer une pratique contraire aux articles L. 420-1 ou L. 420-2 du Code de commerce " ; ces décisions de mesure conservatoire ne déclarent pas une pratique anticoncurrentielle comme les décisions au fond de l'Autorité, qui, par ailleurs, sont beaucoup plus détaillées. Leur objet est en effet essentiellement de mettre un terme de manière urgente à des atteintes à la concurrence par des injonctions et non de sanctionner une pratique factuellement et juridiquement établie. Par ailleurs, elles renvoient, comme en l'espèce, l'étude de certains griefs à l'instruction, qui, finalement, ne seront pas retenus dans la décision au fond.

Moins détaillées dans leur motivation, susceptibles d'être remises en cause par une décision au fond, elles ne peuvent suffire à constituer la base d'une connaissance utile des pratiques par les victimes, de nature à leur permettre d'agir en justice pour obtenir réparation.

Le fait que cette décision ait fait l'objet d'une publicité, comme le relèvent les sociétés EDF dans leurs conclusions, est indifférent et ne saurait conférer à ces mesures conservatoire la force d'établir avec certitude, dans ses éléments factuels et juridiques, la pratique anticoncurrentielle.

Donc, l'action consécutive en réparation exercée, le 11 décembre 2014, par les victimes d'abus d'éviction, n'est pas prescrite, le délai de prescription ayant commencé à courir à partir, non pas de la décision de mesures conservatoires du 8 avril 2009, mais seulement de la décision de condamnation au fond adoptée par l'Autorité de la concurrence, le 17 décembre 2013.

Sur l'interruption de la prescription

Mais, même à supposer que la date de la décision de mesures conservatoires constitue le point de départ du préavis, les mesures qui reportent le point de départ du délai de prescription ou interrompent la prescription par rapport à l'application du droit commun de la responsabilité civile ont pour conséquence un allongement du délai, et sont soumises à l'article 2222 du Code civil qui dispose que " La loi qui allonge la durée d'une prescription ou d'un délai de forclusion est sans effet sur une prescription ou une forclusion acquise. Elle s'applique lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé. En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ".

Or, aux termes L. 462-7 alinéa 4 du Code de commerce introduit par la loi dite " Hamon ", n° 2014-344 du 17 mars 2014 : " L'ouverture d'une procédure devant l'Autorité de la concurrence, une autorité nationale de concurrence d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou la Commission européenne interrompt la prescription de l'action civile. L'interruption résultant de l'ouverture de cette procédure produit ses effets jusqu'à la date à laquelle la décision de ces autorités ou, en cas de recours, de la juridiction compétente est définitive ".

La loi Hamon qui allonge le délai de prescription en prévoyant que l'ouverture d'une procédure devant l'Autorité de la concurrence interrompt la prescription, s'applique immédiatement au 19 mars 2014, alors que le délai de prescription de la présente action, courant à compter du 8 avril 2009, n'était pas expiré (le 8 avril 2014).

Par conséquent, le délai de prescription de l'action indemnitaire de cinq ans a été interrompu par le recours devant l'Autorité de la concurrence, jusqu'à sa décision du 17 décembre 2013, puis, en raison de l'appel interjeté à son encontre, jusqu'à la décision définitive rendue par la cour d'appel de Paris en date du 21 mai 2015.

Il en résulte que même à supposer le point de départ de la prescription fixé au 8 avril 2009, l'action consécutive en réparation exercée, le 11 décembre 2014, par les victimes des abus d'éviction, ne serait pas prescrite.

Sur la faute

Sur l'infraction d'abus de position dominante

Les sociétés appelantes soutiennent que l'infraction d'abus de position dominante de la société EDF, constatée par l'Autorité de la concurrence puis confirmée par la cour d'appel de Paris, doit s'analyser en une faute civile délictuelle engageant la responsabilité de son auteur en application des dispositions de l'article 1382 (ancien) du Code civil. Nonobstant l'application des dispositions de la directive 2014/104/UE, elles font valoir que l'assimilation entre faute concurrentielle et faute civile est consacrée par la jurisprudence française, dès lors qu'une violation de la loi constitue nécessairement une faute civile délictuelle. Elles concluent que les sociétés intimées engagent leur responsabilité sur ce fondement.

Les sociétés intimées considèrent que les appelantes, qui se contentent de reprendre les éléments de la décision de l'Autorité de la concurrence et de l'arrêt de la cour d'appel, ne démontrent pas de manière factuelle et circonstanciée l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité délictuelle des sociétés EDF, EDF ENR et EDF ENR Solaire. Elles réfutent dès lors la conception développée par les sociétés appelantes d'une unité des fautes concurrentielle et civile, faisant en outre valoir que ni les dispositions de la directive 2014/104/UE, ni les dispositions de l'article L.481-2 du Code de commerce ne trouvent à s'appliquer aux faits allégués.

Mais, les pratiques d'abus de position dominante de la société EDF sont établies définitivement par l'arrêt, devenu définitif, de la cour d'appel de Paris du 21 mai 2015.

Il en résulte que " en mettant à la disposition de sa filiale active dans la filière photovoltaïque, EDF ENR, une série de moyens matériels et immatériels entre novembre 2007 et avril 2009 et en permettant ainsi à cette dernière de bénéficier de l'image de marque et de la notoriété de l'opérateur historique, EDF a entretenu la confusion dans l'esprit des consommateurs entre son activité de fournisseur d'électricité et celle de ses filiales, leur procurant ainsi un avantage non réplicable par les concurrents de ces filiales ".

Par ailleurs, " l'utilisation des informations privilégiées détenues de manière exclusive par EDF au titre de son ancien monopole et de ses missions de service public a constitué un avantage concurrentiel significatif pour EDF ENR en lui permettant d'assurer la promotion de ses offres auprès d'un nombre élevé de prospects, dans des conditions qui ne pouvaient être répliquées par les concurrents ".

Le non-respect des articles L. 420-2 du Code de commerce et de l'article 102 du TFUE constituent des fautes civiles.

Sur la poursuite des pratiques abusives

Les sociétés appelantes exposent que les pratiques abusives d'EDF continuent, sous trois formes :

- l'utilisation de la notoriété du groupe EDF

Les sociétés appelantes soutiennent que les sociétés EDF ENR et EDF ENR Solaire font usage de la marque, du logo et de l'appartenance au groupe EDF tout en mettant en œuvre des actions visant à induire le consommateur en erreur, notamment lors du lancement du produit " Sun Flower " ou de la gamme " Mon Soleil et Moi " et " Notre Soleil et Nous " ; elles prétendent que ces pratiques qui visent à tirer avantage de l'image de marque et de la notoriété de l'opérateur historique faussent le jeu de la concurrence dès lors qu'elles engendrent une confusion manifeste pour les consommateurs entre les activités de la société EDF et de ses filiales.

- le dénigrement

Elles exposent que la société EDF ENR se livre, par le biais de sa communication commerciale, à des pratiques de dénigrement à l'endroit de ses concurrents dans le secteur du solaire photovoltaïque.

- l'entretien artificiel d'une activité déficitaire

Les sociétés appelantes font valoir que la société EDF apporte à ses filiales déficitaires une aide financière disproportionnée dans le seul dessein d'éliminer la concurrence sur le marché du photovoltaïque, aide financière qui constituerait une subvention croisée en ce qu'elle permettrait à EDF d'utiliser sa rente de monopole afin de compenser des pertes sur un marché connexe.

La cour souligne que ces pratiques constituent de nouvelles pratiques, commises de 2014 à 2018, et que, même si elles sont de même nature que celles sanctionnées par l'Autorité, aucune continuité avec celles-ci n'est établie. Les pièces font état de témoignages clients d'avril 2014 (pièce B8), de pratiques constatées sur la communication publicitaire ou les sites internet d'EDF ou EDF ENR, en novembre 2015 (pièce B11 des appelantes), fin 2015, (pièce B10), 20 octobre 2016 (pièce B13), 11 janvier 2018 (pièce B22), 24 janvier 2918 (pièce B28, B30).

Les appelantes ne demandent ni à la cour de déclarer anticoncurrentielles ces pratiques nouvelles, ni de les indemniser pour celles-ci, la période d'indemnisation sollicitée étant comprise entre 2009 et 2014, alors que la majorité des constats ponctuels versés aux débats, censés démontrer les nouveaux abus d'EDF sont postérieurs à 2014 ; la cour n'en est pas saisie.

Sur le lien de causalité

Les sociétés appelantes soutiennent qu'il existe une présomption réfragable d'existence d'un lien de causalité entre les infractions au droit de la concurrence et le préjudice qui en résulte pour les victimes des pratiques sanctionnées. Elles ajoutent que si la crise ayant affecté le secteur a pu contribuer à ralentir la progression de la filière en France, elle ne retire par le lien nécessaire et direct de causalité entre les fautes d'éviction de la société EDF et les difficultés de développement des appelantes.

Elles demandent réparation, pour la période 2009 à 2014, des pratiques commises entre 2007 et avril 2009 par EDF et sanctionnées par l'Autorité et qui ont pris fin lors des mesures conservatoires en avril 2009.

Elles exposent en effet que " Le préjudice subi par les concurrents d'EDF et de ses filiales ne saurait cesser au moment où, en exécution des mesures conservatoires prononcées par l'Autorité en mai 2009, EDF et ses filiales ont cessé certaines de leurs pratiques illicites (à savoir notamment l'utilisation du 3929, des fichiers clients et autres). Il est clair que l'effet de verrouillage du marché analysé par l'Autorité de la concurrence et la Cour d'appel de Paris, au moment même de son essor, a entraîné, pour les concurrents d'EDF, des conséquences néfastes sur le long terme dès lors que ces derniers n'ont pas été en mesure de prendre, dès 2008-2009, le positionnement sur le marché qui aurait dû leur revenir si le libre exercice de la concurrence n'avait pas été faussé. Surtout, les conséquences n'ont été que renforcées du fait de la perpétuation, par EDF ENR, de la faute qui lui a été reprochée par l'autorité confirmée par la Cour d'appel de Paris, de sorte que l'impact des pratiques se poursuit dans le temps, de la même manière que lesdites pratiques se perpétuent depuis 2009-2010, avec des pratiques de confusion et de dénigrement relevées jusqu'en janvier 2018".

Les sociétés intimées répliquent qu'aucune des sociétés appelantes ne rapporte la preuve d'un lien de causalité direct et certain entre la pratique anticoncurrentielle et le préjudice individuel allégué. Elles estiment que dans le cas d'espèce, un tel lien de causalité ne saurait être établi, dès lors que les sociétés appelantes sont entrées sur le marché du solaire photovoltaïque soit concomitamment soit postérieurement à la fin des pratiques anticoncurrentielles telles que constatées par la cour d'appel de Paris, soit reconnaissent ne pas avoir subi de préjudice avant 2009. Elles ajoutent qu'un lien de causalité ne peut être établi de manière certaine entre les pratiques reprochées à la société EDF et le préjudice allégué, étant donné la conjoncture de crise majeure ayant affectée le secteur à partir de l'année 2009.

Il ressort des pièces du dossier que les appelantes demandent réparation, pour la période 2009 à 2014, des pratiques commises entre 2007 et avril 2009 par EDF et sanctionnées par l'Autorité et qui ont pris fin lors des mesures conservatoires en avril 2009.

Or, il a déjà été vu plus haut que les nouvelles pratiques alléguées d'EDF ne constituent pas le prolongement des pratiques sanctionnées et qu'aucune continuité des pratiques n'est établie sur la période d'indemnisation sollicitée de 2009 à 2014, les éléments versés aux débats pour démontrer ces nouvelles pratiques, isolés, et séparés dans le temps par un vaste laps de temps, étant tous postérieurs à 2014.

La société EDF souligne à juste titre que quatre des appelantes sont entrées sur le marché photovoltaïque postérieurement à la période infractionnelle retenue par la cour d'appel de Paris (soit le 9 mai 2009) ou à la toute fin de celle-ci. Il résulte en effet de leurs extraits K bis et de leurs déclarations, que Arkeos a été immatriculée le 6 juin 2009, Sol'Air Confort le 15 janvier 2009 et Apem Energie le 15 mars 2013), Cap Eco Energie reconnaissant dans le rapport d'expertise Teorem qu'elle n'est entrée sur le marché qu'en 2009 : " En 2009, CAP ECO ENERGIE se positionne sur le marché du photovoltaïque grâce auquel il développe un chiffre d'affaires qui lui permet d'avoir une trésorerie confortable ".

S'agissant des pratiques d'abus d'éviction d'EDF, sanctionnées par l'Autorité pour la période de 2007 à avril 2009, il ne saurait être exclu qu'elles ont pu avoir des effets structurants à moyen terme sur les opérateurs plaignants, même après leur cessation et que, par conséquent, ils puissent en demander réparation, en raison des bénéfices dont ils auraient été privés après la cessation des pratiques, en raison d'effets toujours sensibles de l'infraction à laquelle il a été mis fin.

Mais il appartient aux victimes d'établir un lien de causalité. Or, ce lien de causalité entre les pratiques anticoncurrentielles et les prétendus dommages subis par les concurrents après la cessation des pratiques relève d'un niveau d'évidence plus complexe à établir que les dommages contemporains des pratiques.

Les sociétés appelantes prétendent à cet égard avoir subi, à compter de 2010, soit plus d'un an après la cessation des pratiques, une baisse du taux de conversion, à savoir du nombre de prospects concluant un contrat avec elles après avoir consulté leurs offres. Une réparation est ainsi demandée pour la perte des bénéfices futurs sur une durée de quatre années.

Or, elles ne versent aux débats aucun élément sérieux de nature à démontrer que la baisse du taux de conversion serait due aux pratiques d'EDF, alors que rien ne permet d'attester que les pratiques ayant consisté, pour EDF, à user de moyens matériels et immatériels ainsi que d'informations privilégiées pour avantager sa filiale, auraient continué à influencer les prospects après leur arrêt. Le seul grief susceptible d'influencer durablement les consommateurs, tenant à la confusion des logos, a été rejeté par la cour d'appel.

Par ailleurs, il n'est pas sérieusement contesté que le secteur a traversé une crise sans précédent à partir de 2010. Il ressort en effet de très nombreux témoignages de l'époque, versés aux débats par EDF, que la fin des tarifs d'achat très avantageux consentis par EDF aux producteurs d'énergie photovoltaïque a compromis la rentabilité des acteurs du secteur.

C'est ainsi que Thierry M., président de l'association des professionnels du solaire, a indiqué que " le gouvernement (a pris) des mesures qui assainissent littéralement le secteur ". Le Président Directeur Général d'Evasol n'a pu que constater l'impact direct de la remise à plat des aides au secteur sur son taux d'activité : " J'ai vu énormément de mes confrères mettre la clef sous la porte. Dans notre cas, la demande a été divisée par 5 " (pièce 7 d'EDF).

De même, l'association Enerplan, qui regroupait deux cents industriels et installateurs, a souligné que " la rapidité et l'amplitude de la baisse des tarifs de rachat de l'électricité, deux fois plus fort qu'attendu, compromettent la rentabilité de nombreux projets, en ne conservant que les plus rentables et va vider les carnets de commande des PME, fabricants de panneaux, installateurs, entraînant dépôts de bilan et pertes d'emploi " (pièce 7).

Les rédacteurs du rapport Charpin II en ont déduit que les difficultés du secteur étaient directement liées aux " changements réglementaires successifs et à l'image dégradée de la filière " (rapport accessible sur le site de la documentation française et cité par EDF).

En l'absence de tout commencement de preuve, la cour rejette la demande des appelants ainsi que leur demande d'expertise.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Succombant au principal, les sociétés appelantes seront condamnées à supporter les dépens ainsi qu'à payer à la société EDF la somme de 30 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement déféré, sauf les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile, et, statuant à nouveau, Declare la société Gavriane dépourvue d'intérêt à agir, Declare recevable l'action de la société Apem, Dit non prescrite la présente action, La Rejette au fond, Rejette toute autre demande, Condamne les sociétés appelantes aux dépens de l'instance d'appel ; Condamne les sociétés appelantes à payer in solidum à la société EDF la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.