CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 6 mars 2019, n° 18-22335
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Motos Accessoires Delta Bike (SAS), Douhaire Avazeri (SCP)
Défendeur :
Continental France (SNC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseiller :
M. Bedouet
Avocats :
Mes De Carriere, Avazeri, Leboucq Bernard, Dragon, Guyonnet, Bellone
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte du 4 janvier 2013, la société Motos Accessoires Delta Bike, Me Avazeri et Me De Carriere,
respectivement en qualité d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la société Motos Accessoires Delta Bike, ont assigné la société Continental France devant le tribunal de commerce d'Aix en Provence, sollicitant au visa des articles L 622-13 du Code de commerce et 1137 du Code civil, la condamnation de la société Continental France à lui payer les sommes de 1.400.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale du contrat de distribution et de 806.000 euros en réparation de la violation de la clause d'exclusivité territoriale du contrat de distribution du 4 mai 1999.
Par jugement du 17 décembre 2014, le tribunal de commerce d'Aix en Provence a fait application des dispositions de l'article L 442-6, I, 5° du Code de commerce pour statuer sur les demandes formées par la société Motos Accessoires Delta Bike, Me Avazeri et Me De Carriere, respectivement en qualité d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la société Motos Accessoires Delta Bike.
La société Continental France a interjeté appel du jugement devant la cour d'appel de Paris par déclaration au greffe du 14 janvier 2015.
La société Continental France a interjeté appel du jugement devant la cour d'appel d'Aix en Provence par déclaration au greffe du 25 février 2015.
Par ordonnance du 3 octobre 2017, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris a ordonné le sursis à statuer dans l'attente de la décision de la cour d'appel d'Aix en Provence s'agissant de la recevabilité de l'appel devant elle.
Par ordonnance du 3 avril 2018, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel d'Aix en Provence a déclaré l'appel interjeté par la société Continental France devant la cour d'appel d'Aix en Provence irrecevable au motif que la cour d'appel de Paris a été saisie avant que la Cour de cassation ne modifie sa jurisprudence par arrêt du 29 mars 2017.
Par ordonnance du 2 octobre 2018, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris a déclaré l'appel de la société Continental France devant la cour d'appel de Paris recevable.
La société Motos Accessoires Delta Bike, Me Avazeri et Me De Carriere, respectivement en qualité d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la société Motos Accessoires Delta Bike, ont contesté cette décision.
Vu les conclusions du 16 octobre 2018 par lesquelles la société Motos Accessoires Delta Bike, Me Avazeri et Me De Carriere, respectivement en qualité d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire, invitent la cour, au visa des articles 916 al. 2 du Code de procédure civile et R. 311-3 du Code de l'organisation judiciaire, à :
- infirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 2 octobre 2018,
- prononcer l'irrecevabilité de la déclaration d'appel inscrite par la société Continental France par déclaration au greffe de la cour d'appel de Paris le 14 janvier 2015 à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce d'Aix en Provence le 17 décembre 2014,
- condamner la société Continental France aux dépens ;
Vu les conclusions du 11 décembre 2018 par lesquelles la société Continental France, intimée, demande à la cour, au visa des articles L. 442-6, III et D. 442-3 du Code de commerce de :
- dire que l'appel interjeté par elle le 14 janvier 2015 devant la cour d'appel de Paris est recevable,
- condamner la société Motos Accessoires Delta Bike aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP AFG conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
SUR CE, LA COUR,
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
En application de l'article 954 alinéa 2 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.
La société Motos Accessoires Delta Bike, Me Avazeri et Me De Carriere font valoir que ce n'est pas le revirement de jurisprudence qui prive la société Continental France de la possibilité d'être jugée en appel mais les choix procéduraux qu'elle a librement décidé de mettre en œuvre. Elle précise que le litige ne s'est jamais placé sur les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce. Elle en déduit que la procédure ne relève pas d'une juridiction spécialisée en première instance comme en appel. Elle explique que c'est le tribunal de commerce qui a visé dans son jugement l'article L. 442-6 du Code de commerce et que donc le litige opposant les parties n'étant pas relatif à l'application de l'article L 442-6 du Code de commerce, le choix de saisir la cour d'appel de Paris relevait d'une erreur de la société Continental, le dossier ayant toujours été de la compétence de la cour d'appel d'Aix en Provence. Elle indique subsidiairement que la société Continental France aurait pu faire valoir ses droits, les deux cours d'appel ayant été saisies.
La société Continental France réplique que la chambre commerciale de la Cour de cassation avait considéré, jusqu'au mois de mars 2017, que les articles L. 442-6, III et D. 442-3 du Code de commerce donnaient un pouvoir juridictionnel exclusif à la cour d'appel de Paris sur les appels formés contre les décisions rendues sur les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce et ce, même lorsque ces décisions émanent de juridictions non spécialement désignées par l'article D. 442-3 du Code de commerce. Elle indique que si depuis le revirement de jurisprudence de la cour de cassation, une cour d'appel, saisie de l'appel d'un jugement rendu par un tribunal non spécialement désigné par l'article D. 442-3 du Code de commerce mais situé dans son ressort, doit désormais déclarer l'appel recevable et ce, même dans l'hypothèse où le tribunal aurait, à tort, statué sur l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce, et relever alors d'office l'excès de pouvoir commis par le tribunal ayant ainsi statué, cette règle ne s'applique pas aux recours exercés antérieurement à la date du revirement de jurisprudence.
Elle précise que si l'article L. 442-6 du Code de commerce n'a effectivement jamais été expressément visé dans ses conclusions, la demanderesse formulait, dans le dispositif de son assignation, une demande de dommages et intérêts à hauteur de 1400000 euros " en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale du contrat de distribution ", et qu'elle était ambiguë dans le corps de ses conclusions.
Elle excipe enfin que le fait que le tribunal de commerce ait soulevé d'office le fondement juridique de la rupture brutale de relations commerciales établies n'est pas de nature à remettre en cause les règles de compétence.
***
L'appel dont il est question a été interjeté devant la cour d'appel de Paris par acte du 14 janvier 2015, soit sous l'empire de la règle selon laquelle la cour d'appel de Paris est seule investie du pouvoir de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce.
Il est constant que le tribunal de commerce d'Aix en Provence, juridiction non spécialement désignée par l'article D. 442-3 du Code de commerce, a statué en invoquant les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce, s'agissant des demandes formées par la société Motos Accessoires Delta Bike pour rupture brutale du contrat de distribution.
Le litige en cause d'appel porte donc notamment sur l'application de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, le litige portant également sur la critique du jugement de première instance, la question de la manière dont cet article a été appliqué par le tribunal étant ici inopérante.
Dans ces conditions, il y a lieu de déclarer l'appel formé par la société Continental France devant la cour d'appel de Paris recevable.
Il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance du 2 octobre 2018 du conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris.
Il y a lieu de condamner la société Motos Accessoires Delta Bike aux dépens de l'incident.
Par Ces Motifs, LA COUR, Confirme l'ordonnance du 2 octobre 2018 du conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris.