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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 13 mars 2019, n° 18-18485

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

SB Electronic (SAS)

Défendeur :

Redois, AMT France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bedouet

Conseillers :

Mme Comte, M. Javelas

Avocats :

Mes Leboucq Bernard, Rubigny, Gres, Eon Gavory

T. com. Paris, du 20 nov. 2013

20 novembre 2013

Faits et procédure

La société SB Electronic, anciennement dénommée Geco, fabrique et commercialise un appareil d'assèchement des murs sous la marque " Mur Tronic ".

Le 1er octobre 2001, la société SB Electronic et la société AMT, société de travaux d'assainissement, dont le gérant est M. Redois, ont conclu un contrat de distribution assorti d'une clause d'exclusivité portant sur la distribution de l'appareil " Mur Tronic " sur onze départements sous réserve de la réalisation d'un chiffre d'affaires défini contractuellement. Le contrat était conclu pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction.

La société SB Electronic a, le 1er octobre 2010, dénoncé le contrat de distribution exclusive au motif que les objectifs relatifs au chiffre d'affaires de la société AMT n'étaient pas atteints.

Le 19 janvier 2011, la société SB Electronic a assigné la société AMT devant la juridiction des référés du tribunal de grande instance de Strasbourg. Par ordonnance du 13 septembre 2011, le président du tribunal de grande instance de Strasbourg statuant en référé commercial a fait défense à la société AMT de faire usage de l'une quelconque des références figuratives ou rédactionnelles de la société SB Electronic et l'a condamnée à payer à la société SB Electronic des factures pour un montant de 6 190 euros.

Parallèlement, par acte du 9 février 2011, la société AMT et M. Redois ont assigné la société SB Electronic devant le tribunal de commerce de Paris pour rupture brutale des relations commerciales avec la société SB Electronic et obtenir réparation de leurs préjudices.

Par jugement du 20 novembre 2013, le tribunal de commerce de Paris a :

- condamné la société Geco à verser à la société AMT la somme de 130 000 euros,

- condamné la société Geco à verser à la société AMT la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties de toutes leurs demandes autres ou plus amples,

- dit qu'il n'y avait lieu à exécution provisoire,

- condamné la société Geco aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 105,49 euros dont 17,07 euros de TVA.

Le tribunal de commerce de Paris a considéré que la société SB Electronic, alors dénommée société Geco, avait brutalement rompu ses relations commerciales établies avec la société AMT, dont il convenait qu'elle répare le préjudice causé.

La société SB Electronic a interjeté appel du jugement devant la cour d'appel de Paris.

Par arrêt du 4 mai 2016, la cour d'appel de Paris a :

- infirmé le jugement,

- débouté la société AMT de ses demandes de dommages et intérêts,

- condamné la société AMT et M. Redois à payer à la société Geco, désormais SB Electronic, la somme de 8 000 euros au titre de l'indemnité pour frais irrépétibles,

- condamné la société AMT et M. Redois aux entiers dépens.

La société AMT et M. Redois ont formé un pourvoi en cassation.

Par arrêt du 5 avril 2018 la Cour de cassation a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt du 4 mai 2016 entre les parties de la cour d'appel de Paris. Elle a, au visa de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, relevé:

" Attendu que pour rejeter la demande, l'arrêt relève qu'aux termes de l'article 8 du contrat, le distributeur s'engage à réaliser un certain montant de chiffre d'affaires et que, selon l'article 12, l'exécution du contrat peut être immédiatement suspendue en cas d'infection grave et flagrante d'une clause contractuelle; qu'il retient que, selon les termes du contrat, le défaut de respect de l'article 8 peut être constitutif d'une faute grave, justifiant la résiliation immédiate sans préavis; qu'ayant constaté que le chiffre d'affaire réalisé par la société AMT en 2008, 2009 et 2010 était nettement en deçà des termes contractuels, il en déduit que la société Geco pouvait invoquer la faute grave de la société AMT pour rompre le contrat sans préavis;

Qu'en se déterminant ainsi, sans préciser en quoi la non-réalisation, par la société AMT, de l'objectif de chiffre d'affaires prévu au contrat, était de nature à caractériser un manquement suffisamment grave de cette dernière à ses obligations, justifiant la rupture sans préavis de leur relation commerciale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ".

Vu les conclusions du 5 octobre 2018, par lesquelles la société SB Electronic, appelante, invite la cour, à :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société ATM France de ses demandes d'indemnisation au titre :

* des divers frais de publicité,

* de l'indemnité conventionnelle de rupture,

* du préjudice d'image,

* du préjudice lié à la dévalorisation de la société ATM France,

* de la baisse du chiffre d'affaires,

* du prétendu préjudice lié à la rupture du processus de cession,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. G. Redois de l'ensemble de ses prétentions,

pour le surplus,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 20 novembre 2013 en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

- dire que, au vu des manquements graves rendant urgente la nécessité de rompre les relations contractuelles, la résiliation sans préavis du contrat de distribution était justifiée,

- débouter la société ATM France de toute demande d'indemnisation au titre du préavis;

- débouter la société ATM France de l'ensemble de ses prétentions;

en tout état de cause,

- condamner solidairement la société ATM France et M. G. Redois à payer à la société SB Electronic la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner solidairement la société ATM France et M. G. Redois aux entiers frais et dépens de la présente procédure ;

Vu les conclusions du 14 novembre 2018 par lesquelles la société ATM France et M. G. Redois, intimés, demandent à la cour, au visa des articles 1134 et 1382 du Code civil, et L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, de :

- confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a dit que la société Geco, devenue SB Electronic, avait brutalement rompu des relations commerciales établies avec la société AMT France, et que ce faisant, la société Geco, devenue SB Electronic, avait causé à la société AMT France un préjudice qu'il lui convenait de réparer,

- infirmer ladite décision pour le surplus

statuant à nouveau,

- écarter des débats les pièces n° 4, 5, 6, 7, 9 et 14,

sur l'exécution fautive du contrat,

- constater la mauvaise foi de la société Geco, devenue SB Electronic, dans l'exécution du contrat de distribution du 1er octobre 2001 et la responsabilité de cette dernière dans la baisse du chiffre d'affaires de la société AMT France,

en conséquence,

- condamner la société Geco, devenue SB Electronic, à payer à la société AMT France les sommes de 14 208,48 euros au titre des frais de publicité facturés par la société Geco sur l'exercice 2010, et 44 128 euros au titre de la baisse du chiffre d'affaires,

sur le caractère brutal de la rupture des relations contractuelles,

- constater le caractère brutal de la rupture des relations commerciales établies et l'existence d'un préjudice né pour la société AMT France de ce fait,

en conséquence,

- condamner la société Geco, devenue SB Electronic, à payer à la société AMT France les sommes de 281 568 euros au titre du préjudice né de l'absence de préavis et 2 112,27 euros au titre des frais engagés inutilement dans la perspective du salon du patrimoine de novembre 2010,

sur le caractère fautif de la rupture des relations contractuelles,

- constater le caractère fautif de la rupture des relations d'affaires par la société Geco, devenue SB Electronic,

- dire que la rupture des relations commerciales établies est intervenue aux torts exclusifs de la société Geco, devenue SB Electronic,

en conséquence,

- condamner la société Geco, devenue SB Electronic, à payer à la société AMT France les sommes de 617 442 euros au titre des indemnités de rupture prévues au contrat, 50 000 euros au titre du préjudice d'image, 108 000 euros au titre du préjudice lié à la dévalorisation de la société,

- condamner la société Geco, devenue SB Electronic, à payer à M. Redois la somme de 60 000 euros au titre du préjudice lié à la rupture des pourparlers,

- condamner la société Geco, devenue SB Electronic, au paiement de la somme de 40 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Geco, devenue SB Electronic, au paiement des entiers dépens, en ce compris les frais de première instance et d'incident et de cassation,

- ordonner l'exécution provisoire sous astreinte de 500 euros par jour de retard quinze jours après la signification de l'arrêt à intervenir ;

Sur ce, LA COUR,

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l'article 954 alinéa 2 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Sur la demande de rejet des pièces n° 4, 5, 6, 7, 9 et 14 formulée par la société AMT et M. Redois

La société AMT et M. Redois ne précisent pas dans le corps de leurs conclusions le motif de cette demande de rejet. Ils doivent donc être déboutés de cette demande. Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur les fautes de la société Geco, devenue SB Electronic, durant l'exécution du contrat du 1er octobre 2001

La société SB Electronic soutient qu'aucune faute ne peut lui être reprochée. Elle explique avoir répondu favorablement aux demandes de contacts de la société ATM, et n'avoir jamais favorisé la société ARPPA. Elle ajoute que l'absence de publicité dans les pages jaunes de la société AMT sur le secteur de Paris est due à l'absence de paiement par la société ATM des frais de publicité. Elle relève que la baisse du chiffre d'affaires de la société ATM ne saurait lui être imputable, mais résulte de l'attitude de M. Redois qui a délaissé son entreprise.

La société AMT et M. Redois font valoir que la société SB Electronic a violé les dispositions du contrat de distribution, en ce que, d'une part, la société SB Electronic a refusé de faire droit aux demandes de contacts de la société AMT, en privilégiant la société ARPPA, concurrente de la société AMT, en s'abstenant de transmettre des demandes commerciales à la société AMT, et en supprimant son référencement " pages jaunes " sur le département de Paris. Ils estiment que ces manquements contractuels ont causé un préjudice à la société AMT. Ils exposent que la société AMT a subi une baisse de son chiffre d'affaires en raison des agissements de la société SB Electronic. Ils indiquent que la baisse du chiffre d'affaires invoquée par la société SB Electronic résulte d'une stratégie commerciale de cette dernière visant à évincer la société ATM au profit de la société ARPPA, également distributeur de la société SB Electronic.

Sur le non-respect de l'exclusivité de la société AMT par la société SB Electronic

Aux termes de l'article 1 du contrat de distribution, " le fabricant s'engage à faire respecter l'exclusivité accordée au distributeur. Toutefois et dès lors que l'une ou l'autre des parties conviennent de faire jouer la clause dite " de transfert de demande ". Par celle-ci, le client en question sera soit invité à prendre directement contact avec le distributeur assurant la distribution dans la zone où ce client se situe, soit contacté directement par le distributeur de cette même zone ".

Pour établir la violation de cette exclusivité par la société SB Electronic, la société AMT communique des tableaux internes en pièce 4 dont l'origine n'est pas connue. Cette pièce ne peut être considérée comme probante, étant au surplus relevé que la seule baisse du nombre de transfert de demandes ne peut en soi établir la violation de la clause d'exclusivité par la société SB Electronic.

Par ailleurs, le courrier du 17 mars 2010 envoyé par la société SB Electronic à la société AMT afin de lui signaler que l'appel d'offres pour l'Ecole Militaire doit être pris en charge par la société ARPPA (pièce n° 5 AMT), fait référence à des travaux à réaliser à l'Ecole Militaire dans le 7e arrondissement de Paris qui ne relève pas des arrondissements attribués exclusivement par le contrat de distribution à la société AMT à l'article 16.

En outre, l'attestation établie par une ancienne salariée de la société AMT pour des faits datant de 1993 (pièce 43 AMT) ainsi qu'un courrier non daté à l'origine inconnue et un devis (pièces 47) ne peuvent établir un quelconque manquement de la société Geco, aujourd'hui SB Electronic, à la clause d'exclusivité, alors que d'ailleurs, aucune mise en demeure de respecter cette clause n'a été envoyée par cette dernière à la première durant l'exécution du contrat.

En effet, si la société ARPPA a émis des devis sur la zone d'exclusivité de la société AMT, il n'en demeure pas moins qu'il ne peut être reproché à la société SB Electronic, à qui aucune lettre de mise en demeure n'a été envoyée, de violer ladite exclusivité, ces faits n'étant imputables qu'à la première et non pas à cette dernière. De même, des avis d'appel d'offres émanant d'administrations ne peuvent établir aucune violation d'exclusivité par la société SB Electronic.

Enfin, les 13 demandes de transfert adressées à la société Geco à compter du mois de juillet 2010 (pièces 9 AMT), que la société AMT n'aurait pas reçues, ne peuvent là encore établir une violation d'exclusivité par la société Geco, aujourd'hui SB Electronic, en ce que l'issue de ces demandes est incertaine, que certaines ne portent que sur des demandes de renseignement relatives au produit et non pas à des travaux et que la société Geco communique près de 200 contacts adressés à la société AMT du 16 mars au 27 septembre 2010 (Annexe 9 SB Electronic). Ces pièces doivent être considérées comme probantes en ce que les adresses courriels " AMT France " ou " amtfrance@wanadoo. fr " sont identiques à celle de courriels produits par la société AMT (pièces n° 6 et 7 AMT), étant par ailleurs relevé que la société AMT n'a pas signalé à la société Geco, aujourd'hui SB Electronic, ne pas recevoir de demande de sa part durant cette même période.

Dès lors, aucune pièce du dossier ne démontre la violation par la société SB Electronic de la clause d'exclusivité dont bénéficiait la société AMT.

Ce grief doit être rejeté.

Sur la suppression du référencement " Pages jaunes " de la société AMT concernant Paris

Il convient d'abord de relever que la société AMT n'indique pas à quelle date elle a été déréférencée des " Pages jaunes " concernant la zone de Paris.

Par ailleurs, la réponse des Pages jaunes concerne effectivement la possibilité pour une même société d'avoir plusieurs adresses et numéros de téléphone et non pas la présente hypothèse, à savoir la distribution d'une marque par deux sociétés distinctes sur le département de Paris, en deux zones différentes.

Enfin, il apparaît que si le contrat de distribution met à la charge de la société Geco, aujourd'hui SB Electronic, les publicités nationales à l'article 3 intitulé " assistance commerciale publicité ", il met à la charge du distributeur, en l'espèce la société AMT, les publicités locales. Or, le référencement sur les " Pages jaunes " concernant Paris de la société AMT en qualité de distributeur " Mur tronic " constitue une publicité locale qui est donc à la charge de la société AMT, qui ne justifie pas que son déréférencement par les " Pages jaunes " concernant Paris est dû à une demande expresse de la société Geco.

Ce grief doit également être rejeté, de sorte de l'ensemble des demandes formées au titre de la responsabilité contractuelle de la société Geco, aujourd'hui SB Electronic, dans le cadre de l'exécution du contrat de distribution doivent être rejetées.

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

La société AMT et M. Redois expliquent que les dispositions d'ordre public de l'article L. 442-6 du Code de commerce exigent le respect d'un préavis avant toute rupture, dès lors que l'inexécution du contrat ne présente pas un degré de gravité suffisante. Ils soutiennent que la relation commerciale entre les sociétés AMT et Geco, aujourd'hui SB Electronic, est établie depuis plus de 20 ans. Ils estiment que la rupture est brutale, dès lors que la société SB Electronic n'a respecté aucun préavis de rupture, n'a adressé aucune mise en demeure préalable à la société AMT, et ne justifie d'aucune inexécution pouvant être mise à la charge de la société AMT. Ils ajoutent que le fait de ne pas avoir atteint l'objectif contractuel en terme de chiffre d'affaires n'est pas constitutif d'une faute grave, et est au surplus lié au comportement de la société SB Electronic. Ils considèrent que la baisse du chiffre d'affaires ne constitue pas un manquement d'un degré de gravité suffisante justifiant une rupture sans préavis, en ce que, d'une part le manquement n'est pas caractérisé, la société ATM ayant été tenue à un objectif contractuel de 83.386,23 euros et ayant réalisé un chiffre d'affaires net de 130 045 euros pour l'année 2009-2010, soit 156 % de l'objectif, et que, d'autre part, la baisse de chiffre d'affaires intervenant après 20 ans de relations contractuelles dans un contexte économique imprévisible n'est pas d'une gravité telle qu'elle justifie une résiliation immédiate. Ils concluent que la rupture est infondée et que la société SB Electronic ne pouvait se dispenser du respect d'un préavis.

Ils estiment dès lors que la société AMT aurait dû bénéficier d'un préavis de 24 mois.

La société SB Electronic conteste avoir entretenu une relation commerciale établie avec la société AMT depuis 1990, et relève que leur relation commerciale a débuté en 2001 lors de la signature du contrat de distribution. Elle s'oppose à l'application de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, dès lors que la rupture du contrat de distribution trouve son origine dans l'inexécution grave de ses obligations contractuelles par la société ATM. Elle relève que la rupture n'a été ni imprévisible, ni soudaine, ni violente et souligne, à cet égard, que la société ATM a été en mesure de se réorganiser après la rupture du contrat. Elle soutient que selon les termes du contrat, le défaut de respect de l'article 8 constitue une faute grave justifiant la résiliation immédiate sans préavis en application de l'article 12 du même contrat. Elle expose qu'en ne respectant pas l'obligation de chiffre d'affaires telle que stipulée dans le contrat, sur les années 2009 et 2010, la société ATM a commis une inexécution grave du contrat de distribution. Elle ajoute qu'eu égard au caractère exclusif du contrat de distribution concédé à la société ATM, il lui était impossible de combler les manquements de cette dernière en se reportant sur un autre distributeur. Elle ajoute qu'une telle inexécution traduit une inexécution de l'obligation essentielle de prospection commerciale, la société ATM ayant délibérément abandonné le démarchage de la clientèle. Elle considère par conséquent que c'est à bon droit, qu'elle a procédé à la résiliation sans préavis du contrat de distribution.

Aux termes de l'article L.442-6, I, 5° du Code de commerce :

" Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...) de rompre unilatéralement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ".

La rupture des relations commerciales établies peut intervenir à effet immédiat à la condition qu'elle soit justifiée par des fautes suffisamment graves imputées au partenaire commercial.

Sur le point de départ de la relation commerciale établie

Une relation commerciale " établie " présente un caractère " suivi, stable et habituel " et permet raisonnablement d'anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires entre les partenaires commerciaux, ce qui implique, notamment qu'elle ne soit pas entachée par des incidents susceptibles de remettre en cause sa stabilité, voire sa régularité.

La société AMT, pour démontrer une relation commerciale établie avec la société Geco depuis 1990, communique :

- un courrier du 24 septembre 1990 par lequel la société Geco désigne la société Multitra comme étant son revendeur couvrant le département de l'Aube,

- un rapport de mesures du procédé Mur Tronic du 12 décembre 1990 de la société Multitra,

- un courrier du 7 février 1991 d'accompagnement le règlement des frais de publicité pour le mois de décembre 1990 de la société AMT à la société Geco,

- un courrier du 16 décembre 1991 par lequel la société Geco a adressé à la société AMT un avis du bureau de contrôle Veritas, destiné à être mentionné dans les offres " Murtronic "

- les tarifs clients des produits Mur Tronic au 1er avril 1991 de la société Geco.

Ces seules pièces ne peuvent établir qu'entre 1990 et 2001, date de signature du contrat de distribution entre les parties, un flux d'affaires suffisant, régulier et continu liait les parties permettant de qualifier leur relation commerciale d'établie.

Dans ces conditions, il y a lieu de fixer le point de départ de la relation commerciale établie entre les sociétés AMT et Geco, aujourd'hui SB Electronic, au 1er octobre 2001.

Sur la date de la lettre de rupture

Il est constant que la lettre de rupture est le courrier adressé par la société SB Electronic à la société AMT le 1er octobre 2010 et qu'aucun préavis n'a été accordé à la société AMT.

Sur les fautes commises par la société AMT justifiant une rupture sans préavis

Dans son courrier du 1er octobre 2010, la société SB Electronic reproche à la société AMT de ne pas avoir atteint ses objectifs contractuels, dans les termes suivants :

" Par la présente lettre et conformément à l'article 12 du Contrat de distribution du procédé Murtronic du 1 er octobre 2001 nous mettons fin à ce contrat pour le motif suivant :

Objectif de chiffre d'Affaires non atteint. (...) Votre chiffre d'affaires Mur tronic du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2010 se monte à 47 413,60€ HT, soit seulement à peine 57 % par rapport au quota 2006. En conséquence, à dater de ce jour, nous mettons fin à ce contrat. Vous cesserez d'effectuer tous diagnostics et offres ainsi que toutes actions de promotion du produit Mur tronic. "

L'article 8 du contrat de distribution liant les parties est rédigé comme suit :

" Pour les 12 mois à venir à dater du 01.01.2001, le Distributeur s'engage à réaliser avec le fabricant un chiffre d'affaires de 40 000 F HT/département soit un CA d'environ 450 000 FF HT/an Quatre cent cinquante mille francs) pour les 11 départements. Pour les 4 années suivantes, le quota à réaliser sera réévalué de 5 % par an. Au delà de cette période, la réévaluation sera convenue d'un commun accord. ".

La société AMT conteste la définition du chiffre d'affaires à prendre en compte. Or, s'agissant des rapports entre les sociétés AMT et Geco, il convient de prendre en compte uniquement le montant des commandes passées par la société AMT à la société Geco, ce qui explique la mention " avec le fabricant " et non pas la marge brute de la société AMT réalisée ensuite sur la vente desdits produits à ses propres clients, ajoutée à ces premiers montants.

Il est constant qu'ensuite le chiffre d'affaires que devait atteindre la société AMT n'a jamais été réévalué et que cette dernière devait donc réaliser au minimum 83 386,23 euros de chiffre d'affaires avec la société Geco.

Dès lors, pour déterminer le chiffre d'affaires réalisé par la société AMT au cours du dernier exercice, le chiffre d'affaires global de la société AMT dans ses bilans comptables ne peut être pris en compte. En revanche, il y a lieu de retenir les chiffres de la société Geco, aujourd'hui SB Electronic, certifiés par son expert comptable et non utilement contestés, desquels il ressort effectivement que la société AMT a acheté auprès de la société Geco, aujourd'hui SB Electronic, pour 48 437 euros de matériel sur la période entre le 1er octobre 2009 et le 30 septembre 2010.

En l'espèce, le contrat de distribution exclusive liant les sociétés AMT et Geco porte principalement sur l'octroi par cette dernière de l'exclusivité à la première de la commercialisation de ses produits sur 11 départements français moyennant le respect de quotas annuels minima. Dès lors, le respect de ses quotas par le distributeur constitue une obligation essentielle du contrat. Dans ces conditions, le fait de ne réaliser que 57 % du chiffre d'affaires annuel minimum pour un distributeur, alors que la tendance est très nettement à la baisse sans que ce dernier n'établisse de faute imputable à la société Geco pour justifier sa baisse de chiffre d'affaires, constitue une faute d'une gravité suffisante pour justifier une rupture des relations commerciales sans préavis par le fournisseur qui, de ce fait, ne peut développer son activité auprès d'autres distributeurs, étant lié par la clause d'exclusivité. Aussi, aucune mise en demeure préalable n'était nécessaire, l'obligation de respecter les quotas figurant dans le contrat et constituant la contrepartie essentielle à l'exclusivité.

Il y a donc lieu de débouter la société AMT de ses demandes de ce chef. Le jugement doit être infirmé en ce qu'il a condamné la société Geco à verser à la société AMT la somme de 130 000 euros.

Sur la rupture abusive du contrat par la société Geco, devenue SB Electronic

La société AMT invoque pour réclamer une indemnité conventionnelle de rupture, les dispositions de l'article 12 b) § 5 du contrat de distribution.

La société SB Electronic conteste devoir une indemnité conventionnelle de résiliation, indiquant que l'exception à l'application de cette clause est justement la violation d'une des clauses de contrat, en l'espèce celle relative aux quotas.

L'article 12 b) § 5 du contrat de distribution est rédigé comme suit :

" En cas de rupture du contrat par le Fabricant pour des raisons différentes de celles mentionnées sous l'article 12, le Distributeur sera en droit de demander une indemnité correspondant à 3 fois le CA réalisé par le Distributeur au cours de l'exercice précédent la rupture " et l'article 12 prévoit " le non-respect d'une des clauses du présent contrat ".

Il a été jugé supra que la société AMT n'a pas respecté la clause relative au quota, clause contractuelle, de sorte qu'elle ne peut être fondée à solliciter une indemnité conventionnelle de rupture, celle ci ayant été motivée par la violation de cette obligation.

Il y a donc lieu de rejeter l'ensemble des demandes de ce chef. Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur la rupture des pourparlers

M. Redois explique avoir subi un préjudice du fait de la rupture des pourparlers concernant la vente de sa société à une tierce personne suite à la résiliation par la société SB Electronic du contrat de distribution sélective.

La société SB Electronic fait valoir que le lien de causalité entre l'échec de la cession de la société et la résiliation du contrat de distribution n'est pas établi.

Il a été relevé ci dessus que la société SB Electronic était bien fondée à résilier le contrat de distribution compte tenu de l'insuffisance du flux d'affaires entre les parties, la société AMT ne réalisant que 57 % du chiffre d'affaires minimum imposé par le contrat. Il ne peut donc être reproché à la société SB Electronic aucune faute dans la résiliation du contrat de distribution.

Il y a lieu de rejeter la demande de ce chef. Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur la demande d'exécution provisoire

L'arrêt n'étant pas susceptible d'une voie ordinaire de recours est exécutoire de droit. La demande tendant au prononcé ou au rappel de l'exécution provisoire est donc sans objet et doit être rejetée.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à réformer le jugement déféré sur le sort des dépens et des frais irrépétibles.

La société ATM France et M. G. Redois, parties perdantes en ce que toutes leurs prétentions sont rejetées, doivent être condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société SB Electronic la somme de 20 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du Code de procédure civile formulée par la société ATM France et M. G. Redois.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement sauf en ce qu'il a : - condamné la société Geco à verser à la société AMT la somme de 130 000 euros, - condamné la société Geco à verser à la société AMT la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, - condamné la société Geco aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 105,49 euros dont 17,07 euros de TVA ; L'infirme sur ces points ; Statuant à nouveau ; Déboute la société ATM France de sa demande au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies ; Y ajoutant ; Condamne in solidum la société ATM France et M. G. Redois aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société SB Electronic la somme de 20 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette toute autre demande.