CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 11 mars 2019, n° 17-00455
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Sud Ouest Créations (SARL)
Défendeur :
Fabemi Environnement (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Présidents :
M. Belieres, Conseillers : Mm. Rouger, Bergouniou
Avocats :
Mes Iglesis, Clamens, Leridon
Expose du litige
Les époux C. ont confié à la SARL Sud Ouest Créations, sur la base de deux devis du 28 octobre 2011, divers travaux d'aménagement de la terrasse, des plages et margelles de la piscine de leur propriété située à Toulouse, 30 chemin de Ballufet.
Les travaux ont fait l'objet de deux factures en date du 1er octobre 2012 d'un montant respectif de 22.007,30 euros et 43.008,16 euros.
Le 11 mai 2013, puis le 9 janvier 2014, la SARL Sud Ouest Créations adressait aux époux C. une mise en demeure d'avoir à payer le solde de la facture.
Les époux C. ont refusé d'acquitter en totalité la dernière facture qui leur a été présentée en raison de l'apparition de divers désordres (différence de teintes et tâches sur les dalles entourant la piscine, contrepente du pavage réalisé devant la maison d'habitation, défaut de fonctionnement d'une pompe à chaleur).
Les époux C. ont saisi le 13 février 2014 le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse, lequel a désigné M. Tempier en qualité d'expert par ordonnance du 12 mai 2014.
Le rapport d'expertise a été déposé le 30 novembre 2014.
Au vu des conclusions dudit rapport, les époux C. ont, par acte d'huissier du 11 février 2015, fait assigner la SARL Sud Ouest Créations devant le tribunal de grande instance de Toulouse afin d'obtenir la réparation de leurs dommages, au visa des articles 1792 et subsidiairement 1147 du Code civil.
Par acte d'huissier en date du 17 mars 2015, la SARL Sud Ouest Créations a appelé en cause la SAS Fabemi, fabricant des dalles posées.
Par jugement contradictoire en date du 16 janvier 2017, le tribunal de grande instance de Toulouse a :
- dit que la SARL Sud Ouest Créations doit payer à M. et Mme C. :
- la somme de 16.654,20 euros TTC, toutes compensations effectuées ;
- la somme de 1.000 euros au titre du préjudice immatériel ;
- rejeté le recours formé à l'encontre de la SAS Fabemi Environnement ;
- dit que la SARL Sud Ouest Créations doit payer à M. et Mme C. la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit d'une autre partie ;
- dit que la SARL Sud Ouest Créations doit supporter les dépens de l'instance, ainsi que ceux de l'instance en référé, en ce compris le coût de l'expertise ;
- ordonné l'exécution provisoire du jugement ;
- accordé aux avocats de la cause le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
- rejeté toutes prétentions contraires ou plus amples.
Par déclaration en date du 30 janvier 2017, la SARL Sud Ouest Créations a relevé appel total de ce jugement.
Prétentions et moyens des parties :
Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 14 juin 2017, la SARL Sud Ouest Créations, appelante, soutient, à titre principal, que les désordres invoqués par les époux C. proviennent d'un vice inhérent à la structure de la dalle livrée par la société Fabemi Environnement ; que ce vice, qui ne se limite pas à un simple phénomène d'efflorescence, et consiste en un délitement des dalles, n'était pas connu de la société Sud Ouest Créations ; que seule la responsabilité de la société Fabemi Environnement peut être recherchée dans le cadre de la survenance du désordre et de ses conséquences ;
Elle demande en conséquence à la cour de réformer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a imputé la contrepente du parvis à un défaut de pose de sa part ; subsidiairement, elle demande à la cour de condamner la société Fabemi Environnement à la relever et garantir indemne des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à son endroit ; en tout état de cause, de dire que les époux C. se reconnaissent redevables de la société Sud Ouest Créations de la somme de 3.650,60 euros TTC et de les condamner au paiement de cette somme ; d'ordonner le cas échéant la compensation de cette somme avec les condamnations qui pourraient être prononcées ; de condamner tous succombants au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens de la présente procédure ;
Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 27 juillet 2017, la société Fabemi Environnement, intimée, qui soutient, d'une part, que les désordres invoqués par les maîtres de l'ouvrage incombent entièrement à la société Sud Ouest Créations qui n'a notamment pas suivi les conseils de pose des dalles fortement recommandés par le fabricant, et d'autre part, que la société Sud Ouest Créations ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un vice caché affectant les dalles, demande à la cour, au visa des articles 1147, 1641 et 1792 anciens du Code civil, à titre principal de :
- confirmer le jugement dont appel dans l'ensemble de ses dispositions ;
- en conséquence, déclarer la SARL Sud Ouest Créations seule responsable des désordres affectant la construction des époux C. ;
- débouter la SARL Sud Ouest Créations de sa demande en garantie formée à son encontre ;
- condamner la SARL Sud Ouest Créations à lui payer une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens de l'instance.
Subsidiairement, elle lui demande de :
- dire que la société Fabemi Environnement a rempli son obligation de conseil en informant les utilisateurs de ses produits des obligations de traitement pendant la pose ;
- dire que la SARL Sud Ouest Créations, professionnel du bâtiment, est donc le principal responsable du défaut de traitement des dalles ;
- réduire à une part très symbolique l'éventuelle responsabilité de la société Fabemi Environnement ;
Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 29 mai 2017, les époux C., intimés, qui font valoir que les dalles de la piscine sont entachées d'un défaut caché à la livraison et que la responsabilité de la société Sud Ouest Créations doit être recherchée sur le fondement de la garantie des vices cachés et du défaut de délivrance de dalles conformes à celles commandées, demandent à la cour, au visa des articles 1641 et suivants, 1792 du Code civil, de :
- confirmer dans toutes ses dispositions le jugement dont appel ;
- en conséquence, déclarer la société Sud Ouest Créations responsable des désordres affectant leur construction ;
- condamner la SARL Sud Ouest Créations au paiement de la somme de 20.304,80 euros TTC correspondant au montant des travaux de reprise ;
- constater que les époux C. reconnaissent devoir à la SARL Sud Ouest Créations la somme de 3.650,60 euros TTC ;
- ordonner la compensation des créances de chacun et condamner ainsi la SARL Sud Ouest Créations à régler la somme de 16.654,20 euros TTC ;
- condamner la SARL Sud Ouest Créations à leur verser la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DECISION :
L'expert Tempier, dans son rapport en date du 30 novembre 2014, a constaté deux désordres subsistants, la SARL Sud Ouest Créations ayant remédié au défaut de fonctionnement de la pompe à chaleur : la contrepente sur le pavage de l'aire de manœuvre, qu'il impute à la SARL Sud Ouest Créations et dont il évalue le montant de la réparation à 2.920 euros HT ; la variation de couleur des dalles ainsi qu'une libération de poussière grise en surface, qu'il impute à un défaut de qualité joint à un défaut de traitement de surface des dalles dont il fait grief d'une part au fabricant, la SAS Fabemi, et d'autre part au poseur, la SARL Sud Ouest Créations Environnement, dont il évalue la réparation à la somme de 14.244 euros HT.
- Sur les régimes de responsabilité applicables :
La société Sud Ouest Créations ne conteste pas sa responsabilité en ce qui concerne les désordres qui affectent la contrepente du pavage réalisé devant le garage de la maison d'habitation, que l'expert Tempier impute, en page 7 de son rapport, à une mauvaise mise en œuvre de la part de l'entreprise Sud Ouest Créations et dont il chiffre le coût de la remise en état à une somme de 2.920 euros HT, soit 3.212 euros TTC.
Le litige est circonscrit, en appel, à la variation de couleur des dalles formant le revêtement de sol des plages de la piscine et à la libération d'une poussière grise en surface, désordre que l'expert Tempier qualifie de phénomène d'efflorescence.
Les désordres affectant les dalles de la piscine sont apparus concomitamment à la pose, et sont à l'origine du refus des époux C. de s'acquitter du solde de la dernière facture de la SARL Sud Ouest Créations. En l'absence de toute réception, même tacite, de l'ouvrage, ils ne peuvent pas engager la responsabilité de la SARL Sud Ouest Créations, liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage, sur le fondement de l'article 1792 du Code civil.
La responsabilité de la société Sud Ouest Créations ne peut dès lors être engagée que sur le fondement de la responsabilité contractuelle, qui était subsidiairement invoquée par les maîtres de l'ouvrage dans leur assignation introductive d'instance.
L'expert judiciaire, en page 9 de son rapport, impute le phénomène d'efflorescence affectant les dalles de la piscine au défaut de traitement de surface des dalles mises en œuvre. Il évoque, en page 7, un défaut de qualité dans la composition des dalles mises en œuvre, ce qui implique un traitement de surface obligatoire. Il relève par ailleurs que le désordre est généralisé et rend le dallage impropre à l'usage auquel il est destiné.
Il précise en outre qu'à la date de la mise en œuvre des dalles posées par la SARL Sud Ouest Créations, la société Fabemi Environnement, fabricant des dalles, préconisait un traitement de surface après pose des dalles, sans toutefois l'imposer.
Les consignes de pose du fabricant ont évolué depuis cette date, et la nouvelle rédaction des conseils de pose insiste sur le caractère obligatoire du traitement de surface des dalles.
La société Sud Ouest Créations est un professionnel spécialisé dans l'aménagement paysager et la création de piscines. Elle est tenue envers ses clients d'une obligation de renseignement et de conseil quant au choix des dalles à mettre en œuvre, et de résultat quant à l'aspect des plages de la piscine.
Il est constant qu'après la pose des dalles fournies par la société Fabemi, qui n'étaient pas celles qui faisaient l'objet du devis faisant état de dalles en pierres reconstituées "Pividal", elle n'a pas réalisé de traitement de surface. Elle ne saurait s'exonérer de sa responsabilité en alléguant le fait qu'à l'époque de la pose, le traitement de surface n'était pas imposé par les recommandations du fabricant. En effet un tel traitement était fortement recommandé par ce dernier ; en s'abstenant de le pratiquer, elle a commis une négligence fautive de nature à engager sa responsabilité sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
La SARL Sud Ouest Créations, pour s'exonérer de sa responsabilité, soutient que les dalles livrées par la société Fabemi sont entachées d'un vice caché ; elle ne démontre cependant pas par les pièces qu'elle verse aux débats, l'existence d'un vice intrinsèque des dalles litigieuses.
En sa qualité de professionnel, elle ne pouvait ignorer le phénomène d'efflorescence qui est récurrent en ce qui concerne les dalles en pierres reconstituées ; elle a ignoré les conseils de pose fortement recommandés par fabricant ; dès lors son recours à l'encontre de la société Fabemi Environnement ne saurait prospérer ni sur le fondement de la garantie des vices cachés, ni sur celui d'un manquement du fabricant à son obligation d'information.
- Sur le montant de l'indemnisation des époux C. :
Les époux C. sont fondés à obtenir la réparation intégrale de leur préjudice, laquelle suppose la dépose des dalles et la pose d'un nouveau carrelage.
L'expert chiffre à la somme de 14.244 euros HT (soit 17.092,80 euros TTC en tenant compte d'une TVA à 20%) le montant de ces travaux ; il convient en conséquence de condamner la société Sud Ouest Créations à payer cette somme aux époux C., déduction faite de la somme de 3.650 euros restant due sur la facture n° 102012002 du 1er octobre 2012.
Les époux C. subissent par ailleurs un préjudice de jouissance indiscutable, qu'il convient de réparer par la condamnation de la société Sud Ouest Créations à leur payer une somme de 1.000 euros à ce titre.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :
La société Sud Ouest Créations, qui succombe, devra supporter les entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris ceux de l'instance en référé et le coût du rapport d'expertise de M. Tempier. Elle sera par ailleurs déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Il serait en l'espèce inéquitable de laisser à la charge des époux C. d'une part, et à celle de la société Fabemi Environnement, d'autre part, les frais exposés non compris dans les dépens ; il convient de faire droit, en cause d'appel, à leur demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, à concurrence de la somme de 2.000 euros.
Par ces motifs : LA COUR, Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré. Y ajoutant : Condamne la société Sud Ouest Créations à payer, en cause d'appel, aux époux C. d'une part, à la société Fabemi Environnement, d'autre part, la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Déboute la société Sud Ouest Créations de sa demande formée à ce même titre. Condamne la société Sud Ouest Créations aux dépens de l'appel.