CA Rennes, 2e ch., 8 mars 2019, n° 15-05526
RENNES
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Christien
Conseillers :
Mme Dotte Charvy, M. Pothier
Avocats :
Mes Tromeur, Gloaguen
Le 1er décembre 2011, M. Hervé G. a vendu à Mme Nathalie L. un cheval hongre de race Selle Français de 5 ans nommé Théos d'Ivin destiné à la compétition de sauts d'obstacles amateur, pour le prix de 12 000 euros.
Au mois de février 2012, Théos d'Ivin a présenté à l'issue d'une séance de travail une fêlure de l'os métacarpien II de l'antérieur droit.
Des examens vétérinaires ayant révélé plusieurs difficultés, Mme Le Monze a obtenu, suivant ordonnance de référé du 5 novembre 2012, la désignation de M. M. en qualité d'expert, lequel a déposé son rapport le 31 août 2013.
Prétendant que les constatations vétérinaires ont révélé l'existence de diverses lésions affectant l'animal et le rendant inapte à l'utilisation pour laquelle il a été acquis, Mme Le Monze a, par acte du 21 octobre 2013, fait assigner M. G. devant le tribunal de grande instance de Brest en résolution de la vente pour défaut de conformité, et subsidiairement pour vice caché, et en paiement de dommages intérêts.
Par jugement du 27 mai 2015, le tribunal de grande instance a :
- débouté Mme Le Monze de l'ensemble de ses demandes,
- condamné Mme Le Monze à verser à M. G. la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Mme Le Monze a relevé appel de ce jugement le 9 juillet 2015, et aux termes de ses dernières écritures du 26 octobre 2016, elle demande à la cour de le réformer et de :
- prononcer la résolution de la vente du cheval Théos d'Ivin, intervenue le '2 décembre 2011',
- en conséquence, condamner M. G. à lui régler les sommes suivantes :
- 12 000 euros au titre de la restitution du prix de vente,
- 332 euros au titre des frais vétérinaires,
- 2 017,65 euros au titre du coût d'entretien de l'animal,
- 306,99 euros au titre de la visite d'achat,
- 237,44 euros au titre de la radio de contrôle du Dr L.,
- 75 euros au titre des ferrures,
- débouter M. G. de toutes ses demandes,
- le condamner au règlement d'une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens comprenant ceux du référé et les honoraires d'expertise.
Par ses uniques écritures du 24 novembre 2015, M. G. conclut à la confirmation du jugement attaqué et au débouté des demandes de Mme Le Monze.
Il sollicite la condamnation de Mme Le Monze au paiement d'une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les parties, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 12 avril 2018.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la garantie légale de conformité
Mme Le Monze fonde son action sur l'application des dispositions des articles L. 211-1 à L. 211-11 du Code de la consommation relatives à la garantie légale de conformité, ce à quoi M. G. oppose qu'il n'est pas un professionnel du commerce des chevaux et que les conditions d'application de cette action ne sont donc pas réunies.
Si Mme Le Monze a incontestablement la qualité de consommateur, en revanche, il n'est pas établi qu'au moment de la vente M. G. exerçait habituellement et à titre professionnel une activité d'éleveur de chevaux.
M. Hervé G. justifie en effet avoir cessé son activité de chef d'exploitation agricole le 31 décembre 2009, ainsi qu'il résulte du courrier de la Mutualité sociale agricole du 16 février 2010 l'avisant de sa radiation du régime de protection sociale des non salariés agricoles à compter du 31 décembre 2009.
S'il ressort de l'extrait Kbis du 19 février 2010 que son activité a été reprise par l'EARL Ecurie G. constituée le 1er janvier 2010 par ses trois enfants, il demeure que la vente a été conclue le 1er décembre 2011 entre M. Hervé G., retraité, et Mme Le Monze.
La circonstance que M. Hervé G. ait acquis le cheval avant son départ à la retraite, et que son nom reste attaché à l'exploitation de l'EARL Ecurie G. constituée par ses enfants ne saurait conférer à ce dernier la qualité de professionnel du commerce de chevaux.
Faute pour Mme Le Monze de démontrer le caractère professionnel de l'activité d'éleveur ou de vendeur de M. Hervé G., celle ci sera déboutée de ses demande fondées sur les dispositions des article L. 211-1 à L. 211-11 du Code de la consommation.
M. G. soutient ensuite que les seules dispositions susceptibles d'être invoquées par Mme Le Monze sont celles des articles L. 213-1 et suivants du Code rural, et que le délai imparti à l'acheteur pour introduire l'une des actions ouvertes par l'existence d'un vice rédhibitoire concernant la vente d'un cheval est de dix jours, de sorte que l'action exercée à son encontre serait prescrite.
Toutefois, en application de l'article 954 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions des parties énoncées au dispositif de leurs conclusions, et qu'aux termes du dispositif de ses dernières conclusions, M. G. ne demande pas à la cour de déclarer irrecevable l'action de Mme le Monze.
Sur la garantie des vices cachés
Il est de principe que la convention écartant les dispositions du Code rural régissant la garantie des vices rédhibitoires dans les ventes d'animaux domestiques peut être implicite et résulter de la destination des animaux vendus et du but que les parties se sont proposé et qui constitue la condition essentielle du contrat.
Or, en l'occurrence il n'est pas contesté que le cheval a été acheté afin de lui donner une destination sportive en le faisant participer à des compétitions de sauts d'obstacles.
Cette destination sportive s'évince des écritures des parties, des conclusions du vétérinaire ayant procédé à la visite d'achat qui conclut à ce que l'animal peut être acquis pour une carrière de 'CSO' et il n'est en effet pas contesté par M. G. que 'l'équidé a été vendu à destination de sauts d'obstacles amateur' ; il apparaît ainsi que les parties ont entendu écarter les règles légales de la garantie des vices rédhibitoires dans la vente d'animaux domestiques, telles que définies par les articles L. 213-1 et suivants du Code rural, et peuvent ainsi se prévaloir de celles du droit commun de la vente.
Il ressort à cet égard de l'examen de Théos d'Ivin par le Dr D., le 10 mai 2012, que le cheval, outre la consolidation de la fracture, présente les signes cliniques suivants :
- une amyotrophie dorsale sévère,
- une amyotrophie fessière bilatérale marquée,
- un tuber sacrale gauche plus haute que le droit
- une mobilité dorsale diminuée,
- un bassin effondré à droite associé à une incapacité à galoper main droite,
ce vétérinaire ayant émis un pronostic sportif réservé et suggéré une scintigraphie du bassin et du rachis pour localiser le site lésionnel, examen qui n'a pas été réalisé.
Le Dr C., qui a examiné Théos d'Ivin le 23 mai suivant a conclu que celui ci présente une locomotion globalement satisfaisante dans toutes les circonstance de l'examen, avec cependant :
- un discret soulagement antérieur droit en ligne droite sur sol dur et en cercle à main droite sur sol dur et mou,
- une tendance à se désunir au galop aux deux mains sur sol mou,
- une discrète arthropathie synoviale intervertébrale en C6-C7,
ce vétérinaire ayant émis 'un pronostic sportif plutôt favorable pour la poursuite d'une carrière sportive au niveau antérieur, à moduler en fonction de l'évolution de la locomotion du cheval lors de l'intensification du travail et de sa réponse aux traitements proposés.'
L'expert judiciaire, après s'être livré à l'examen du cheval le 13 mars 2013 en présence des parties et de leurs conseils, a constaté :
- une amyotrophie dorsale très légère,
- une asymétrie du bassin à peine perceptible,
- une mobilité dorsale diminuée (allures compactes en raison de la morphologie),
- un très bon état général.
L'expert a expliqué que :
- l'amyotrophie dorsale et fessière constatée lors des précédents examens était en relation avec la mise au repos du cheval à la suite de la fracture du métacarpien,
- l'asymétrie du bassin était vraiment discrète et ne gênait en rien la locomotion du cheval.
- les arthropathies constatées précédemment sont discrètes, impossibles à dater pour la plupart, et concernent tous les chevaux qui pratiquent le saut d'obstacle.
Il conclut que le pronostic sportif est favorable, 'à condition de respecter les prescriptions médicales, d'adapter la ferrure et d'être prudent sur l'intensité du travail et des compétitions.'
Il rappelle que 'le tableau clinique a été dominé par la fracture d'un métacarpien rudimentaire postérieure à la vente', et 'que ce pronostic pourrait être largement amélioré si le traitement médical prescrit par le Dr C. avait été suivi [...]'.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments, et notamment des conclusions de l'expert judiciaire, que les lésions constatées étaient soient liées à la mise au repos de Théos d'Ivin après la fracture qualifiée de rudimentaire par l'expert, soit communes à l'ensemble des chevaux pratiquant le saut d'obstacle et sans incidence sur les capacités sportives de l'animal dans cette discipline.
La fracture étant intervenue postérieurement à la vente, c'est à juste titre que le premier juge a estimé qu'il n'est pas démontré que Théos d'Ivin ne serait pas en état de participer à des concours de sauts d'obstacles, de sorte que Mme Le Monze ne caractérise pas l'existence d'un vice caché au moment de la vente et rendant celui ci impropre à sa destination.
Il convient par conséquent de débouter Mme Le Monze de l'ensemble de ses demandes et de confirmer en tous points le jugement attaqué.
Succombant en son appel, Mme Le Monze sera condamnée aux dépens de cette instance, et à payer à M. G. une indemnité de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : Confirme en l'ensemble de ses dispositions le jugement rendu le 27 mai 2015 par le tribunal de grande instance de Brest ; Condamne Mme Nathalie L. à payer à M. Hervé G. la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne Mme Nathalie L. aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.