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Décisions

Cass. crim., 19 mars 2019, n° 17-87.534

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Rapporteur :

Mme Méano

Avocat général :

M. Croizier

Avocats :

SCP Marlange, de La Burgade

Colmar, ch. corr., du 22 nov. 2017

22 novembre 2017

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel de Colmar, contre l’arrêt de ladite cour d’appel, chambre correctionnelle, en date du 22 novembre 2017, qui a renvoyé M. Y et la société X des fins de la poursuite du chef de pratiques commerciales trompeuses ; Vu les mémoires en demande et en défense et les observations complémentaires produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 591 et 593 ; - Vu lesdits articles, ensemble L. 120-1, devenu L. 121-1, et L. 121-1, 2°, devenu L. 121-2, 2°, du Code de la consommation ;

Attendu qu'il résulte des deux derniers textes qu'une pratique commerciale est trompeuse notamment si elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur le prix ou le mode de calcul du prix et les conditions de paiement du bien ou du service, et si elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite de plusieurs plaintes adressées à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la société de recouvrement X et son président, M. Y, ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel pour avoir commis une pratique commerciale trompeuse reposant sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur portant sur le prix ou le mode de calcul du prix du montant total de la somme à recouvrer, et ses conditions de paiement, en l'espèce en demandant, dans le cadre de leur activité de recouvrement de créances auprès des débiteurs, en plus de la créance elle-même, le paiement de frais supplémentaires ne devant en aucun cas être à la charge du débiteur au titre de l'article 32 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, devenu l'article L. 111-8 du Code des procédures civiles d'exécution, et ce en utilisant notamment des mises en demeure écrites sur un ton comminatoire et faisant référence à des citations d'articles de textes législatifs ou réglementaires pour signifier une prétendue légitimité ; que le tribunal a relaxé les prévenus ; que le procureur général a relevé appel de cette décision ;

Attendu que, pour confirmer le jugement, l'arrêt attaqué retient notamment que la société X ne peut être regardée comme ayant une activité commerciale à l'égard des débiteurs puisqu'elle ne leur fournit aucun bien ni prestation de service, contrairement à ce qu'elle fait avec les créanciers, et que le fait de déduire une relation commerciale de la prestation initiale à laquelle le débiteur a souscrit et pour laquelle il s'est montré défaillant serait artificiel ; que les juges en déduisent que les débiteurs ne pouvaient pas être regardés comme des consommateurs à l'époque des faits et que l'élément légal de l'infraction reprochée aux prévenus fait défaut ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que la notion de pratique commerciale, telle qu'interprétée à la lumière de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur (CJUE, 20 juillet 2017, "Gelvora" UAB (aff. C-357/16)), s'applique à toute mesure prise en relation non seulement avec la conclusion d'un contrat, mais aussi avec l'exécution de celui-ci, notamment aux mesures prises en vue d'obtenir le paiement du produit, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ; d'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens proposés : casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Colmar, en date du 22 novembre 2017, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.