CA Nîmes, 1re ch. civ., 14 mars 2019, n° 17-03531
NÎMES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Orange Lease (SA)
Défendeur :
Pacodel (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Blume
Conseillers :
Mmes Hebrard, Toulouse
Avocats :
Mes Sergent, Prevot Lambard, Marmillot
EXPOSE DU LITIGE
La SCI Pacodel a souscrit le 25 novembre 2014 par voie électronique auprès de la SA Orange Lease deux contrats de location financière destinés à financer l'installation de matériels télématiques.
Les matériels objets de ces deux contrats ont été livrés et installés les 5 et 14 janvier 2015, comme en attestent les procès-verbaux de réception et de mise en service qui ont été signés sans réserve par la SCI Pacodel et la SA Orange.
La SCI Pacodel a cessé de payer les loyers afférents aux deux contrats de location financière précités à compter du 1er mars 2016.
Par lettres recommandées des 29 mars 2016, 19 avril 2016, 27 avril 2016, 5 mai 2016, 13 mai 2016, 16 mai 2016, 30 mai 2016 et 7 juillet 2016, la SA Orange Lease a mis en demeure la SCI Pacodel de payer les loyers échus non réglés, précisant qu'à défaut il serait fait application de l'article 3 des conditions générales aux termes desquelles en cas de non-paiement des loyers 15 jours après mise en demeure, le contrat est résilié et deviennent exigibles les loyers à échoir majorés de 10 %.
La SCI Pacodel n'a pas déféré à ces mises en demeure et les deux contrats se sont trouvés résiliés pour défaut de paiement des loyers en application des dispositions de l'article 3 des conditions générales.
Par acte du 15 décembre 2016, la SA Orange Lease a assigné la SCI Pacodel en paiement devant le tribunal de grande instance de Carpentras.
Par jugement contradictoire du 9 août 2017, le tribunal de grande instance de Carpentras, après avoir relevé qu'il n'existait aucune ambiguïté quant à la validité des contrats litigieux, ni quant aux signataires, a, sous bénéfice de l'exécution provisoire, condamné la SCI Pacodel à payer à la SA Orange Lease la somme de 2 017,85 euros au titre des loyers échus pour les deux contrats NZ13181 et NZ13334, a dit que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la mise ne demeure du 29 mars 2016, a débouté la SA Orange Lease de ses demandes au titre des clauses pénales prévues aux contrats en cas de résiliation pour non-paiement des loyers ainsi que de ses demandes au titre de l'indemnité contractuelle de 10 %, et a condamné la SCI Pacodel à payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La SA Orange Lease a relevé appel de cette décision le 8 septembre 2017.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 octobre 2018, l'appelante demande à la cour de déclarer la SCI Pacodel mal fondée en toutes ses demandes, et l'en débouter, de confirmer le jugement du 9 août 2017 en ce qu'il a condamné la SCI Pacodel à payer à la SA Orange Lease la somme de 2 017,85 au titre des loyers échus pour les deux contrats NZ13181 et NZ13334, ainsi que la somme de 1 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi et les entiers dépens, mais l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau, de dire que la condamnation au titre des loyers échus à hauteur de 2 017,85 sera majorée d'intérêts conventionnels de retard, calculés prorata temporis par application du taux de l'intérêt légal multiplié par trois sur le montant toutes taxes comprises des sommes dues à compter du premier jour de retard, et de constater la résiliation des contrats de location financière NZ13181 et NZ13334 pour défaut de paiement des loyers.
En conséquence de cette résiliation, l'appelante réclame la condamnation de la SCI Pacodel à lui payer les sommes suivantes :
- Contrat de location financière NZ13181 : la somme de 12 046,20 au titre des loyers restant à échoir HT, majorée d'une indemnité de résiliation de 10 % d'un montant de 1 204,62 sur les loyers HT,
- Contrat de location financière NZ13334 : la somme de 2 125,99 au titre des loyers restant à échoir HT, majorée d'une indemnité de résiliation de 10 % d'un montant de 212,60 sur les loyers HT,
. Soit un montant total au titre des loyers à échoir HT pour les deux contrats de 14 172,19 .
. Soit un montant total au titre de l'indemnité de résiliation contractuelle de 10 % pour les deux contrats de 1 417,22 .
Ainsi que la somme de 3 500 au titre des frais irrépétibles engagés à l'occasion de la procédure devant la cour, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et tous dépens.
Par conclusions notifiées le 17 janvier 2018 par voie électronique, la SCI Pacodel demande à la cour de réformer le jugement de première instance et statuant à nouveau de dire que la SA Orange Lease ne rapporte pas la preuve de l'existence du lien contractuel avec la SCI Pacodel, de dire qu'aucun contrat n'a été signé par la SCI Pacodel et en conséquence de débouter SA Orange Lease de l'intégralité de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Elle sollicite la confirmation du jugement à titre subsidiaire.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 juin 2018 avec effet différé au 6 décembre 2018.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les relations contractuelles
Pour s'opposer à l'appel de la SA Orange Lease et à ses demandes en paiement de sommes, la SCI Pacodel reprend l'argumentation développée en première instance selon laquelle elle n'aurait jamais souscrit de contrat de location financière auprès de la SA Orange Lease puisque les documents contractuels versés aux débats ne seraient ni datés, ni signés et qu'ils auraient tout au plus valeur de bons de commande.
Or la SA Orange lease verse, en pièces 1 et 11, les contrats dont elle sollicite l'application en précisant qu'ils ont été souscrits en ligne et que la signature est une signature électronique qui permet d'identifier le gérant de la SCI Pacodel.
Il sera en effet rappelé que conformément aux dispositions de l'ancien article 1316-4 devenu l'article 1367 du Code civil, la signature électronique reçoit force probante lorsqu'elle obéit aux critères de fiabilité et d'identification.
La fiabilité du procédé est présumée jusqu'à preuve du contraire. Il appartient donc à celui qui veut la dénier de démontrer que le procédé électronique n'offre pas les garanties requises.
Les deux documents contractuels produits aux débats confirment que c'est au nom de la SCI Pacodel dont le siège social est situé 380 chemin des Saules à Pernes les Fontaines, que les locations financières ont été conclues. Il est par ailleurs précisé en bordure du contrat la date et l'heure de la signature et le nom de M. X en sa qualité de gérant de la SCI Pacodel permettant l'identification du signant.
Enfin la SA Orange lease produit les conditions générales des certificats de signature à usage unique qui permet de connaître l'autorité de certification.
A l'ensemble de ces éléments la SCI Pacodel n'oppose rien. Elle est dès lors défaillante à rapporter la preuve qui lui incombe qu'elle n'est pas la signataire de ces documents contractuels dénommés : contrat de location financière et non simple bon de commande comme injustement soutenu.
Sur les demandes en paiement
Sur l'atteinte au principe du contradictoire,
S'il est exact qu'aux termes de ses écritures de première instance la SCI Pacodel n'avait pas développé de moyens sur le paiement des loyers à échoir en application des dispositions de l'article 3.4 des contrats ni sur le caractère manifestement excessif de l'indemnité de 10 %, ni enfin sur le caractère abusif de telles clauses, en cause d'appel ces moyens soulevés d'office par le juge sont repris par la SCI Pacodel de sorte qu'ils sont désormais dans le débat.
Sur les loyers impayés et les intérêts,
Le montant des loyers impayés n'étant pas contesté et dûment justifié la décision de première instance sera confirmée de ce chef.
Les dispositions contractuelles 2-4 prévoit que ces sommes sont productrices d'intérêts au taux légal majoré de 3 points. Aucun moyen de droit n'est développé par l'intimée pour s'opposer à l'application de cette clause, de sorte que la société appelante est fondée dans sa demande d'application du taux légal majoré et la décision déférée qui ne précise pas le fondement de sa réduction du champ d'application de la clause sera infirmé de ce second chef.
Par voie de conséquence les montants des loyers impayés retenus seront assortis des intérêts à compter des mises en demeure au taux légal majoré de 3 points.
Sur le caractère abusif de la clause de résiliation du contrat,
Les contrats litigieux conclus entre les parties stipulent en leur article 3 :
- qu'en cas de non-paiement à son échéance par le locataire d'un terme de loyer ou de toute somme exigible en vertu du présent contrat, celui-ci pourra être résilié de plein droit par le bailleur quinze jours après mise en demeure infructueuse,
- que dès la résiliation du contrat, le locataire devra restituer immédiatement le matériel et verser au bailleur les sommes suivantes article 3-4 :
a) l'ensemble des sommes dues au titre des échéances impayées,
b) la totalité des loyers, toutes taxes comprises, restant à échoir postérieurement à la résiliation,
c) une indemnité de résiliation égale à 10 % de la totalité des loyers restant à échoir à la date de résiliation.
Il n'est pas contesté que plusieurs mises en demeure par lettres recommandées avec demande d'avis de réception dont les dernières du 7 juillet 2016, sont demeurées infructueuses, de sorte que la société Orange Lease s'estime fondée à se prévaloir de la résiliation du contrat et des stipulations précitées à compter de la date de résiliation.
Pour écarter, les dispositions visées au b) et c) de l'article 3-4 des contrats litigieux, le premier juge les a considérées non écrites car abusives.
Sans viser le fondement juridique de sa motivation le premier juge fait application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation dans sa version applicable au contrat qui prévoit que dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
La SCI Pacodel qui reprend aux termes de ces écritures la motivation de première instance s'en prévaut forcément même si elle fait référence au seul article 1104 du Code civil et à la bonne foi des cocontractants.
Or l'article L. 132-1 du Code de la consommation n'a vocation à s'appliquer que dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs ne peut être utilement invoqué. En application de l'article L. 121-22 4e du même Code, ne sont pas soumises aux dispositions sur le démarchage, les ventes, locations et locations ventes de biens ou de prestations de service lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession.
La SCI Pacodel se présente elle-même comme ayant pour objet social de louer à des sociétés commerciales des locaux professionnels. Ces locaux ont été équipés du matériel de téléphonie objet du contrat de location financière et les contrats de location conclu sont donc en lien direct avec le fonctionnement de son activité de bailleur professionnel inscrit au registre du commerce et de sociétés.
Concernant la mauvaise foi, il n'est pas démontré de manquement de la SA Orange Lease qui permettrait de mettre en évidence celle-ci.
Dès lors, le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit abusive ou sans application, les dispositions de l'article 3-4 points b) et c).
Ces dispositions prévoyantes, en cas de résiliation anticipée, le paiement de la totalité des loyers, toutes taxes comprises, restant à échoir postérieurement à la résiliation, outre une indemnité de résiliation égale à 10 % de la totalité des loyers restant à échoir à la date de résiliation, peuvent être qualifiées à juste titre de clause pénale. Contrairement à ce que paraît dire le premier juge, la société Orange Lease, qui se prévaut de la résiliation du contrat, ne demande pas aussi et de manière contradictoire l'exécution de celui-ci mais bien le paiement des sommes échues avant la résiliation et de la pénalité contractuellement prévue dans cette hypothèse.
Le fait que cette pénalité soit égale au montant des loyers à échoir revient certes à demander l'équivalent de ce que procurerait l'exécution du contrat mais non son exécution plus la pénalité.
L'article 1152 ancien du Code civil en vigueur au cas d'espèce, autorise le juge à modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, même d'office, si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Il s'avère que la clause pénale prévoit une indemnité égale au montant des loyers à échoir toutes taxes comprises, majoré de 10 %.
Au vu des pièces produites, ces montants sont de :
- 12 046,20 euros pour le contrat NZ 13181 majoré de 1 204,62 euros,
- 2 125,99 euros pour le contrat NZ 13334 majoré de 212,60 euros,
L'indemnité correspondant à la totalité des loyers à échoir au jour de la résiliation ne constitue ni un enrichissement du bailleur ni la continuation du paiement des loyers mais une indemnité de résiliation due qui s'élève aux deux sommes ci-dessus rappelées et qui répare l'entier préjudice subi par la société Orange Lease qui au surplus récupère son matériel.
La majoration indemnitaire de 10 % est dès lors manifestement excessive et ces deux majorations indemnitaires seront réduites à 1 euro pour chaque contrat.
La société orange Lease sera ainsi déboutée de sa demande de condamnation de la société intimée au paiement des sommes de 1 204,62 euros et de 212,60 euros présentée et la décision déférée confirmée de ce chef.
A contrario la SCI Pacodel sera condamnée au paiement des sommes de 12 046,20 euros pour le contrat NZ 13181 et de 2 125,99 euros pour le contrat NZ 13334 en application des dispositions contractuelles non jugées manifestement excessives.
Sur les demandes accessoires
Succombant à titre principal la SCI Pacodel supportera la charge des dépens.
Aucun motif d'équité ne justifie qu'il soit fait droit à une quelconque demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la Loi, Statuant publiquement, contradictoirement par arrêt rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SCI Pacodel à payer à la SA Orange Lease la somme de 2 017,85 euros au titre des loyers échus pour les deux contrats de location financière litigieux et sur l'article 700 du Code de procédure civile ; L'infirme pour le reste ; Statuant à nouveau et y ajoutant, Dit que la somme de 2 017,85 euros au titre des loyers échus pour les deux contrats de location financière litigieux sera assortie des intérêts au taux légal majoré de 3 points à compter de la première mise en demeure ; Condamne la SCI Pacodel à payer à la SA Orange lease les sommes suivantes : - 12 046,20 euros pour le contrat NZ 13181 plus un euro au titre de l'indemnité de résiliation, - 2 125,99 euros pour le contrat NZ 13334 plus un euro au titre de l'indemnité de résiliation ; Condamne la SCI Pacodel aux dépens d'appel ; Dit n'y avoir lieu de faire par application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ; Déboute les parties de toutes autres demandes.