CA Angers, ch. com. A, 12 mars 2019, n° 17-00546
ANGERS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Zeppelin (SARL), Kraken Underwater Works (SARL), AB Volvo Penta, Allianz Iard (SA)
Défendeur :
Techno Marine SP Z. O.O
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Van Gampelaere
Conseillers :
Mmes Le Bras, Couturier
Avocats :
Mes Lalanne, Langlois, Barbe, Chatteleyn
FAITS ET PROCÉDURE
La société Kraken Underwater Works dont le siège social est situé à Mamoudzou, a commandé à la SARL Zeppelin pour les besoins de son activité de travaux sous-marins et de promenades touristiques, un bateau semi rigide XV PRO 950- TN 925 2IB de dimension 9,5m x 2,5m équipé de deux moteurs Volvo Penta de 140 chevaux chacun, pour un montant selon devis du 23 janvier 2008 de 98 262 euros TTC accepté le 26 mai 2008. La facture établie le 9 octobre 2008 a été entièrement réglée.
Suite à la livraison du bateau intervenue le 16 février 2009, la société Kraken Underwater Works a constaté divers éléments manquants ou inadaptés :
- le système d'extinction CO2 non conforme à la demande
- un défaut de main courante sur la console
- un défaut d'adaptateur sur le système de gonfleur livré avec le bateau.
Puis lors de sa mise à l'eau le 16 avril 2009, l'acquéreur a constaté un bridage des deux moteurs à 1400 tours, ne permettant pas d'atteindre une vitesse de croisière de 4000 tours.
La société Kraken Underwater Works s'est alors retournée vers la SARL Zeppelin pour obtenir des explications et que lui soit fourni le compte rendu d'essais de bon fonctionnement du navire, seul document légal permettant la prise en compte de la garantie internationale Volvo Penta.
A l'issue d'essais infructueux, la Société Kraken Underwater Works a sollicité une société spécialisée en intervention, diagnostic sur moteur, en l'espèce la société Se2m, laquelle à l'aide d'un appareil électronique nommé VODIA a mis en évidence une panne au niveau de la rampe commune d'injection indiquant un défaut d'alimentation en gasoil, mais sans pouvoir déterminer la partie défectueuse.
Le service des affaires maritimes de Mayotte a refusé de délivrer le permis de navigation en raison du problème 'machine 'existant sur ce navire.
Par ordonnance de référé du 9 juin 2010, le président du tribunal de commerce du Mans, saisi par la Société Kraken Underwater Works, a ordonné une expertise judiciaire étendue par des ordonnances de référés successives à la société Allianz IARD, assureur de la SARL Zeppelin, à la société polonaise Techno Marine qui a fabriqué le bateau ainsi qu'à la société Aktiebolajet Volvo Penta, ci-après désignée société AB Volvo Penta, fabricant des moteurs litigieux.
L'expert, Monsieur R., a déposé son rapport le 31 août 2012.
Par acte du 29 janvier 2014, la Société Kraken Underwater Works a fait assigner la SARL Zeppelin devant le tribunal de commerce du Mans pour solliciter la résolution de la vente du bateau aux torts exclusifs de cette dernière ainsi que la condamnation de celle-ci à lui rembourser le prix de vente, soit 98 262 euros, outre 180 000 euros en réparation de son préjudice d'exploitation et le remboursement de frais multiples pour un montant de 35 551,58 euros.
La SARL Zeppelin s'est défendue de tout manquement contractuel et de toute mise en cause sur le fondement de l'article 1641 du Code civil, expliquant que le bateau avait été fabriqué par la société Techno Marine, basée en Pologne, qui avait commandé les moteurs à la société AB Volvo Penta. La SARL Zeppelin a soutenu que la société polonaise avait fait procéder à l'ensemble des contrôles et tests de fonctionnement avant l'expédition du bateau et obtenu le certificat de conformité européen et qu'elle même avait soumis le navire à une inspection qui avait conclu à sa conformité après contrôle du moteur. S'appuyant sur l'expertise judiciaire, elle a fait valoir que la cause probable des désordres serait la forte pollution solide du carburant introduit par l'acquéreur dans le bateau après sa livraison.
Concluant à titre principal au débouté des demandes de la Société Kraken Underwater Works, elle a toutefois appelé en garantie devant le tribunal, son assureur Allianz Iard, le fabricant du bateau, la société polonaise Techno Marine ainsi que la société AB Volvo Penta.
In limine litis, cette dernière a soulevé l'irrecevabilité de l'action en garantie en raison de la nullité de l'assignation délivrée par la SARL Zeppelin. Au fond, elle a conclu à son débouté, soutenant que l'existence d'un vice caché du moteur antérieurement à la vente n'était pas établie et qu'elle ne pourrait pas être tenue à garantir le vendeur de la condamnation à restituer le prix de vente, l'action rédhibitoire ne pouvant tendre qu'à l'octroi de dommages et intérêts. La Société AB Volvo Penta a également refusé la mise en œuvre de sa garantie contractuelle, la SARL Zeppelin n'ayant pas respecté selon elle les recommandations concernant les essais de fonctionnement.
La société Allianz IARD, assureur de la SARL Zeppelin, a pour sa part indiquée que si la responsabilité de cette dernière était retenue, elle déniait sa garantie, le vendeur n'ayant pas procédé aux tests de conformité.
La société Techno Marine n'était ni présente, ni représentée.
Par jugement réputé contradictoire en date du 26 août 2016, le tribunal de commerce du Mans a :
- débouté la Société Kraken Underwater Works de sa demande de résiliation de la vente,
- condamné in solidum la SARL Zeppelin et la société Techno Marine au paiement d'une somme de 19 137,90 euros HT correspondant aux réparations du navire selon devis de la société Samni du 12 mars 2012,
- condamné la société Allianz IARD dans la limite de ses obligations contractuelles de la police d'assurance à garantir la condamnation de la SARL Zeppelin,
- condamné in solidum la SARL Zeppelin et la société Techno Marine à payer à la Société Kraken Underwater Works la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- laissé à la charge de chacune des parties leurs dépens respectifs,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- débouté les parties de leurs autres demandes.
Par déclaration reçue au greffe le 13 mars 2017, la SARL Zeppelin a interjeté appel de cette décision en le limitant aux dispositions du jugement la condamnant in solidum avec la Société Techno Marine au paiement des réparations du navire et à une indemnité au titre des frais irrépétibles, intimant la Société Kraken Underwater Works, la Société Allianz IARD, la Société AB Volvo Penta et la Société Techno Marine, cette dernière régulièrement assignée à personne le 12 juillet 2017 conformément au réglement UE 1393/2007 n'ayant pas constitué avocat.
Les autres parties ont conclu.
Une ordonnance du 3 décembre 2018 a clôturé l'instruction de cette affaire.
En parallèle, sur requête en interprétation et/ou omission de statuer présentée le 20 décembre 2016 par la Société Allianz IARD, le tribunal de commerce du Mans, par jugement du 29 mars 2017 a :
- dit que compte tenu des limites de garantie de la police d'assurance consentie à la SARL Zeppelin et des conditions générales fixées à l'article 13.11.13, la Société Allianz IARD ne saurait être condamnée pour une prise en charge des coûts de réparation du navire et de la franchise de 2286,73 euros,
- condamné in solidum la SARL Zeppelin et la société Techno Marine au paiement des frais d'expertise d'un montant de 16 998,02 euros,
- condamné chacune des parties à leurs entiers dépens respectifs,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes.
La Société Kraken Underwater Works a également interjeté appel de cette dernière décision le 24 avril 2017, intimant les autres parties. La procédure a été enregistrée sous le numéro RG 17/00852. La Société Techno Marine, a été régulièrement assignée à personne le 22 août 2017 conformément au réglement UE 1393/2007 mais n'a pas constitué avocat. Les autres parties ont conclu.
Une ordonnance du 19 novembre 2018 a clôturé l'instruction de cette affaire.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties dans les dossiers RG 17/00546 et RG 17/00852, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :
- le 15 novembre 2017 pour la SARL Zeppelin,
- le 18 septembre 2017 pour la Société Kraken Underwater Works,
- le 16 novembre 2018 (RG 17/00546) et le 19 septembre 2017 (RG 17/00852) pour la Société Allianz IARD,
- le 28 novembre 2018 (RG 17/00546) et le 4 août 2017 (RG 17/00852) pour la Société AB Volvo Penta, aux termes desquelles les parties forment les demandes qui suivent.
La SARL Zeppelin demande à la cour de :
- la recevoir en son appel,
- confirmer le jugement en ses dispositions déboutant la Société Kraken Underwater Works de sa demande de résiliation judiciaire de la vente et de réparation de ses prétendus préjudices,
- infirmer le jugement en ses dispositions visées par l'appel,
- déclarer la Société Kraken Underwater Works irrecevable, subsidiairement mal fondée en ses demandes et en son appel incident ; l'en débouter en déchargeant la concluante de toute condamnation contre elle prononcée,
- dire au besoin n'y avoir lieu à la résolution de la vente non plus qu'à l'octroi de dommages intérêts au titre de demandes irrecevables en indemnisation de préjudices qui ne sont établis ni en leur principe ni en leur quantum, et seraient sans rapport avec le fait de la concluante, comme résultant tout au plus du choix de la demanderesse de refuser la réalisation des travaux de réfection proposés par la Société AB Volvo Penta,
- à titre subsidiaire,
dire que la Société Allianz IARD, la Société AB Volvo Penta et la Société Techno Marine seront tenues de la relever et la garantir au titre des éventuelles condamnations portées à son encontre,
confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la Société Allianz IARD à garantir la condamnation de la concluante, sauf à prononcer à l'encontre de celle-ci, la condamnation à garantie omise par les premiers juges,
rejeter comme irrecevables, en tout cas non fondés, tous appels incidents et toutes demandes contraires aux présentes,
- condamner toute partie succombante à verser à la concluante, la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens de première instance, en ce compris les frais de référé et d'expertise et d'appel, recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Concernant le jugement rendu sur requête, la SARL Zeppelin demande en outre à la cour de :
- dire irrecevable et subsidiairement mal fondée la demande tendant à la jonction des procédures d'appel, laquelle jonction est dépourvue de tout intérêt comme tout objet, et aussi de conséquences,
- infirmer le jugement et déclarer la société Allianz IARD et la Société Kraken Underwater Works irrecevables en toutes leurs demandes,
- subsidiairement, les y déclarer mal fondées et les en débouter,
- en toute hypothèse, déclarer la société AB Volvo Penta irrecevable et mal fondée dans le cadre de la présente procédure, en son appel incident du 26 août 2016 et en ses demandes dirigées contre la concluante et l'en débouter,
- condamné in solidum la société Allianz IARD et la Société Kraken Underwater Works et in solidum avec tout contestant, à lui verser par application de l'article 700 du Code de procédure civile les sommes de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
La Société Kraken Underwater Works demande à la cour :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de résolution judiciaire de la vente et ses demandes en réparation de son préjudice d'exploitation et des frais exposés,
- de prononcer la résolution de la vente litigieuse et condamner in solidum la SARL Zeppelin et la Société AB Volvo Penta à lui régler les sommes suivantes :
* 98 282 euros TTC au titre du prix du navire,
* 180 000 euros à titre de préjudice d'exploitation,
* 22 967,02 euros au titre des frais exposés,
- à titre subsidiaire, de condamner sous la même solidarité la SARL Zeppelin et la Société Allianz IARD au paiement de la somme de 19 137,90 euros HT, montant des réparations outre :
* 180 000 euros au titre du préjudice d'exploitation,
* 22 967,02 euros au titre des frais exposés,
- en toute hypothèse, de condamner sous la même solidarité la SARL Zeppelin et la Société Allianz IARD au paiement de
* 16 998,02 euros au titre du coût de l'expertise,
* 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- de condamner la SARL Zeppelin et la Société AB Volvo Penta en tous les dépens.
Concernant le jugement rendu sur requête, la Société Kraken Underwater Works demande en outre à la cour de le confirmer et de condamner la SARL Zeppelin à lui verser la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La Société Allianz IARD demande à la cour de :
- la recevoir en ses conclusions et l'y déclarer bien fondée,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SARL Zeppelin au paiement de la somme de 19 137,90 euros,
- confirmer le jugement entrepris en qu'il a dit que la Société Allianz IARD ne saurait être tenue au-delà des termes de la police souscrite, laquelle prévoit des franchises et des plafonds de garantie, variables selon les garanties souscrites, opposables à l'assuré et aux tiers,
- déclarer la Société Kraken Underwater Works irrecevable, subsidiairement mal fondée en ses demandes,
- dire qu'aucune condamnation ne saurait être mise à la charge de la concluante du fait de son absence de prise en charge des coûts de réparation du bien livré et de sa franchise s'élevant à la somme de 2 286,73 euros,
- dire que la Société AB Volvo Penta et la Société Techno Marine seront tenues de relever et garantir la concluante au titre des éventuelles condamnations portées à son encontre,
- condamner toutes parties succombantes à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.
Concernant le jugement rendu sur requête, la Société Allianz IARD demande en outre à la cour de :
- la recevoir en ses conclusions et l'y déclarer bien fondée,
- confirmer le jugement,
- en tout état de cause, joindre la procédure sur requête à la procédure ouverte sous RG 17/00546,
- condamner la SARL Zeppelin à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.
La Société AB Volvo Penta demande à la cour de :
- in limine litis, prononcer la nullité de l'assignation délivrée par la SARL Zeppelin à la concluante le 25 juin 2014 ;
- en conséquence, déclarer la SARL Zeppelin irrecevable en ses demandes ;
- à titre principal, confirmer le jugement et débouter la SARL Zeppelin de l'ensemble de ses demandes, à son encontre,
- à titre subsidiaire, débouter la SARL Zeppelin de son appel en garantie relatif à l'action rédhibitoire de la Société Kraken Underwater Works ;
- débouter la SARL Zeppelin de son appel en garantie relatif la restitution du prix de vente du SHISIWA ;
- débouter tous intimés de toutes demandes qu'ils formuleraient à l'encontre de la concluante ;
- débouter la Société Allianz IARD de la demande en garantie qu'elle forme à l'encontre de la concluante ;
- condamner la SARL Zeppelin et son assureur, la Société Allianz IARD, à relever et garantir la concluante de toute condamnation susceptible d'intervenir à son encontre, tant en principal, frais et accessoires ;
- en tout état de cause, condamner tout succombant à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et au paiement des entiers dépens, recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Dans ses conclusions déposées dans l'affaire RG 17-00852, la société AB Volvo Penta développe les mêmes demandes, sollicitant la confirmation du jugement du 26 août 2016 et qu'il soit statué ce que de droit sur l'appel du jugement du 29 mars 2017, sauf à réclamer une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
- sur la jonction des deux procédures
Par requête en interprétation et en omission de statuer en date du 20 décembre 2016, la société Allianz IARD a demandé à la juridiction de première instance de préciser les limites de garantie de la police d'assurance dans le cadre desquelles elle a été condamnée à garantir la SARL Zeppelin. Elle sollicite la jonction de la procédure d'appel visant le jugement rendu sur cette requête avec la procédure au fond dans le cadre d'une bonne administration de la Justice.
Pour sa part, la société Kraken Underwater Works a demandé oralement lors de l'examen de cette requête, que la condamnation aux dépens prononcée à l'encontre de la SARL Zeppelin intègre les frais d'expertise, demande sur laquelle le tribunal de commerce aurait omis de statuer dans son jugement de fond.
La SARL Zeppelin conclut d'une part à l'irrecevabilité de la requête en ce qu'elle concerne une décision frappée d'appel et d'autre part au rejet de la demande de jonction dépourvu selon elle d'intérêt comme d'objet. Elle estime en outre irrecevable la demande présentée oralement par la société Kraken Underwater Works.
Il sera rappelé que par l'effet dévolutif des appels interjetés par les parties, principal et incidents, contre le jugement au fond du 26 août 2016, tous les points du litige soumis aux premiers juges sont déférés à la connaissance de la cour à laquelle il revient de statuer à nouveau et de réparer les omissions éventuelles de statuer.
Au regard des écritures au fond des parties, la cour aura à examiner les appels en garantie dirigées par la SARL Zeppelin contre son assureur, la société Allianz IARD, et à statuer sur les dépens, en ce compris les frais d'expertise. Il convient en conséquence pour une bonne administration de la Justice d'ordonner la jonction des procédures RG 17/00852 et RG 17/00546 sous ce dernier numéro.
- observations liminaires sur le fond du litige
Il est constant que le bateau commandé par la Société Kraken Underwater Works à la SARL Zeppelin le 26 mai 2008, a été équipé par son fabricant, la société polonaise Techno Marine, des deux moteurs litigieux de marque Volto Penta avant d'être livré à la SARL Zeppelin sur son site de Lude (72) en fin d'année 2008.
Le navire a ensuite été réexpédié à la Société Kraken Underwater Works le 16 février 2009, le transport jusqu'à Mayotte ayant été assuré par le transporteur Cotrasud. Il est acquis aux débats que les dommages liés au transport ont donné lieu à une indemnisation de la part du transporteur qui n'est pas discutée dans le cadre du présent litige.
De même, à la réception du navire, la Société Kraken Underwater Works a constaté trois points de non-conformité par rapport à la commande (système d'extinction CO2 non conforme, défaut de main courante sur la console et défaut d'adaptateur sur le système de gonfleur). Il est pris acte que l'action en responsabilité et en résolution de la vente initiée par la Société Kraken Underwater Works ne concerne pas ces anomalies.
Les présents débats portent sur les dysfonctionnements des deux moteurs dont il a été relevé au cours de la mise à l'eau du bateau, le 16 avril 2009, qu'ils ne pouvaient assurer une vitesse régime supérieure à 1 400 tr/min, au lieu de 4 000 tr/min attendus.
La Société Kraken Underwater Works soutient que la SARL Zeppelin a engagé sa responsabilité contractuelle en lui ayant livré le bateau sans avoir procédé aux contrôles préalables qui lui auraient permis de détecter les vices, antérieurs selon elle à la livraison, touchant ces deux moteurs. Estimant que le vendeur a ainsi manqué à son obligation de résultat qui lui imposait de lui livrer un bateau en parfait état de fonctionnement, elle sollicite au visa combiné des anciens articles 1147, 1184 et article 1641 du Code civil, la résolution de la vente litigieuse, la restitution du prix de vente, soit 98 282 euros TTC ainsi que l'indemnisation de ses préjudices annexes résultant de la panne du bateau.
Les autres parties considèrent pour leur part que l'existence avant la livraison du bateau de vices cachés sur les deux moteurs n'est pas démontrée, faisant valoir que l'expert a retenu que la cause la plus probable de l'avarie des moteurs serait l'usage de carburant pollué, sans qu'il soit possible de déterminer à quel moment il a été introduit dans le réservoir du bateau.
Il ressort des écritures des parties qu'aucune ne conteste la réalité des avaries moteur constatées lors de la mise à l'eau du bateau le 16 avril 2009. Il convient toutefois avant de statuer sur les demandes de la Société Kraken Underwater Works et sur la responsabilité contractuelle de la SARL Zeppelin, de déterminer l'origine de ces désordres afin de vérifier s'ils résultent de vices cachés des deux moteurs du bateau et si la SARL Zeppelin aurait pu en prévenir la survenance par des contrôles avant livraison.
- sur l'origine de l'avarie des deux moteurs du bateau et les prétendus vices cachés
L'article 1641 du Code civil invoqué par la Société Kraken Underwater Works dispose que le vendeur est tenu à garantir les défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine mais qu'il incombe à celui qui demande la mise en jeu de cette garantie de rapporter la preuve de l'existence des vices cachés allégués antérieurement à la livraison de la chose vendue.
Aux termes de son expertise, Monsieur R. a fait le constat que les deux moteurs du bateau avaient subi les mêmes dommages, soit une mise au ralenti immédiate à 1400 tr/min, pour en déduire que ces désordres avaient la même origine. Il a ainsi préconisé une analyse du carburant présent dans les réservoirs et moteurs du bateau, fait réaliser des prélèvements le 21 juillet 2011 et a relevé que les analyses produites par le laboratoire IESPM des échantillons du carburant ont mis en évidence une forte pollution solide (sédiments et poussières diverses) ainsi qu'une importante teneur en eau notamment sur le moteur Td.
La société SE2M ayant fait le constat en juin 2009 à la demande de la Société Kraken Underwater Works que les anomalies touchaient le dispositif d'alimentation et d'injection, l'expert en a conclu que la pollution du carburant ainsi relevée était " une cause hautement probable " des désordres affectant les moteurs puisqu'un tel carburant pollué était en tout état de cause incompatible avec le fonctionnement normal de ce type de moteur.
L'expert a toutefois indiqué qu'il ne pouvait situer avec certitude le lieu et le moment de cette pollution, notant qu'il n'avait aucune précision sur la quantité de carburant présente dans les moteurs au moment de la livraison du bateau sauf déclaration non vérifiée de la Société Kraken Underwater Works d'un remplissage du réservoir à hauteur de 15 %, et que le plein de gazole avait en outre été fait le 16 avril 2009 par la Société Kraken Underwater Works, la facture d'achat étant versée aux débats, soit avant la mise à l'eau du bateau et les premiers essais ayant permis de constater les dysfonctionnements des moteurs.
L'expert a par ailleurs fait observer que les carburants dans les pays d'Afrique et du Sud ont la réputation d'être pollués, sans toutefois en tirer de conséquences quant à l'origine de la pollution.
Il a ainsi préconisé un dispositif d'intervention avec vidange complète, rinçage exhaustif et vérification, nettoyage et changement des rampes d'injection et des injecteurs avant de poursuivre la recherche d'éventuels désordres intrinsèques aux moteurs, qui restaient en l'état non identifiés.
La Société Kraken Underwater Works conteste dans ses écritures la conclusion de l'expert et prétend que la qualité du gazole n'est pas en cause, les moteurs atteignant aisément les 3 500 à 4 000 tr/min au point mort. Toutefois, elle procède ainsi par simples affirmations, sans pièce pour contredire les conclusions de l'expert sur ce point.
L'acquéreur soutient également que les investigations de la société SE2M réalisées en juin 2009 grâce à l'appareil Vodia auraient permis de déterminer, en reprenant l'historique électronique des anomalies, que la première panne moteur était survenue après une heure trente seulement de fonctionnement, soit avant même la livraison du bateau puisque le moteur avait quatre heures de fonctionnement à son arrivée à Mayotte.
Toutefois, c'est à raison que l'expert a considéré qu'une telle hypothèse ne pouvait être retenue comme certaine, compte tenu du caractère peu exploitable du document issu des investigations réalisées avec l'appareil de contrôle Vodia. Les chiffres ne sont en effet pas commentés et analysés et ne permettent donc pas d'en déduire un vice intrinsèque des moteurs ou une avarie antérieure à la livraison dont la gravité aurait fait obstacle à leur bon fonctionnement, nonobstant le fait que le représentant de la société SE2M ait émis à partir de ces relevés l'hypothèse prudente non corroborée par d'autres investigations, que les moteurs auraient été livrés avec un problème de régularisation de la tension.
Force est donc de constater au regard du rapport d'expertise ainsi que des pièces et dires des parties annexés qu'en dehors de la pollution du carburant, aucune autre explication n'est évoquée par l'expert, ni démontrée par la Société Kraken Underwater Works concernant l'origine des anomalies relevées sur les deux moteurs du bateau.
Le plein de gazole ayant été effectué par la Société Kraken Underwater Works le 16 avril 2009, soit avant la détection de la panne, il n'est en outre pas établi par celle-ci que le carburant pollué aurait été introduit en Pologne ou sur le site de la SARL Zeppelin avant l'expédition du bateau vers Mayotte.
Il résulte ainsi de l'ensemble de ces éléments que la Société Kraken Underwater Works échoue à démontrer l'existence d'anomalies ou de vices cachés antérieurs à la livraison du bateau qui seraient à l'origine de la panne des moteurs. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la Société Kraken Underwater Works de son action rédhibitoire.
- sur le manquement allégué de la SARL Zeppelin à ses obligations contractuelles
La Société Kraken Underwater Works fait le reproche à la SARL Zeppelin d'avoir réceptionné le bateau et de l'avoir réexpédié directement à Mayotte sans avoir procédé aux contrôles obligatoires avant livraison. Elle estime que la responsabilité contractuelle de la SARL Zeppelin est dès lors engagée dans la mesure où en raison de sa défaillance, elle n'aurait pas détecté les vices affectant les moteurs avant l'expédition du bateau et aurait ainsi manqué à son obligation de livrer le bateau en parfait état de fonctionnement, justifiant la résolution de la vente.
La SARL Zeppelin conteste avoir été tenue à effectuer lesdits contrôles, rappelant qu'elle n'était qu'un équipementier, le bateau ayant été fabriqué par la société polonaise Techno Marine qui lui avait confirmé par mail daté de septembre 2008 avoir testé les moteurs. Elle se prévaut également d'une attestation d'un inspecteur de la société AB Volvo Penta venu sur son site le 20 novembre 2008 et confirmant qu'à cette date le navire ne présentait aucune anomalie moteur.
La responsabilité contractuelle de la SARL Zeppelin ne peut être engagée que si le dommage invoqué par l'acquéreur est directement lié au manquement qui lui est reproché et la résolution du contrat ne peut être prononcée que si un manquement contractuel grave lui est imputable.
Comme rappelé plus haut, la Société Kraken Underwater Works ne vient rechercher la responsabilité de la SARL Zeppelin qu'à la suite des avaries des moteurs du bateau. Or, il résulte des précédents développements que ces désordres ne peuvent être imputés avec certitude à la SARL Zeppelin.
Ainsi, il n'est pas établi que le bateau n'était pas en parfait état de fonctionnement au jour où la Société Kraken Underwater Works l'a réceptionné et il ne peut être en conséquence reproché à la SARL Zeppelin d'avoir manqué à son obligation de délivrance conforme, aucun autre grief ne lui étant opposé dans le cadre du présent litige. La résolution de la vente ne peut dès lors être encourue et le jugement sera confirmé de ce chef ainsi qu'en ses dispositions rejetant la demande de restitution du prix de vente.
Par ailleurs, à supposer établi le fait que la SARL Zeppelin aurait été tenue de faire procéder à différents contrôles du moteur avant de livrer le bateau, la Société Kraken Underwater Works ne peut se prévaloir d'un préjudice qui en serait directement résulté dans la mesure où il n'est pas démontré que l'origine des désordres soit antérieure à la livraison du bateau et que ces derniers auraient pu être évités si le vendeur avait réalisé ces contrôles. Le lien de causalité entre la faute alléguée et le dommage n'est donc pas suffisamment caractérisé.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les conditions de mise en jeu de la responsabilité contractuelle de la SARL Zeppelin ne sont pas réunies et il convient en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SARL Zeppelin à payer à la Société Kraken Underwater Works une somme correspondant au montant des réparations préconisées sur les moteurs et de le confirmer en ce qu'il a rejeté les autres demandes indemnitaires.
Pour l'ensemble de ces raisons, la Société Kraken Underwater Works sera également déboutée de sa demande tendant à la condamnation de la SARL Zeppelin à lui payer une somme de 16 998,02 euros correspondant aux frais d'expertise.
- sur les appels en garantie
La Société Kraken Underwater Works étant déboutée de ses demandes, sont devenus sans objet les appels en garantie formulés par les autres parties. Le jugement sera infirmé en ses dispositions condamnant la société Techno Marine in solidum avec la SARL Zeppelin ainsi qu'en celles condamnant la société Allianz IARD à garantir cette dernière.
Il n'y a en outre pas lieu d'examiner l'exception de nullité soulevée par la société AB Volvo Penta concernant l'assignation en justice qui lui a été délivrée.
- sur les frais irrépétibles et les dépens
La Société Kraken Underwater Works succombant en ses prétentions, le jugement du 26 août 2016 sera infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.
Il convient de condamner Société Kraken Underwater Works aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais de la procédure de référé et les frais d'expertise, lesdits dépens étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Il est inéquitable de laisser à la SARL Zeppelin, la société Allianz iard ainsi qu'à la société AB Volvo Penta la charge de leurs frais irrépétibles. La Société Kraken Underwater Works sera condamnée à leur payer à chacune la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
- sur la requête en interprétation et omission de statuer
Les dispositions du jugement du 26 août 2016 ayant donné lieu à interprétation et rectification ayant été infirmées et l'omission réparée, les prétentions et fins de non-recevoir développées par les parties à l'encontre du jugement sur requête sont de ce fait devenues sans objet et il n'y a pas lieu de les examiner.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement du 29 mars 2017 dont seules les dispositions relatives aux dépens exposés dans le cadre de la procédure sur requête seront confirmées.
Par ces motifs, La cour statuant publiquement et par défaut, ORDONNE la jonction des procédures RG 17/00852 et RG 17/00546 sous le numéro RG 17/00546 ; CONFIRME le jugement du tribunal de commerce du Mans en date du 26 août 2016 sauf en ses dispositions relatives : - à la condamnation de la SARL Zeppelin et de la société Techno Marine, - à la condamnation de la société Allianz Iard à garantir la SARL Zeppelin, - aux frais irrépétibles et dépens de première instance, statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant, DEBOUTE la Société Kraken Underwater Works de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de la SARL Zeppelin, de la société Allianz IARD et de la société Aktiebolajet Volvo Penta ; CONSTATE en conséquence que les appels en garantie formées par les autres parties sont devenus sans objet ; CONDAMNE la Société Kraken Underwater Works à verser à la SARL Zeppelin, à la société Allianz Iard et à la société Aktiebolajet Volvo Penta, la somme de 2 000 euros à chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ; CONDAMNE la Société Kraken Underwater Works aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais de la procédure de référé et les frais d'expertise, lesdits dépens étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ; INFIRME en conséquence le jugement en interprétation et omission de statuer du 29 mars 2017 sauf en ses dispositions laissant à chaque partie la charge des dépens par elle exposés dans le cadre de la procédure sur requête ; statuant à nouveau des chefs infirmés, CONSTATE que les demandes en interprétation et rectification ainsi que les fins de non-recevoir sont devenues sans objet.