CA Lyon, 6e ch., 14 mars 2019, n° 17-08335
LYON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Alexi Auto (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Boisselet
Conseiller :
Mme Clerc
Avocats :
Akrich & Savary Avocats Associes, SELARL Seigle Barrie, Associes
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Le 14 novembre 2014, moyennant le prix de 3 500 euros, monsieur Thierry B. et madame Florence B. (les époux B.) se sont portés acquéreurs d'un véhicule d'occasion Audi A6 immatriculé CW- 208- YT auprès de la société Alexi Auto qui a établi la facture de vente.
Ce véhicule avait été confié en dépôt vente par monsieur Q. à la société Alexi Auto suivant contrat du 4 septembre 2014.
Les époux B. ont sollicité la MAAF, leur assureur protection juridique, pour l'organisation d'une expertise amiable après avoir constaté un dysfonctionnement de la direction assistée le 5 janvier 2015 ;
le cabinet SAEL commis par cet assureur, a déposé son rapport d'expertise le 24 mars 2015, après avoir procédé à l'examen du véhicule lors d'une réunion fixée au 18 février 2015 à laquelle la société Alexi Auto, bien que régulièrement convoquée, ne s'était pas présentée.
La société Alexi Auto s'étant opposée à la résolution amiable de la vente telle que sollicitée par l'assureur des époux B. au vu des conclusions d'expertise du cabinet SAEL, ces derniers ont saisi le juge des référés du tribunal d'instance de Rennes aux fins d'expertise judiciaire du véhicule en application de l'article 145 du Code de procédure civile ;
suivant ordonnance du 2 octobre 2015, le juge des référés précité s'est déclaré incompétent au profit du juge des référés du tribunal d'instance de Villeurbanne, lieu du siège social de la société Alexi Auto.
Par ordonnance du 14 avril 2016, le juge des référés de Villeurbanne a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Alexi Auto tirée de son défaut de qualité de vendeur et a désigné monsieur B. pour procéder à l'expertise du véhicule.
Monsieur P., désigné en remplacement de monsieur B., a déposé son rapport d'expertise définitif le 2 septembre 2016.
Suivant acte extra judiciaire du 5 janvier 2017, les époux B. ont assigné la société Alexi Auto devant le tribunal d'instance de Villeurbanne à l'effet d'obtenir l'annulation de la vente sur le fondement des vices cachés et de la voir condamnée à leur rembourser le prix de vente et leur payer les frais de remorquage et de démontage du véhicule, les frais de location d'un véhicule de remplacement, les frais de parking et de gardiennage et une indemnité au titre de l'immobilisation et du défaut de jouissance, sans préjudice des frais irrépétibles et des dépens.
Par jugement contradictoire du 6 novembre 2017, le tribunal d'instance de Villeurbanne a, tout à la fois :
prononcé la résolution de la vente du 14 novembre 2014 conclue entre la société Alexi Auto et les époux B.
condamné en conséquence ladite société à payer aux époux B. la somme de 3 500 euros au titre du prix d'achat avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement
dit que la société Alexi Auto pourra à ses frais, reprendre possession du véhicule à l'endroit où il est immobilisé
condamné la société Alexi Auto à payer aux époux B. la somme de 5 903,40 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement
la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires condamné la société Alexi Auto aux entiers dépens y compris ceux de l'instance de référé, incluant les frais de l'expertise judiciaire.
Le tribunal a retenu que :
la qualité de vendeur professionnel devait être retenue à l'égard de la société Alexi Auto, peu important le nom figurant sur la déclaration de cession du véhicule et sur le certificat d'immatriculation dès lors qu'elle s'était comportée comme tel, à savoir que l'annonce de mise en vente sur le site "'le bon coin'" ne mentionnait que le garage Alexi Auto la facture de vente et le certificat de garantie (ce dernier précisant que le véhicule avait été "'vendu par le garage Alexi Auto'") étaient à l'entête de cette société
la vente s'était déroulée dans ses locaux, hors la présence de monsieur Q. le prix de vente avait été versé par virement à la société la livraison du véhicule avait été effectuée par celle-ci à aucun moment, la société n'avait informé les acquéreurs de sa qualité d'intermédiaire la preuve de l'existence d'un vice caché antérieur à la vente était rapportée par l'expertise judiciaire
Par déclaration du 30 novembre 2017 enregistrée au greffe de la cour le même jour, la société Alexi
Auto a relevé appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions déposées électroniquement le 31 août 2018 au visa des articles 1641 et 1134 du Code civil, la société Alexi Auto demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau,
1) in limine litis,
constater que la société Alexi Auto n'a pas la qualité de vendeur, mais celle d'intermédiaire dire et juger qu'en cette qualité elle ne peut être tenue à la garantie des vices cachés
en conséquence,
déclarer irrecevable pour défaut de qualité l'ensemble des demandes des consorts B. en ce qu'elles sont dirigées contre la société Alexi Auto
2)
constater que le véhicule a été démonté de manière non contradictoire lors de la première expertise de telle sorte qu'il se trouvait en état de pièces détachées lors de la seconde expertise, ce qui ne permet pas de donner de crédit aux conclusions de l'expertise de monsieur P.
constater que les désordres allégués touchent la courroie accessoire, qui est un élément ne rendant pas le véhicule impropre à sa destination
constater que le véhicule disposait de plus de 220 000 km au compteur et près de 15 ans de mise en circulation au jour de son acquisition par les demandeurs
constater que la preuve de l'existence du désordre antérieur à l'acquisition du véhicule par les consorts B. n'est pas rapportée
en conséquence, débouter les consorts B. de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions
3) à titre infiniment subsidiaire,
constater que les demandeurs ne rapportent pas la preuve des préjudices allégués en conséquence, ramener les demandes indemnitaires des consorts B. à de plus justes proportions
4) en tout état de cause,
condamner les consorts B. à verser à la société Alexi Auto la somme de 3.600 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de l'instance.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées électroniquement le 23 octobre 2018 au double visa des articles 1641 et 1644 du Code civil, les époux B. demandent à la cour de :
débouter la société Alexi Auto de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions confirmer le jugement en tant qu'il a prononcé l'annulation de la vente du véhicule en raison des vices cachés qui l'affectent
condamner en conséquence la société Alexi Auto à payer aux époux B. les sommes de 3.500 euros à titre de remboursement du prix de vente avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement
344,20 euros TTC au titre des frais de remorquage du véhicule et de démontage (facture Colin numéro 79076 du 20 février 2015)
1 386,80 euros TTC au titre des frais de location d'un véhicule de remplacement (facture
Michel J. et fils numéro 56792 du 16 avril 2015) 2 672,40 euros TTC au titre des frais de parking et de gardiennage du véhicule (facture Colin numéro 19497 du 26 mai 2015 et facture Precisium numéro 21335 du 21 juin 2016)
2 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice d'immobilisation et de jouissance du véhicule
dire que la société Alexi Auto pourra, à ses frais, reprendre possession du véhicule à l'endroit où il est immobilisé
condamner la société Alexi Auto à payer en cause d'appel aux époux B. une indemnité de 4 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile qui s'ajoutera à l'indemnité de même nature allouée en première instance
condamner la même aux entiers dépens qui comprendront les frais de référé et d'expertise.
Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions déposées par les parties pour l'exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 novembre 2018 et l'affaire plaidée le 12 février 2019, a été mise en délibéré à ce jour.
MOTIFS
Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 9 de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, que le contrat de vente ayant été conclu avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de cette ordonnance, l'action se poursuit et doit être jugée conformément à la loi ancienne, y compris en appel.
Attendu qu'il est établi par les pièces régulièrement communiquées, que monsieur Q., propriétaire du véhicule litigieux, avait confié celui-ci en dépôt vente à la société Alexi Auto suivant contrat signé le 4 septembre 2014, le prix de réserve ayant été fixé à 2 200 euros ;
que ce contrat de dépôt vente à la date du 4 septembre 2014 a été mentionné dans le livre de police de la société Alexi Auto ;
que monsieur Q. a attesté le 10 décembre 2014, avoir reçu paiement de la somme de 2 200 euros par chèque au titre de la vente de son véhicule confié à la société Alexi Auto en dépôt vente.
Que l'existence de ce contrat de dépôt vente ne saurait donc être discutée ;
que la mention figurant dans le certificat de garantie selon laquelle le véhicule a été "vendu par le garage Alexi Auto" doit seulement s'entendre comme signifiant que le véhicule a été vendu dans les locaux dudit garage ;
que de même, les époux B. n'ont pas pu ignorer que le véhicule d'occasion sur lequel ils avaient jeté leur dévolu, était toujours la propriété d'un tiers, et non pas celle de la société Alexi Auto, le certificat d'immatriculation et la déclaration de cession comportant encore le nom et la signature du précédent propriétaire, monsieur Q., au jour de la vente du 14 novembre 2014;
qu'en aucun cas, la société Alexi Auto ne pouvait faire immatriculer le véhicule en cause à son nom, en ce qu'elle n'en était pas propriétaire, pour ne pas l'avoir acheté à monsieur Q., mais l'ayant seulement pris en dépôt en vue de le mettre en vente.
Attendu qu'en réalité, la société Alexi Auto a agi comme mandataire de monsieur Q. pour la vente du véhicule Audi et a reversé à celui-ci le prix de réserve contractuellement prévu au contrat de dépôt vente une fois la vente réalisée aux profits des époux B. ;
qu'il ne peut être admis que le véhicule a été vendu par monsieur Q. à la société Alexi Auto le 14 novembre 2014, le prix de vente de 3 500 euros viré le même jour par les époux B. sur le compte de la société Alexi Auto, revenant au propriétaire, monsieur Q., à hauteur de 2 200 euros, le solde correspondant à la rémunération du mandataire au titre du dépôt vente.
Attendu que n'étant pas propriétaire vendeur au sens de l'article 1641 du Code civil, la société Alexi Auto n'est pas tenue de la garantie des vices cachés, nonobstant sa qualité de professionnel en automobile ;
qu'il s'en déduit que l'action en résolution de la vente fondée sur les vices cachés n'est pas recevable à l'encontre de la société Alexi Auto, faute pour celle-ci d'avoir la qualité de vendeur propriétaire du véhicule litigieux';
que le jugement déféré sera infirmé en conséquence et les époux B. déclarés irrecevables en leurs prétentions formées à l'encontre de la société Alexi Auto.
Attendu qu'il convient de laisser à chacune des parties la charge des dépens qu'elle a engagés en première instance et en appel et qu'il n'y a donc pas lieu de statuer sur leur recouvrement par leurs mandataires.
Attendu que l'application de l'article 700 du Code de procédure civile sera rejetée comme ne se justifiant pas, y compris en appel.
Par ces motifs, La Cour, Infirme la décision déférée, Statuant à nouveau, Dit que la société Alexi Auto n'avait pas la qualité de propriétaire vendeur du véhicule Audi A6 immatriculé CW- 208- YT au jour de sa vente le 14 novembre 2014 à monsieur Thierry B. et madame Florence B., Dit irrecevables, les demandes de monsieur Thierry B. et madame Florence B. formées à l'encontre de la société Alexi Auto, Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens par elle engagés en première instance et en appel et n'y avoir lieu de statuer sur leur rec