Cass. crim., 19 mars 2019, n° 17-83.543
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Soulard
Rapporteur :
M. Bellenger
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par M. A, partie civile, contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Reims, en date du 19 janvier 2017, qui, dans l'information suivie sur sa plainte contre M. X des chefs de publicité mensongère, faux et usage de faux, a confirmé l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction ; - Vu les mémoires ampliatif et personnels produits ;
Sur le premier moyen de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles L. 121-1, L. 121-5 et L. 213-1 du Code de la consommation dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008, L. 121-2, L. 132-1, L. 132-2, L. 441-1 et L. 454-1 du Code de la consommation, 85, 211 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de refus d'actes et de non-lieu ;
"aux motifs que s'agissant du délit de publicité mensongère le juge d'instruction a relevé à juste titre que celui-ci ne vise au premier chef que les professionnels de la vente et ne peut trouver à s'appliquer dans le cas d'une simple annonce passée par un particulier sur internet tendant à la vente d'un objet spécifique ;
"alors qu'ayant constaté que le vendeur avait loué à des tiers un matériel identique que celui ayant donné lieu à la vente litigieuse, et que les enquêteurs n'avaient pas pris la précaution de vérifier qu'il s'agissait du même matériel, ce dont il s'induisait que le vendeur disposait de plusieurs nacelles automotrices qu'il offrait à la location comme à la vente, quand il résultait par ailleurs de la facture afférente à la vente litigieuse que le vendeur était un entrepreneur spécialisé dans les travaux en hauteur, et des termes de l'annonce de vente litigieuse que le matériel avait été quotidiennement utilisé dans son entreprise, la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'une contradiction de motifs quant au point de savoir si le vendeur était un professionnel ou un particulier ;
"alors subsidiairement que le délit qualifié de publicité fausse ou de nature à induire en erreur par l'article L. 121-1 du Code de la consommation dans sa rédaction en vigueur au moment des faits, puis de pratique commerciale trompeuse par l'article L. 121-2 du même Code dans rédaction actuellement en vigueur, est applicable au simple particulier qui fait paraître une annonce de nature à induire en erreur les consommateurs potentiels du bien proposé à la vente ; qu'en retenant le contraire, la chambre de l'instruction a méconnu les textes précités ;
"alors très subsidiairement qu'en exigeant pour la qualification du délit précité que son auteur soit un " professionnel de la vente ", la chambre de l'instruction a méconnu les textes précités ;
"alors qu'en toute hypothèse, que la chambre de l'instruction doit se prononcer sur chacun des faits dénoncés par la plainte avec constitution de partie civile ; que le délit de tromperie est constitué par la violation de l'interdiction pour toute personne, partie ou non au contrat, de tromper ou tenter de tromper le contractant, par quelque moyen ou procédé que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers, notamment sur les qualités substantielles ou sur l'aptitude à l'emploi d'une marchandise ; qu'ayant constaté que la plainte avec constitution de partie civile avait été déposée à la suite de la vente d'une nacelle automotrice et visait un rapport d'expertise faisait état d'un nombre d'heures minorée, d'une défectuosité de l'engin et de vices rendant ce dernier non conforme aux dispositions réglementaires, en omettant de se prononcer sur le délit de tromperie ainsi dénoncé, la chambre de l'instruction a méconnu son office et violé les textes précités" ;
Sur le premier moyen de cassation du mémoire personnel, pris de la violation des articles L. 121-1, L. 121-5 et L. 213-1 du Code de la consommation dans sa version applicable au moment des faits, et 593 du Code de procédure pénale ; - Les moyens étant réunis ; - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 17 mai 2007, après la parution d'une annonce sur internet, M. A a acquis auprès de M. X une nacelle automotrice au prix de 6 000 euros qui s'est révélée défectueuse ; que le 25 juillet 2013, M. A a déposé plainte et s'est constitué partie civile devant le juge d'instruction des chefs de publicité mensongère, faux et usage de faux ; que le juge d'instruction, après avoir entendu M. X comme témoin assisté, a rejeté les demandes d'actes formées par la partie civile et a dit n'y avoir à lieu à suivre ; que la partie civile a relevé appel de cette décision ;
Sur le premier moyen du mémoire ampliatif, pris en ses trois premières branches, et sur le premier moyen du mémoire personnel : - Attendu que pour dire n'y avoir lieu à suivre du chef de publicité mensongère, l'arrêt énonce que l'infraction concerne les professionnels de la vente et ne peut s'appliquer dans le cas d'une annonce passée par un particulier ;
Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors que le délit de pratique commerciale trompeuse, qui s'est substitué au délit de publicité mensongère, ne sanctionne plus que les pratiques des professionnels à l'égard des consommateurs, des professionnels et des non professionnels et qu'elle a souverainement considéré que M. X, dont l'entreprise de travaux était utilisatrice de la nacelle, n'avait pas agi à des fins qui entraient dans le cadre de son activité, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, au sens des articles 2b de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 et liminaire du Code de la consommation, et qu'il avait effectué la publicité litigieuse en qualité de particulier, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ; d'où il suit que les griefs ne sont pas fondés ;
Mais sur le premier moyen du mémoire ampliatif, pris en sa dernière branche : - Vu les articles 85 et 86 du Code de procédure pénale ; - Attendu que, selon ces textes, les juridictions d'instruction, régulièrement saisies d'une plainte avec constitution de partie civile, ont le devoir d'instruire, quelle que soit la qualification visée dans la plainte ; que cette obligation ne cesse que si pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent comporter légalement une poursuite ou si, à supposer les faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu du chef de publicité mensongère, l'arrêt énonce, après avoir relevé que M. A a été trompé sur la qualité du matériel acquis dès la parution de l'annonce sur internet, que le délit de publicité mensongère devenu celui de pratique commerciale trompeuse ne concerne plus que les professionnels ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à la juridiction d'instruction qui s'en trouvait saisie d'apprécier les faits, objet de la plainte, sous toutes les qualifications possibles, et de rechercher si les faits pouvaient être examinés, notamment, sous la qualification de tromperie, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ; d'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de cassation proposés : casse et annule en toutes ses disposions l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Reims, en date du 19 janvier 2017 ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, renvoie la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.