CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 22 mars 2019, n° 16-20903
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Distribution Casino France (SAS)
Défendeur :
Dexxon Groupe (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Lis Schaal
Conseillers :
Mmes Bel, Cochet-Marcade
Faits et procédure
La société Dexxon Data Media (ci-après Dexxon) a pour activité la fabrication, l'achat et la vente de matériels et consommables informatiques et bureautiques.
La société Distribution Casino France (ci-après Casino), spécialisée dans la grande distribution, exploite notamment les hypermarchés à l'enseigne Géant, des supermarchés à l'enseigne Casino et des supérettes. Dans le cadre de son activité, la société Casino a acquis auprès de la société Dexxon des produits en vue de leur revente à ses clients consommateurs.
Depuis 2002, les relations entre les parties ont été émaillées d'incidents quant aux sommes respectivement dues par l'une et l'autre, notamment en raison de déductions opérées.
La société Dexxon a par lettre recommandée en date du 30 mai 2013 mis en demeure la société Casino de lui payer le solde restant dû d'un montant de 58 129,31 .
Le 1er octobre 2013, la société Dexxon a assigné la société Casino devant le Tribunal de commerce de Nanterre, lui réclamant différentes sommes. Par jugement en date du 4 juin 2014, le tribunal de commerce de Nanterre s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Paris.
Par jugement rendu le 5 décembre 2016, le Tribunal de commerce de Paris a :
- constaté que la demande de la société Dexxon en paiement des sommes de 25 628,26 , 210 706,60 et 9 975,27 soit 246 310,13 TTC au total, au titre des déductions opérées par la société Casino, est prescrite et l'a déboutée de sa demande en paiement desdites sommes ;
- débouté la société Casino de sa demande de règlement de la somme de 48 956,51, au titre de sa créance du 2 janvier 2008 ;
- débouté la société Dexxon de sa demande d'indemnité de 197 353,62 ;
- condamné la société Casino à payer à la société Dexxon la somme de 316 994,96 TTC au titre des factures de marchandises, assorties de pénalités à hauteur de trois fois le taux d'intérêt légal, à compter du 1er octobre 2013 ;
- constaté que la demande de la société Casino en paiement de la somme de 427 809,97 par la société Dexxon, au titre des ristournes 2009 et 2010 est prescrite et l'a déboutée de sa demande en paiement desdites sommes ;
- constaté que la créance de la société Dexxon de 62 210 , au titre de trop payé de ristournes 2008, 2009 et 2010, est prescrite et l'a déboutée de sa demande à cet égard ;
- constaté que la demande de la société Dexxon de 778 515 , au titre de ristournes 2008, 2009 et 2010, est prescrite et l'a déboutée de sa demande à cet égard ;
- condamné la société Casino à payer à la société Dexxon la somme de 15 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;
- condamné la société Casino aux dépens.
Sur les déductions opérées par la société Casino
Le tribunal de commerce rappelle que selon la loi du 17 juin 2008, la prescription est de 5 ans entre commerçants (article L. 110-4 du Code de commerce)
Concernant la créance de la société Dexxon de 246 310,13 TTC
Le tribunal estime que les créances exigibles les 11 mars, 25 avril et 20 juin 2008 - pour un total de 246 310,13 - sont prescrites depuis le 18 juin 2013 (5 ans après la mise en application de la loi du 17 juin 2008) pour les deux premières et depuis le 20 juin 2013 pour la troisième.
Après avoir rappelé que la simple mise en demeure n'interrompt par une prescription et que l'assignation est datée du 1er octobre 2013, le tribunal constate que la demande de la société Dexxon en paiement de la somme de 246 310,13 est prescrite.
Concernant la créance de la société Casino de 48 956,51 TTC
Le tribunal de commerce considère que la créance de 48 956,51 TTC en date du 2 janvier 2008 est prescrite le 18 juin 2013.
Il estime que si la société Dexxon a reconnu cette dette de 48 956,51 à l'égard de la société Casino le 30 mai 2013 - soit avant l'expiration du délai de prescription - cette reconnaissance de dette était conditionnée à la prise en compte par la société Casino de sa propre dette de 246 310,13 à l'égard de la société Dexxon, dette qui a été considérée comme prescrite.
Il en déduit que cette reconnaissance de dette par la société Dexxon est dépourvue d'objet et par conséquent, déboute la société Casino de sa demande de condamnation de la société Dexxon à lui payer la somme de 48 956,51 .
Concernant la demande de dommages-intérêts de la société Dexxon
Le tribunal déboute la société Dexxon de sa demande d'indemnité à hauteur de 197 353,62 au motif que cette dernière n'a apporté aucune preuve permettant de démontrer l'usage de manœuvres par la société Casino visant à la dissuader d'intenter une action jusqu'à la date de prescription.
Sur la créance de factures de marchandises
Après avoir constaté qu'à compter de 2009, la société Casino a cessé de régler les factures de marchandises émises par la société Dexxon pour un montant de 330 365,64 TTC et qu'elle conteste seulement la facture du 26 octobre 2009 de 13 370,68 , il estime que faute pour la société Dexxon de rapporter la preuve de la livraison de la marchandise correspondant à cette facture, la société Casino est condamnée à lui payer la somme de 316 994,96 TTC (330 365,64 - 13 370,68 ).
Sur les ristournes de fin d'année (RFA) de 427 808,97
Le tribunal déboute la société Casino de sa demande en nullité de la clause de prescription prévue à l'article 10 des conditions générales de vente de la société Dexxon aux motifs que cet article ne réduit pas le délai de prescription à une durée inférieure à un an en violation de l'article 2254 du Code civil, et qu'en tout état de cause, selon l'article 2254, alinéa 3, les dispositions des deux alinéas précédents ne s'appliquent pas aux actions en paiement de tout ce qui est payable par années ou à des termes périodiques plus courts, comme en l'espèce pour les RFA.
Il considère en outre que la société Casino étant en relations commerciales depuis de nombreuses années avec la société Dexxon, ne pouvait valablement opposer son ignorance à l'égard des conditions générales de vente figurant au dos des factures.
Il conclut que la demande en paiement de la somme de 427.808,97 au titre des années 2009 et 2010 de la société Casino est prescrite.
Sur les RFA de 62 210
Le tribunal déboute la société Dexxon de sa demande en paiement de la somme de 62 210 au motif que cette dernière est prescrite.
Il rappelle que la prescription de droit commun est de cinq ans et conclut que celle-ci est acquise étant donné que les avoirs versés au débats datent pour le plus ancien du 9 mars 2009, et pour le plus récent du 16 novembre 2010, la demande de la société Dexxon concernant ces créances ayant été présentée dans ses conclusions en date du 22 mars 2016.
Sur le défaut de justification par la société Casino de la réalisation effective des prestations de coopération commerciale
Le tribunal estime que la demande en paiement de la société Dexxon à hauteur de 778 515 est également prescrite.
Il rappelle que les sommes contestées datent des années 2008, 2009 et 2010 et que la société Dexxon a présenté sa demande en paiement concernant ces créances dans ses conclusions en date du 22 mars 2016 " soit dans un délai supérieur à cinq ans.
Sur les pénalités
Le tribunal condamne la société Casino à payer à la société Dexxon la somme de 316 994,96 TTC, assortie de pénalités à hauteur de trois fois le taux d'intérêt légal à compter de la date de l'assignation soit le 1er octobre 2013, faisant application de l'article 7 des conditions générales de vente de la société Dexxon.
La société Casino a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration reçue le 20 octobre 2016.
Par conclusions notifiées et déposées le 16 janvier 2019, la société Casino, demande à la cour de :
- au visa de L. 110-4 du Code de commerce, confirmer le jugement en ce qu'il a dit la société Dexxon prescrite en ses demandes :
- de paiement des sommes de 25 628,26 , 210 706,60 et 9 975,27 , au titre des déductions par elle opérées,
- de paiement de la somme de 62 210 , au titre de trop payé de ristournes 2008, 2009 et 2010,
- de paiement de la somme de 778 515 , au titre des services de coopération commerciale 2008, 2009 et 2010.
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le montant de la créance de marchandises à 316 994,96 et constaté que la facture de la société Dexxon n° 109194991 du 26 octobre 2009 d'un montant de 13 370,68 n'était pas justifiée,
- au visa de l'ancien article 1382 du Code civil :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Dexxon de sa demande de dommages-intérêts au titre du préjudice causé par la prétendue mauvaise foi avec laquelle elle aurait invoqué la prescription à hauteur de 197 353,62 pour les déductions prétendument injustifiées,
- dire irrecevables comme nouvelles en appel les demandes de la société Dexxon visant à se voir indemniser du préjudice subi du fait :
- de la prescription de la prétendue créance de 62 210 , au titre de trop payé de ristournes 2008, 2009 et 2010,
- et de celle de 778 515 , au titre de " ristournes " (au lieu de service de coopération commerciale) 2008, 2009 et 2010,
- à défaut la débouter de ces demandes,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée, sans procéder à compensation, à payer à la société Dexxon une somme de 316 994,96 ,
- infirmer le jugement entrepris, et condamner la société Dexxon, après compensation entre la somme de 316 994,96 et les sommes qui lui sont dues par la société Dexxon soit 427 808,97 et 48 956,51 , à lui payer la somme de 159 770,52 ,
- condamner la société Dexxon à lui payer une somme de 30 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens,
- débouter la société Dexxon de toutes ses demandes,
En tout état de cause, dire irrecevable la société Dexxon en ses demandes en ce qu'elles visent à obtenir sa condamnation sans compensation avec la somme de 427 808,97 due au titre des ristournes 2009 et 2010.
Sur la prescription de trois demandes en paiement de la société Dexxon
La société Casino fait valoir que, comme l'a pertinemment retenu le tribunal de commerce, les demandes en paiement de la société Dexxon sont prescrites, ayant été sollicitées dans un délai supérieur à 5 ans.
Elle précise que celle-ci n'a en effet demandé le paiement des trois déductions par elle opérée des 11 mars, 25 avril et 20 juin 2008 que par assignation du 1er octobre 2013, et qu'elle a uniquement demandé dans ses conclusions pour l'audience du 22 mars 2016, le paiement de la somme de 62 210 au titre du trop payé des ristournes 2008, 2009 et 2010 faisant l'objet d'avoirs dont le plus récent date du 16 novembre 2010, comme la répétition de la somme de 778 515 au titre des services de coopération commerciale dont elle a reconnu dans ses conclusions de première instance qu'elles furent payées sous forme d'acompte tout au long des années 2008 à 2010.
Sur le montant dû au titre des factures de marchandises
La société Casino rappelle que s'agissant de la demande de paiement de factures de marchandises d'un montant total de 330 365,64 , elle conteste cette demande à hauteur de la somme de 13 370,58 et fait observer que la créance était éteinte par compensation des ristournes de fin d'année (RFA) 2009-2010.
Elle considère que le "bon de livraison" fourni par la société Dexxon pour justifier de sa créance de 13 370,58 n'est pas signé par elle et n'est donc pas probant.
Elle conteste en outre, le taux de trois fois le taux légal appliqué par le tribunal au motif que les conditions générales de vente ne prévoient pas un tel anatocisme.
S'agissant du surplus de la créance à hauteur de 316 994,96 , la société Casino demande l'infirmation du jugement et réitère son argument selon lequel le solde est éteint par compensation des RFA 2009 et 2010.
Sur la demande de dommages-intérêts de la société Dexxon
La société Casino estime que les demandes faites en appel par la société Dexxon à hauteur de 1 039 078,62 qui est le total des demandes en paiement considérées comme prescrites par le tribunal, sont nouvelles en cause d'appel et sont distinctes de la demande relative "aux déductions injustifiées" à hauteur de 197 353,62 .
Au visa de l'article 564 du Code de procédure civile, la société Casino sollicite donc l'irrecevabilité des nouvelles demandes suivantes :
- l'indemnisation du préjudice subi du fait de la prescription de la prétendue créance de 62 210 au titre de trop payé de ristournes 2008, 2009 et 2010, et
- l'indemnisation du préjudice de 778 515 au titre de "ristournes" (au lieu de service de coopération commerciale).
Sur la demande de compensation de la créance de marchandises avec celle des ristournes de fin d'année (RFA) 2009 et 2010
La société Casino rappelle qu'elle a demandé au tribunal de compenser la créance de la société Dexxon de 316 994,96 avec sa propre créance au titre des RFA 2009 et 2010 de 427 808,97 . Elle estime en effet que le paiement de la somme de 427 808,97 était dû en raison d'un chiffre d'affaires effectivement réalisé et non contesté.
Elle fait alors valoir que :
- le tribunal a statué ultra petita en la condamnant à payer les marchandises sans compensation, alors que la société Dexxon n'avait demandé, à titre subsidiaire en cas de rejet de sa prétention au titre du paiement des trois déductions, le paiement des marchandises qu'après compensation avec la créance propre de la société Casino,
- la société Dexxon est liée par son offre de payer la somme de 427 808,97 , créance qu'elle a reconnu dans sa mise en demeure du 30 mai 2013 ainsi que dans son assignation du 1er octobre 2013, puis dans ses conclusions ultérieures, et qu'elle n'avait donc pas à payer les factures de marchandises 2009 et 2010 qui étaient éteintes en raison de la compensation,
- la demande en paiement de la somme de 427 808,79 n'est pas prescrite, car la prescription a été interrompue par la reconnaissance de cette créance par la société Dexxon qui a toujours reconnu devoir les RFA de 2009 et 2010 notamment dans sa mise en demeure du 30 mai 2013 et son assignation du 1er octobre 2013.
Elle ajoute à cet égard que la société Dexxon n'a pas invoqué la prescription quinquennale et que le tribunal ne pouvait donc dire sa créance prescrite. Elle conteste en outre que les conditions générales de vente de la société Dexxon lui sont opposables en ce qu'elles ne sont pas visées sur les factures, ne sont pas reprises dans les accords commerciaux 2009 et 2010, documents uniques fixant les obligations des parties conformément aux dispositions de l'article L. 441-7 du Code de commerce dans sa version en vigueur à cette époque, et que la société Dexxon a reconnu comme bien-fondée cette inopposabilité de conditions générales de vente en acquiesçant à l'exception d'incompétence par elle soulevée devant le tribunal de commerce de Nanterre, tribunal désigné par les conditions générales de vente. Elle ajoute que les factures communiquées par la société Dexxon ne comportent aucune mention des conditions générales de vente et que leur contenu n'est pas établi, notamment de son article 10 qui aménage le délai de prescription.
La société Casino fait en outre valoir que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, l'article 10 des conditions générales de vente est nul car :
- soit la créance de la société Dexxon est une créance de droit commun, dans ce cas l'alinéa 1er de l'article 2254 du Code civil lui est applicable et la prescription ne peut être contractuellement réduite en dessous d'un an, contrairement à l'article 10 qui abrège à neuf mois la prescription,
- soit la créance de la société Dexxon est "payable par année", dans ce cas l'alinéa 1er de l'article 2254 du Code civil ne lui est pas applicable et la prescription ne peut pas faire l'objet d'un aménagement conventionnel.
Enfin, la société Casino soutient que l'article 10 des conditions générales de vente qui s'applique dans l'hypothèse de "contestation de la part du Client", est inopérant s'agissant des RFA 2009 et 2010 qui n'ont jamais été contestées par la société Dexxon.
Sur la répétition de la somme de 48 956,51
La société Casino fait valoir que la société Dexxon a reconnu dans sa mise en demeure du 30 mai 2013, dans son assignation le 30 octobre 2013 et ses conclusions ultérieures, lui devoir la somme de 48 956,51 et qu'elle n'a pas conditionné cette créance au paiement des "trois déductions'. Elle ajoute que la prescription sanctionnant l'inaction du créancier, il n'est pas concevable qu'elle soit sanctionnée non pas au titre de sa propre inaction mais de celle du débiteur, comme l'a fait le tribunal en rejetant sa demande au motif que la créance tenant aux "trois déductions" de la société Dexxon était prescrite.
Sur les demandes de paiement sans compensation, nouvelles en appel
La société Casino soutient qu'en première instance, la société Dexxon a demandé sa condamnation au paiement d'une somme totale de 940 635,30 résultant d'un calcul comprenant une compensation (1 368 444,2 " 427 808,97 ) et qu'en appel, l'intimée formule les mêmes demandes de condamnation mais sans compensation. Elle estime que ces demandes ne tendent pas aux mêmes fins en violation de l'article 564 du Code de procédure civile et sont donc irrecevables.
Sur le solde du compte entre les parties
La société Casino estime au vu de ce qui précède, que ce solde est de 159 770 en sa faveur et demande la condamnation de la société Dexxon à lui payer cette somme.
Par conclusions notifiées et déposées le 9 janvier 2019, la société Dexxon, sollicite de la cour de :
A titre principal,
En ce qui concerne la créance de 197 353,62 TTC au titre des déductions injustifiées :
- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que cette créance était prescrite à hauteur de 246 310,13 TTC ;
- dire que le solde débiteur de la société Casino à son égard au titre des déductions injustifiées auxquelles elle a procédé s'élève à la somme nette de 197 353,62 TTC (246 310,13 - 48 956,51 ) ;
En conséquence :
- condamner la société Casino à lui payer cette somme de 197 353,62 TTC majorée des pénalités de retard (au taux de 3 fois le taux d'intérêt légal) à compter de la mise en demeure du 30 mai 2013 et avec anatocisme ;
En ce qui concerne la créance de 330 365,64 TTC au titre des marchandises impayées :
- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que l'existence de sa créance de 13 370,68 TTC n'était pas prouvée ;
- dire que la créance de la société Casino à son égard au titre des marchandises dont elle a reçu livraison mais qu'elle n'a pas payées à hauteur de 13 370,68 TTC est fondée ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la créance de la société Casino à son égard au titre des marchandises dont elle a reçu livraison mais qu'elle n'a pas payé à hauteur de 316 994,96 TTC est fondée ;
En conséquence :
- condamner la société Casino à lui payer ces factures d'un montant total de 330 365,64 TTC majoré des pénalités de retard (au taux de 3 fois le taux d'intérêt légal) à compter de leurs échéances respectives et avec anatocisme ;
En ce qui concerne la demande de la société Casino relative aux RFA 2009 et 2010 pour un montant de 427 808,97 TTC :
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la demande de la société Casino relative aux RFA 2009 et 2010 pour un montant de 427 808,97 TTC est prescrite.
En ce qui concerne la créance de 62 210 TTC au titre de l'excédent de RFA payé par la société Dexxon :
- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que cette créance était prescrite à hauteur de 62 210 TTC ;
- dire et juger que 62 210 TTC ont été versés par erreur et sans cause à la société Casino au titre des RFA dues pour les années 2008, 2009 et 2010 ;
En conséquence :
- condamner la société Casino à lui payer la somme de 62 210 TTC au titre du remboursement de cet excédent de RFA versé avec intérêt de retard (au taux de 3 fois le taux d'intérêt légal) à compter de son versement et avec anatocisme ;
En ce qui concerne la créance de 778 515 TTC au titre des versements par elle effectués sans justification de la réalisation des services de coopération commerciale correspondants:
- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que cette créance était prescrite à hauteur de 778 515 TTC ;
- dire que la somme 778 515 TTC a été versée sans justification à la société Casino au titre de services de coopération commerciale pour les années 2008, 2009 et 2010 ;
En conséquence :
- condamner la société Casino à lui payer la somme de 778 515 TTC au titre du remboursement de ces services de coopération commerciale avec intérêt de retard (au taux de 3 fois le taux d'intérêt légal) à compter de son versement et avec anatocisme ;
A titre subsidiaire,
Dans l'hypothèse exceptionnelle où la cour confirmerait le jugement concernant cette demande de la société Casino relative à la prescription et constaterait que sa créance est prescrite à hauteur de 1 087 035,13 :
- dire que la demande de remboursement par la société Casino de la somme de 48 956,51 TTC est prescrite ;
- dire que la demande de paiement par la société Casino de la somme de 427 808,97 TTC relative aux RFA 2009 et 2010 est prescrite ;
- dire que sa créance sur la société Casino s'élève à la somme totale 330 365,64 TTC relative aux factures impayées (288 584,76 TTC + 41 780, 88 TTC) ;
- dire que le préjudice par elle subi du fait de la mauvaise foi de la société Casino s'élève à 1 038 078,62 (197 353,62 + 62 210 + 778 515 ) ;
- dire que la totalité des sommes qui lui sont dues par la société Casino s'élèvent donc à 1 368 444,2 (330 365,40 + 1 038 078,62 ) ;
En conséquence :
- condamner la société Casino à lui payer la somme de 1 368 444,2 , majorée des pénalités de retard (au taux de 3 fois le taux d'intérêt légal) à compter de l'échéance de chaque facture et avec anatocisme concernant la créance de 330 365,40 ;
En tout état de cause,
- débouter la société Casino de l'ensemble de ses demandes ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Casino à lui payer la somme de 15 000 au titre des frais qu'elle a été contrainte d'engager et y ajouter la somme de 15 000 en supplément ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Casino aux dépens.
A titre principal, sur le bien-fondé de sa créance sur la société Casino
- Sur les déductions injustifiées opérées par la société Casino
La société Dexxon considère que les déductions opérées par la société Casino sont injustifiées et sont donc dues pour un montant total de 246 310,13 dont il faut déduire le remboursement opéré par la société Casino à hauteur de 48 956,51 .
Elle considère inéquitable de décider comme prescrite sa demande en paiement de ces sommes au motif que la société Casino a délibérément pris du retard dans le paiement de celles-ci, ce malgré ses demandes réitérées.
- Sur les factures de vente de marchandises impayées par la société Casino
La société Dexxon sollicite le paiement de ces factures pour un montant total de 330 365,64 qui n'ont pas été contestées par la société Casino sauf pour une facture du 26 octobre 2009 s'élevant à 13 370,46 , contestation retenue par le tribunal. Elle fait valoir que cette contestation n'est plus fondée au vu du bon de livraison du 26 octobre 2009 qu'elle produit au débat et qui atteste que la marchandise a effectivement été livrée à la société Casino.
- Sur la compensation
La société Dexxon conteste avoir reconnu sans réserve être redevable de la somme de 427 808,97 TTC au titre des ristournes de fin d'année (RFA). Elle précise que l'octroi de telles ristournes à la société Casino était conditionné au fait que cette dernière remplisse correctement ses obligations contractuelles, notamment en réglant les marchandises achetées, la compensation ne pouvant donc être envisagée que dans la mesure où la société Casino acceptait de régler les factures de marchandises impayées au titre des années 2009 et 2010 auxquelles les ristournes correspondent.
Elle soutient par ailleurs que l'article 10 de ses conditions générales de vente prévoyant une prescription de 9 mois, est licite, les RFA étant payables annuellement et relevant de l'exception de l'article 2254 du Code civil selon lequel une prescription abrégée à moins d'un an est licite lorsqu'elle concerne une action en paiement de : "tout ce qui est payable par années ou à des termes périodiques plus courts".
Elle ajoute que ces conditions générales de vente sont opposables à la société Casino car elles sont communiquées systématiquement à tous ses acheteurs, la mention de la dernière date de mise à jour y figurant n'ayant pas pour effet de fixer une date d'échéance d'application à ce document, que sa renonciation à la clause attributive de juridiction y figurant ne vaut pas renonciation aux autres articles et que les conventions uniques conclues entre les parties chaque année constituent des contrats-types pré-rédigés par la société Casino, déséquilibrés au bénéfice de l'enseigne, identiques pour tous les industriels fournisseurs de cette dernière, et ne peuvent être considérées comme écartant ses conditions générales de vente.
Elle en déduit que la demande en paiement de la société Casino au titre des ristournes (427 808,97 TTC) est prescrite en application de l'article 10 des conditions générales de vente.
- Sur l'excédent de RFA qu'elle a payées (62 210 )
La société Dexxon fait valoir qu'un audit général de ses comptes avec la société Casino lui a permis de s'apercevoir que les sommes réglées au titre de RFA convenues pour les années 2008, 2009 et 2010 (qui sont distinctes des RFA de 2009 du paragraphe ci-dessus) étaient supérieures aux sommes par elle dues à la société Casino puisqu'elle a versé plusieurs RFA calculées à partir du chiffre d'affaires réalisé duquel il n'avait pas été déduit tous les avoirs émis. Elle considère avoir alors payé 62 210 sans justification à la société Casino.
Elle conteste la prescription de sa demande en paiement à ce titre retenue par le tribunal au motif que cette décision est inéquitable au regard de manœuvres de la société Casino.
- Sur le défaut de justification par la société Casino de la réalisation effective des prestations de coopération commerciale négociées et par elle payées (778 515 )
La société Dexxon soutient que dans le cadre de l'audit général de ses comptes avec la société Casino, avoir également constaté que la société Casino ne lui a jamais transmis les justificatifs des prestations de coopération commerciale qu'elle a réglées au titres des années 2008, 2009 et 2010.
Elle estime alors qu'elle a versé la somme totale de 778 515 à la société Casino au titre de services de coopération commerciale dont la réalisation effective n'a jamais été justifiée par cette dernière.
Elle conteste la prescription de sa demande en paiement à ce titre retenue par le tribunal au motif que cette décision est inéquitable au regard de manœuvres de la société Casino.
A titre subsidiaire,
Sur le préjudice qu'elle a subi du fait de la mauvaise foi de la société Casino
La société Dexxon soutient que le tribunal de commerce a fait droit à la demande de prescription de sa créance invoquée par la société Casino à hauteur de 1 087 035,13 TTC (246 310,13 TTC + 62 210 TTC + 778 515 TTC).
Elle fait alors valoir que cette prescription résulte du comportement de la société Casino qui a fait preuve de mauvaise foi dans ses relations commerciales avec ses fournisseurs puisqu'elle a de façon systématique pris volontairement du retard dans le règlement de leurs créances dont elle se sert de la trésorerie à son compte et opère des déductions et/ou compensations injustifiées et que, face aux plaintes de ses fournisseurs, elle a gagné du temps et joué de son statut d'acteur incontournable de la grande distribution en France allant même jusqu'à indiquer "faire le maximum" pour régler le litige.
Elle sollicite en conséquence l'allocation de cette somme à titre de dommages-intérêts.
Elle conteste que cette demande est nouvelle en cause d'appel puisque tendant aux mêmes fins que les demandes en paiement présentées au premier juge sur un autre fondement.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.
SUR CE,
- Sur la recevabilité des demandes de la société Dexxon
- Sur les demandes arguées de nouvelles
La société Casino fait valoir que les demandes en paiement de la société Dexxon sans compensation sont nouvelles en cause d'appel comme la demande de dommages-intérêts à hauteur de 1 087 035,13 en ce qu'elle vise à l'indemnisation du préjudice causé par la prescription des créances de 62 210 au titre de ristournes trop payées en 2008, 2009 et 2010 et de 778 515 au titre des "ristournes".
Néanmoins, il convient de relever que devant les premiers juges, la société Dexxon avait formé des demandes en paiement des sommes de 197 353,62 (246 310,13 - 48 956,17) au titre des déductions injustifiées, de 330 365,64 au titre des marchandises livrées, de 62 210 au titre de ristournes de fin d'année versées par erreur et de 778 515 au titre du remboursement des services de coopération commerciale, soit une somme totale de 1 368 444,2 . Si en première instance, elle procédait à une compensation avec la somme de 427 806,97 qu'elle pourrait accorder à la société Casino au titre de ristournes de fin d'année, il ne peut être considéré comme le fait l'appelante que les demandes formées à hauteur de cour portant sur les mêmes sommes mais sans compensation avec les ristournes de fin d'année sont nouvelles, ces demandes tendant aux mêmes fins à savoir le paiement de factures ou la restitution de sommes que l'intimée considère avoir réglé indûment.
De même, la société Dexxon avait sollicité des premiers juges, à titre subsidiaire, de condamner la société Casino à payer la somme de 197 353,62 du fait de la mauvaise foi de cette dernière. La demande de dommages-intérêts portée à la somme de 1 087 035,13 devant la cour ne différant de celle formulée devant le tribunal de commerce que par son ampleur, n'est pas une prétention nouvelle.
En conséquence, la fin de non-recevoir de la société Casino fondée sur le caractère nouveau de ces demandes de la société Dexxon est rejetée.
- Sur la prescription
Selon l'article L. 110-4 I du Code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.
L'article 2224 du Code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
La société Casino considère prescrites comme formées au-delà du délai de cinq ans, les demandes en paiement de la société Dexxon des sommes de 246 310 (25 628,26 + 210 706,60 + 9 975,27 ) au titre des déductions, de 62 210 au titre des réductions de fin d'année 2008, 2009 et 2010 et de 778 515 au titre des services de coopérations commerciales indus.
La société Casino a déduit de ses paiements les sommes de 25 628,26 , 210 7016,60 et 9 975,27 respectivement les 11 mars, 25 avril et 20 juin 2008.
La société Dexxon ne conteste pas que le délai de prescription court à compter de chacune de ces dates.
La durée du délai de prescription prévu à l'article L. 110-4 I du Code de commerce ayant été réduite de dix à cinq ans par la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, il convient de faire application du second alinéa de l'article 2222 du Code civil selon lequel, en cas de réduction de la durée du délai de prescription, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Le délai de cinq ans qui a couru à compter des 11 mars et 25 avril 2008 a donc expiré le 18 juin 2013, jour de l'entrée en vigueur de loi du 17 juin 2008. Ce même délai qui a couru à compter du 20 juin 2008, après l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 précitée, a expiré le 20 juin 2013.
En conséquence, pour les demandes en paiement des sommes de 25 628,26 , 210 7016,60 et 9 975,27 , la prescription de cinq ans de l'article L. 110-4 I du Code de commerce applicable aux litiges entre commerçants était acquise à la date de l'assignation délivrée par la société Dexxon à la société Casino, le 1er octobre 2013.
S'agissant de la demande de répétition de la somme de 62 210 formée par la société Dexxon dans ses conclusions du 22 mars 2016 devant le tribunal, celle-ci concerne différentes ristournes de fin d'année convenues pour les années 2008, 2009 et 2010 qui sont, selon l'intimée, supérieures à celles réellement dues et qui ont fait l'objet d'avoirs dont le plus ancien date du 9 mars 2009 et le plus récent du 16 novembre 2010 selon les pièces versées au débat. Cette demande formée plus de cinq ans après l'émission des avoirs est également prescrite.
Il en va de même de la demande de répétition de la somme de 778 515 au titre des services de coopération commerciale payée par la société Dexxon sous forme d'acomptes tout au long des années 2008 à 2010 et dont elle estime que la société Casino ne justifie pas la réalisation effective, la prescription de cinq ans de l'article L. 110-4 I du Code de commerce applicable aux litiges entre commerçants était en effet acquise à la date du 22 mars 2016, date des conclusions devant le tribunal par lesquelles la société Dexxon a présenté pour la première fois cette demande.
Les considérations d'équité tenant aux promesses de règlement des factures par la société Casino invoquées par la société Dexxon sont à cet égard inopérantes, ce en application des dispositions de l'article 12 du Code de procédure civile selon lesquelles le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et ne peut fonder sa décision sur l'équité.
Les premiers juges ont donc pertinemment retenu que ces demandes en paiement de la société Dexxon des sommes de 246 310 au titre des déductions opérées par la société Casino, de 62 210 au titre du trop payé de ristournes 2008, 2009 et 2010 et de 778 515 au titre de ristournes 2008, 2009 et 2010 étaient prescrites.
Le jugement entrepris est toutefois infirmé en ce qu'il a débouté la société Dexxon de ses demandes à ce titre, celles-ci étant irrecevables.
- Sur les demandes de dommages-intérêts de la société Dexxon
A titre subsidiaire, la société Dexxon sollicite l'allocation de la somme de 1 087 035,13 TTC (246 310 + 62 210 + 778 515 ) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi à hauteur de la totalité des sommes prescrites arguant de la mauvaise foi de la société Casino qui a pris volontairement du retard dans le règlement des créances dont elle se sert de la trésorerie à son compte, gagne du temps et joue de son statut d'acteur incontournable de la grande distribution en France, faisant croire à son partenaire que le litige allait pouvoir être réglé pour ensuite invoquer la prescription des demandes.
Néanmoins, si les échanges intervenus entre la société Casino et la société Dexxon entre 2010 et 2012, ainsi qu'il ressort des éléments versés au débat par la société Dexxon (pièces 5, 9, 18 et 19), montrent qu'un litige existait entre le distributeur et son fournisseur sur les déductions opérées par la société Casino notamment s'agissant de la somme de 210 706,60 déduite deux fois les 4 février 2008 et 5 mai 2008, il n'est nullement établi par la société Dexxon un comportement déloyal de la société Casino qui l'aurait empêchée d'agir dans le délai de prescription.
Le communiqué de presse du ministère de l'Economie du 28 février 2017 par lequel ce ministère annonce avoir assigné la société Casino devant le tribunal de commerce de Paris pour des pratiques commerciales contraires aux dispositions du Code de commerce à la suite d'une enquête de la DGCCRF, ne peut suffire à caractériser un comportement fautif de cette dernière à l'égard de la société Dexxon.
La société Dexxon échouant à établir une faute de la société Casino, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
- Sur la demande de la société Dexxon en paiement des marchandises
La société Dexxon réclame le paiement de la somme de 330 365,64 au titre des marchandises livrées à la société Casino selon factures émises en 2009, 2010 (288 584,76) et 2014 (41 780,88 ). La société Casino conteste cette demande à hauteur de 13 370,68 et fait observer pour le surplus que la créance est éteinte par compensation des RFA 2009 et 2010.
La somme de 13 370,68 correspond à une facture de la société Dexxon n° 109194991 du 26 octobre 2009 (pièce 3-1, 3-2/184 de la société Dexxon).
La société Dexxon qui réclame le paiement de cette facture et à qui il appartient d'établir qu'elle est causée, celle-ci étant contestée par la société Casino, ne démontre pas la commande de cette marchandise par le distributeur, le bon de commande le 22 octobre 2009 n° EDI0057758 visé dans la facture n'étant pas fourni au débat, ni la livraison de ces marchandises à cette dernière, la pièce qu'elle fournit en cause d'appel (pièce 21) soit un bon de livraison du 22 octobre 2009, qui est le jour de la commande, à l'entrepôt Easydis situé à Andrezieux Boutheon (42), émanant de la seule société Dexxon et n'étant pas visé par la société Casino.
Aussi, le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a considéré comme fondée la demande en paiement de factures de la société Dexxon à hauteur de 316 994,96 TTC.
- Sur l'extinction de la créance de 316 994,96 TTC de la société Dexxon au titre des marchandises par compensation avec la créance de la société Casino au titre des RFA 2009 et 2010 d'un montant de 427 808,97
La société Casino reproche tout d'abord aux premiers juges de l'avoir condamnée à payer la somme de 316 994,96 TTC sans compensation considérant qu'ils ont statué ultra petita, la société Dexxon n'ayant sollicité devant le tribunal le paiement des marchandises qu'après compensation avec la créance de 427 808,97 au titre des ristournes de fin d'année.
Néanmoins, il ressort du jugement en date du 5 octobre 2016 que la société Dexxon sollicitait des premiers juges la condamnation de la société Casino au paiement de la somme de 330 365,64 au titre des marchandises livrées, qu'elle opposait à la société Casino la tardiveté de sa demande au titre des ristournes de fin d'année à hauteur de 427 808,97 , les dispositions de l'article 10 des conditions générales de vente prescrivant un délai de 9 mois de contestation au client, et ne demandait une compensation tant à titre principal qu'à titre subsidiaire, qu'entre la somme de 1 368 444,2 (330 365,64 + 197 353,62 + 62 210 + 778 515 ) et la somme de 427 808,97 TTC au titre des ristournes de fin d'année.
En conséquence, et contrairement à ce que soutient la société Casino, le tribunal n'a nullement statué ultra petita en accueillant la demande principale de la société Dexxon tendant à la condamnation de la société Casino à lui payer les marchandises livrées ce à hauteur de 316 994,96 TTC et en n'opérant pas à la compensation avec la somme de 427 808,97 TTC au titre des ristournes de fin d'année, cette demande ayant été considérée comme prescrite par le tribunal.
La société Casino invoque ensuite la compensation de plein droit entre les factures de livraisons de marchandises dont elle est débitrice à l'égard de la société Dexxon à hauteur de 316 994,16 TTC et les ristournes de fin d'année dont elle est créancière à l'égard de cette même société pour un montant de 427 808,79 .
La société Dexxon ne conteste pas le montant des ristournes réclamées par la société Casino au titre des années 2009 et 2010, mais réplique que ces ristournes correspondent aux factures impayées au titre des livraisons de marchandises précitées, que la compensation ne pouvait être envisagée qu'en cas de paiement par la société Casino desdites factures, et oppose les dispositions de l'article 10 des conditions générales de vente selon lesquelles toute contestation de la part du client ne pourra être prise en compte après l'expiration d'un délai de 9 mois à compter de la survenance de l'événement contesté, la société Casino n'ayant formulé aucune réclamation concernant lesdites ristournes de 2009 et 2010 avant ses conclusions du 10 mars 2015.
Si l'article 10 des conditions générales de vente de la société Dexxon prévoit que "toute contestation de la part du client relative à l'ensemble de la relation commerciale, créances diverses, etc...ne pourra être prise en compte après l'expiration d'un délai de neuf (9) mois à compter de la survenance de l'événement contesté", il convient de relever que les dispositions de l'article 2254 du Code civil permettant aux parties d'aménager conventionnellement la prescription et notamment d'en abréger la durée, prévoient que cette durée ne peut pas être réduite à moins d'un an et que cette possibilité n'est pas applicable aux créances périodiques (article 2254, alinéa 3). Aussi, les dispositions précitées, à supposer que ces conditions générales de vente soient opposables à la société Casino, doivent être considérées comme contraires aux dispositions de l'article 2254 du Code civil et doivent donc être écartées.
Par ailleurs, dans sa mise en demeure adressée à la société Casino le 30 mai 2013, la société Dexxon réclamait au distributeur la somme de 485 938,28 (197 353,52 de déductions injustifiées + 288 584,76 de factures de marchandise), et affirmait que cette dette globale est à compenser pour partie avec la somme totale de 427 808,97 due (357 378,97 au titre des RFA 2009 et 70 430 au titre des nouveaux avoirs adressés depuis la fin de l'année 2010 jusqu'en 2012). La société Dexxon reconnaît donc que la créance de la société Casino au titre des RFA 2009 et 2010 est certaine, liquide et exigible, procédant elle-même à une compensation, et ne peut arguer utilement que l'octroi de ces ristournes à la société Casino étaient conditionné au fait que celle-ci paye les marchandises livrées, alors que les accords commerciaux conclus entre les parties en 2009 et 2010 selon lesquels "la négociation et la formalisation des accords commerciaux, prestations de services et autres avantages financiers valent acceptation de la compensation des sommes dues à ce titre avec les factures d'achat, en cas de non-paiement à échéance convenues" prévoient expressément une compensation.
En conséquence, par application de l'article 1290 du Code civil, la compensation s'opérant de plein droit par la seule force de la loi même à l'insu du débiteur, son bénéfice pouvant être invoqué à tout moment, les factures de la société Dexxon (316 994,16 TTC), comme les ristournes de fins d'années accordées par cette dernière à la société Casino au titre des années 2009 et 2010 (427 808,97 ), correspondant toutes à des créances certaines, liquides et exigibles, ces dettes réciproques des deux sociétés se sont trouvées éteintes à concurrence de leur quotité respective à l'instant où elles se sont trouvées exister, la dernière facture de marchandises de la société Dexxon étant en date du 5 août 2014.
Dès lors qu'à la date de la compensation légale, la prescription de l'excédent de la dette la plus élevée est interrompue, la compensation intervenue au titre des RFA à la fin de l'année 2010 ayant été invoquée par la société Casino dans ses conclusions du 10 mars 2015, à cette date, le solde de créance dû à la société Casino par la société Dexxon au titre des ristournes de fin d'année n'était pas atteint par la prescription quinquennale.
Il résulte de ce qui précède que, après compensation des factures de marchandises et des ristournes de fin d'année, la société Dexxon est débitrice à l'égard de la société Casino de la somme de 110 814,01 .
Le jugement entrepris est en conséquence infirmé en ce qu'il a considéré comme prescrite la créance de la société Casino de 427 808,79 au titre des RFA 2009 et 2010 et en ce qu'il a condamné la société Casino à payer la somme de 316 994,96 TTC assortie des pénalités correspondant à trois fois le taux d'intérêt légal à compter du 1er octobre 2013, date de l'assignation.
- Sur la créance de la société Casino de 48 956,51 TTC
La société Casino réclame à la société Dexxon la répétition de la somme de 48 956,51 TTC qu'elle a versée à tort le 2 janvier 2008.
Dans sa mise en demeure en date du 30 mai 2013 adressée à la société Casino, la société Dexxon reconnaît ce versement erroné. En effet, après avoir dénoncé des déductions effectuées injustement par la distributeur d'un montant de 246 310,13 , elle précise que : "sans raison particulière, votre société a cependant remboursé préalablement à ces déductions le somme de 48 956,61 ... En conséquence, le solde débiteur ... est fixé à la somme globale de 197 353,52 (246 310,13 - 48 956,61 )".
Ainsi qu'il a été précédemment exposé, le délai de cinq ans qui a couru à compter du 2 janvier 2008, date du versement de l'indu, devait expirer le 18 juin 2013, jour de l'entrée en vigueur de loi du 17 juin 2008.
Néanmoins, la reconnaissance le 30 mai 2013 par la société Dexxon du droit de la société Casino contre laquelle elle prescrit, interrompt le délai de prescription. Cette reconnaissance de dette n'est en effet nullement "dépourvue d'objet", contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, n'étant pas conditionnée à la prise en compte par la société Casino des déductions qu'elle aurait injustement effectuées qui ont été considérées comme prescrites, la société Dexxon ne faisant que déduire la somme versée indûment de celle qu'elle considérait lui être due par la société Casino.
Le jugement entrepris est en conséquence infirmé en ce qu'il a débouté la société Casino de sa demande à ce titre.
En conséquence la société Dexxon est condamnée à payer à la société Casino la somme totale de 159 770,52 (110 814,01 + 48 956,51 ).
- Sur les autres demandes
Partie perdante, la société Dexxon est condamnée aux entiers dépens et à payer à la société Casino en application de l'article 700 du Code de procédure civile, une indemnité qui est, en équité, fixée à la somme de 15 000 .
Par ces motifs : LA COUR, Rejette la fin de non-recevoir de la société Distribution Casino France fondée sur la nouveauté en cause d'appel de demandes de la société Dexxon groupe ; Infirme le jugement entrepris ; Et statuant à nouveau, Dit que les demandes en paiement de la société Dexxon groupe des sommes de 246 310,13 , de 62 210 et de 778 515 , sont irrecevables car prescrites ; Déboute la société Dexxon groupe de l'ensemble de ses autres demandes ; Condamne la société Dexxon groupe à payer à la société Distribution Casino France la somme de 159 770,52 ; Vu l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Dexxon groupe à payer à la société Distribution Casino France la somme de 15 000 ; Déboute la société Dexxon groupe de sa demande ; Rejette toutes autres demandes plus amples et contraires ; Condamne la société Dexxon groupe aux entiers dépens de l'instance.