Cass. com., 27 mars 2019, n° 17-21.202
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Converse Inc. (Sté), All Star CV (Sté)
Défendeur :
Auchan France (SA), Sport concept (SAS), Guignon (ès qual.), PK distribution (Sté), Europe Sport Leads (Sté), Fanaraifoot (Sté), Jerzy Gornicki Laetitia Phu (Sté), Laure (ès qual.), Smatt (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Le Bras
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
SCP Richard, Me Galy, SCP Lyon-Caen, Thiriez, SCP Monod, Colin, Stoclet
LA COUR : - Donne acte à la société Converse Inc. et à la société All Star CV du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Europe Sport Leads, la société Fanaraifoot, la société Jerzy Gornicki Laetitia Phu et M. Guignon, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société PK Distribution ; - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 mai 2017), que la société Converse Inc. (la société Converse), titulaire des marques internationale désignant l'union européenne " Converse All Star " n° 924 653 et " All Star " n° 929078, respectivement enregistrées les 16 et 15 mai 2007 pour désigner des articles chaussants, et de la marque française " Converse All Star Chuck Taylor " n° 135694, déposée le 30 mai 1986 et renouvelée en 2006, désignant les chaussures, et la société All Star CV (la société All Star), bénéficiaire de ces marques à la suite de l'inscription de leur cession à son profit au registre national des marques et à l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle, ayant été informées de la retenue douanière opérée sur des chaussures provenant de magasins exploités par la société Auchan France (la société Auchan) ont assigné celle-ci en contrefaçon de marque ; que la société Auchan a appelé en garantie ses fournisseurs, les sociétés Smatt et Sport concept ; que la société Converse a assigné en intervention forcée M. Laure, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Smatt ; que la société Auchan a invoqué l'épuisement des droits des sociétés Converse et All Star sur les marques susvisées pour les produits en cause ;
Attendu que les sociétés Converse et All Star font grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de leurs demandes alors, selon le moyen : 1°) que le titulaire d'une marque ne peut interdire l'usage de celle-ci sans son autorisation pour des produits qu'il a mis dans le commerce ou qui ont été mis dans le commerce avec son consentement sous cette marque dans l'Espace économique européen ; que la preuve de l'épuisement du droit de marque incombe à celui qui l'allègue ; que toutefois, dans l'hypothèse où le tiers poursuivi parvient à démontrer qu'il existe un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux, il appartient au titulaire de la marque d'établir que les produits ont été initialement mis dans le commerce par lui-même ou avec son consentement en dehors de l'Espace économique européen ; que la preuve du risque réel de cloisonnement des marchés nationaux doit être établie à la date de la mise sur le marché des produits en cause ; que si cette preuve est rapportée, il incombe alors au tiers d'établir l'existence d'un consentement du titulaire à la commercialisation ultérieure des produits dans l'Espace économique européen ; qu'en décidant néanmoins, pour faire peser sur la société Converse et sur la société All Star la charge de la preuve d'établir que les produits avaient été mis dans le commerce en dehors de l'Espace économique européen, puis les débouter de leurs demandes, que les défendeurs à l'action en contrefaçon pouvaient se prévaloir d'un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux plusieurs années avant la mise sur le marché des produits revêtus de sa marque, la cour d'appel a violé les articles L. 713-2, L. 713-4, L. 716-1 et L. 717-1 du Code de la propriété intellectuelle ; 2°) que le titulaire d'une marque ne peut interdire l'usage de celle-ci sans son autorisation pour des produits qu'il a mis dans le commerce ou qui ont été mis dans le commerce avec son consentement sous cette marque dans l'Espace économique européen ; que la preuve de l'épuisement du droit de marque incombe à celui qui l'allègue ; que toutefois, dans l'hypothèse où le tiers poursuivi parvient à démontrer qu'il existe un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux, il appartient au titulaire de la marque d'établir que les produits ont été initialement mis dans le commerce par lui-même ou avec son consentement en dehors de l'Espace économique européen ; que la preuve du risque réel de cloisonnement des marchés nationaux doit être établie à la date de la mise sur le marché des produits en cause ; que si cette preuve est rapportée, il incombe alors au tiers d'établir l'existence d'un consentement du titulaire à la commercialisation ultérieure des produits dans l'Espace économique européen ; qu'en décidant néanmoins, pour débouter la société Converse et la société All Star de leurs demandes, qu'il appartenait à ces dernières d'établir que le risque réel de cloisonnement des marchés nationaux constaté plusieurs années avant la mise sur le marché des produits en cause, avait cessé, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles 1315 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, L. 713-2, L. 713-4, L. 716-1 et L. 717-1 du Code de la propriété intellectuelle ; 3°) que le titulaire d'une marque ne peut interdire l'usage de celle-ci sans son autorisation pour des produits qu'il a mis dans le commerce ou qui ont été mis dans le commerce avec son consentement sous cette marque dans l'Espace économique européen ; que la preuve de l'épuisement du droit de marque incombe à celui qui l'allègue ; que toutefois, dans l'hypothèse où le tiers poursuivi parvient à démontrer qu'il existe un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux, il appartient au titulaire de la marque d'établir que les produits ont été initialement mis dans le commerce par lui-même ou avec son consentement en dehors de l'Espace économique européen ; que la preuve du risque réel de cloisonnement des marchés nationaux doit être établie à la date de la mise sur le marché des produits en cause ; que si cette preuve est rapportée, il incombe alors au tiers d'établir l'existence d'un consentement du titulaire à la commercialisation ultérieure des produits dans l'Espace économique européen ; qu'en se bornant, pour débouter la société Converse et la société All Star de leurs demandes, à relever que plusieurs années avant la mise sur le marché des produits litigieux, il existait un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux, sans constater que ce risque avait perduré à la date de la mise sur le marché des produits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 713-2, L. 713-4, L. 716-1 et L. 717-1 du Code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que les sociétés Converse et All Star ne contestaient pas avoir organisé un réseau de distribution exclusive de leurs produits en Europe, qui reposait sur une segmentation territoriale à raison d'un seul distributeur par pays, et que les factures produites par elles démontraient qu'elles pratiquaient des prix différents selon les distributeurs et donc selon le secteur géographique concerné, l'arrêt retient, d'abord, que ces sociétés ont, avec le distributeur exclusif de la marque pour la France, engagé des actions systématiques contre la société Auchan et des détaillants ayant eu recours à des sources d'approvisionnement autres que celui du distributeur exclusif, démontrant leur volonté de tarir ce type d'approvisionnement ; qu'il retient, ensuite, que les huit courriels de 2009 portant sur la période 2007 à 2009 invoqués par la société Auchan, par lesquels des distributeurs exclusifs répondaient aux sollicitations des acheteurs situés en dehors de leur territoire qu'il leur était interdit de vendre des produits Converse en dehors de celui-ci, restent pertinents pour analyser l'existence d'un risque de cloisonnement, même quelques années après ; qu'il retient, de plus, que la société Converse a toujours refusé de produire devant les juridictions les contrats de distribution, ainsi que les conditions et tarifs, quand bien même elle y avait été contrainte sous astreinte, préférant renoncer à son action, ce qui démontre une constance dans les conditions de fonctionnement du réseau ; qu'il retient, en outre, que le précédent, si ancien soit-il, du distributeur exclusif pour l'Autriche dont le contrat n'avait pas été renouvelé en 1992 après qu'il eut vendu des produits Converse en dehors de son territoire, ce qui avait constitué un avertissement pour l'ensemble des distributeurs des marques Converse, est de nature à expliquer leurs réponses négatives plusieurs années après, et en déduit que, dans la mesure où les sociétés Converse et All Star ne démontrent pas avoir adopté une politique différente vis-à-vis de leurs distributeurs en les autorisant à vendre en dehors de leur territoire et à fixer librement leurs prix, ces éléments restent d'actualité ; qu'il retient, encore, que les factures fournies par les sociétés Converse et All Star sont insuffisantes pour combattre les éléments de preuve rapportés par la société Auchan, démontrant le risque sérieux de cloisonnement du marché ; qu'il retient, enfin, que, pour s'opposer à la demande de la société Auchan tendant à vérifier directement si les produits proposés à la vente figuraient dans la base de données de la société chargée de les authentifier, la société Converse avait exigé que, si elle déclarait les produits contrefaisants, la société Auchan s'engageât à lui livrer le nom de son fournisseur, ce qui démontre la volonté constante des sociétés Converse et All Star de contrôler totalement le marché ; qu'en cet état, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, et sans en inverser la charge, que la cour d'appel a retenu que l'existence d'un risque réel de cloisonnement des marchés n'avait pas cessé à la date de la mise sur le marché des produits litigieux ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.