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Décisions

Cass. com., 27 mars 2019, n° 17-21.201

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Converse Inc. (Sté), All Star CV (Sté)

Défendeur :

Auchan France (SA), Laure (ès qual.), Smatt (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Le Bras

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Richard, Me Galy, SCP Monod, Colin, Stoclet

TGI Paris, 3e ch. 3e sect., du 11 sept. …

11 septembre 2015

LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Converse Inc. et la société All Star CV que sur le pourvoi incident relevé par la société Auchan France : - Sur le moyen unique du pourvoi principal : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 mai 2017), que la société Converse Inc. (la société Converse), titulaire des marques internationales désignant l'Union européenne " Converse All Star " n° 924653 et " All Star " n° 929078, respectivement enregistrées les 16 et 15 mai 2007 pour désigner des articles chaussants, et de la marque française " Converse All Star Chuck Taylor " n° 1 356 944, déposée le 30 mai 1986 et renouvelée en 2006 désignant les chaussures, ayant fait procéder à un constat d'achat de paires de chaussures revêtues de ces marques dans les magasins exploités par la société Auchan France (la société Auchan) et à une saisie-contrefaçon au siège de cette dernière et à celui de la société Smatt, a assigné ces sociétés en contrefaçon de marque ; que M. Laure, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Smatt, est intervenu volontairement à l'instance ; qu'à la suite de l'inscription au registre national des marques et à l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle de la cession à son profit de ces marques, la société All Star CV (la société All Star) est intervenue volontairement à l'instance ; que la société Auchan a invoqué l'épuisement des droits des sociétés Converse et All Star sur les marques susvisées pour les produits en cause ;

Attendu que les sociétés Converse et All Star font grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de leurs demandes alors, selon le moyen : 1°) que le titulaire d'une marque ne peut interdire l'usage de celle-ci sans son autorisation pour des produits qu'il a mis dans le commerce ou qui ont été mis dans le commerce avec son consentement sous cette marque dans l'Espace économique européen ; que la preuve de l'épuisement du droit de marque incombe à celui qui l'allègue ; que toutefois, dans l'hypothèse où le tiers poursuivi parvient à démontrer qu'il existe un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux, il appartient au titulaire de la marque d'établir que les produits ont été initialement mis dans le commerce par lui-même ou avec son consentement en dehors de l'Espace économique européen ; que la preuve du risque réel de cloisonnement des marchés nationaux doit être établie à la date de la mise sur le marché des produits en cause ; que si cette preuve est rapportée, il incombe alors au tiers d'établir l'existence d'un consentement du titulaire à la commercialisation ultérieure des produits dans l'Espace économique européen ; qu'en décidant néanmoins, pour faire peser sur la société Converse et sur la société All Star la charge de la preuve d'établir que les produits avaient été mis dans le commerce en dehors de l'Espace économique européen, puis les débouter de leurs demandes, que les défendeurs à l'action en contrefaçon pouvaient se prévaloir d'un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux plusieurs années avant la mise sur le marché des produits revêtus de sa marque, la cour d'appel a violé les articles L. 713-2, L. 713-4, L. 716-1 et L. 717-1 du Code de la propriété intellectuelle ; 2°) que le titulaire d'une marque ne peut interdire l'usage de celle-ci sans son autorisation pour des produits qu'il a mis dans le commerce ou qui ont été mis dans le commerce avec son consentement sous cette marque dans l'Espace économique européen ; que la preuve de l'épuisement du droit de marque incombe à celui qui l'allègue ; que toutefois, dans l'hypothèse où le tiers poursuivi parvient à démontrer qu'il existe un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux, il appartient au titulaire de la marque d'établir que les produits ont été initialement mis dans le commerce par lui-même ou avec son consentement en dehors de l'Espace économique européen ; que la preuve du risque réel de cloisonnement des marchés nationaux doit être établie à la date de la mise sur le marché des produits en cause ; que si cette preuve est rapportée, il incombe alors au tiers d'établir l'existence d'un consentement du titulaire à la commercialisation ultérieure des produits dans l'Espace économique européen ; qu'en décidant néanmoins, pour débouter la société Converse et la société All Star de leurs demandes, qu'il appartenait à ces dernières d'établir que le risque réel de cloisonnement des marchés nationaux constaté plusieurs années avant la mise sur le marché des produits en cause, avait cessé, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles 1315 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, L. 713-2, L. 713-4, L. 716-1 et L. 717-1 du Code de la propriété intellectuelle ; 3°) que le titulaire d'une marque ne peut interdire l'usage de celle-ci sans son autorisation pour des produits qu'il a mis dans le commerce ou qui ont été mis dans le commerce avec son consentement sous cette marque dans l'Espace économique européen ; que la preuve de l'épuisement du droit de marque incombe à celui qui l'allègue ; que toutefois, dans l'hypothèse où le tiers poursuivi parvient à démontrer qu'il existe un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux, il appartient au titulaire de la marque d'établir que les produits ont été initialement mis dans le commerce par lui-même ou avec son consentement en dehors de l'Espace économique européen ; que la preuve du risque réel de cloisonnement des marchés nationaux doit être établie à la date de la mise sur le marché des produits en cause ; que si cette preuve est rapportée, il incombe alors au tiers d'établir l'existence d'un consentement du titulaire à la commercialisation ultérieure des produits dans l'Espace économique européen ; qu'en se bornant, pour débouter la société Converse et la société All Star de leurs demandes, à relever que plusieurs années avant la mise sur le marché des produits litigieux, il existait un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux, sans constater que ce risque avait perduré à la date de la mise sur le marché des produits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 713-2, L. 713-4, L. 716-1 et L. 717-1 du Code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que l'arrêt relève, d'abord, que la société Converse segmente territorialement la distribution de ses produits sur le marché européen via un réseau de distribution exclusive, à raison d'un seul distributeur par pays, soit la société Royer pour la France, ou par groupe de pays, et que cette segmentation se traduit par une politique de prix imposés ; qu'il retient, ensuite, que les huit courriels de 2009 portant sur la période 2007 à 2009 invoqués par la société Auchan, par lesquels des distributeurs exclusifs répondaient aux sollicitations des acheteurs situés en dehors de leur territoire qu'il leur était interdit de vendre des produits Converse en dehors de celui-ci, restent pertinents pour analyser l'existence d'un risque de cloisonnement, même quelques années après ; qu'il retient, de plus, que la société Converse a toujours refusé de produire devant les juridictions les contrats de distribution, quand bien même elle y avait été contrainte sous astreinte, préférant renoncer à son action, ce qui démontre une volonté de dissimuler les conditions de fonctionnement du réseau ; qu'il retient, en outre, que le précédent, si ancien soit-il, du distributeur exclusif pour l'Autriche dont le contrat n'avait pas été renouvelé en 1992 après avoir vendu des produits Converse en dehors de son territoire, ce qui avait constitué un avertissement pour l'ensemble des distributeurs des marques Converse, est de nature à expliquer leurs réponses négatives plusieurs années après, et en déduit que, dans la mesure où la société Converse ne démontre pas avoir adopté une politique différente vis-à-vis de ses distributeurs en les autorisant à vendre en dehors de leur territoire et en fixant librement leurs prix, ces éléments restent d'actualité ; qu'il retient, encore, que les factures fournies par la société Converse sont insuffisantes pour combattre les éléments de preuve rapportés par la société Auchan, démontrant le risque sérieux de cloisonnement du marché ; qu'il retient, enfin, que, pour s'opposer à la demande de la société Auchan tendant à vérifier directement si les produits proposés à la vente figuraient dans la base de données de la société chargée de les authentifier, la société Converse avait exigé que, si elle déclarait les produits contrefaisants, la société Auchan s'engageât à lui livrer le nom de son fournisseur, ce qui démontre la volonté constante de la société Converse de contrôler totalement le marché ; qu'en cet état, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, et sans en inverser la charge, que la cour d'appel a retenu que l'existence d'un risque réel de cloisonnement des marchés n'avait pas cessé à la date de la mise sur le marché des produits litigieux ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident, qui est éventuel : rejette le pourvoi principal.