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Décisions

Cass. com., 27 mars 2019, n° 17-22.083

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

FCA France (SA)

Défendeur :

Catia automobiles (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Poillot-Peruzzetto

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Bénabent, SCP Baraduc, Duhamel, Rameix

T. com. Paris, du 20 mai 2015

20 mai 2015

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Catia automobiles (la société Catia) était concessionnaire des marques Chrysler, Jeep et Dodge, à Caen, depuis 2001 ; que, le 25 mai 2010, la société Chrysler France (la société Chrysler), qui assurait en France l'importation et la distribution des véhicules de ces marques, a résilié l'ensemble des contrats de distribution de véhicules neufs, de vente de pièces détachées et d'après-vente à effet au 31 mai 2011 ; que la société Chrysler a cédé son fonds de commerce à la société Fiat France, aux droits de laquelle est venue la société FCA France (la société FCA) ; que, le 31 mai 2010, la société FCA a annoncé aux distributeurs du réseau qu'elle reprendrait la distribution en France des marques Lancia et Jeep et les a invités à faire acte de candidature pour la signature de nouveaux contrats ; que la société Catia, candidate pour la distribution de véhicules neufs et l'activité de réparation, a transmis, le 19 juillet 2010, à la société FCA le dossier de candidature que celle-ci lui avait envoyé le 18 juin 2010 ; que, par lettre du 7 janvier 2011, la société FCA a informé la société Catia de sa décision de refus d'agrément ; que, contestant ce refus et reprochant à la société FCA d'avoir confié la représentation des marques en cause à la société Socadia, qui était le distributeur Lancia "sur le même marché de référence", la société Catia l'a assignée, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, en réparation des préjudices résultant de son refus fautif d'agrément et de son retard dans la notification de ce dernier ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 1382, devenu 1240, du Code civil, ensemble les principes de liberté contractuelle et de liberté du commerce et de l'industrie ; - Attendu que pour dire que le refus d'agrément de la société Catia constitue une faute de la société FCA et condamner la seconde à payer à la première une indemnité, l'arrêt, après avoir constaté que la société FCA était à la tête d'un réseau de distribution sélective quantitative, énonce que le "concédant" est tenu, dès la phase précontractuelle, de respecter son obligation générale de bonne foi dans le choix de son cocontractant et en déduit que le titulaire du réseau doit sélectionner ses distributeurs sur le fondement de critères définis et objectivement fixés et appliquer ceux-ci de manière non-discriminatoire ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'exigence de bonne foi ne requiert pas, de la part de la tête d'un réseau de distribution la détermination et la mise en œuvre d'un tel processus de sélection, la cour d'appel a violé les texte et principe susvisés ;

Et sur le second moyen, pris en sa première branche : - Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; - Attendu que pour condamner la société FCA à payer à la société Catia la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice causé par la tardiveté de la notification du refus d'agrément, l'arrêt retient que, la société FCA ayant, par la lettre du 31 mai 2010, adressée à la société Catia comme à l'ensemble des anciens distributeurs Lancia et Chrysler-Jeep-Dodge, "fait part de son souhait de maintenir les relations avec tous les concessionnaires", a indûment entretenu la société Catia dans l'espoir d'être agréée dans le nouveau réseau et lui a donné une incitation contraire à la reconversion, que le préavis d'un an avait pour but de permettre ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la lettre du 31 mai 2010 mentionnait que "l'un des principaux objectifs de Chrysler et Fiat sera de préserver, dans toute la mesure du possible, leurs réseaux de distribution actuels et leurs relations avec la plupart des distributeurs actuels" et que "Chrysler et Fiat envisagent donc de proposer à la plupart de leurs distributeurs actuels de participer à la nouvelle opportunité de développement, en concluant un nouveau contrat de distributeur agréé", la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de ce document, a méconnu le principe susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.