Cass. com., 27 mars 2019, n° 17-18.047
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Louis Callens (SAS)
Défendeur :
Brice (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Poillot-Peruzzetto
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
SCP Meier-Bourdeau, Lécuyer, SCP Delvolvé, Trichet
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 février 2017), que la société d'exploitation des établissements Louis Callens (la société Callens), qui a pour activité le commerce en gros dans le domaine de l'habillement, fournit la société Brice, laquelle exerce sous l'enseigne de prêt-à-porter du même nom ; que reprochant à cette dernière d'avoir, en 2011 et 2012, réduit sensiblement son volume d'affaires puis cessé ses commandes, elle l'a assignée en responsabilité pour rupture brutale de la relation commerciale établie ;
Attendu que la société Callens fait grief à l'arrêt du rejet de ses demandes alors, selon le moyen : 1°) qu'en matière de responsabilité en raison du caractère brutal de la rupture de relations commerciales établies, il appartient au demandeur d'établir l'existence de relations commerciales et au défendeur de prouver qu'elles ne seraient pas régulières, stables et significatives ; qu'en imputant à la société Callens, demanderesse à l'action en responsabilité sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, la charge de la preuve de l'existence de relations commerciales établies, la cour d'appel a violé l'article 1315, devenu 1353, du Code civil ; 2°) que l'absence d'accord-cadre n'est pas de nature à exclure l'existence d'une relation commerciale établie ; qu'en constatant cette absence pour rejeter les demandes de la société Callens, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ; 3°) qu'en énonçant qu'il résulterait du mail du 10 février 2011 de la société Callens que les relations commerciales entre cette dernière et la société Brice seraient instables par nature dès lors qu'elles portaient sur des produits appartenant au secteur du vêtement, quand ce courriel émanait de la société Brice et qu'il ne pouvait donc en être déduit l'existence d'une tendance générale reconnue par le fournisseur mais seulement la volonté unilatérale de la société Brice de modifier ses commandes, la cour d'appel a violé le principe de l'interdiction de dénaturer les éléments de la cause ; 4°) que la société Callens contestait que la forte diminution des commandes de la société Brice en 2011 et 2012 s'explique par une instabilité inhérente à son secteur d'activité en exposant que, comme il était d'usage dans l'habillement, elle présentait à la société Brice des modèles de base que le client faisait adapter pour que sa collection corresponde aux évolutions de la mode, ce qui démontrait que l'activité du fournisseur était stable et indépendante des changements permanents mais limités des collections ; qu'en affirmant que la variabilité des commandes de la société Brice s'expliquerait par le caractère par nature instable des relations entre les fournisseurs de vêtements et leurs clients et que la société Callens n'aurait pu croire à la continuité du flux d'affaires, sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 5°) qu'une succession de contrats ponctuels peut suffire à caractériser une relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce si ces contrats portent sur un même objet et dès lors que les parties ont pu penser qu'elle allait continuer ; qu'en écartant le caractère établi de la relation commerciale durant depuis 1995 entre les cocontractants et par voie de conséquence la responsabilité de la société Brice pour l'avoir totalement interrompue à compter de 2012, en se bornant à relever que cette dernière n'avait effectué que des commandes limitées et pas à chaque saison, sans rechercher si la société Callens avait pu légitimement croire que le courant d'affaires continuerait tel qu'il était installé depuis 17 ans avec la société Brice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;
Mais attendu que l'arrêt, par motifs propres et adoptés, relève l'absence d'accord-cadre comportant un engagement de commandes minimum, le faible nombre de références pour la période considérée, la société Callens n'intervenant que dans le cadre de l'actualisation et le réassortiment, le caractère fluctuant et irrégulier du chiffre d'affaires entre 2003 et 2012, nul en 2008, et ajoute que la fluctuation des commandes traduit les caractéristiques du secteur de la vente de vêtements et des usages couramment établis dans la profession, ce dont il déduit l'absence de stabilité de la relation, exclusive d'une croyance légitime en leur continuité ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, exemptes de dénaturation, la cour d'appel, qui n'a pas inversé la charge de la preuve et a répondu, en l'écartant, au moyen invoqué par la quatrième branche, a pu retenir que la relation commerciale n'était pas établie ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.