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Décisions

Cass. com., 27 mars 2019, n° 17-16.548

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Gibmedia (SAS)

Défendeur :

Dispobiz (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Poillot-Peruzzetto

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié, SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer

T. com. Bordeaux, du 9 janv. 2015

9 janvier 2015

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 mars 2017), que la société Gibmedia, spécialisée dans la mise à disposition de contenus numériques à usage du grand public, est en relation depuis 2005 avec les sociétés composant le groupe Dispofi, comprenant notamment la société Dispobiz, laquelle propose un accès payant à différents services en ligne et a conclu, à partir de 2009, des conventions tripartites avec les sociétés Gibmedia et France Telecom ; que cette dernière ayant décidé de mettre un terme à son service de minitel, les sociétés du groupe Dispofi ont, le 15 juin 2012, signé avec la société Gibmedia un protocole d'accord par lequel elles s'engageaient à mettre un terme à tous les litiges, nés ou à naître, relatifs à la fin des contrats Teletel et à la nouvelle offre "Contact +" de la société France Telecom et, le 21 juin 2012, confié à la société Gibmedia un mandat exclusif de représentation d'une durée de six mois pour négocier avec la société France Telecom les modalités de la migration de leurs sites vers sa nouvelle offre, avec faculté de dénonciation en cas de non-paiement des sommes dues au mandant ; que reprochant aux sociétés du groupe Dispofi d'avoir, le 7 février 2013, mis fin à ce mandat avec effet immédiat pour inexécution de cette obligation, la société Gibmedia a assigné la société Dispofi en paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie ;

Attendu que la société Gibmedia fait grief à l'arrêt de dire que la rupture des relations commerciales était justifiée et de rejeter sa demande alors, selon le moyen : 1°) que pour apprécier la rupture de la relation de prestation de service de monétisation des offres sur internet, liant les parties depuis 2005, la cour d'appel s'est fondée sur les stipulations du mandat de négociation régularisé le 21 juin 2012 ; que ce mandat, conclu pour une durée de 6 mois, n'avait pas été reconduit et était arrivé à son terme le 21 décembre 2012, ainsi que l'indiquait la société Dispobiz dans son courrier du 7 février 2013 ; qu'en appréciant la rupture de la convention de prestation de service informatique au regard des stipulations du mandat de négociation, qui avait pris fin, la cour d'appel, qui a confondu les deux relations, a violé les articles L. 442-6 I 5° du Code de commerce et 1134 du Code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce ; 2°) que la rupture sans préavis d'une relation commerciale établie suppose une faute d'une gravité telle qu'elle ne permette pas le maintien de la relation ; que le fait de ne pas être à jour des paiements ne constitue pas une faute grave autorisant une rupture sans préavis ; qu'en retenant que la rupture était justifiée au regard de l'existence d'impayés, sans préciser en quoi cette situation tolérée depuis des années, avait brutalement dégénéré en faute suffisamment grave pour justifier une rupture immédiate de la relation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ; 3°) que la rupture s'apprécie au jour où elle intervient ; que pour considérer que la rupture à effet immédiat du 7 février 2013 était justifiée par l'existence d'impayés, la cour d'appel s'est référée au jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 30 septembre 2015 qui a fixé la créance de la société Dispobiz , qui était contestée ; qu'en retenant que la rupture était justifiée au regard d'une décision intervenue plusieurs années plus tard, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ; 4°) que pour considérer que l'existence d'impayés justifiait la rupture immédiate de la relation, la cour d'appel s'est fondée sur l'article 6 du mandat ; qu'en se fondant sur une disposition qui non seulement n'était plus applicable, mais encore ne la dispensait pas d'apprécier elle-même la gravité du manquement invoqué, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;

Mais attendu qu'après avoir retenu, par des motifs non critiqués, l'existence entre les parties d'une relation commerciale établie, commencée en 2005 et consistant à mettre en œuvre des contrats tripartites avec la société France Telecom dans le cadre de l'offre Teletel, interrompue en 2012 en raison de la cessation de ce service, destiné à être remplacé par la solution "Contact +", et reprise concomitamment par la conclusion, le 21 juin 2012, d'un mandat de représentation exclusif aux fins de négocier avec la société France Telecom les modalités techniques et financières de l'adhésion à l'offre "Contact +" ainsi que d'accomplir les opérations nécessaires à l'ouverture des Codes de services, l'arrêt relève que cette relation commerciale ne s'est ensuite plus interrompue jusqu'au 7 février 2013, le mandat ayant continué par tacite reconduction après sa date d'expiration, fixée au 21 décembre 2012 ; qu'il ajoute qu'il résulte des documents produits, notamment des courriels, mises en demeure, sommation et jugements intervenus, qu'il analyse, qu'un différend oppose les parties depuis 2010, portant sur le paiement de factures par la société Gibmedia, pour un montant de 301 273,26 euros, cette dette étant rappelée dans le mandat du 26 juin 2012, en son article 6, et que la société Gibmedia n'a rien versé depuis le 26 novembre 2010 ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a souverainement estimé que ce manquement de la société Gibmedia à ses obligations essentielles était établi et qu'il était suffisamment grave pour justifier la rupture de la relation commerciale sans préavis, a légalement justifié sa décision sans méconnaître les dispositions de l'article L. 442-6, I 5° du Code de commerce ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.