Cass. com., 27 mars 2019, n° 17-19.870
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
XEFI Vienne (Sasu) , XEFI Bourg (SAS) , XEFI Lyon (SAS)
Défendeur :
Dexxon groupe (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Sudre
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
SCP Delamarre, Jehannin, Me Goldman
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 mai 2017), que la société Dexxon groupe (société Dexxon), spécialisée dans la maintenance, le dépannage et l'entretien de matériels informatiques, a conclu, en 2006, plusieurs contrats de prestation de services " coût à la page " avec la société Twenty One Systems, devenue CFI Vienne puis XEFI Vienne après son intégration au sein du groupe CFI, devenu groupe XEFI, composé des sociétés CFI Bourg et CFI maintenance informatique (devenues XEFI Bourg et XEFI Lyon) ; qu'un accord verbal a été conclu, prévoyant la cessation, par la société Dexxon, de la prestation de maintenance des machines situées à proximité des agences du groupe XEFI, moyennant une indemnité de résiliation fixée à prix réduit ; qu'après une première série de résiliations intervenues entre février et avril 2012, dont les indemnités de résiliation ont été acquittées, les sociétés XEFI Vienne, XEFI Lyon et XEFI Bourg ont, les 27 juin et 27 juillet 2012, résilié d'autres contrats, qui ont donné lieu à l'établissement de cinq factures, le 20 février 2013, dont une seule a été contestée par la société XEFI Vienne, du fait de la non-application du tarif réduit ; que reprochant à la société Dexxon d'avoir suspendu ses prestations, à compter du 21 mai 2013, à l'égard de tous les clients du groupe XEFI, les sociétés XEFI Vienne, XEFI Lyon et XEFI Bourg, ont, par acte du 20 juin 2013, assigné la société Dexxon en paiement de dommages-intérêts à la société XEFI Vienne, pour rupture brutale des relations commerciales établies et atteinte à son image de marque ; que reconventionnellement, la société Dexxon a demandé à chacune des trois sociétés XEFI le paiement des sommes consécutives à la résiliation de tous les contrats les liant, ayant fait l'objet des factures des 19, 20 et 23 décembre 2013 ;
Sur le premier moyen : - Attendu que les sociétés XEFI Lyon, XEFI Bourg et XEFI Vienne font grief à l'arrêt de les condamner, chacune, à payer à la société Dexxon une certaine somme, au titre des prestations réalisées jusqu'à la résiliation des contrats, alors, selon le moyen : 1°) qu'il incombe à celui qui se prétend créancier de démontrer l'existence et l'étendue de l'obligation dont il demande le paiement ; qu'en matière contractuelle, cette preuve ne saurait résulter des seules factures unilatéralement rédigées par le créancier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que l'allégation de la société CFI Vienne selon laquelle elle a elle-même exécuté les prestations de maintenance depuis 2012 " n'est pas établie " ; qu'en statuant ainsi, quand il appartenait à la société Dexxon, qui se prétendait créancière au titre de prestations de maintenance, de démontrer l'existence et l'étendue de l'obligation dont elle demandait le paiement en établissant avoir effectué les prestations y afférentes, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du Code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ; 2°) que les sociétés XEFI Vienne, XEFI Lyon et XEFI Bourg démontraient qu'elles avaient sollicité la résiliation des contrats litigieux par lettres recommandées des 27 juin et 27 juillet 2012, régulièrement produites aux débats ; qu'elles rappelaient que la société Dexxon avait adressé une facture d'indemnité de résiliation le 20 février 2013, ce que la cour d'appel a elle-même constaté ; qu'elles ne pouvaient qu'en conclure qu'à compter du mois de juillet 2012, la société Dexxon n'avait plus réalisé de prestations de maintenance ou de livraison de consommables ; qu'en retenant pourtant que ne serait pas établie " l'allégation " selon laquelle la société Dexxon avait facturé des prestations non réalisées, sans aucunement rechercher si cette circonstance ne résultait pas du fait, qu'elle a constaté, que lesdites prestations auraient été réalisées postérieurement à la résiliation du contrat, jusqu'au 21 mai 2013, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1184 du Code civil, dans leur rédaction applicable en la cause ; 3°) que l'abus dans la fixation du prix donne lieu à indemnisation ou résiliation ; qu'en l'espèce, l'article 6-1 du contrat de prestations de services conclu par les sociétés CFI stipulait : " si le revendeur ou son client ne communique pas au prestataire les relevés de compteur du matériel ... , le prestataire se réserve le droit de procéder à une estimation à son gré des pages réalisées par le client du revendeur " ; que les exposantes démontraient dans leurs conclusions que la société Dexxon avait commis un abus dans l'exercice de cette prérogative de fixation unilatérale du prix dans la mesure où " la société Dexxon surfacture à la société CFI Vienne les consommables par rapport aux prix pratiqués par les grossistes nationaux " ; qu'en condamnant pourtant la société CFI Vienne à payer le prix exigé par la société Dexxon sans aucunement rechercher si ce prix n'avait pas été fixé dans des conditions abusives, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1129 et 1134 du Code civil, dans leur rédaction applicable en la cause ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt constate que les trois factures adressées en décembre 2013 aux sociétés XEFI Lyon, XEFI Bourg et XEFI Vienne ont été établies sur la base d'estimatifs de consommation, conformément aux clauses du contrat de prestation de services " coût à la page ", du fait que les sociétés n'avaient pas communiqué les relevés de consommation qui leur avaient été demandés par lettre de mise en demeure du 26 juillet 2013 ; qu'il relève que ces facturations concernent des prestations réalisées avant la résiliation des contrats, et jusqu'au 21 mai 2013 et précise que la facture adressée à la société XEFI Vienne inclut celle du 20 février 2013, contestée sur la non-application des frais de résiliation réduits, prévus à l'accord verbal et qui est restée impayée ; qu'il constate que le mode de facturation appliqué n'avait jamais été contesté auparavant par les sociétés XEFI ; qu'il retient enfin, que la société XEFI Vienne, qui soutient que la société Dexxon n'a plus exécuté de prestations à compter de juillet 2012, n'en justifie pas ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations la cour d'appel, qui a souverainement jugé, après avoir procédé aux recherches qui lui étaient demandées, et, sans inverser la charge de la preuve, que les factures réclamées par la société Dexxon étaient dues, exception faite des frais de résiliation qui devaient être réduits, conformément à l'accord verbal, a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, en second lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de leurs écritures que les sociétés XEFI Vienne, XEFI Lyon et XEFI Bourg aient soutenu devant la cour d'appel que la fixation du prix des prestations réclamées était abusive ; d'où il suit que le moyen, qui est irrecevable, comme nouveau et mélangé de fait et de droit, en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société XEFI Vienne fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande pour rupture des relations commerciales établies alors, selon le moyen : 1°) que, pour débouter la société CFI Vienne de sa demande au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies, la cour d'appel s'est bornée à retenir que " le caractère de brutalité n'est pas caractérisé vu la non-exécution de leurs obligations par les sociétés CFI " ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen, en ce qu'elle reposera sur le constat que les sociétés CFI n'avaient commis aucune faute, seule la société Dexxon ayant manqué à ses obligations contractuelles, entraînera par voie de conséquence la censure du chef de l'arrêt ayant débouté la société CFI Vienne de sa demande indemnitaire au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies, conformément aux dispositions de l'article 624 du Code de procédure civile ; 2°) que seule l'inexécution de ses obligations imputable au débiteur autorise la rupture des relations commerciales établies sans un préavis suffisant ; que la conclusion, entre commerçants, d'un accord verbal ne constitue aucunement un manquement aux obligations contractuelles ; qu'en retenant pourtant, à supposer ce motif adopté, que la rupture des relations commerciales par la société Dexxon, " certes fautive ", n'aurait pas " le caractère de brutalité requis par la loi " puisqu'elle découlerait " de l'impossibilité des parties de clarifier leur accord verbal, totalement inapplicable en fonction des caractéristiques qui lui sont propres ", la cour d'appel a violé l'article L. 442-6 du Code de commerce ;
Mais attendu, d'une part, que le rejet du premier moyen rend le grief de la première branche sans portée ;
Et attendu, d'autre part, que le moyen qui critique un motif énoncé par les premiers juges, qui, contraire à la motivation de l'arrêt, n'a pu être adopté, est inopérant ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et, sur le troisième moyen : - Attendu que la société XEFI Vienne fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts pour atteinte à son image de marque, alors, selon le moyen, que pour débouter la société XEFI Vienne de sa demande au titre de l'atteinte à son image de marque, la cour d'appel s'est bornée à retenir que " les manquements intervenus autorisaient une résiliation sans préavis " ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen, en ce qu'elle reposera sur le constat que les sociétés CFI n'avaient commis aucune faute, seule la société Dexxon ayant manqué à ses obligations contractuelles, entraînera par voie de conséquence la censure du chef de l'arrêt ayant débouté la société CFI Vienne de sa demande indemnitaire au titre de l'atteinte à son image de marque, conformément aux dispositions de l'article 624 du Code de procédure civile ;
Mais attendu que le rejet du premier moyen rend sans portée le moyen ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.