CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 28 mars 2019, n° 17-07426
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Secrétariat Social Securex (Sasu)
Défendeur :
Sweethome (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Birolleau
Conseillers :
Mmes Soudry, Moreau
Avocats :
Mes Regnier, Obajtek, Ingold, Viterbo, Auffray
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Sweethome a pour activité la fourniture de services à domicile.
La société Le Secrétariat Social - Securex (ci-après la société Securex) est spécialisée dans la gestion sociale des entreprises et notamment le traitement de la paie.
Par contrat en date du 26 août 2003, la société Sweethome a confié à la société Securex la " gestion de la paie " de ses employés. Ce contrat a été conclu pour une durée indéterminée et une faculté de résiliation à tout moment, à l'exception des dix-huit premiers mois, a été stipulée sous réserve du respect d'un préavis de six mois.
Le 14 février 2012, un avenant à la convention du 26 août 2003 a été conclu afin d'actualiser les tarifs.
Le 22 mai 2012, les sociétés Securex et Sweethome ont conclu une convention annuelle d'abonnement " Information - Documentation ".
A la suite d'une fusion entre les sociétés Sweethome et Bienservi le 15 janvier 2013, l'effectif de la société Sweethome a été porté à 200 employés supplémentaires.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 6 juin 2013, la société Securex a adressé à la société Sweethome une facture n° 301469 datée du 10 mai 2013 pour un montant de 3 696 euros TTC concernant la clôture du dossier à la suite à ce qu'elle a considéré comme étant une résiliation à l'initiative de son cocontractant.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 11 juin 2013, la société Sweethome a refusé le paiement de cette facture, estimant que la résiliation du contrat était imputable à la société Securex.
Malgré plusieurs mises en demeure en date des 10 juin 2015 et 7 juillet 2015, la société Sweethome a maintenu sa position et refusé de régler la facture datée du 10 mai 2013.
C'est dans ces conditions que la société Securex a, par exploit du 25 novembre 2015, assigné la société Sweethome devant le tribunal de commerce de Lille Métropole aux fins d'obtenir paiement de la facture ligueuse ainsi que la réparation de son préjudice au titre des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce.
Par jugement du 26 janvier 2017, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :
- débouté la société Securex de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la société Sweethome de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamné la société Securex à payer à la société Sweethome la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné la société Securex aux entiers dépens.
La société Securex a interjeté appel de cette décision le 5 avril 2017.
Prétentions et moyens des parties :
Dans ses dernières conclusions signifiées le 29 septembre 2017, la société Securex demande à la cour de :
- infirmer le jugement du 26 janvier 2017 en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes,
Et en conséquence de quoi,
- condamner la société Sweethome à lui payer la somme de 3 696 euros TTC au titre de la facture n° 301469, assortie des intérêts de retard d'un taux mensuel de 1,5 % à compter du 11 mai 2013,
- condamner la société Sweethome à lui payer la somme de 40 euros TTC au titre des frais de recouvrement,
- condamner la société Sweethome à lui payer la somme de 2 408,22 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies et la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral découlant de cette rupture brutale,
- confirmer le jugement du 26 janvier 2017 en ce qu'il a débouté la société Sweethome de sa demande au titre d'un abus de procédure de la société Securex,
- débouter la société Sweethome de ses autres demandes,
- condamner la société Sweethome à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens de l'instance d'appel.
A l'appui, la société Securex explique que la société Sweethome, évoquant un projet de fusion avec une autre société, lui a demandé, par courriel du 20 novembre 2012, d'établir une proposition commerciale pour un effectif allant jusqu'à 350 salariés. Elle précise avoir adressé en retour une nouvelle grille tarifaire valable jusqu'à 100 salariés. Elle ajoute qu'une réunion a eu lieu le 11 janvier 2013 pour discuter des conditions d'une éventuelle extension du contrat la liant à la société Sweethome avec intégration de 200 salariés supplémentaires et qu'à cette occasion, elle a présenté une nouvelle grille tarifaire pour un effectif correspondant au nouvel effectif issu de la fusion envisagée contrairement à ce que la société Sweethome soutient. Elle affirme qu'à compter de la fusion du 15 janvier 2013, elle n'a plus reçu de la société Sweethome les éléments nécessaires au traitement des fiches de paie. Elle ajoute que par courriel du 5 mars 2013, la société Sweethome lui a annoncé sa décision d'" internaliser " la gestion de la paie. Elle indique avoir sollicité en vain de son partenaire, par courriel du 18 mars 2013, un entretien pour échanger sur la poursuite de la collaboration. Elle précise que c'est dans ces conditions qu'elle a mis en demeure la société Sweethome de lui transmettre les données nécessaires à l'établissement des fiches de paie par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 29 mai 2013. Elle explique que, parallèlement, elle a demandé à la société Sweethome le paiement d'une facture datée du 10 mai 2013 correspondant à la clôture du dossier du fait de sa partenaire. Elle dément donc être à l'origine de la rupture contractuelle comme l'ont jugé les premiers juges et sollicite l'application du contrat qui prévoit une indemnité de résiliation. Elle réclame en outre une indemnité forfaitaire de recouvrement en application des dispositions des articles L. 441-6 et D. 441-5 du Code de commerce.
La société Securex se prévaut ensuite des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce. Elle explique qu'après dix années de relations commerciales, la société Sweethome a rompu ces relations sans préavis écrit. Elle explique qu'eu égard à la durée de la relation et au volume des prestations, un préavis de douze mois aurait dû être observé. Elle allègue en outre subir un préjudice moral.
Elle conteste toute procédure abusive de sa part pour s'opposer à la demande reconventionnelle formée à son encontre.
Dans ses dernières conclusions du 1er août 2018, la société Sweethome demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu le 26 janvier 2017 par le tribunal de commerce de Lille en ce qu'il a débouté la société Securex de ses demandes,
- débouter la société Securex de l'ensemble de ses demandes,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Sweethome de sa demande reconventionnelle,
- condamner la société Securex à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamner la société Securex à lui payer la somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Securex aux dépens de l'instance dont distraction au bénéfice de Me Frédéric Ingold - Selarl Ingold & Thomas, avocat au barreau de Paris.
Pour s'opposer à la demande de la société Securex relative au paiement de la somme de 3 696 euros, la société Sweethome fait valoir que le contrat ne prévoit pas de frais de clôture de dossier. En outre, elle impute la rupture de la relation à la société Securex de sorte que celle-ci ne saurait revendiquer le paiement de frais de résiliation. Elle explique en effet qu'en vue de son projet de fusion, elle a demandé à la société Securex de lui adresser une nouvelle grille tarifaire jusqu'à 350 salariés ; demande à laquelle elle n'a jamais reçu de réponse. Elle ajoute que lors de la réunion du 11 janvier 2013 avec le dirigeant de la société Securex, celui-ci a exposé qu'il ne pourrait maintenir le tarif convenu par avenant du 14 février 2012. Elle fait encore grief à la société Securex de ne pas avoir respecté la procédure prévue au contrat pour la renégociation des tarifs. Elle expose qu'en raison de l'incapacité de la société Securex à répondre à ses demandes et de son refus de maintenir les tarifs négociés en février 2012, qui ne prévoyaient aucun nombre maximum de salariés, celle-ci est responsable de la rupture des relations commerciales. Elle ajoute qu'en tout état de cause, la société Sweethome était dans l'incapacité de poursuivre la relation commerciale aux conditions tarifaires prévues en 2012 eu égard aux charges de personnel induites par la gestion de 350 bulletins de paie par mois. Elle dément encore toute brutalité de la rupture alors que celle-ci était prévisible eu égard au projet de fusion et aux demandes répétées et vaines de communication de nouveaux tarifs. Elle conteste également la marge bénéficiaire à hauteur de 51 % revendiquée par la société Securex dont celle-ci ne justifie par aucun élément comptable. Elle considère que la durée du préavis sollicité est excessive eu égard à l'absence de dépendance économique de la société Securex à son égard. Elle s'oppose aussi à la demande au titre du préjudice moral qui n'est pas établi.
A titre reconventionnel, elle invoque un abus de procédure à l'encontre de la société Securex qui, alors qu'elle était seule responsable de la rupture, a engagé une procédure infondée.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 janvier 2019.
A l'audience du 23 janvier 2019, les parties ont été invitées à fournir des explications quant au double fondement, contractuel et délictuel, des demandes de la société Securex susceptible d'aboutir à une double indemnisation du même préjudice.
Par note du 31 janvier 2019, la société Securex explique que sa demande en paiement de facture résulte de la stricte application des contrats la liant avec la société Sweethome et notamment les articles 9 § 1 du contrat du 26 août 2003 et II § 4 du contrat du 22 mai 2012 prévoyant des indemnités contractuelles en cas de résiliation et que ces indemnités n'ont pas vocation à réparer la totalité du préjudice résultant de l'absence totale de préavis qui constitue l'objet de l'article L. 442-6 du Code de commerce. Elle soutient ainsi que les deux demandes ont vocation à satisfaire des objets distincts.
Par note du 5 février 2019, la société Sweethome fait valoir que la société Securex ne précise pas les préjudices non couverts par les indemnités contractuelles dont elle sollicite l'application et qui justifieraient l'application cumulative de l'article L. 442-6 du Code de commerce. Elle ajoute qu'en tout état de cause l'article 9 § 1 du contrat du 26 août 2003 n'est pas applicable car elle n'a pas cessé son activité en France et que l'article II § 4 du contrat du 22 mai 2012 n'est pas davantage applicable dans la mesure où elle n'a pas rompu sa collaboration avec la société Securex. Enfin l'article L. 442-6 du Code de commerce ne saurait, selon elle, recevoir application puisqu'elle n'est pas à l'origine de la rupture des relations.
MOTIFS
Sur la demande en paiement au titre de la résiliation du contrat
Considérant que la société Securex réclame tout d'abord paiement d'une facture n° 301469 datée du 10 mai 2013 pour un montant de 3 696 euros TTC ; que cette facture mentionne une somme de 2537 euros HT au titre de la " clôture dossier " au mois d'avril 2013 ainsi qu'une somme de 553 euros HT au titre de dix mensualités du contrat edoc au mois d'avril 2013; que pour fonder sa demande en paiement, la société Securex invoque les dispositions des articles 9 § 1 du contrat du 26 août 2003 et II § 4 du contrat du 22 mai 2012 ;
Considérant que l'article 9 § 1 du contrat du 26 août 2003 stipule que : " Dans l'hypothèse où le souscripteur viendrait à cesser brusquement et définitivement son activité en France, ces circonstances ne nécessitant plus les services du Secrétariat Social, le souscripteur serait forfaitairement redevable au Secrétariat Social d'une indemnité égale à trois fois la moyenne mensuelle de la facturation des six derniers mois. ";
Considérant qu'en l'espèce, la société Sweethome n'ayant pas cessé son activité en France, les dispositions susvisées sont inapplicables ; que dans ces conditions, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société Securex en paiement d'une somme de 2 537 euros HT au titre de la facture datée du 10 mai 2013;
Considérant ensuite que l'article II du contrat du 22 mai 2012 prévoit que : " Le présent abonnement est conclu et se renouvelle par année civile. Dès lors, s'il est signé en cours d'année, la première période d'abonnement prend fin de plein droit au 31 décembre suivant, avec facturation au prorata. Toutefois, à défaut de préavis adressé par lettre recommandée à Securex au plus tard 3 mois avant la date d'expiration de la présente convention, soit avant le 1er octobre, celle-ci se renouvellera automatiquement par tacite reconduction pour l'année civile suivante ou plusieurs années civiles. (...) Le présent abonnement prend effet à compter du 1er mai 2012 (...). Par ailleurs, cet abonnement est renouvelable automatiquement par tacite reconduction pour douze mois consécutifs. (...). Dans le cas où l'Abonné romprait sa collaboration avec le Département Paie de Securex, les mensualités dues, jusqu'à expiration de l'abonnement " clients du Département Paie Securex " en cours, deviendront immédiatement exigibles. " ;
Considérant que le contrat du 22 mai 2012 portant abonnement à une base d'information et de documentation est lié à la " gestion de la paie " confiée par la société Sweethome à la société Securex par contrat du 26 août 2003 puisque l'intitulé de la convention d'abonnement spécifie que cette " Formule (est) réservée aux clients du Département Paie du Secrétariat Social Securex de Lille " et que l'article II précité vise le cas d'une rupture du contrat lié à la " gestion de la paie " ;
Considérant qu'en l'espèce, l'initiative de la rupture de la collaboration de la société Sweethome avec le département Paie de Securex est discutée ; qu'ainsi pour déterminer si la clause précitée est applicable, il convient de trancher préalablement la question de l'imputabilité de la rupture des relations issues du contrat du 26 août 2003 ;
Considérant que la société Sweethome prétend, pour imputer l'initiative de la rupture à la société Securex, que cette dernière aurait refusé de répondre à sa demande de communication de tarifs et aurait refusé de maintenir les tarifs négociés le 14 février 2012 ;
Considérant toutefois qu'il ressort de l'avenant conclu le 14 février 2012 que cet avenant a fait suite au transfert de l'ensemble du personnel des sociétés Sweethome Vincennes et Sweethome Puteaux sur la société Sweethome Paris à compter du 1er janvier 2012; que c'est dans ces conditions que de nouvelles conditions financières ont été convenues fixant à 12,22 euros HT la cotisation par bulletin de paie établi, pour un effectif compris entre 61 et 70 salariés; qu'il a également été prévu qu'" une réduction de 5 % du prix du bulletin sera(it) appliquée pour l'augmentation des effectifs par tranche de 10 salariés " et qu' " une majoration de 5 % du prix du bulletin sera(it) appliquée en cas de diminution des effectifs par tranche de 10 salariés. ";
Considérant qu'il résulte également des factures établies par la société Securex que l'effectif de la société Sweethome Paris était compris entre 20 et 30 salariés jusqu'au mois de décembre 2011 ;
Considérant qu'il s'ensuit que l'avenant du 14 février 2012 a été conclu pour s'appliquer à un effectif de l'ordre de 60 à 70 salariés avec de petites variations; qu'en aucun cas, les parties n'ont entendu l'appliquer à une entité totalement nouvelle issue d'une fusion et comptant plus de 200 salariés supplémentaires; qu'il importe peu à cet égard qu'aucun plafond n'ait été prévu pour l'application du tarif convenu en 2012 dès lors que cet avenant était destiné à s'appliquer exclusivement à une société issue du regroupement de la société Sweethome de Paris avec les sociétés Sweethome de Vincennes et de Puteaux et comptant moins de cent salariés ; que c'est dans ces conditions que par courriel du 13 décembre 2012, la société Securex, en réponse à la demande de communication d'une " grille tarifaire dégressive par tranche de salariés jusqu'à 350 " de la part de la société Sweethome, a adressé une " grille tarifaire 2012/2013 allant jusqu'à un effectif de 100 salariés " et indiqué qu' " Au-delà de cet effectif, nous serons dans l'obligation de reconsidérer l'avenant "; que la société Securex n'a pas démenti ce point dans son couriel en réponse du 4 janvier 2013 en indiquant " Vous est-il possible de venir nous voir à court terme ? En effet, Sweethome fusionne avec un confrère le 15/01. Nous souhaitons discuter les conditions d'une éventuelle extension de contrat avec vous, avec intégration de 200 bulletins supplémentaires avant fin janvier, et vous expliquer le contexte. "; que la société Sweethome admet elle-même, dans ses écritures, que le tarif négocié en 2012 ne permettait pas à la société Securex d'assumer le coût du personnel supplémentaire nécessaire pour faire face à la gestion de 200 bulletins supplémentaires ; que dans ces conditions, les dispositions du contrat du 26 août 2003 permettant à la société Securex de procéder à la révision du tarif convenu n'étaient pas applicables et il ne peut être valablement reproché à la société Securex de ne pas avoir communiqué une nouvelle grille tarifaire dégressive par tranche de salariés jusqu'à 350 sur la base des tarifs de l'avenant de 2012;
Considérant qu'il est constant qu'une réunion s'est tenue le 11 janvier 2013 entre les dirigeants des sociétés Sweethome et de la société Securex pour envisager une éventuelle extension du contrat avec intégration de 200 bulletins supplémentaires; qu'après cette réunion et la réalisation de la fusion avec la société Bienservi, la société Sweethome a décidé d' " internaliser " la gestion de la paie comme elle l'a annoncé à la société Securex par courriel du 5 mars 2013; que dès lors, la rupture de la relation avec la société Securex lui est imputable;
Considérant dans ces conditions que les dispositions de l'article II du contrat du 22 mai 2012 sont applicables; que la société Sweethome ayant rompu sa collaboration avec le Département Paie de Securex le 5 mars 2013, les mensualités dues, jusqu'à expiration de l'abonnement " clients du Département Paie Securex " en cours, sont devenues immédiatement exigibles. "; que dès lors, c'est à bon droit que la société Securex a réclamé une somme de 553,30 euros HT au titre de la facture datée du 10 mai 2013; que le jugement entrepris sera infirmé de ce chef et la société Sweethome sera condamnée à régler à la société Securex une somme de 661,75 euros TTC au titre de l'indemnité prévue à l'article II du contrat du 22 mai 2012 avec intérêts au taux contractuel de 1,5 % par mois de retard à compter du 11 mai 2013;
Considérant par ailleurs qu'en application de l'article L. 441-6 du Code de commerce, tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l'égard du créancier, d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret ; qu'en vertu de l'article D. 441-5 du Code de commerce, le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement prévue au douzième alinéa du I de l'article L. 441-6 est fixé à 40 euros ;
Considérant que dès lors, il convient de faire droit à la demande de ce chef et de condamner la société Sweethome à régler à la société Securex une somme de 40 euros ;
Sur la rupture brutale des relations commerciales établies
Considérant qu'il y a lieu de relever à titre liminaire que l'indemnité allouée au titre de la résiliation du contrat d'abonnement du 22 mai 2012 est spécifique à ce contrat et n'indemnise donc pas le préjudice issu de la fin de la relation commerciale liant les parties depuis 2003 consistant en la gestion de la paie dont il est demandé réparation sur le fondement des dispositions de L. 442-6, I, 5° du Code de commerce; que dès lors, les indemnités réclamées de ces deux chefs sont cumulables s'agissant de la réparation de préjudices distincts ;
Considérant que l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ;
Considérant que la relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel ; que le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial ;
Considérant qu'en l'espèce, l'existence d'une relation commerciale établie entre la société Securex et la société Sweethome n'est pas discutée ; qu'il résulte de ce qui précède que la société Sweethome est à l'origine de cette rupture ; qu'il n'est pas démenti que cette rupture n'a été précédée d'aucun préavis écrit ; que dès lors, le caractère brutal de cette rupture est établi ;
Considérant que le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis.
Considérant que le délai de préavis à respecter doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné ;
Considérant qu'en l'espèce, la relation entre les sociétés Securex et Sweethome a duré près de douze ans ; que selon les pièces versées aux débats (pièces 17 de la société Securex et 2 de la société Sweethome), l'activité confiée par la société Sweethome à la société Securex lui procurait un chiffre d'affaires de l'ordre de 4 722 euros sur un chiffre d'affaires total de 1 496 405 euros en 2012, soit 0,30 % de son chiffre d'affaires ;
Considérant qu'eu égard à l'absence de dépendance économique entre les deux sociétés, au faible volume d'affaires, à la possibilité de retrouver de nouveaux clients rapidement et à la durée des relations, il convient de fixer à trois mois la durée du préavis qui aurait dû être observé ;
Considérant que le préjudice consécutif à la brutalité de la rupture est constitué du gain manqué pendant la période d'insuffisance du préavis et s'évalue donc en considération de la marge brute escomptée durant cette période ;
Considérant qu'eu égard à la moyenne du chiffre d'affaires réalisé dans les dernières années des relations commerciales de 4 722 euros et à la marge bénéficiaire brute de 51 % qui paraît adaptée au secteur d'activité, le préjudice résultant de la brutalité de la rupture des relations sera indemnisé par l'allocation d'une somme de 602 euros ([4 722 x 0,51] /12 x 3) ; que le jugement entrepris sera infirmé de ce chef;
Considérant que la société Securex se prévaut d'un préjudice moral résultant de la brutalité de la rupture ; que toutefois à défaut d'établir un tel préjudice, sa demande sur ce point sera rejetée et le jugement entrepris confirmé de ce chef ;
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'aucune procédure abusive ne peut être reprochée à la société Securex ; que dès lors, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation de ce chef formulée par la société Sweethome;
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile
Considérant que la société Sweethome succombe à l'instance d'appel ; qu'elle en supportera les entiers dépens qui pourront être recouvrés par Me Frédéric Ingold - Selarl Ingold & Thomas, avocat au barreau de Paris, selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ; qu'elle sera également condamnée à régler à la société Securex une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; que sa demande sur ce point sera rejetée;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Confirme le jugement du tribunal de commerce de Lille Metropole en date du 26 janvier 2017 en ce qu'il a rejeté la demande de la société Securex en paiement d'une somme de 2 537 euros HT au titre de la facture datée du 10 mai 2013 ainsi que d'une somme de 5 000 euros au titre d'un préjudice moral et la demande de la société Sweethome au titre de la procédure abusive; Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de la société Securex d'une somme de 553,30 euros HT au titre de la facture datée du 10 mai 2013, d'une somme de 40 euros au titre des dispositions de l'article L. 441-6 du Code de commerce et d'une somme de 2 408,22 euros en réparation du préjudice résultant de la brutalité de la rupture de la relation commerciale; Statuant à nouveau de ces chefs, Dit que la rupture des relations commerciales est imputable à la société Sweethome; Condamne la société Sweethome à régler à la société Securex une somme de 661,75 euros TTC au titre de l'indemnité prévue à l'article II du contrat du 22 mai 2012 avec intérêts au taux contractuel de 1,5 % par mois de retard à compter du 11 mai 2013 ; Condamne la société Sweethome à régler à la société Securex une somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement ; Dit que la société Sweethome a brutalement rompu la relation commerciale établie avec la société Securex ; Condamne la société Sweethome à régler à la société Securex une somme de 602 euros en réparation du préjudice financier résultant de la rupture brutale des relations commerciales établies; Condamne la société Sweethome à régler à la société Securex de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile; Condamne la société Sweethome aux dépens de l'instance d'appel qui pourront être recouvrés par Me Frédéric Ingold - Selarl Ingold & Thomas, avocat au barreau de Paris, selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ; Rejette les autres demandes.