CA Nîmes, 2e ch. civ., 28 mars 2019, n° 17-04276
NÎMES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Aladdin Concept (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Boyer
Conseillers :
Mmes Almuneau, Rocci
Avocats :
Mes Moutot, Leonard, Kostova, Silvia
Exposé du litige :
Suivant un bon de commande du 24 février 2014, M. et Mme B X ont passé commande auprès de la Sarl Aladdin Concept, d'un abri de piscine télescopique avec toiture alvéolaire et façades fixes comportant 5 éléments emboitables, d'un montant total de 11 750 euros.
Par un avenant du 3 mars 2014, M. et Mme X ont confirmé leur commande avec un changement d'option relatif au caractère rabattable d'une façade, moyennant un montant total de 12400 euros.
La livraison et l'installation de l'abri ont été réalisés le 19 mai 2014 et les époux X ont réglé la facture n°57931 datée du même jour, à l'exception de la somme de 650 euros correspondant au montant de l'option.
Par un courrier du 4 juin 2014, les époux X ont en effet déploré que la façade rabattable de l'abri ne soit pas positionnée en face des skimmers afin de permettre la manipulation de ceux-ci et ont expressément demandé le remplacement de la façade rabattable.
Suivant une ordonnance de référé du 12 octobre 2015, une expertise a été ordonnée et confiée à M. D Y lequel a déposé son rapport définitif le 11 avril 2016.
Suivant un acte d'huissier du 7 septembre 2016, M. et Mme X ont fait assigner la Sarl Aladdin Concept devant le tribunal d'instance d'Avignon aux fins de l'entendre condamner à leur verser la somme de 2 400 euros au titre des travaux de réparation nécessaires outre 3 000 euros en réparation de leur préjudice moral et 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour manquement à son devoir de conseil et délivrance non conforme.
Par jugement du 25 avril 2017, le tribunal d'instance d'Avignon a' :
- constaté que la Sarl Aladdin Concept a manqué à ses obligations contractuelles
- condamné la Sarl Aladdin Concept à verser à Mme C X et M. A X la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts
- condamné la Sarl Aladdin Concept à verser à Mme C X et M. A X la somme de 2 004 euros correspondant au montant des travaux de reprise
- rejeté toute demande plus ample ou contraire
- condamné la Sarl Aladdin Concept à payer à Mme C X et M. A X la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile
- condamné la Sarl Aladdin Concept aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
La Sarl Aladdin Concept a interjeté appel de cette décision le 21 novembre 2017.
Prétentions et moyens des parties' :
Par conclusions du 21 février 2018, la société Aladdin Concept demande à la cour de' :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
Constaté que la Sarl Aladdin Concept a manqué ses obligations contractuelles
Condamné la Sarl Aladdin Concept à verser à Mme C X et M. A X la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts
Condamné la Sarl Aladdin Concept à verser à Mme C X et M. A X la somme de 2 004 euros correspondant au montant des travaux de reprise
Condamné la Sarl Aladdin Concept à payer à Mme C X et M. A X la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile
Condamné la Sarl Aladdin Concept aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise de 2 004 euros correspondant au montant des travaux de reprise
Statuant à nouveau' :
- dire irrecevables et mal fondées M. et Mme X en l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions et les débouter
- les condamner in solidum à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
- les condamner in solidum aux entiers dépens, y compris les frais d'expertise.
Par conclusions du 23 avril 2018, M. et Mme X demandent à la cour de'confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de débouter la société Aladdin Concept de toutes ses demandes, fins et conclusions à leur encontre, et en toute hypothèse, de condamner la société Aladdin Concept à leur payer la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les frais de première instance, d'expertise et d'appel.
L'instruction de l'affaire a été clôturée le 3 décembre 2018 '
Motifs' :
Bien que visant les dispositions de l'article 1792 du Code civil, le jugement déféré a condamné la société Aladdin Concept en retenant à son encontre un manquement "'à ses obligations contractuelles de conseil'" caractérisé par le fait de n'avoir pas effectué les vérifications adéquates aux fins notamment de s'assurer que la façade rabattable facturée répondait à la demande de M. et Mme X en ce qu'elle permettait un accès aisé aux skimmers, alors que l'inadéquation de la structure était visible lors de la réception.
Le visa de l'article 1792 du Code civil apparaît sans objet, de même que l'argumentation des époux X sur la juste application de l'article 1792 du Code civil au motif qu'un abri de piscine constitue bien un ouvrage, dès lors qu'il n'est soutenu par personne que l'abri de piscine serait affecté d'un vice compromettant sa solidité ou le rendant impropre à sa destination.
En effet, l'expert indique que l'écartement entre les axes des deux skimmers étant de 2,35 m, l'accès aux skimmers par l'ouverture de la façade est très malcommode et nécessite de se mettre à genoux ou à plat ventre. Il ne décrit ainsi ni une atteinte à la solidité, ni une impropriété à destination de l'abri de piscine, mais une manœuvre inconfortable.
Il ajoute que Mme X rencontre des difficultés pour décaler le grand élément pour entretenir les skimmers puis le repositionner et remettre les fixations, car elle est souvent seule pour procéder à cette manœuvre qui peut faire apparaître des petits décalages au niveau des fixations.
Il préconise, pour disposer d'une ouverture permettant l'accès aux skimmers sans déplacement des éléments de l'abri, de remplacer la façade actuelle par une façade comportant une ouverture agrandie, tenant compte de l'écartement des skimmers, modification dont il estime le coût à 2004 euros TTC.
Il s'agit par conséquent de déterminer si la difficulté d'accès aux skimmers peut être reprochée à la société Aladdin Concept, sur le fondement de l'absence de délivrance conforme (1°) ou sur celui du manquement au devoir de conseil (2°).
1°) sur l'absence de délivrance conforme' :
L'obligation de délivrance conforme résulte des dispositions de l'article 1604 du Code civil qui énonce que la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et la possession de l'acheteur.
Elle résulte aussi des dispositions du Code de la consommation, soit l'ancien article L. 211-4 du Code de la consommation applicable en l'espèce, devenu l'article L. 217-4 créé par l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016.
L'obligation de délivrance conforme est remplie si le bien répond aux caractéristiques souhaitées telles que spécifiées par l'accord survenu entre les parties. Il importe par conséquent de s'attacher à la commune intention des parties.
En l'espèce, les seules pièces contractuelles versées aux débats sont le bon de commande du 24 février 2014 et l'avenant du 3 mars 2014 justifié par le choix d'une option avec façade rabattable. Il apparaît cependant qu'aucune pièce n'expose les raisons de ce choix, ce qui est souligné par l'expert qui constate qu'il ne dispose pas de document sur la nature exacte de la demande de Mme X à l'origine de l'avenant à la commande initiale.
L'expert ajoute' : "'nous avons constaté que sur le catalogue d'Aladdin Concept il y a bien une photo de l'option "'façade rabattable'", mais aucune précision sur les dimensions de l'ouverture utile.'"
Par ailleurs, la société Aladdin Concept expose, ce qui n'est pas infirmé par les opérations d'expertise, que l'option d'une façade rabattable n'est pas une trappe d'accès aux skimmers, mais permet, ainsi que le précise le catalogue de la société, le passage de tout bloc de filtration, pour plongeoirs.
Dans ces conditions, il n'apparaît pas que les époux X aient expressément indiqué à la société Alladdin Concept le but poursuivi par la modification de leur commande initiale, et cet objectif ne peut être implicitement contenu dans l'avenant dès lors que l'option "'rabattable' " n'a pas pour fonction principale de permettre l'accès aux skimmers.
Dès lors, la société Aladdin Concept qui a livré et installé un produit de dimensions standards conformément à la commande modifiée par l'avenant du 3 mars 2014, ne saurait se voir reprocher un manquement à son obligation de délivrance conforme.
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné la Sarl Aladdin Concept à verser à Mme C X et M. A X la somme de 2004 euros correspondant au montant des travaux de reprise
2°) sur le manquement au devoir de conseil' :
Il pèse sur le vendeur professionnel une obligation de conseil qui résulte des dispositions de l'article 1147 du Code civil et dont il ne peut s'exonérer qu'en rapportant la preuve qu'il s'est renseigné sur les besoins de l'acheteur.
La société Aladdin Concept soutient que l'accès aux skimmers enterrés n'est ni la destination de la façade rabattable, ni l'objet de conseil de sa part, les époux X n'ayant jamais fait part du but recherché dans le choix de l'option, de sorte qu'il ne saurait leur être reproché de n'avoir pas' " deviné" ce que l'acquéreur souhaitait faire de la façade rabattable.
Mais, l'obligation de conseil du professionnel qui exige de s'assurer que le produit commandé correspond aux besoins de l'acheteur, implique aussi de garantir un usage normal.
En l'espèce, et indépendamment des raisons qui ont présidé au choix de la façade rabattable, l'installation de l'abri de piscine en cause a manifestement compliqué l'accès aux skimmers préexistants, nécessitant soit de se mettre à genoux ou à plat ventre pour y accéder par l'ouverture de la façade rabattable, soit de décaler le grand élément et de le repositionner après entretien des skimmers.
Dès lors, l'abri nécessite soit une manœuvre inconfortable, soit une manipulation de l'abri, ce sur quoi l'attention des utilisateurs de la piscine aurait dû être attirée compte tenu de l'importance que revêt l'entretien périodique des skimmers d'une piscine. Or, la société Aladdin Concept ne justifie avoir rempli cette obligation ni à l'occasion de la commande, ni à l'occasion de l'avenant.
Le manquement au devoir de conseil apparaît caractérisé. Le préjudice en résultant sera justement réparé par l'allocation de la somme de 2 004 euros correspondant aux travaux de reprise nécessaires pour rétablir un accès praticable aux skimmers, conformément à l'usage attendu par les utilisateurs de la piscine, usage sur lequel il revenait à la société Aladdin Concept, au titre de son devoir de conseil s'agissant d'une installation au prix de 12 400 euros, d'interroger les époux X.
Faute de plus ample préjudice démontré, les époux X seront déboutés de leur demande pour le surplus.
Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce montant.
- Sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile et sur les dépens' :
L'équité commande de confirmer le jugement déféré sur l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et de dire n'y avoir lieu à application de ce texte en cause d'appel.
La société Aladdin Concept est condamnée aux entiers dépens.
Par Ces Motifs, La Cour : Après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, - Infirme le jugement déféré, sauf sur l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile Statuant à nouveau : - Condamne la société Aladdin Concept à verser à Mme C X et M. A X la somme de 2 004 euros à titre de dommages intérêts - Déboute Mme C X et M. A X de leur demande de dommages et intérêts supplémentaire - Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel - Condamne la société Aladdin Concept aux dépens d'appel dont le recouvrement pourra être assuré conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile Arrêt signé par Monsieur Boyer, Président et par Mme Sague, Greffier. Le Greffier, Le Président Composition de la juridiction : Joël Boyer, Nathalie Rocci, Anne Marie Sague, Romain Leonard, Jacques Moutot, Me Silvia.