CA Montpellier, 1re ch. B, 26 mars 2019, n° 16-05209
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Lapeyre (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Torregrosa
Conseillers :
Mme Rodier, M. Combes
Avocats :
Mes Di Frenna, Rossi Laborie, Demersseman, Laurent
FAITS ET PROCÉDURE
Selon devis du 4 novembre 2013, A et B ont confié à la SA Lapeyre la fourniture et la pose d'une cuisine dans leur maison d'habitation sise à Saint Gervais sur Mare moyennant le prix de 13 751,49 .
Exposant que les travaux confiés à un sous-traitant ont été interrompus en raison d'erreurs dans les découpes et que des désordres, malfaçons et inachèvements ont ensuite été constatés par l'huissier saisi à leur requête le 24 avril 2014, ils ont fait citer leur adversaire devant le tribunal d'instance de Béziers lequel, après avoir désigné Monsieur X en qualité d'expert a, par un second jugement rendu le 12 février 2016 assorti de l'exécution provisoire, prononcé la résolution partielle du contrat et condamné la SA Lapeyre à rembourser à A et B les sommes de 3 617,10 ainsi qu'à leur payer les sommes de 400 à titre de dommages et intérêts pour publicité mensongère et trompeuse et de 500 en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
A et B ont relevé appel de cette décision dans des formes et des délais qui n'apparaissent pas critiquables.
Par conclusions dernières en date du 23 mars 2017, ils soutiennent que la SA Lapeyre a manqué à son obligation de délivrance conforme en ne livrant pas la cuisine mentionnée au devis et en mandatant un sous-traitant aucunement qualifié pour réaliser ces travaux.
S'ils concluent à la confirmation du chef du jugement ayant prononcé la résolution partielle du contrat aux torts du vendeur, ils soutiennent que l'expert a fait une appréciation erronée des travaux de reprise en écartant le devis qu'ils avaient produit pour un montant de 6 028 .
Ils demandent donc de condamner la SA Lapeyre à leur payer la somme de 6 245,10 dont à déduire celle de 3 617,10 réglée dans le cadre de l'exécution provisoire, ainsi que celle de 6 720 arrêtée au 30 septembre 2016 à parfaire en réparation de leur préjudice de jouissance à raison de 7 par jour, de porter à la somme de 1 000 le montant de la réparation du préjudice subi pour publicité mensongère et trompeuse et de la condamner à leur payer la somme de 3 000 du fait de sa réticence abusive outre une indemnité de 3 000 au titre de ses frais irrépétibles.
Par conclusions dernières en date du 14 février 2017, la SA Lapeyre soutient que A et B ont unilatéralement mis un terme à l'exécution des travaux alors que certains éléments remplaçant ceux affectés d'erreurs dans leur découpe étaient à leur disposition et le sont toujours, que certaines difficultés sont de nature purement esthétique et d'autres liées à l'existant, notamment une maçonnerie à l'origine du faux équerrage et le positionnement du lave-vaisselle qu'elle n'a pas fourni et qui n'est pas encastrable.
Elle soutient avoir rempli son obligation de délivrance conforme, y compris en ce qui concerne l'épaisseur du plan de travail alors que ses adversaires n'établissent pas l'inexécution du contrat qu'ils allèguent, ni davantage l'existence d'un préjudice.
L'application de l'article L. 121-1 ancien du Code de la consommation qui sanctionne la publicité trompeuse exige pour être retenue l'existence préalable d'une publicité, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Elle conteste la reddition des comptes opérée en soulignant que sa créance s'établit à 14 751.49 et non à 11 001.19 qui correspond au montant des travaux effectivement réalisés.
Poursuivant l'infirmation de la décision déférée hormis en ce qu'elle a déjà rejeté leur demande de réparation d'un prétendu préjudice de jouissance, elle conclut au rejet des prétentions formées à son encontre et demande de condamner A et B à lui payer la somme de 2 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
MOTIFS
Attendu en premier lieu que le vendeur est tenu de délivrer une chose conforme aux prévisions contractuelles ;
Et que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement, la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, ayant le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou comme en l'occurrence d'en demander la résolution avec dommages et intérêts ;
Attendu que la SA Lapeyre s'engageait à fournir et à poser un ensemble comprenant divers éléments de mobilier dont les plans de travail en quatre éléments et la crédence après établissement d'un descriptif et visite sur les lieux réalisée le 22 octobre 2013 destinée aux termes des conditions particulières de vente avec prestations d'installation à domicile à effectuer le métré, vérifier les informations fournies par le client (implantation, schéma, dimensions...) et juger de la faisabilité du chantier avec ou sans modification du devis indicatif préalablement établi ;
Attendu qu'à l'issue d'un travail sérieux, complet et documenté, l'expert X qui souligne le manque de métier des professionnels chargés de la réalisation et de la pose de la cuisine et notamment les erreurs de métrés portant sur les parois verticales et la longueur du plan de travail retient en tant que désordres :
- l'existence d'un faux équerrage de 25 mm de la cloison derrière le plan de travail et le meuble hébergeant les tiroirs et les deux fours, liée à une erreur d'appréciation des planitudes née de l'absence d'un appareil de mesure approprié, et dont la réparation qu'il préconise consiste à plaquer une feuille de placoplâtre permettant de réutiliser le plan de travail pour un coût de 650 ,
- le fait que les deux tiroirs cylindriques du meuble d'angle empêchent l'ouverture des cinq tiroirs d'un autre meuble et vice versa, conséquence de l'exiguïté du plan de travail et nécessitant le remplacement de ce dernier pour un coût estimé à 1 200 ,
- le fait que le lave-vaisselle présente une saillie de 4 cm par rapport à l'alignement des meubles sous évier qui résulte de l'existence du tuyau d'évacuation des eaux posé derrière le lave-vaisselle et non dans le meuble évier, réparable pour un coût de 150 ,
- l'encastrement de l'évier, décentré par rapport au meuble qui le supporte et nécessitant le remplacement du plan de travail pour un coût estimé à 1 400 ,
- l'inadaptation de la crédence prévue en verre trempé de 6 mm d'épaisseur et de 40 mm de hauteur, non respectée au droit de la fenêtre en raison d'une erreur de cotation,
- l'épaisseur des plans de travail horizontaux pour une valeur de 20 mm là où le bon de commande du 4 novembre 2013 comme la documentation produite indiquent 40 mm,
Attendu que proposant un apurement des comptes entre les parties, l'expert propose de déduire les travaux prévus au contrat mais non réalisés, soit le bloc prise, le kit de pose, les plinthes, la crédence et le fonds de hotte pour un total de 2 967,40 , d'où un trop perçu par la SA Lapeyre de 3 617,10 ;
Attendu qu'il ressort de l'ensemble que la SA Lapeyre qui ne peut sérieusement invoquer le caractère purement esthétique du défaut d'équerrage d'un plan de travail découlant d'une erreur de métré, ni utilement tenter de distinguer épaisseur de champ et épaisseur réelle de ce plan, expressément désigné en des termes clairs au bon de commande, comme étant un "plan quartz ep. 40 mm", a failli à son obligation de délivrance en ne fournissant pas un matériel conforme à la commande, conduisant le premier juge à retenir par des motifs pertinents que la gravité de cette inexécution justifiait la résolution partielle du contrat aux torts du vendeur ;
Qu'il en a de même tiré la conséquence obligée au niveau de l'apurement des comptes en ne retenant à la charge des époux A et B que le coût des prestations effectivement réalisées, soit la somme de 10 784,09 (13 751,49 - 2 967,40) et déduction faite des acomptes versés (11 001,19 ) un trop perçu de 217,10 ;
Que si ces derniers contestent le montant des travaux de reprise, et s'il peut leur être fait ce crédit que le devis qu'ils produisent s'élève à 6 028 et non à 39 541,09 , comme l'a indiqué Monsieur X, qui correspond à la contrepartie de cette somme en francs, ce devis ne peut être admis dès lors qu'il inclut des postes non retenus par l'expert (remplacement des plinthes, déplacement de trois meubles) et prévoit le remplacement de la totalité des plans de travail là où doit être appliquée une réfaction du prix tenant compte de la différence d'épaisseur dont l'expert indique qu'elle n'affecte en rien la solidité du plan de travail et ce alors même que les époux A et B avaient proposé cette solution dans leur courrier du 4 février 2014 qui correspond précisément à la différence de prix entre les deux produits ;
Que la décision mérite en conséquence confirmation en ce qu'elle a condamné la SA Lapeyre à leur rembourser la somme de 3 617,10 (3 400 + 217,10) ;
Que les époux A ont en revanche subi un préjudice de jouissance lié à l'exécution incomplète de sa prestation par le vendeur dont le point de départ correspondant au 1er février 2014, date de livraison contractuellement prévue, et le terme à la date du dépôt du rapport d'expertise, soit le 8 octobre 2015 à partir de laquelle ils n'étaient plus tenus de limiter l'usage de leur cuisine dans l'attente de ces conclusions et étaient en mesure de faire procéder aux travaux de reprise dont l'expert précise qu'ils n'excédent pas une semaine ; que sur la base journalière de 3 tenant compte de cette gêne, il leur est dû une indemnité de 1 842 (614 jours x 3 ) ;
Attendu en second lieu que constitue une pratique commerciale trompeuse au sens de l'article L 121-1 ancien du Code de la consommation celle qui repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant notamment sur les caractéristiques essentielles du bien ou du service ;
Que s'il ressort de l'extrait du catalogue qu'ils versent au débat, suffisant à caractériser un support visé par le texte, que le plan est disponible en épaisseur 20 mm ou 40 mm, ou bien encore en "Ep. 20 mm avec champ (bordure frontale) de 20 ou 40 mm", le bon de commande comme déjà dit et encore l'étiquette d'emballage également produite ne contiennent pas cette dernière précision qui autoriserait le vendeur à présenter sous la simple dénomination "ep 40 mm" le plan litigieux comme ayant une épaisseur de 20 mm et un champ frontal de 40 mm ;
Et que cette simple prétention à une interprétation divergente par le vendeur de la dénomination du produit qu'il propose caractérise un manque de clarté évident, là où le consommateur est en droit de connaître avec certitude les caractéristiques du bien qu'il acquière [sic] après avoir fait un choix se devait d'être éclairé par des documents présentés de manière fiable et loyale ;
Qu'est dès lors justifiée la condamnation prononcée à ce titre par le premier juge, lequel a fait une appréciation exacte de l'indemnité venant réparer le préjudice ainsi causé aux appelants ;
Qu'enfin les appelants ne caractérisent pas un abus du droit de leur adversaire de se défendre en justice ;
Attendu que succombant la SA Lapeyre doit les dépens ainsi qu'une indemnité de 1 000 à A et B sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR Statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort, Déclare les appels tant principaux qu'incident recevables en la forme, Confirme la décision déférée, hormis en ce qu'elle a rejeté la demande formée par A et B en réparation de leur préjudice de jouissance, L'infirmant en conséquence de ce seul chef et statuant à nouveau, Condamne la SA Lapeyre à payer à ce titre à A et B la somme de 1 842 , Rejette toute autre demande et dit inutiles ou mal fondées celles plus amples ou contraires formées par les parties, Condamne la SA Lapeyre aux dépens ainsi qu'à payer à A et B la somme de 1 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure civile.