CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 4 avril 2019, n° 16-25833
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Aurfina Fondeur Affineur (SARL)
Défendeur :
Cookson Métaux Précieux (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Birolleau
Conseillers :
Mmes Soudry, Moreau
Avocats :
Mes Ayrole, Vignes, Colin, Pécastaing
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Aurfina Fondeur Affineur, immatriculée le 2 novembre 2006, et filiale de la société Gold by Gold, exerce une activité de fonte, d'affinage, d'achat et de vente de métaux précieux, l'affinage consistant à extraire les métaux précieux provenant principalement de déchets industriels, et à les fondre en matière homogène.
La société Aurfina est entrée en relation commerciale avec la société Cookson Métaux Précieux, (ci-après, la société Cookson), qui exerce une activité d'affinage et de négoce de métaux précieux, et qui est le premier fournisseur des bijoutiers et artisans de France.
Se plaignant d'une baisse significative des volumes de déchets qui lui étaient confiés pour affinage depuis le mois de février 2012, la société Aurfina Fondeur Affineur a sollicité auprès de la société Cookson, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 20 mars 2013, la poursuite de leur collaboration sur les bases des niveaux antérieurs.
La société Cookson, par courrier du 10 avril 2013, a justifié cette baisse de volume d'activité par une baisse du marché de l'affinage.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 13 janvier 2014, la société Cookson a proposé, afin de régler ce différend, de fournir à la société Aurfina Fondeur Affineur pendant 18 mois, jusqu'au 31 juillet 2015, un volume d'affinage correspondant à ceux réalisés en 2011 moyennant l'aménagement des relations commerciales et lui a indiqué qu'à défaut de nouvel accord, elle n'envisagerait pas de poursuivre leurs relations commerciales au-delà du 1er août 2015. Cette proposition a été refusée par la société Aurfina Fondeur Affineur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 31 janvier 2014, aux motifs que l'année 2011 n'était pas significative et que cette offre était assortie de conditions inacceptables, notamment concernant l'adaptation de sa tarification aux prix du marché.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 24 mars 2014, la société Cookson a réitéré sa proposition, en précisant qu'à défaut de réponse satisfaisante de la part de la société Aurfina Fondeur Affineur, elle se verrait contrainte de mettre un terme définitif à leurs relations commerciales avec effet au 30 septembre 2014.
S'estimant victime d'une rupture partielle de leurs relations commerciales depuis le mois de février 2012, puis d'une rupture totale de celles-ci à compter du 1er septembre 2015, la société Aurfina Fondeur Affineur a, par acte en date du 16 septembre 2014, assigné la société Cookson devant le tribunal de commerce de Paris en réparation de son préjudice.
Par jugement rendu le 31 octobre 2016, le tribunal de commerce de Paris a :
- dit que la société Cookson a engagé sa responsabilité en rompant brutalement partiellement sa relation commerciale avec la société Aurfina Fondeur Affineur au sens des dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;
- dit que la société Cookson, en accordant un préavis de 18 mois, n'a pas rompu brutalement sa relation commerciale avec la société Aurfina Fondeur Affineur au sens des dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;
- condamné la société Cookson à verser à la société Aurfina Fondeur Affineur, à titre de dommages intérêts, la somme de 87 750 euros ;
- débouté la société Aurfina Fondeur Affineur de ses demandes au titre de l'intérêt au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;
- condamné la société Aurfina Fondeur Affineur à restituer à la société Cookson, dans un délai de 15 jours suivant la notification de la présente décision les produits suivants 3 398,78 grammes d'or, 14 818,47 grammes d'argent, 559,84 grammes de palladium, sous astreinte de 1 000 euros par jour pendant une durée de 90 jours l'issue de laquelle il sera fait à nouveau droit ;
- condamné la société Cookson à verser à la société Aurfina Fondeur Affineur la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- condamné la société Cookson aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,52 euros de TVA.
Par déclaration du 21 décembre 2016, la société Aurfina Fondeur Affineur a interjeté appel à l'encontre de cette décision.
Prétentions et moyens des parties :
Par dernières conclusions notifiées le 19 juillet 2017, la société Aurfina Fondeur Affineur, appelante, demande à la cour, au visa des article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, 1134, 1315, 1382 et 1383 du Code civil, 96, 97 et 122 du Code de procédure civile, D. 442-3 §2 du Code de commerce, de :
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :
- dit que la société Cookson a engagé sa responsabilité en rompant brutalement partiellement sa relation commerciale avec elle au sens des dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce,
- condamné la société Cookson à lui verser, à titre de dommages intérêts, la somme de 87 750 euros,
- condamné la société Cookson à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
L'infirmant pour le surplus,
- dire et juger que le préavis sera fixé à 52 mois en raison de l'ancienneté des relations commerciales et des difficultés d'une reprise normale d'activité dans le secteur concerné,
- condamner la société Cookson à lui payer l'indemnité pour rupture partielle brutale des relations commerciales en faveur du prestataire évincé à un montant de 691 171,52 euros,
- condamner la société Cookson à lui payer l'indemnité pour rupture brutale des relations commerciales en faveur du prestataire évincé à un montant de 511 624,88 euros,
- condamner la société Cookson à lui payer la somme de 49 774,61 euros au titre du coût du licenciement de M. X,
- débouter la société Cookson de ses demandes et conclusions,
- condamner la société Cookson à lui payer lesdites sommes avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et jusqu'à la date du paiement,
- faire application de l'article 1154 du Code civil sur la capitalisation des intérêts,
- condamner la société Cookson à lui régler la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens et frais d'instance.
La société Aurfina Fondeur Affineur précise tout d'abord qu'elle est dans une situation de dépendance économique exclusive par rapport à la société Cookson, n'ayant aucun accès direct au marché pertinent qui est celui de la fourniture d'une prestation de fonte et d'affinage d'or et de métaux précieux de proximité et qui constitue un marché captif, la société Cookson étant l'interlocutrice des professionnels transformant le métal précieux brut en ouvrages d'art ou de fantaisie, ce qui rend impossible sa conversion en offrant directement ses prestations aux clients de la société Cookson. Elle indique à ce titre qu'il importe peu qu'elle ne soit pas liée à la société Cookson par une clause d'exclusivité, et que celle-ci prétend à tort que la société Gold by Gold, société mère de la société Aurfina Fondeur Affineur, serait un de ses concurrents directs.
Elle fait valoir l'existence d'une relation commerciale établie avec la société Cookson d'une durée de 49 ans, compte tenu de la création, en 1966, par M. Z, de la société Afinor, qui a développé une activité d'achat et de vente de métaux précieux ainsi qu'une activité d'affinage, laquelle a été reprise, selon cession de fonds de commerce du 29 juin 1992, par la société Aurfina, créée à l'occasion par M. Z, concomitamment à l'absorption, en 1992, de la société Afinor par la société CLAL, souhaitant conserver la seule activité d'achat et de vente de métaux précieux et qui a intégré en 2000 le groupe anglais Cookson, créé en 1997 et qui a été repris en juin 2013 par le groupe allemand Heimerle + meule, leader dans l'affinage de métaux précieux. Elle indique que l'activité d'affinage a ensuite été cédée à la société Aurfina Fondeur Affineur, créée à l'occasion en novembre 2006, selon cession de fonds de commerce en décembre 2006, à l'issue de laquelle la société Aurfina a été radiée par son liquidateur amiable le 27 août 2007, faute d'activité. Elle précise que quelles que soient les modifications successives intervenues, les relations commerciales ont été ininterrompues depuis 1966, et que depuis lors, et particulièrement depuis la cession du fonds de commerce en 2006, la société Cookson n'a jamais remis en cause ses relations contractuelles avec la société Aurfina Fondeur Affineur succédant à la société Aurfina dans l'exploitation du fonds de commerce d'affinage de matières précieuses pour la société Cookson, les parties se situant dans la continuité des relations commerciales antérieures.
Elle soutient que la société Cookson a partiellement et brutalement rompu leur relation commerciale établie en février 2012, en diminuant très sensiblement le volume de livraison des matières premières à traiter, de 53 kg d'or fin en janvier 2012 à 37 kg en février 2012, ce sans préavis et sans explication. Elle indique que la diminution des volumes qui lui ont été confiés en 2012, de l'ordre de 51 % par rapport à 2011 et de 62 % en référence à 2012, n'est pas justifiée par la baisse d'activité de la société Cookson, de 8 % seulement, ni par la baisse du cours moyen de l'or, qui a augmenté de 15 % entre 2011 et 2012, mais relève d'une politique délibérée de désengagement brutal de l'intimée.
Elle fait valoir la rupture brutale et totale de la relation commerciale établie au mois de septembre 2015, à l'occasion de l'arrêt, sans préavis, de toute livraison de déchets. Elle conteste que cette rupture ait été annoncée sans ambiguïté par la lettre de la société Cookson du 13 janvier 2014, qui constitue une proposition de transaction et non pas la signification d'un préavis, ou encore par la lettre du 24 mars 2014 réitérant les termes de celle du 13 janvier 2014, aucun de ces courriers ne manifestant l'intention claire et non équivoque de l'intimée de ne plus poursuivre la relation commerciale.
Elle rappelle qu'elle n'a pas augmenté ses tarifs depuis 7 ans et que la société Cookson, leader sur le marché, est son client principal sinon exclusif. Elle conteste le prétendu caractère excessif de ses tarifs, justifiés par le service de proximité proposé permettant une restitution de l'or dès le lendemain de l'affinage et par les volumes confiés, et fait observer que la société Cookson a motivé la rupture de la relation commerciale établie non pas par le montant de ses tarifs, mais par le fait qu'elle aurait détourné un client de la société Cookson, la société SIMP, en juillet 2012, laquelle circonstance est cependant sans lien avec la rupture brutale et partielle de la relation commerciale établie survenue auparavant, en février 2012.
Elle considère que doit pris en compte, pour la détermination de son préjudice au titre de la rupture partielle et brutale de la relation commerciale établie, comme chiffre d'affaire de référence pour apprécier la marge brute escomptée durant la période de préavis non exécutée, celui réalisé en 2010 et 2011, dès lors qu'elle n'a pas tiré profit de l'année 2011, exceptionnelle dans le secteur.
Elle conteste le montant des chiffres d'affaires retenus par les premiers juges en référence aux allégations de l'intimée nullement justifiées par des documents sérieux.
Elle soutient qu'elle a réalisé au cours des années 2010 et 2011, un chiffre d'affaires de 289 024,50 euros et de 232 011,69 euros, soit une moyenne mensuelle de 23 683,46 euros sur la base de 11 mois d'activité par an, les sociétés Aurfina et Cookson étant fermées au mois d'août, et que le montant du chiffre d'affaires correspond à la marge brute réalisée dès lors qu'il ne s'agit que de la prestation de services correspondant aux opérations de fonte et d'affinage.
Elle estime qu'au regard de l'ancienneté de la relation commerciale établie, aurait dû être respecté un préavis d'une durée moyenne de 1,14 mois par année d'ancienneté, soit un préavis de 52 mois au titre de la rupture brutale partielle et de 52 mois au titre de la rupture brutale totale, correspondant respectivement à une perte de marge de 691 171,52 euros en référence aux années 2010 et 2011, et à une perte de marge de 511 624,88 euros en référence à la période de 2012 à juillet 2015.
Elle fait également valoir que du fait de la rupture brutale de la relation commerciale établie, elle a dû procéder au licenciement d'un salarié en charge de la fonte et de la logistique dédiée à la société Cookson, et dont le coût doit être pris en charge par cette dernière.
Enfin, elle s'oppose à la demande reconventionnelle de la société Cookson, à défaut de justifier du caractère abusif de la procédure et d'établir l'activité concurrentielle de la société Gold by Gold, qui n'intervient pas sur le marché français et s'adresse à une clientèle de particuliers, le détournement du client SIMP, qui est infirmé par l'attestation de l'expert-comptable des sociétés Gold by Gold et Aurfina Fondeur Affineur, ainsi que la rétention de fondants.
Par dernières conclusions notifiées le 12 décembre 2017, la société Cookson, appelante incidente et intimée, demande à la cour, au visa des articles L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, 1134, 1147 et 1382 du Code civil, dans leurs versions antérieures à la réforme, de:
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 31 octobre 2016 en ce qu'il a considéré qu'elle n'a pas rompu brutalement et totalement sa relation commerciale avec la société Aurfina Fondeur Affineur en lui octroyant un préavis de 18 mois ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire de la société Aurfina Fondeur Affineur au titre des coûts de licenciement de l'un de ses employés ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de la société Aurfina Fondeur Affineur au titre de l'intérêt légal et de la capitalisation des intérêts ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a considéré qu'elle a rompu brutalement et partiellement sa relation commerciale avec la société Aurfina Fondeur Affineur et l'a condamné à verser à la société Aurfina Fondeur Affineur la somme de 87 750 euros à titre de dommages et intérêts et, statuant à nouveau :
- dire et juger qu'elle n'a pas rompu brutalement et partiellement sa relation commerciale avec la société Aurfina Fondeur Affineur ;
- débouter en conséquence la société Aurfina Fondeur Affineur de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
A titre subsidiaire, si la cour venait à confirmer le jugement en ce qu'il l'a reconnue responsable d'une rupture brutale et partielle de sa relation commerciale avec Aurfina Fondeur Affineur,
- infirmer le jugement en ce qu'il a octroyé la somme de 87 750 euros à titre de dommages et intérêts correspondant au taux de marge moyen sur coûts variables d'Aurfina Fondeur Affineur pendant une durée de 18 mois,
Et, statuant à nouveau :
- enjoindre à Aurfina Fondeur Affineur de communiquer tous les éléments comptables de nature à permettre le calcul de sa marge brute sur coûts variables pour la période de 2011 à 2014 ;
- limiter le montant des dommages et intérêts accordés à la société Aurfina Fondeur Affineur au taux de marge moyen sur coûts variables calculé sur une durée de 6 mois maximum ;
Y ajoutant,
- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Et, statuant à nouveau :
- condamner la société Aurfina Fondeur Affineur à lui verser la somme de 70 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
En toute hypothèse,
- condamner la société Aurfina Fondeur Affineur à lui payer la somme de 80 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner la société Aurfina Fondeur Affineur aux entiers dépens.
La société Cookson fait valoir l'existence d'une relation commerciale établie avec la société Aurfina Fondeur Affineur non pas depuis 1966 mais depuis 2006. Elle indique que l'activité d'affinage de la société Afinor n'a été développée qu'en 1972, que ladite activité a été conservée en 1992 par M. Z qui a constitué à cette occasion la société Aurfina le 3 août 1992, laquelle a été radiée puis liquidée le 27 août 2007 sans que son activité ne soit reprise. Elle précise qu'elle a commencé à confier des déchets parisiens de la société Afinor à la société Aurfina Fondeur Affineur, filiale de la société Gold by Gold, à compter de la constitution de celle-ci, le 2 novembre 2006. Elle ajoute que l'acquisition par la société Aurfina Fondeur Affineur de certains éléments du fonds de commerce de la société Aurfina ne suffit pas à caractériser une relation commerciale établie entre les parties depuis 1992 à défaut de démontrer l'existence de partenariats antérieurs et la volonté expresse des parties de poursuivre ceux-ci.
Elle précise que les relations entre les parties se sont développées à travers une série de prestations ponctuelles, et non pas oralement, sans clause d'exclusivité ni engagement sur des volumes minimum de déchets à traiter.
Elle fait valoir l'absence de situation de dépendance économique de l'appelante à son égard, dès lors que le pourcentage de chiffre d'affaires généré par cette dernière avec elle n'a jamais dépassé les 37 % et que la société Aurfina Fondeur Affineur était libre de diversifier son activité, notamment en profitant des parts de marché auprès des professionnels détenues par le groupe Gold by Gold.
Elle soutient que la société Gold by Gold exerce une activité concurrente à la sienne, ce qui justifie qu'elle ait refusé de poursuivre les relations commerciales peu rentables et bénéficiant à la filiale d'un concurrent, qui au surplus a refusé tout ajustement visant à équilibrer lesdites relations, en exigeant notamment des quantités de volume de déchets à traiter déconnectées de la réalité du marché.
Elle indique que la rupture des relations commerciales le 1er août 2015, annoncée sans ambiguïté un an et demi à l'avance par lettre du 13 janvier 2014, comme le reconnaît l'appelante dans ses écritures, et donc intervenue au terme d'un préavis de 18 mois, ne revêt aucun caractère brutal, ce d'autant plus que les relations entre les parties se sont fortement dégradées dès le 20 mars 2013, date à laquelle l'appelante a prétendu être victime d'un désengagement très net de sa part, et a rejeté tout dialogue constructif, de sorte que la rupture était prévisible depuis 28 mois. Elle considère que le préavis clair et dénué de toute ambiguïté d'une durée de 18 mois qu'elle a respecté est raisonnable au vu de la relation commerciale établie d'une ancienneté de 8 ans, de l'absence de situation de dépendance économique de la société Aurfina Fondeur Affineur et du défaut d'engagement sur un volume de déchets à traiter, et qu'une telle durée de préavis était suffisante même à considérer que les relations commerciales ont été nouées entre les parties dès 1992.
Elle précise qu'afin d'aménager au mieux la rupture de la relation commerciale, elle a vainement proposé à la société Aurfina Fondeur Affineur , dans sa lettre du 13 janvier 2014, de lui confier, durant la durée de ce préavis, un volume d'affinage correspondant aux volumes exceptionnels réalisés en 2011, comme le réclamait l'appelante, cette proposition étant assortie de conditions légitimes et conformes à la pratique du secteur du recyclage des métaux précieux, visant à garantir une rentabilité minimum de l'opération pour la société Cookson. Elle considère que ni cette proposition d'aménagement du préavis non équivoque, ni le courrier ultérieur du 24 mars 2014 ne sont de nature à remettre en cause l'effectivité dudit préavis notifié par courrier du 13 janvier 2014.
Elle ajoute que le délai de préavis de 18 mois était suffisant pour permettre le reclassement du salarié de la société Aurfina notamment auprès de la société Gold by Gold et que le coût de licenciement de ce salarié ne saurait lui être imputé.
Elle conteste la rupture brutale partielle de la relation commerciale en février 2012, la chute brutale des quantités de déchets qui lui ont été confiés entre janvier et mars 2012 lui ayant occasionné une importante perte de chiffre d'affaires, et le coût très élevé d'affinage de la société Aurfina ne lui ayant pas permis de maintenir les volumes d'activité exceptionnels de l'année 2011, sauf à mettre en péril sa propre santé financière, étant rappelé l'absence d'engagement des parties sur un quelconque volume d'affaires.
A titre subsidiaire, elle conteste l'indemnisation de la société Aurfina Fondeur Affineur retenue par les premiers juges au titre de la rupture brutale partielle de la relation commerciale établie, alors que le chiffre d'affaires généré par ladite société avec elle entre 2011 et 2013 a proportionnellement augmenté par rapport à son chiffre d'affaires global, que le taux de marge moyen de la société Aurfina Fondeur Affineur n'est pas justifié en dépit d'une sommation de communiquer faite en ce sens, et qu'un délai de préavis de 6 mois maximum, et non pas de 18 mois, aurait été suffisant au regard d'une relation commerciale non exclusive de 6 ans.
Elle invoque enfin le caractère abusif de la procédure diligentée par l'appelante, dans le seul but de lui soutirer des sommes indues et de nuire à l'un des concurrents directs de la société mère de la société Aurfina, cette dernière ayant refusé tout dialogue, conditionné la restitution des "fondants" lui appartenant au paiement d'une somme fixée discrétionnairement par ses soins, délibérément conservé les métaux précieux confiés en juillet 2015 pour les lui restituer seulement 15 mois après le prononcé du jugement entrepris, et ne justifiant toujours pas de sa comptabilité.
MOTIFS
Sur la rupture brutale de la relation commerciale établie :
Selon l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, "Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :
5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'Economie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d'une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l'application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d'au moins un an dans les autres cas".
La rupture, pour être préjudiciable et ouvrir droit à des dommages et intérêts, doit être brutale c'est à dire effectuée sans préavis écrit tenant compte des relations commerciales antérieures ou des usages reconnus par des accords professionnels.
Sur l'ancienneté de la relation commerciale établie :
Les parties ne discutent pas de l'existence d'une relation commerciale établie, mais de l'ancienneté de celle-ci, l'intimée soutenant que la relation commerciale a débuté en 2006 et non pas en 1996 comme le fait valoir l'appelante.
Il appartient à la société Aurfina Fondeur Affineur de justifier de l'existence d'un courant d'affaires antérieur à sa constitution, le 2 novembre 2006, et de la reprise de celui-ci.
Le seul rappel de l'historique d'autres sociétés ne suffit pas à établir que la société Aurfina Fondeur Affineur aurait poursuivi des relations commerciales antérieurement nouées entre celles-ci.
Selon l'acte de cession de fonds de commerce produit aux débats de manière incomplète ainsi que le souligne l'intimée, mais dont la date alléguée, de décembre 2006, n'est pas discutée, la société Aurfina a cédé à la société Aurfina Fondeur Affineur, créée le 2 novembre 2006, "le fonds de commerce de fonderie, affinage, traitement, achat et vente de métaux précieux sis et exploités à Paris (75012) <adresse 1 et 2>" et sont précisés dans cette pièce incomplète, ni les éléments du fonds de commerce objet de la cession, notamment la clientèle de la société Aurfina, ni la reprise par la société Aurfina Fondeur Affineur de partenariats antérieurement noués. En outre, M. Z, en sa qualité de liquidateur amiable de la société Aurfina, radiée le 28 juin 2007, a reconnu dans son rapport du même jour que l'activité de ladite société, située <adresse>, n'avait pas trouvé de repreneur.
L'appelante ne justifie donc nullement de la reprise de l'activité de la société Aurfina, qui a acquis, par acte de cession du 29 juin 1992, des éléments du fonds de commerce de la société Afinor, parmi lesquels figure expressément "une partie de la clientèle du fonds de commerce d'affinage, exploité <adresse>, dont la société Afinor est propriétaire", étant en outre relevé qu'aucune pièce n'établit que l'intimée figurait parmi la clientèle cédée.
Il s'ensuit que la relation commerciale établie a été nouée entre les parties à compter du 2 novembre 2006, date de la constitution de la société Aurfina Fondeur Affineur, et non pas de 1992 comme l'ont retenu à tort les premiers juges.
Sur la rupture partielle de la relation commerciale établie :
Il ressort des attestations de l'expert-comptable de la société Aurfina Fondeur Affineur que les chiffres d'affaires réalisés par celle-ci avec la société Cookson s'élèvent à 217 523,85 euros HT en 2009, 289 024,50 euros HT en 2010, 232 011,69 euros en 2011, 119 947,43 en 2012, 110 018,87 euros en 2013, et 73 038,05 euros entre le 1er janvier 2014 et le 31 juillet 2014.
Contrairement à ce qu'allègue la société Cookson, la forte diminution du chiffre d'affaires réalisé par la société Aurfina Fondeur Affineur avec elle au titre de l'activité d'affinage de métaux précieux, de l'ordre de 48,30 % en 2012, n'est pas justifiée par la crise sectorielle à compter de janvier 2012, ni par la perte de la société SIMP, l'un des principaux fournisseurs de déchets de l'intimée, dès lors que l'activité de la société Cookson relevant de prestations d'affinage n'a diminué que de 8 % en 2012, ni par les tarifs de la société Aurfina Fondeur Affineur, l'intimée ne justifiant pas de difficultés économiques de ce chef.
La circonstance que le chiffre d'affaires réalisé par la société Aurfina Fondeur Affineur avec la société Cookson aurait proportionnellement augmenté par rapport à son chiffre d'affaires global, en baisse, n'est pas de nature à exclure la rupture partielle des relations commerciales établies par l'intimée.
La baisse brutale et sans préavis du volume d'activité confié à la société Aurfina Fondeur Affineur au titre de l'activité d'affinage de métaux précieux en 2012 n'est pas justifiée par la nécessité de préserver l'équilibre économique de la société Cookson, et constitue une modification substantielle et unilatérale des conditions de la relation commerciale, peu important l'absence d'engagement sur un volume d'activité ; qu'elle caractérise une rupture partielle de la relation commerciale établie imputable à la société Cookson, ainsi que l'ont jugé avec pertinence les premiers juges.
Sur la rupture totale de la relation commerciale établie :
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 13 janvier 2014, la société Cookson a proposé à la société Aurfina Fondeur Affineur de lui confier, pour une période expirant au 31 juillet 2015, un volume d'affinage correspondant aux volumes réalisés en 2011, déduction faite des volumes de déchets que représente son plus gros client perdu en juin 2012 (SIMP) et repris par l'appelante, et moyennant l'aménagement des relations commerciales portant sur la proposition de tarifs d'affinage en ligne avec les prix du marché, la facturation détaillée des prestations, la mise à disposition gratuite des fondants et la prise en charge directe des forures par la société Cookson, et a conclu "Sauf nouvel accord que nous pourrions trouver entre temps, nous n'envisageons en revanche pas de poursuivre nos relations commerciales avec votre société au-delà du 1er août 2015".
Ce courrier, qui offre la possibilité aux parties de trouver un accord pour pouvoir poursuivre la relation commerciale établie, ne manifeste pas la volonté non équivoque de l'intimée de rompre ladite relation commerciale.
La société Aurifina Fondeur Cookson n'a pas fait l'aveu judiciaire que ce courrier constituerait bien une lettre de rupture dans ses écritures déposées en première instance, dès lors qu'elle y précise "qu'il s'est bien agi non pas d'offrir un préavis mais d'imposer de nouvelles conditions contractuelles inéquitables".
La lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 24 mars 2014, par laquelle la société Cookson a réitéré sa proposition et demandé à la société Aurfina Fondeur Affineur de lui adresser sa nouvelle proposition commerciale en conformité avec les prix de marché, tout en précisant 'A défaut de réponse satisfaisante de votre part sous quinzaine sur ces différents points, nous nous verrons contraints de mettre un terme définitif à nos relations commerciales, avec effet au 30 septembre 2014", et qui s'inscrit toujours dans une phase de renégociation des conditions de la relation commerciale, ne caractérise par davantage la volonté non équivoque de l'intimée de rompre cette relation.
En outre, la relation commerciale a perduré au-delà des termes fixés par ces deux courriers, jusqu'au 1er septembre 2015.
Enfin, il n'est ni allégué ni démontré l'envoi par l'intimée d'un courrier mentionnant des manquements graves de la société Aufina Affineur Fondeur, du fait de l'exercice d'une activité concurrentielle par sa société mère, la société Gold by Gold, et justifiant la rupture sans préavis de la relation commerciale établie.
A défaut pour l'intimée de justifier de l'envoi d'un préavis écrit manifestant son intention de rompre la relation commerciale établie au sens des dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, lequel était nécessaire nonobstant une dégradation des relations entre les parties se sont dégradées, la rupture brutale et totale de la relation commerciale établie, imputable à la société Cookson, est caractérisée du fait de la cessation totale du flux d'activité entre les parties à compter du 1er septembre 2015.
Sur le préjudice :
Le préjudice à indemniser pendant l'insuffisance de préavis est constitué par la perte de marge brute moyenne sur une période de référence correspondant aux trois années précédant la rupture.
Compte tenu de l'ancienneté des relations commerciales entre les parties, d'une durée de plus de 5 ans au moment de la rupture partielle de la relation commerciale et de près de 9 ans au moment de la rupture totale de ladite relation, du volume d'activité de la société Aurfina Fondeur Affineur réalisé avec la société Cookson, représentant 37 % de son chiffre d'affaires total, de l'absence de situation de dépendance économique de la société Aurfina Fondeur Affineur envers l'intimée, de la nature du secteur d'activité concerné qui constitue un secteur de niche, et de la possibilité pour l'appelante de trouver d'autres partenaires, notamment par le biais de sa maison mère la société Gold by Gold qui a également pour activité d'affinage et de négoce d'objets en matériaux précieux et qui est bien implantée dans ce secteur d'activité ainsi qu'en justifie son prospectus de communication qui précise que sa division affinage, tout comme la société Cookson, bénéficient d'une bonne visibilité auprès des professionnels français de la bijouterie et de la dentisterie, la durée du préavis raisonnable qui aurait dû être respecté par l'intimée pour permettre à l'appelante de trouver d'autres débouchés est de 4 mois au titre de la rupture partielle de la relation commerciale, et de 8 mois au titre de la rupture totale de la relation commerciale.
Le taux de marge brute dégagé par l'appelante ne peut correspondre à 100 % de son chiffre d'affaires comme celle-ci le prétend, alors que l'affinage nécessite le traitement par bains d'acides, qui présentent un coût, et qu'elle fait valoir l'emploi de personnel dédié à cette activité, ce qui représente des frais de gestion, et sera donc évalué à hauteur de 50 % du chiffre d'affaires réalisé par l'appelante, sans qu'il soit besoin de faire injonction à celle-ci de produire ses éléments comptables déjà sollicités en vain par l'intimée.
Au vu du chiffre d'affaires annuel moyen de 246 186,68 euros, réalisé par la société Aurifina Fondeur Affineur au cours des années 2009 à 2011, soit 20 515 euros mensuels, sans qu'il y ait lieu de déduire la période de fermeture pour congé des sociétés, le préjudice de l'appelante au titre de la rupture partielle doit être évalué à la somme de 41 030 euros ((20 515 x 4) x 50 %).
Compte tenu du chiffre d'affaires annuel moyen de 229 966,30 euros réalisé par la société Aurifina Fondeur Affineur au cours des années 2012 et 2013, celui de l'année 2014 n'étant pas justifié, soit de 9 581,92 euros mensuels, sans qu'il y ait lieu de déduire la période de fermeture pour congé des sociétés, le préjudice d'appelante au titre de la rupture totale doit être évalué à la somme de 38 327,68 euros ((9 581,92 x 8) x 50 %).
L'appelante ne justifiant pas que le licenciement de son salarié est une conséquence de la brutalité de la rupture de la commerciale établie et ne produisant aucun élément à ce titre, sera déboutée de sa demande indemnitaire de ce chef.
Le jugement entrepris sera donc infirmé, la cour, statuant de nouveau, condamnant la société Cookson à payer à la société Aurfina Fondeur Affineur une indemnité de 41 030 euros au titre de la rupture partielle de la relation commerciale établie, et une indemnité de 38 327, 68 euros au titre de la rupture totale de la relation commerciale établie, lesquelles sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la présente décision en application des dispositions de l'article 1153-1 ancien du Code civil, les intérêts échus et dus depuis au moins une année entière produisant intérêts au taux légal en vertu de l'article 1154 ancien du Code civil.
Sur la procédure abusive :
La société Cookson, échouant en ses prétentions, ne rapporte pas la preuve du caractère abusif diligentée par la société Aurfina Fondeur Affineur, peu important que la maison mère de celle-ci exerce une activité dans le même secteur d'activité, et que l'appelante ait tardé à restituer les métaux précieux et les " fondants ", et a donc à bon droit été déboutée de sa demande indemnitaire à ce titre en première instance.
Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :
Le jugement critiqué sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Cookson aux dépens et sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il convient, en outre, de condamner la société Cookson, échouant, aux dépens exposés en d'appel. L'équité commande de la condamner également payer à la société Aurfina Fondeur Affineur une indemnité de procédure de 4 000 euros.
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, Infirme les dispositions du jugement du tribunal de commerce de Paris du 31 octobre 2016 sauf en ce qu'il a : - dit que la société Cookson Métaux Précieux a engagé sa responsabilité en rompant brutalement partiellement sa relation commerciale avec la société Aurfina Fondeur Affineur au sens des dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ; - condamné la société Cookson Métaux Précieux à verser à la société Aurfina Fondeur Affineur la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; - condamné la société Cookson Métaux Précieux aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,52 euros de TVA ; Statuant de nouveau, Condamne la société Cookson Métaux Précieux à payer à la société Aurfina Fondeur Affineur une somme de 41 030 euros au titre de la rupture partielle de la relation commerciale établie, Condamne la société Cookson Métaux Précieux à payer à la société Aurfina Fondeur Affineur une somme de 38 327,68 euros au titre de la rupture totale de la relation commerciale établie, Dit que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la présente décision, Ordonne la capitalisation des intérêts échus et dus pour au moins une année entière en application de l'article 1154 ancien du Code civil, Déboute la société Aurfina Fondeur Affineur de sa demande indemnitaire au titre du licenciement d'un salarié, Déboute la société Cookson Métaux Précieux de sa demande aux fins d'enjoindre la société Aurfina Fondeur Affineur de communiquer ses éléments comptables, Déboute la société Cookson Métaux Précieux de sa demande au titre de la procédure abusive, Y ajoutant, Condamne la société Cookson Métaux Précieux à payer à la société Aurfina Fondeur Affineur une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Cookson Métaux Précieux aux dépens exposés en cause d'appel.