CA Aix-en-Provence, Pôle 3 ch. 1, 4 avril 2019, n° 16-19003
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Polymer (SARL)
Défendeur :
Ocqueteau (SAS), Banque Populaire Atlantique (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Calloch
Conseillers :
MM. Fohlen, Prieur
Avocats :
Mes Rousseau, Lecat, Penarroya Latil, Gug, Barbier
FAITS-PROCEDURE-DEMANDES :
Le décret n° 96-611 du 4 juillet 1996 précise à son annexe I-1 que les bateaux conçus pour la navigation sont classés en 4 " catégories de conception ", dont B - au large ; jusqu'à 8 Beaufort compris ; et C 6 à proximité de la côte ; jusqu'à 6 Beaufort compris ;
Le 10 janvier 2014 Monsieur H A a commandé un X E 815 d'une longueur hors tout de 8 m 03 avec un moteur I de 220 CV à la S.A.R.L. EXPLOITATION POLYMER au prix de 85 833 33 H. T. c'est-à- dire 103 000 00 T. T.C., mais sans indication de la catégorie ; la même absence existe dans le bon de commande de la société POLYMER du 17 suivant à la S.A.S. OCQUETEAU fabricant de ce bateau. Pour financer ce dernier un contrat de location avec option d'achat, mentionnant <catégorie de navigation : hauturier>, a été conclu le 19 février 2014 entre la société coopérative BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE et les époux H B F pour une durée de 48 mois à compter du 20 mai.
Le 14 mai la société POLYMER a facturé à la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE le bateau numéro <FR OCQ 380TC B4 14> et la précision 'catégorie de navigation B avec équipement hauturier', et le même jour le bateau a été livré aux époux C. Le 23 la société OCQUETEAU a délivré la déclaration écrite de conformité mentionnant ladite catégorie. Mais la plaque apposée sur le bateau indique <catégorie C - 9 personnes> tout comme le manuel du propriétaire.
Sur l'acte de francisation du bateau, qui ne comportait initialement aucune croix dans les cases de catégorie, l'Administration Maritime a coché la case <catégorie B> ; elle l'a transmis aux époux C le 27 juin.
Les époux C ont fait assigner le 3 juillet 2015 la société POLYMER et la société OCQUETEAU, et le 7 la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE. Le 29 mars 2016 ils ont I57 acheté à la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE la totalité du navire. Le Tribunal de Commerce de MARSEILLE par jugement du 19 septembre 2016 a :
* constaté l'extinction de l'action des époux C dirigée à l'encontre de la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE, ainsi que l'extinction de l'instance dirigée à l'encontre de la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE ;
* déclaré les époux C recevables en leurs demandes ;
* débouté les époux C de leur demande de nullité de l'acte de vente pour dol ;
* prononcé la résolution de la vente du bateau OCQUETEAU RANGE CRUISER 815
"G 2"> identifié sous le numéro <CIN FR OCQ 380TC B4 14>, conclu entre la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE et la société POLYMER ;
* en conséquence ;
* condamné la société POLYMER à payer aux époux C la somme de
103 000 00 T. T.C. en restitution du prix du bateau ;
* condamné les époux C à restituer à la société POLYMER le bateau au sec, sur ber dans l'enceinte du port d'attache de ce dernier contre paiement de la somme de 103 000 00, le stationnement et le gardiennage restant aux frais et risques de la société POLYMER ;
* condamné in solidum la société POLYMER et la société OCQUETEAU à payer aux époux C la somme de 4 049 28 à titre de dommages et intérêts ;
* condamné conjointement la société POLYMER et la société OCQUETEAU à payer aux époux C la somme de 2 000 00 au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
* condamné la société POLYMER, la société OCQUETEAU et la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE aux dépens ;
* dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement ;
* rejeté pour le surplus toutes autres demandes contraires aux dispositions du présent jugement.
La S.A.R.L. EXPLOITATION POLYMER a régulièrement interjeté appel le 20-21 octobre 2016 ; elle a été mise en liquidation judiciaire le 21 novembre 2018, ce qui a conduit les époux C à déclarer leur créance les 7 et 21 janvier 2019 ; assignée le 24 janvier 2019 à sa personne, la S. E.L. A.R. L. Pierre Henri FRONTIL prise en la personne de Maître Pierre Henri FRONTIL, liquidateur judiciaire de la S.A.R.L. EXPLOITATION POLYMER, n'a pas constitué Avocat.
Par conclusions du 14 février 2017 la société coopérative BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE répond notamment que :
- en cours de procédure de première instance les époux C ont opté pour l'achat du bateau dont ils sont devenus propriétaires, et se sont désistés de leurs instance et action dirigée contre elle-même ;
- cette renonciation exclut sa condamnation aux dépens.
L'intimée demande à la Cour de :
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a constaté l'extinction de l'action des époux C dirigée à l'encontre de la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE ainsi que l'extinction de l'instance dirigée à l'encontre de la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE aux dépens de première instance ;
- condamner tout succombant à payer à la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE la somme
2 000 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- donner acte à la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE qu'elle s'en rapporte à justice sur le reste.
Par conclusions du 24 janvier 2019 les époux H B F répondent notamment que :
- propriétaires d'un bateau de catégorie de conception C ils recherchaient un bateau de catégorie de conception supérieure B pour naviguer plus au large des côtes ; le magazine MOTOR BOAT n° 197 a publié en mai 2006 un article sur le X E Range Cruiser 815 équipé d'un moteur Volvo 225 CV et de la catégorie de conception B ; au Grand Pavois la société OCQUETEAU a expliqué que le moteur Volvo avait été remplacé par un I 220 CV toujours en catégorie B ; le tarif public de cette société mentionne comme moteur Nanni et I mais pas Volvo ; le contrat de location avec option d'achat précise <catégorie de navigation : hauturier> c'est-à- dire A et B ; la facture et la déclaration écrite de conformité, antérieures à la livraison, indiquent B ;
- immédiatement après la livraison ils se sont aperçus que la plaque du constructeur fixée sur leur bateau, comme le manuel du propriétaire, indiquent catégorie de conception C ; à leur demande la catégorie de conception B a été rajoutée à la déclaration écrite de conformité ; la société OCQUETEAU, en écrivant le 16 avril 2015 qu'elle pourrait lancer un processus de certification externe pour obtenir la catégorie de conception B, a reconnu explicitement que le bateau n'était pas conforme à celui vanté et vendu ; ils n'ont pas donné suite à cette proposition vu son coût pour eux (plus de 4 000 00) ;
- le jour où le Tribunal a statué ils avaient acquis la qualité de propriétaire du bateau, ce qui fait que leur action est recevable ; précédemment, et vu le contrat de location avec option d'achat, ils avaient reçu mandat de la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE d'agir en Justice contre la société POLYMER, et en avaient informé leur mandant les 7 mai et 22 juin 2015, soit avant l'assignation ; la vente s'est faite directement entre eux et la société POLYMER avant toute intervention de la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE ;
- le vendeur a une obligation d'information et de conseil : il doit éclairer le consentement de l'acheteur lors de la conclusion de la vente sur les caractéristiques essentielles du bien, ce qu'est la catégorie de conception pour laquelle ce vendeur doit s'informer auprès de son acheteur ;
- la vente est nulle pour vice du consentement : le dol existe aussi en cas de dissimulation d'un fait déterminant pour ne pas contracter ; la société POLYMER est une venderesse professionnelle dont le seul manquement à son obligation d'informer constitue un dol ; la société OCQUETEAU a affirmé que le moteur Volvo n'était plus commercialisé et avait remplacé par un moteur I avec identités de motorisation et de catégorie de conception B ; la société POLYMER leur a vendu le bateau avec la facture et la déclaration écrite de conformité indiquant la même catégorie ; ils ont signé le procès-verbal de livraison le 14 mai 2014, alors que celle-ci est intervenue le 19, ce qui les empêchait matériellement d'émettre des réserves ; aujourd'hui il n'existe toujours pas de X E 815 avec moteur Volvo et catégorie de conception B ; les 23 juillet et 28 novembre 2014 le site internet de la société OCQUETEAU précise respectivement B, et B avec moteur Volvo ;
le procès-verbal de constat par Huissier de Justice du 28 mars 2015 a permis de relever 2 versions différentes des tarifs 2014, l'une avec le moteur Volvo et l'autre sans ; si la motorisation Volvo et la mention B sur la facture et la déclaration écrite de conformité n'étaient qu'une erreur matérielle, pourquoi la société OCQUETEAU et la société POLYMER n'ont-elles pas proposé dès la réclamation d'eux-mêmes de remplacer leur bateau par ce modèle Volvo ' ; le fait d'avoir caché la catégorie de conception C au moment des pourparlers et de la commande, puis jusqu'à la livraison, constitue une résistance dolosive et des manœuvres dolosives propres à entraîner la nullité de la vente ; il est beaucoup plus vendeur de proposer un bateau dans une catégorie supérieur à la sienne ;
- à titre subsidiaire il y a défaut de conformité du produit vendu : Monsieur A voulait acquérir un bateau de catégorie B, ce que confortent la facture et la déclaration écrite de conformité ; le bateau livré n'étant pas conforme, la vente doit être résolue pour ce défaut d'exécution ;
- en sus de la restitution du prix ils ont droit au remboursement des dépenses engagées pour leur bateau (achats d'équipements notamment électronique, frais de dossier et primes d'assurance, droits annuels de navigation, frais de grutage, frais pour la conservation et l'entretien), ainsi qu'à des dommages et intérêts pour leur préjudice de jouissance et leur préjudice moral.
Les intimés demandent à la Cour, vu l'article 31, ensemble l'article 126, et l'article 555 du Code de Procédure Civile ; les articles 1108, 1109, 1116, 1117, 1126, 1134, 1184, 1381, 1382 anciens, 1603, 1615, 1984 et suivants du Code Civil ; les articles L. 111-1 et L. 211-4 ancien du Code de la Consommation ; les articles L. 641-3 et L. 622-21 et suivants du Code de Commerce, de :
- débouter la société POLYMER de son appel ; la dire mal fondée ;
- les recevoir en leur appel incident et en leur assignation en intervention forcée à l'encontre du liquidateur judiciaire de la société POLYMER ;
- et en conséquence de cette assignation en intervention forcée, constater la reprise de l'instance ;
* à titre principal :
- infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande de nullité de l'acte de vente pour dol ;
- et statuant à nouveau ;
- dire et juger que la vente du bateau <Ocqueteau Range Cruiser 815 G 2> identifié sous le numéro CIN <FR OCQ 380TC B4 14> est nulle pour vice du consentement
causé par dol ;
* à titre subsidiaire : confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente du bateau ;
* dans les deux cas, confirmer le jugement en ce qu'il a :
- constaté l'extinction de l'instance et de l'action des époux C dirigée à l'encontre de la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE ;
- déclaré les époux C recevables en leurs demandes ;
- condamné la société POLYMER à payer aux époux C la somme de 103 000 00 T. T.C. en restitution du prix du bateau ;
- condamné les époux C à restituer à la société POLYMER
le bateau au sec, sur ber dans l'enceinte du port d'attache de ce dernier contre paiement de la somme de 103 000 00, le stationnement et le gardiennage restant aux frais et risques de la société POLYMER ;
- condamné in solidum la société POLYMER et la société OCQUETEAU à payer aux époux C des dommages et intérêts ;
- condamné conjointement la société POLYMER et la société OCQUETEAU au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens ;
- rejeté les autres demandes des sociétés POLYMER et OCQUETEAU et de la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE ;
- réformer le jugement en ce qui concerne le quantum des dommages et intérêts et statuant à nouveau, condamner la société OCQUETEAU au paiement de dommages et intérêts correspondant aux sommes de :
. 15 608 72 à titre d'intérêts de retard de remboursement ;
. 17 926 09 au titre des frais de conservation et d'amélioration du bateau ;
. 4 000 00 à titre de préjudices de jouissance et moral ;
* et compte tenu de la liquidation judiciaire de la société POLYMER, constater que les époux C sont titulaires des créances suivantes à l'encontre de la société :
- 103 000 00 correspondant au prix d'achat T. T.C. du bateau ;
- 15 330 51 au titre d'intérêts de retard de remboursement ;
- 17 926 09 au titre des frais de conservation et d'amélioration du bateau ;
- 4 000 00 à titre de dommages et intérêts correspondant aux préjudices de jouissance et moral ;
- 20 000 00 au titre des frais irrépétibles ;
- 548 00 au titre des dépens outre les dépens d'appel ;
* subsidiairement dans l'hypothèse où la société POLYMER ne restituerait pas le prix du bateau aux époux C à la suite de la nullité ou de la résolution de la vente dans un délai expirant à l'échéance de la première des deux dates suivantes :
. (i) confirmation écrite du liquidateur judiciaire de la société POLYMER qu'il n'existe aucune perspective de recouvrement de tout ou partie desdites créances des époux C ;
. ou (ii) clôture des opérations de liquidation judiciaire de la société POLYMER,
condamner la société OCQUETEAU au paiement de la somme de 103 000 00 à titre de dommages et intérêts correspondant au prix d'achat T. T.C. du bateau, contre remise au sec, sur ber et dans l'enceinte du port de La Seyne sur Mer de ce dernier, le stationnement et le gardiennage restant aux frais et risques de la société OCQUETEAU ;
* en tout état de cause :
- fixer les créances des époux C au passif de la liquidation judiciaire de la société POLYMER à titre chirographaire ;
- condamner la société OCQUETEAU au versement de la somme de 20 000 00 sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- condamner la société OCQUETEAU aux entiers dépens.
Par conclusions du 25 février 2019 la S.A.S. OCQUETEAU répond notamment que :
- elle construit des bateaux de plaisance et les distribue en recourant notamment à la société POLYMER ; elle n'a aucun lien contractuel direct avec la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE et encore moins avec les époux C ; les mêmes ont prétendu sans preuve avoir voulu acheter un bateau de catégorie de conception B ;
- les époux C pris en tant que locataires du bateau sont irrecevables pour défaut de qualité et d'intérêt à agir, car leur mandante la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE bailleur a conclu devant le Tribunal à la validité de la vente et s'est opposée à toute demande de résolution judiciaire ; peu importe que les époux C soient devenus propriétaires du bateau en cours d'instance, puisque l'intérêt à agir s'apprécie au jour de l'introduction de ladite instance ;
- les époux C pris en tant que propriétaires du bateau sont irrecevables pour défaut de qualité et d'intérêt à agir, car ils en connaissaient toutes les caractéristiques, et notamment la catégorie de conception C ; leur action en nullité de la vente ne peut être dirigée que contre la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE acheteuse à la société POLYMER ;
- les époux C ne démontrent pas avoir fait état auprès d'elle, tant lors des premières discussions au Salon Nautique Grand Pavois de LA ROCHELLE le 28 septembre 2013 que lors des négociations ultérieures, de la nécessité de disposer d'un bateau de catégorie de conception B ; le bon de commande de ceux-ci auprès de la société POLYMER, comme celui de cette dernière auprès d'elle même, mentionnent un moteur 220 CV I mais pas de catégorie de navigation ; les informations propres aux bateaux Ocqueteau 815 indiquent la catégorie B pour le moteur Volvo 225 CV, et la catégorie C pour les autres motorisations ; le 7 octobre 2013 Monsieur A l'a interrogée sur les moteurs I 220 CV et Nanni 200 CV tous deux de catégorie C ; le bon de commande du 19 décembre 2013 par les époux C à la société POLI NAVAL porte sur un bateau avec moteur I 220 CV en incluant les équipements d'armement de la catégorie C, laquelle figure sur la déclaration écrite de conformité ;
- les époux C ont pris soin de discuter des dimensions et des performances du navire, et nullement de sa catégorie de conception ; les caractéristiques du bateau ont bien été portées à leur connaissance à travers les différentes brochures commerciales et documents contractuels ;
- elle leur a proposé une solution technique permettant, tout en conserver la motorisation I 220 CV, de bénéficier d'une catégorie de conception B à l'identique de la version Volvo, mais ils ont refusé ; le tableau sur le moteur dans le bateau mentionne expressément '225 Volvo : B5/B8 - autres motorisations : C9' ;
- elle n'a pas cherché à dissimuler des informations ni à travestir la réalité des faits, encore moins à induire en erreur Monsieur A ; la mention de la catégorie de conception B sur la déclaration écrite de conformité remise à la livraison du bateau était une simple erreur, ou source d'équivoque vu la phrase 'catégorie de conception maximale' ; la plaque constructrice indiquant la catégorie de conception B correspond au moteur Volvo, et est à remplacer si le moteur est d'une autre marque ;
- le bateau livré aux époux C est conforme au bon de commande, à la description dans la documentation commerciale, à la documentation technique et au manuel du propriétaire, à la déclaration écrite de conformité remise avant la commande, et au devis détaillé de la société POLI NAVAL concessionnaire ; l'objet du contrat ne peut être défini qu'antérieurement à a conclusion, et non à la lecture de la facture ultérieure contenant une simple erreur matérielle ;
- les époux C sollicitent pour la première fois en appel, dans l'hypothèse où la société POLYMER ne leur restituerait pas le prix du bateau soit 103 000 00, la condamnation de la société OCQUETEAU à leur régler la même somme ; cette demande étant nouvelle sera déclarée irrecevable ; les mêmes ne précisent pas le fondement juridique de leur demande ; il y a absence de tout lien contractuel entre elle et eux ;
- la demande de dommages et intérêts des époux C sera rejetée, car elle n'a commis aucune faute dolosive ni aucun manquement à l'obligation de délivrance conforme ; et cette demande n'est pas justifiée par contrat ou facture.
L'intimée demande à la Cour de :
- la déclarer bien fondée en ses demandes ; en conséquence ;
- statuant à nouveau, infirmer le jugement ;
- à titre principal : constater le défaut de qualité à agir des époux C ; par conséquent déclarer irrecevable l'action introduite par les époux C ;
- à titre subsidiaire : rejeter l'intégralité des demandes des époux C ;
- déclarer nouvelle la demande des époux C tendant à obtenir la condamnation de la société OCQUETEAU à leur régler des dommages et intérêts à hauteur de 103 000 00, et partant la déclarer irrecevable, et à titre subsidiaire la déclarer infondée ;
- en tout état de cause : condamner les époux C à payer à la société OCQUETEAU la somme de 3 000 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue à l'audience le 25 février 2019.
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MOTIFS DE L'ARRET:
Sur la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE :
Cette dernière a vendu le 29 mars 2016, soit au cours de la procédure de première instance, le bateau litigieux aux époux C ; c'est donc à bon droit que le Tribunal a constaté l'extinction de l'action de ceux-ci dirigée à l'encontre de celle-là, ainsi que l'extinction de l'instance dirigée à l'encontre de la même.
Mais l'équité fait obstacle à la demande de la Banque Populaire Atlantique au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Sur les époux C :
Ceux-ci sont devenus propriétaires du navire le 29 mars 2016 soit avant le jugement du 19 septembre suivant, et pouvaient par suite réclamer contre la société POLYMER vendeur, en application de l'article 126 du Code de Procédure Civile ; de plus le contrat de location avec option d'achat consenti le 19 février 2014 entre la Banque Populaire Atlantique et les époux C leur permettait (page 4 - colonne de droite - article 2) comme locataires d'agir contre le vendeur la société POLYMER en qualité de mandataire du bailleur, à la condition d'appeler ce dernier à l'instance ce qu'ils ont fait le 7 juillet 2015. C'est donc à bon droit que le Tribunal a déclaré les époux C recevables en leurs demandes contre la société POLYMER.
Dans leur assignation du 3 juillet 2015 délivrée à la société OCQUETEAU les époux C, sans lui réclamer la nullité de la vente pour vice du consentement (dol), demandaient sa condamnation à leur verser des dommages et intérêts ; dans leurs dernières conclusions devant le Tribunal de Commerce du 4 juillet 2016 les mêmes invoquaient à titre subsidiaire le défaut de conformité du produit vendu à l'encontre de la société POLYMER comme de la société OCQUETEAU, et demandaient dans leur dispositif la résolution de la vente pour non-conformité et défaut de délivrance ainsi que des dommages et intérêts, en visant notamment l'article 1382 du Code Civil applicable à la société OCQUETEAU du fait qu'elle n'était pas leur co-contractante.
La demande en appel des époux C en condamnation de la société OCQUETEAU à leur payer la somme de 103 000 00, soit le prix d'achat du bateau payé à leur vendeur la société POLYMER, tend aux mêmes fins (les indemniser de leur préjudice) que celle précitée en dommages et intérêts soumises au Tribunal ; par ailleurs elle est née de la survenance d'un fait, la liquidation judiciaire dudit vendeur prononcée le 21 novembre 2018. C'est donc à tort que la société OCQUETEAU invoque la nouveauté de la demande devant la Cour des époux C.
Sur le dol :
Les époux C reprochent à leur vendeur la société POLYMER un dol, caractérisé par la vente d'un bateau de catégorie de conception C alors qu'ils en voulaient un de catégorie de conception B. Les éléments de preuves qu'ils communiquent sont des articles de magazines spécialisés, des tarifs, des informations techniques, une seule attestation émanant d'une de leurs connaissances et donc non probante, un procès-verbal de constat par Huissier de Justice sur le site internet www.ocqueteau.fr ainsi que des extraits de ce dernier, c'est-à- dire des pièces qui toutes sont de nature non contractuelle et par suite ne pouvaient engager la société POLYMER pour la vente facturée le 14 mai 2014.
C'est donc à bon droit que le Tribunal a débouté les époux C de leur demande de nullité de l'acte de vente pour dol.
Sur la non-conformité :
Le bon de commande de la société POLI NAVAL établi le 19 décembre 2013 en faveur des époux C mentionne certes la catégorie de conception C, mais n'a pas été suivi d'effet puisque le bateau litigieux a été commandé le 10 janvier 2014 à la société POLYMER qui l'a vendu le 14 mai suivant.
La facture de vente précise notamment que le bateau n° FR OCQ 380TC B4 14 est classé dans la <catégorie de navigation B> laquelle est identique à la catégorie de conception B, tandis que l'acte de francisation mentionne cette dernière, tout comme la déclaration écrite de conformité délivrée le 23 mai 2014 par la société OCQUETEAU. Mais en réalité le bateau des époux C est de la catégorie de conception C comme le précise la plaque apposée sur lui, et comme la société OCQUETEAU elle-même le reconnaît expressément puisqu'elle leur a proposé une solution technique (qu'ils n'étaient pas obligés d'accepter vu ses inconvénients de coût et de surpoids) pour passer de la catégorie de conception C à la catégorie de conception B. Par ailleurs la plaque du bateau, contrairement à ce que soutient cette société, ne mentionne pas '225 Volvo : B5/B8 - autres motorisations : C9', mais uniquement 'catégorie de conception C (...) puissance maximale 166 kW (225 ch)' sans précision de marque du moteur.
Le jugement est également confirmé pour avoir prononcé vis-à- vis de la société POLYMER la résolution de la vente du 14 mai 2014 en raison de la non-conformité du bateau prétendument vendu (catégorie de conception B) par rapport à la réalité de celui-ci (catégorie de conception C), cette catégorie étant un élément fondamental car la B permet de naviguer plus loin des côtes que la C.
Sur la société OCQUETEAU :
Le visa de l 'article 1382 ancien du Code Civil dans les dernières écritures des époux C devant le Tribunal ainsi que devant la Cour leur permet de demander la condamnation de cette société, tiers au contrat conclu par eux avec la société POLYMER mais auteur d'une déclaration de conformité du 23 mai 2014 qui ne correspond pas à la réalité de la catégorie de conception du bateau ce qui constitue une faute grave de sa part puisqu'elle est professionnelle de la navigation. La sanction de cette non-conformité est la résolution judiciaire de l'article 1184 ancien du même Code, prononcée à juste titre par le Tribunal.
Sur les montants des sommes :
Le préjudice causé aux époux C par cette résolution, qui anéantit rétroactivement la vente du 14 mai 2014, comprend en application de l'article précité :
- d'abord le prix d'achat payé soit la somme de 103 000 00 T. T.C. ;
- puis des dommages et intérêts se décomposant comme suit :
. assurances du bateau : 45 00 + 700 37 + 735 21 + 769 29 + 787 12 = 3 036 90 arrondis à 3 036 90 ;
. équipements et entretien du bateau : 737 70 + 864 00 + 174 80 + 472 82 + 1 009 57 + 697 54 + 580 09 + 480 44 + 784 58 + 388 44 + 4 520 00 + 104 90 + 2 050 00 + 132 00 + 1 291 66 = 14 287 84 ;
. droits de douane : 322 00 justifiés pour 1 seule année ;
. frais de port : 57 55 + 216 60 = 274 15 justifiés ;
soit un sous total de 17 920 89 ;
. intérêts de retard sur le remboursement du bateau financé partiellement par une location avec option d'achat : 15 608 72 contre la société OCQUETEAU et 15 330 51 contre la société POLYMER ;
. préjudice de jouissance résultant de la catégorie de conception inférieure à celle prévue, ce qui limite les sorties en mer : 2 000 00 ;
à l'exclusion du préjudice moral non démontré ;
d'où un total de dommages et intérêts égal à 35 529 61 contre la société OCQUETEAU et
35 251 14 contre la société POLYMER.
La liquidation judiciaire de la société POLYMER conduit la Cour à remplacer sa condamnation à des dommages et intérêts (les 4 049 28 du jugement, plus les 31 202 12 de complément de l'arrêt) par
la fixation de la créance des époux C.
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DECISION
La Cour, statuant en dernier ressort et par arrêt réputé contradictoire.
Confirme le jugement du 19 septembre 2016, sauf à remplacer la condamnation de la S.A.R.L. Exploitation Polymer par la fixation de la créance des époux H B F à la somme de 35 251 14.
En outre condamne la S.A.S. Ocqueteau à payer aux époux H B F la somme de 35 529 61 à titre de dommages et intérêts.
Vu l'article 700 du Code de Procédure Civile condamne la S.A.S. Ocqueteau à payer aux époux H B F une indemnité de 10 000 au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Fait masse des dépens d'appel, condamne la S.A.S. Ocqueteau à en supporter une moitié, et met l'autre moitié en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. Exploitation Polymer, avec application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Rejette toutes les autres demandes.
Le GREFFIER. Le PRÉSIDENT.
Composition de la juridiction : Pierre Calloch, Baudouin Fohlen, Viviane Ballester, Ludovic Rousseau, Me Julien Lecat, Me Pascale Penarroya Latil, SCP Latil Penarroya Latil, Me Pascal Gug, Me Marc Artinian, Me Herve Barbier, SCP Rousseau & Associes