CA Toulouse, 2eme ch., 3 avril 2019, n° 16-06093
TOULOUSE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Tap France (SARL)
Défendeur :
ATS - Groupe Atox (SARL), Audis (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
F. Penavayre
Conseillers :
M. Sonneville, S. Truche
Avocats :
Mes de Laforcade, Gueroult, de Lamy, Menard, Decharme
EXPOSE DU LITIGE
La société Audis qui exploite un centre commercial Édouard Leclerc à Montauban lieudit " Aussonne " a, suivant devis du 14 décembre 2011 demandé à la société ATS Groupe Atox qui est spécialisée dans les systèmes de stockage et de rayonnages métalliques, de réaliser une installation de stockage dans ses réserves.
La société ATS Groupe Atox a passé commande de rayonnages composés de niveaux de stockage " palettes " et de niveaux de stockage " picking manuel " (chargement en vrac) auprès de la société Tap France le 27 décembre 2011.
Chaque niveau de picking manuel est équipé de trois platelages métalliques en treillis soudé avec trois renforts en tôle en forme de V et est destiné à résister à une charge de 300 kg.
Par lettre du 23 mai 2012 la société Audis a informé son cocontractant que des déformations avaient été constatées sur le platelage.
Par ordonnance du 12 décembre 2012 une expertise a été ordonnée à la demande de la société ATS Groupe Atox et confiée à Monsieur Y qui a déposé son rapport le 23 janvier 2014.
L'expert conclut que les platelages fournis ne sont pas destinés à un usage de type picking (vrac) car ils sont plutôt conçus pour supporter des charges uniformément réparties. Il estime que la fiche technique du catalogue de la société Tap France a pu tromper la société ATS Groupe Atox puisqu'elle indique que le plancher métallique est idéal pour les zones de picking alors que tel n'est pas le cas.
La société Audis ayant refusé de solder les factures présentées des 16 mai et 5 novembre 2012, la société ATS Groupe Atox a par acte du 20 janvier 2015, assigné ses cocontractants devant le tribunal de commerce de Montauban pour obtenir paiement d'une somme de 70 073,74 euros et obtenir la condamnation de la société Tap France à prendre en charge le coût des travaux afférents au dommage subi.
Par jugement du 14 septembre 2016 rectifié le 10 mai 2017, le tribunal de commerce de Montauban a :
- constaté que la société Audis doit la somme de 70 073,74 euros à la société ATS Groupe Atox au titre des deux dernières factures impayées
- condamné la société ATS Groupe Atox à payer à la société Audis la somme de
48 271,50 euros au titre de la remise en état de l'installation et 10 000 au titre du préjudice subi, soit la somme totale de 58 271,50 euros, outre 2000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- ordonné la compensation de ces sommes et condamné au final la société Audis à payer à la société ATS Groupe Atox la différence, soit la somme de 19 802,24 euros
- condamné la société Tap France à adresser à la société ATS Groupe Atox un avoir de 4210,80 euros
- condamné la société Tap France à payer à la société ATS Groupe Atox la somme de 48 271,50 euros outre la somme de 2000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile condamné la société Tap France et la société ATS Groupe Atox chacun à la moitié des dépens de l'instance et des frais d'expertise judiciaire
- ordonné l'exécution provisoire de la décision.
La société Tap France a interjeté appel de cette décision le 13 décembre 2016.
Par arrêt du 10 mai 2017, la cour d'appel a rectifié le dispositif du jugement en disant que le préjudice s'évalue à 38 271,50 euros au titre de la remise en état de l'installation (au lieu 48 271,50 euros) outre 10 000 au titre du préjudice subi et condamné :
- la société ATS Groupe Atox à payer à la société Audis la somme de 48 271,50 euros (au lieu de 58 271,50 euros)
- la société Tap France à payer à la société ATS Groupe Atox la somme de 38 271,50 euros (au lieu de 48 271,50 euros).
La mesure de médiation ordonnée par ordonnance du 27 février 2017 n'a pu aboutir à un accord.
L'ordonnance de clôture est en date du 19 novembre 2018.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Au terme de ses conclusions notifiées le 12 novembre 2018, la société Tap France demande à la cour, sur le fondement des articles 1134, 114 (ancienne numérotation), 1603 et 1611 du Code civil ainsi que de l'article 1582 du Code civil:
- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions
- de rejeter l'ensemble des demandes formées à son encontre
Et statuant à nouveau,
- de constater l'absence de cahier des charges entre les sociétés Audis et ATS Groupe Atox
- de constater que la société ATS Groupe Atox a passé commande de produits différents de ce qu'elle a proposé à Audis
- de constater que la société ATS Groupe Atox a passé une commande de fournitures simples de matériel
- de dire et juger que la société Tap France a livré des produits conformes à la commande dont elle a été destinataire
- de dire et juger que la chose vendue par Tap France n'est pas affectée d'une non-conformité à la commande
- de dire et juger qu'elle a assuré son obligation de délivrance et de garantie
- de dire et juger qu'elle n'était pas tenue d'une obligation de conseil et d'information vis-à- vis de la société ATS Groupe Atox, professionnel spécialiste du stockage
- de dire et juger que la responsabilité de la société Tap France n'est nullement engagée à quelque titre que ce soit dans les dommages allégués
- de dire qu'en l'absence de cahier des charges, la société Audis a concouru à la réalisation du préjudice qu'elle prétend avoir subi et qu'il ne peut être retenu de non-conformité à l'usage attendu
- de dire qu'il ne peut être retenu une non-conformité à l'usage attendu
- de dire et juger que ATS Groupe Atox a une obligation de conseil vis-à- vis de la société
Audis
- de dire et juger que les demandes d'indemnisation formulée par la société Audis sont totalement injustifiées
- de rejeter toutes les demandes et prétentions formées à son égard
- de débouter la société ATS Groupe Atox de son appel incident
- de condamner la société ATS Groupe Atox à lui payer la facture du 11 juillet 2012 à hauteur de 4210,80 euros hors taxes (5036,12euros TTC) et de dire que cette somme portera intérêts au taux contractuel à compter de la mise en demeure du 18 octobre 2012 outre une somme de 8000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- de dire qu'en cas d'exécution forcée de la décision, les sommes retenues par l'huissier de justice instrumentaire au titre de l'article A44432 du code de commerce créé par l'arrêté du 26 février 2016 seront mises à la charge de la société ATS Groupe Atox.
La société Audis a conclu le 22 novembre 2017.
Elle demande, au visa des articles 1604 et suivants du Code civil et 1289 du Code civil :
- de dire et juger que l'installation de stockage vendue par la société ATS Groupe Atox n'est pas conforme à la commande
- de dire que son cocontractant n'a pas rempli son obligation de délivrance conforme
- de dire et juger en conséquence qu'elle est bien fondée à invoquer l'exception d'inexécution pour s'opposer au paiement des deux dernières factures présentées par la société ATS Groupe Atox
- homologuant le rapport d'expertise, de dire que la société ATS Groupe Atox devra supporter le coût de la reprise des non conformités tel que chiffré par l'expert et en conséquence de la condamner à lui payer la somme de 38 271,50 euros hors taxes (soit 45 925,70 euros TTC) au titre de la remise en état de l'installation de stockage
- de confirmer le jugement sur ce point mais de le réformer pour le surplus
- de dire que la société ATS Groupe Atox doit réparer son entier préjudice pour un montant total de 50 470 décomposé comme suit :
*29 706 au titre de la perte des marchandises
*10 764 au titre de la location d'un chapiteau pour le stockage provisoire des marchandises fragiles
*10 000 au titre de la perte de rendement de ses salariés
- d'ordonner la compensation des créances respectives
- de condamner la société ATS Groupe Atox à lui payer un solde de 26 322,16 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à venir outre une somme de 8000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les entiers dépens de l'instance étant pris en charge par ladite société, en ce compris les frais d'expertise.
La SARL ATS Groupe Atox a notifié ses conclusions le 9 novembre 2018 .
Elle demande à la cour :
- de déclarer mal fondée la société Tap France en son appel et la société Audis en son appel incident
- de les débouter de l'ensemble de leurs demandes et prétentions
- de déclarer l'appel incident qu'elle forme recevable et bien fondé
Y faisant droit :
- de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a constaté que la société Audis lui doit la somme de 70 073,74 euros et a condamné la société Tap France à s'acquitter d'un avoir de 4210,80 euros HT, outre une somme de 2000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Le réformant pour le surplus :
À titre principal :
- de condamner la société Audis à lui payer la somme de 70 073,74 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 janvier 2015, date de l'assignation,
- d'assortir cette condamnation de l'anatocisme en application de l'article 1154 (ancien) du Code civil
- de prononcer sa mise hors de cause pure et simple
- de rejeter toutes les demandes formées à son encontre
À titre subsidiaire :
- de condamner la société Tap France à la relever et garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, notamment l'intégralité du coût des travaux afférents au dommage subi par la société ATS Groupe Atox, soit la fourniture de 1745 modules pour un prix de 20 411,50 euros hors taxes et la mise en place des modules pour un prix de 17 860 hors taxes
- de condamner la société Tap France à la relever et garantir de toutes les autres condamnations prononcées au profit de la société ATS Groupe Atox en ce inclus, le cas échéant, les préjudices annexes tirés de la perte des marchandises, la location d'un chapiteau, la perte de rendement et les frais irrépétibles et dépens
En tout état de cause :
- de condamner la société Tap France à lui payer la somme de 9890 au titre de la mise en place des renforts, 30 000 à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice commercial et moral,
- de rejeter les demandes plus amples formées par les sociétés Audis et Tap France,
- de condamner la société Tap France à lui verser la somme de 5000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- de la condamner aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire, avec distraction au profit de son conseil
- de dire qu'en cas d'exécution forcée de la décision, les sommes retenues par les huissiers de justice instrumentaires au titre de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 seront mises à la charge de la société Tap France.
Il y a lieu de se reporter expressément conclusions susvisées pour plus ample informé sur les faits de la cause, moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la conformité du contrat conclu entre les sociétés Audis et ATS Groupe Atox :
Selon la proposition technique et économique du 14 décembre 2011 acceptée par la société Audis , cette dernière a commandé à la société ATS Groupe Atox la fourniture d'une installation complète de rayonnages pour les réserves du supermarché qu'elle exploite à Montauban.
Les rayonnages des réserves n° 1 à 3 sont composés de niveaux de stockage par palettes et de niveaux de stockage par picking manuel pour un prix de 249 000 hors taxes.
Un devis complémentaire a été adressé le 13 avril 2012 qui a été accepté par la société Audis.
Pour la réalisation de son installation, la société ATS Groupe Atox a demandé ses prix à la société Tap France le 6 décembre 2011 puis lui a passé commande le 27 décembre 2011.
La commande portait sur des planchers métalliques profilés 3 omégas de dimension 880 x 1100 mm de 300 et 800 kgs.
Le 23 mai 2012, la société Audis a signalé que les planchers des réserves de stockage numéro 1,2 et 3 du supermarché Leclerc de Montauban subissaient de graves problèmes de déformation.
La société ATS Groupe Atox a informé son fournisseur, la société Tap France, par courrier du 24 mai 2013 laquelle a répondu que les panneaux étaient bien prévus pour une charge de 300 kg mais avec une répartition plus uniforme, ajoutant que c'est le poinçonnement des charges et le mode de chargement (picking) qui créait la déformation et proposant pour solutionner le problème, de rajouter des renforts amovibles entre les renforts existants.
La société ATS Groupe Atox a commandé des renforts supplémentaires le 21 mai 2012 pour un prix de 4210,80 euros hors taxes et un coût de pose de 9890 hors taxes.
Les renforts ont été posés en août 2012 mais les platelages ont continué à subir des déformations.
La société Audis s'est opposée au paiement des dernières factures relatives à l'installation.
Une expertise judiciaire a été ordonnée par ordonnance du 12 décembre 2012 et confiée à Monsieur X qui a constaté que les unités de rayonnage étaient utilisées pour du picking c'est-à-dire du chargement en vrac de marchandises.
Les charges de type picking sont des charges que le manutentionnaire pose à n'importe quel endroit du plateau sans se soucier d'une déformation, d'un effet de poinçonnement ou d'un affaissement du platelage.
L'expert a confirmé l'existence des désordres invoqués et, après avoir fait procéder à des essais de charges par un laboratoire spécialisé, a conclu que le platelage livré n'a pas été conçu pour des charges de type picking ou poinçonnement, c'est-à- dire des charges qu'on pose à n'importe quel endroit du platelage sans se soucier de l'effet de poinçonnement.
Il a indiqué que le produit livré n'est pas conçu pour un chargement en vrac mais sert à stocker des palettes ou des charges dont la surface de contact se répartit sur la surface la plus grande de la grille et sur au moins la moitié de sa surface.
Il a préconisé de remplacer les 1745 planchers métalliques par des étagères propres à ce type de stockage (susceptibles de supporter une charge de 800 kg) et a évalué le coût des travaux de mise en conformité à un montant total de 38 271,50 euros incluant le coût de remplacement des platelages défectueux et leur enlèvement par une entreprise spécialisée.
Il n'est pas contesté que les plateaux vendus ne sont pas conçus pour du chargement en vrac mais uniquement pour une charge uniformément répartie de 300 kgs.
Il ne s'agit pas à ce stade d'apprécier si la société ATS Groupe Atox a commis ou non une faute et a été elle-même trompée sur la conformité de la marchandise avec l'usage auquel elle était destinée, mais si elle a rempli ses obligations contractuelles, conformément aux articles 1603 et suivants du Code civil qui font peser sur le vendeur une obligation de délivrance et de garantir la chose qu'il vend.
Il n'est pas contesté que la société Audis a contracté en dehors de son domaine de compétence et n'avait pas la maîtrise technique des produits commandés.
Le vendeur professionnel auquel elle s'est adressée avait donc l'obligation de se renseigner précisément sur ses besoins afin de lui permettre de prendre sa décision en connaissance de cause.
La convention conclue entre les parties prévoit la fourniture de plusieurs types de rayonnages dont des rayonnages à usage de picking manuel (pour les réserves 1 à 3).
Dès lors que le produit livré n'était pas conforme à la commande puisqu'il n'est pas adapté à un usage de picking et a présenté très vite des déformations, c'est à bon droit que la société Audis s'est opposée au paiement des dernières factures de son cocontractant en soulevant l'exception d'inexécution.
La société ATS Groupe Atox ne peut s'exonérer de sa garantie et soutenir qu'il appartient à la société Audis de diriger ses demandes à l'encontre de la seule responsable qu'est la société Tap France alors qu'en sa qualité de vendeur professionnel, il lui appartenait d'être attentif aux spécifications du produit commandé et de ne livrer qu'un produit conforme à l'usage attendu par son client, en l'espèce des racks à usage de picking manuel.
Par ailleurs elle n'explique pas pour quelle raison, elle a passé des commandes différentes pour le centre Leclerc de Sapiac sur lequel elle était intervenue un an auparavant et pour le centre Leclerc d'Aussonne alors que les besoins de l'installation sont identiques.
Il y a lieu en définitive de rejeter l'ensemble des contestations formées en cause d'appel et de confirmer la décision en ce qu'elle l'a condamné à réparer le dommage du fait de la non-conformité du produit livré.
Le coût de la mise en conformité des unités de stockage n'est pas sérieusement contesté.
Par contre il est réclamé par la société Audis, dans le cadre d'un appel incident, un préjudice complémentaire compte tenu des pertes et désagréments subis.
Elle fait ainsi valoir qu'elle a perdu des marchandises pour un montant de 29 706 , a dû louer un chapiteau pendant deux mois pour entreposer ses marchandises fragiles notamment pour les opérations de la foire aux vins pour un montant de 10 774 et que la perte de rendement de ses salariés à la suite de la non-conformité de l'installation de stockage peut être évaluée forfaitairement à 10 000 .
Le premier juge a justement fixé l'ensemble de ses préjudices à 10 000 compte tenu de l'insuffisance des éléments de preuve rapportés par la société Audis et des contestations adverses.
La société Audis ne justifie pas plus amplement de son préjudice en cause d'appel, le listing qu'elle a produit dans lequel sont relevées sous l'appellation " casse " toutes les marchandises qui auraient été détruites du fait des platelages défectueux pour la période du 1er mars 2012 au 31 juillet 2013 n'ayant pas été établi contradictoirement et ne pouvant être vérifié.
Par contre il n'est pas contesté que les désordres survenus dans la zone de stockage ont désorganisé le travail du personnel pendant plusieurs mois et imposé la recherche de solutions de remplacement, tous dommages qui ont été justement évalués à 10 000 par le jugement déféré.
En définitive le préjudice subi par la société Audis s'établit à 38 271,50 + 10 000 = 48 271,50 euros et non pas 58 271,50 euros comme mentionné par erreur dans le dispositif du jugement du 28 septembre 2016.
Sous cette réserve, il y a lieu de confirmer la décision qui a condamné la société Audis à payer à son co contractant le solde des factures impayées pour un montant de 70 073,64 euros TTC qu'elle ne conteste pas devoir.
Cette somme ne peut être augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation alors que la société Audis a soulevé à bon droit l'exception d'inexécution. Les intérêts de retard ne pourront donc courir qu'à compter du jugement de première instance et porteront intérêts eux-mêmes par année entière à compter de cette même date.
Il y a lieu en outre de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société ATS Groupe Atox à payer le coût de remise en état de l'installation et ordonné la compensation entre les sommes respectivement dues par les parties.
Compte tenu des circonstances, il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Audis les frais irrépétibles qu'elle a exposés pour assurer sa représentation en justice.
Il lui sera alloué pour les frais de la procédure d'appel une indemnité supplémentaire de 2000 .
Sur l'appel en garantie de la société ATS Groupe Atox à l'encontre de la société Tap France :
La société ATS Atox prétend que la société Tap France est responsable exclusivement des désordres invoqués car :
- les platelages livrés n'étaient pas conformes à l'usage auquel ils étaient destinés, sa documentation indiquant que le matériel était parfaitement adapté pour une installation destinée à un usage de picking, ce qui n'est pas le cas
- elle est seule à l'origine du dommage du fait de sa documentation trompeuse
- elle a manqué à son obligation de conseil.
La société Tap France s'oppose à cette demande en faisant valoir que les professionnels du stockage connaissent très bien la différence entre les différentes sortes de platelage et leurs fonctions, qu'en l'espèce les plateaux qu'elle a livrés sont conformes à la commande puisqu'ils résistent à des charges de 300 kg uniformément réparties entre les lisses et que la société ATS Groupe Atox lui a commandé des plateaux différents de ceux qu'elle avait identifiés comme répondant aux besoins de son client.
Le Groupe Atox est une entreprise spécialisée qui conçoit, fabrique et installe des systèmes de stockage pour les professionnels.
Après avoir été agréée par la société Audis, elle a commandé les planchers métalliques et leurs supports auprès de la société Tap France qui vend selon son catalogue, des planchers métalliques pour racks conçus pour le stockage de palettes, de cartons, de caisses plastiques et de bacs en plastique.
Il est désormais établi que les planchers métalliques livrés ne sont pas conçus pour du stockage de marchandises en vrac mais uniquement pour recevoir des palettes et des charges uniformément réparties.
S'agissant de deux sociétés spécialisées dans ce même secteur d'activité, il est fait valoir à bon droit que la société Tap France n'est tenue en l'espèce à aucune obligation de conseil particulière envers son client qui dispose d'une maîtrise technique suffisante sur les produits objets du contrat, qui lui avait déjà passé commande de planchers métalliques similaires pour le supermarché Leclerc Sud qui n'ont pas posé de problème et a changé de référence pour le Leclerc Nord , sans en informer son cocontractant , ce qui a privé ce dernier de la possibilité d'orienter son choix vers la bonne référence.
Par ailleurs, il n'a été communiqué à la société Tap France aucun cahier des charges ni document contractuel conclu entre la société ATS Atox et la société Audis, et rien n'indique que cette dernière ait été spécifiquement informée des besoins identifiés par le client final ou ait participé à une quelconque définition de ses besoins.
La commande passée par la société ATS Groupe Atox a été précédée d'une demande de prix ou devis établi par la société Tap France le 6 décembre 2011 dans lequel il est indiqué que le platelage 300 kg est composé d'un plancher métallique 3 omégas dimension 880 x 1100 mm, charge UR (uniformément répartie) 300 kg entre lisse ou 500 kg UR (uniformément répartie) repris par lisses.
C'est au vu de ce devis que la commande a été passée par la société ATS Atox le 27 décembre 2011 et les factures établies par Tap France reprennent les mêmes descriptifs et spécifications en termes de charges uniformément réparties que le devis initial.
Il en résulte que la société ATS Groupe Atox a manifestement commis une erreur lors de la commande puisque le platelage de 300 kg n'était pas conçu pour un usage de vrac mais pour supporter des charges uniformément réparties.
Les premiers juges ont relevé à bon droit que la mention " uniformément répartie " sur le devis aurait dû l'alerter sur l'inadéquation du produit et qu'en se contentant des mentions de la fiche technique figurant sur le catalogue, la société ATS Groupe Atox a reporté sur son client le risque d'une utilisation inadéquate.
L'expert ayant noté qu'il existe une contradiction entre la description et l'usage prévu dans la fiche technique du catalogue, la société ATS Groupe Atox prétend qu'elle a été induite en erreur par ces mentions, ce qui justifie le recours qu'elle exerce à l'encontre de la société Tap France.
Si tant est qu'une telle contradiction soit démontrée, il sera rappelé qu'elle a l'obligation de s'informer précisément sur les spécificités du produit en matière de charge et qu'en s'abstenant de le faire, elle a manqué à ses obligations, ce qui est exclusif de toute exonération de responsabilité.
Le catalogue de la société Tap France précise que les planchers métalliques sont conçus pour le stockage de palettes, de cartons, de caisses plastiques, de bacs. Ils préviennent la chute des colis lors de la manutention des palettes et assurent la sécurité des personnes. Ils maintiennent la palette lors d'un mauvais positionnement sur les lisses. Les planchers métalliques de 300 kg sont des planchers pour les charges légères, pour des cartons et caisses à poser directement, " idéals pour les zones de picking ".
Selon la société Tap France, les mentions du catalogue font référence à des prescriptions de sécurité et non pas à l'usage attendu du produit, c'est-à-dire qu'il s'agit de plateaux qui font office de sécurité lors de la mise en place des palettes et non pas d'étagères destinées à supporter directement du chargement en vrac, ce qu'un professionnel du rayonnage comme la société ATS ne pouvait ignorer.
Le directeur commercial de la société dans son courrier du 18 octobre 2012 a précisé que " ce type de tablette sert à se prémunir de tout type d'incident lors du stockage de charges uniformément réparties, que le plateau est spécifiquement défini pour venir supporter des palettes, la position des renforts en témoigne, que ce type de palette est un support de sécurité et non pas une étagère ".
La société Tap France explique sans être sérieusement démentie sur ce point qu'en mentionnant que le plateau est un support idéal " pour les zones de picking ", cela signifie que ce type de support est adapté aux zones où des petits produits sont conditionnés sur des palettes (car si la palette se défait, les petits produits tombent et les platelages sont là pour assurer la sécurité) et non pas pour un " usage de picking " c'est-à-dire du chargement en vrac.
Au vu des documents contractuels, il y a lieu de dire que la société ATS Groupe Atox n'établit pas un manquement de la société Tap France à son obligation de délivrance ni que les termes du catalogue aient pu l'induire en erreur.
Il y a lieu en conséquence de rejeter les demandes formées à l'encontre de la société appelante, la société ATS Groupe Atox devant au final supporter seule le coût de remise en état de l'installation ainsi que le coût des travaux de renforcement qu'elle a engagé , y compris le règlement de la facture FC 1204037 de 4 210,82 euros hors taxes établie par la société Tap France (5 036,12 euros TTC) correspondant à la commande de pièces destinées à renforcer les plateaux lorsque les premiers désordres sont apparus.
Cette somme sera augmentée des intérêts au taux légal à compter de la lettre recommandée du 18 octobre 2012, rien ne permettant de s'assurer que les conditions générales de vente ait été portées à la connaissance du cocontractant de la société Tap France à défaut de signature.
Compte tenu des circonstances, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des sociétés ATS Groupe Atox et Tap France partie des frais irrépétibles par elles exposés pour assurer leur représentation en justice.
La partie qui succombe doit supporter les dépens en ce compris les frais d'expertise.
Par ces motifs : LA COUR statuant après en avoir délibéré, Vu l'arrêt rectificatif du 10 mai 2017, Confirme le jugement du tribunal de commerce de Montauban du 14 septembre 2016 en ce qu'il a condamné la société Audis à payer à la société ATS Groupe Atox la somme de 70 073,74 euros au titre des deux dernières factures impayées, Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la société ATS Groupe Atox à réparer le préjudice subi par la société Audis à hauteur de la somme rectifiée de 48 271,50 euros outre une somme de 2 000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a ordonné la compensation entre les sommes respectivement dues entre les deux sociétés, Y ajoutant, Dit que la somme de 70 073,74 euros due par la société Audis à la société ATS - GROUPE Atox portera intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance, et se capitalisera par année entière à compter de ladite décision, Déboute la société Audis de son appel incident et dit n'y avoir lieu à lui allouer des sommes complémentaires en réparation du préjudice subi, Condamne la société ATS Groupe Atox à payer à la société Audis la somme de 2 000 pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel, Infirme le jugement pour le surplus, Déboute la société ATS Groupe Atox de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre de la société Tap France, Rejette la demande de la société ATS Groupe Atox en paiement de la somme de 9 890 hors taxes au titre des travaux de mise en place des renforts, Condamne la société ATS Groupe Atox à payer à la société Tap France la somme de 4 210,80 euros hors taxes augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 octobre 2012, Déboute la société Tap France de sa demande d'application du taux d'intérêt conventionnel prévu par les conditions générales de vente, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice des sociétés ATS Groupe Atox et Tap France, Rejette les autres demandes et les prétentions contraires, Condamne la société ATS Groupe Atox à supporter les entiers dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire, Dit qu'en cas d'exécution forcée de la décision, les sommes retenues par l'huissier de justice instrumentaire au titre de l'article 10 du décret 2001'212 du 8 mars 2001 seront mises à la charge de la société ATS Groupe Atox.