CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 3 avril 2019, n° 16-23231
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Steyr Mannlicher GmbH (Sté)
Défendeur :
Ruag Ammotec France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
M. Bedouet, Mme Comte
Avocats :
Mes Guyonnet, Lingot, Wolfer
FAITS ET PROCÉDURE
La société Steyr Arms GmbH, anciennement dénommée Steyr Mannlicher, ci-après Steyr, de droit autrichien, est spécialisée dans la fabrication et la commercialisation d'armes à usage civil et militaire.
La société Ruag Ammotec France, ci-après dénommée Ruag, distribue des armes, munitions et instruments d'optique.
Courant 2003, les sociétés Steyr et Ruag ont conclu un premier accord de distribution exclusive d'armes à usage civil sur le territoire français. Le 1er avril 2004, a été signé un avenant audit contrat aux termes duquel la distribution des produits de la société Steyr par la société Ruag a été étendue aux armes à usage militaire.
Suivant préavis contractuel de 6 mois l'accord a été résilié avec effet au 27 juin 2008.
Le 8 juillet 2008, un nouvel accord de distribution a été signé entre les parties pour une durée de deux années. A son terme, il n'a pas été renouvelé, mais les relations commerciales se sont poursuivies entre les parties.
Soutenant que par courriel du 14 décembre 2010, la société Steyr avait rompu leur relation commerciale de manière brutale, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, la société Ruag a, par acte du 29 juin 2012, assigné la société Steyr devant le tribunal de commerce de Paris en réparation du préjudice subi.
Par jugement du 7 octobre 2013, le tribunal de commerce de Paris a déclaré irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par la société Steyr.
Par jugement du 5 octobre 2016, le tribunal de commerce de Paris a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- condamné la société Steyr à payer à la société Ruag la somme de 68 872,66 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2011, déboutant pour le surplus, ce avec anatocisme,
- débouté la société Steyr de sa demande de dommages et intérêts,
- condamné la société Steyr à payer la somme de 7 000 euros à la société Ruag au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, déboutant pour le surplus,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- dit les parties mal fondées en leurs demandes autres, plus amples ou contraires et les en a déboutées,
- condamné la société Steyr aux dépens de l'instance.
La société Steyr a interjeté appel du jugement par déclaration au greffe du 22 novembre 2016.
La procédure devant la cour a été clôturée le 5 février 2019.
Vu les conclusions du 28 janvier 2019 par lesquelles la société Steyr Arms, appelante, invite la cour, à :
- confirmer le jugement en ce qu'il a écarté, au titre de sa motivation, les demandes faites par la société Ruag sur la base d'un prétendu retrait d'une soi-disant exclusivité,
pour le surplus,
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 5 octobre 2016 dans toutes ses dispositions,
statuant de nouveau,
- dire les demandes de la société Ruag infondées en droit et en fait,
- débouter la société Ruag de toutes ses demandes,
- condamner la société Ruag à lui verser la somme de 40 000 euros pour procédure abusive,
- condamner la société Ruag à lui verser la somme de 30 000 euros au visa de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Ruag aux entiers dépens de l'instance ;
Vu les conclusions du 4 février 2019 par lesquelles la société Ruag Ammotec France, intimée, demande à la cour, au visa des articles 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, 9 du Code de procédure civile, L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et du principe de loyauté dans l'administration de la preuve, de :
à titre liminaire,
- constater que le procès-verbal de constat dressé à la requête de la société Steyr du 30 mars 2017 ne contient aucune indication sur la qualité du tiers qui a assisté l'huissier,
- constater que l'huissier n'a pas été directement témoin des déclarations qu'il relate dans son procès-verbal de constat,
- constater que le procès-verbal de constat contient des indications contradictoires,
en conséquence,
- prononcer la nullité de ce procès-verbal de constat,
- l'écarter des débats,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la société Steyr a rompu de façon brutale la relation commerciale établie qu'elle entretenait avec elle,
- l'infirmer en ce qu'il a fixé à un an la durée du préavis que la société Steyr eût dû lui accorder et arrêté le préjudice subi par elle à la somme de 68 872,66 euros,
- juger que cette durée eût dû être de 18 mois,
- fixer à la somme de 103 303,98 euros, avec intérêts au taux légal et anatocisme, à compter de l'assignation introductive d'instance, le montant de l'indemnité qui lui est due,
- condamner la société Steyr à lui payer la somme de 103 303,98 euros, avec intérêts au taux légal et anatocisme, à compter de l'assignation introductive d'instance,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé à la somme de 7 000 euros le montant de l'indemnité due en application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés par elle en première instance,
- débouter la société Steyr de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et d'indemnité de procédure,
- condamner la société Steyr à lui payer :
la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif,
la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,
- condamner la société Steyr en tous les dépens de première instance et d'appel dont, pour ces derniers, distraction au profit de Me Michel Wolfer, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
SUR CE, LA COUR,
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
En application de l'article 954 alinéa 2 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.
Sur la nullité du procès-verbal de constat d'huissier du 30 mars 2017
La société Ruag soutient que le procès-verbal de constat produit par la société Steyr est nul, au motif, d'une part que l'indépendance du tiers témoin n'est pas établie, et, d'autre part, que le constat n'indique pas les circonstances dans lesquelles le témoin, M. X, s'est prêté à une simulation d'achat auprès de la société Ruag. Elle ajoute qu'en toute hypothèse la circonstance que les opérateurs de la société Ruag aient pu indiquer à M. X que le catalogue était réservé aux professionnels n'implique en rien que la société Steyr, en manifestant sa volonté de figurer audit catalogue, entendait maintenir ses relations commerciales avec la société Ruag.
La société Steyr réplique que les diligences entreprises par huissier de justice ont valeur authentique jusqu'à inscription de faux, et relève que la société Ruag n'a pas engagé de procédure en inscription de faux, de sorte qu'elle ne saurait dans la présente instance soutenir que l'huissier de justice aurait fait de fausses déclarations. En outre, elle fait valoir que ces constats ont valeur probante par présomption simple et que la société Ruag, sur qui pèse la charge de la preuve, ne démontre aucunement les prétendus liens existants entre Mr. A, auteur de l'attestation, et la société Steyr.
Il convient d'abord de relever qu'il est indiqué dans le procès-verbal de constat du 30 mars 2017 que M. X n'a aucun lien avec l'étude d'huissier ou l'un de ses membres, qu'il n'est aucunement démontré que M. X ait par ailleurs un lien de subordination avec la société Steyr. Dès lors, l'absence de précision sur ce point, à défaut de tout autre élément permettant de considérer que M. X ait un lien de dépendance avec la partie requérante, ne peut conduire à prononcer la nullité du procès-verbal de constat d'huissier.
Par ailleurs, s'il ressort clairement du procès-verbal de constat que l'huissier de justice n'a pas lui-même entendu la conversation, cette seule circonstance ne peut là encore conduire à la nullité du procès-verbal de constat, aucun élément du dossier ne permettant de considérer que les propos rapportés par M. X ont été restitués de manière erronée par l'huissier de justice. En revanche, ces considérations ont une incidence sur la valeur probante de ce procès-verbal, en ce que l'huissier de justice n'ayant pas entendu lui-même les propos tenus par l'interlocuteur de M. X, il ne peut être considéré qu'il a constaté lui-même les propos de l'interlocuteur, de sorte que cet acte ne revêt aucune valeur probante, celui-ci ne faisant que rapporter des propos qui auraient été échangés, sans qu'aucun autre élément du dossier ne puisse corroborer ces dires.
Il y a donc lieu de rejeter la demande de nullité du procès-verbal de constat du 30 mars 2017. En revanche, celui-ci ne revêt pas de valeur probante.
Sur la rupture brutale des relations commerciales établies
La société Steyr soutient que le courrier électronique envoyé par la société Steyr le 14 décembre 2010 ne peut être qualifié de courrier de notification de rupture de relations commerciales établies. Elle explique en ce sens que d'une part, le courrier ne fait mention d'aucune rupture non équivoque, ce dernier ayant pour seul but d'informer la société Ruag d'une modification du schéma de distribution en France qui ne devait plus passer par la conclusion de contrats cadre. Elle relève d'ailleurs que ce courrier faisait suite à une demande de la société Ruag portant sur la négociation éventuelle d'un contrat cadre. Elle souligne qu'a contrario ce courrier manifeste une volonté explicite de poursuite de la relation commerciale, ayant expressément demandé à la société Ruag d'inscrire à son catalogue de vente les produits de sa marque. Elle soutient aussi n'avoir jamais opposé le moindre refus de vente à la société Ruag. Elle indique qu'en tout état de cause, elle a continué à recevoir en janvier, février et mars 2011 des commandes de la société Ruag et a en assuré la livraison. Elle conteste que la relation commerciale entre les parties ne pût se poursuivre en raison de l'existence d'un contrat de distribution exclusive entre elle et la société Simac, sur le marché français, et souligne que la société intimée ne rapporte aucune preuve à l'appui de ses allégations. Elle fait valoir au contraire que la rupture de la relation commerciale doit être imputée à la société Ruag, le courriel de cette dernière du 16 décembre 2010 démontrant que celle-ci avait décidé l'arrêt de tout courant d'affaires futur avec elle. Elle ajoute que cette volonté de mettre un terme à la relation commerciale litigieuse transparaît de nombreux actes de la société Ruag : elle a refusé de faire figurer dans son catalogue ses produits alors qu'elle ne distribue que les produits référencés dans son catalogue, elle a procédé aux retours de près de 345 produits Steyr, sans motifs, dès lors que la quasi-totalité de ces pièces n'était pas défectueuse et constituait des pièces de rechange nécessaires à la réalisation des opérations de services après-vente.
Elle affirme que la société Ruag ne peut alléguer qu'une exclusivité avait été accordée par elle à la société Simac, société concurrente, en France pour prétendre avoir été écartée du marché français.
La société Ruag soutient que par courriel du 14 décembre 2010, la société Steyr l'a informée de sa décision de changer sa stratégie de distribution en France et de rechercher un nouveau réseau afin d'importer et distribuer ses produits en France. Elle soutient que contrairement aux dires de la société Steyr, celle-ci n'entendait pas modifier son schéma de distribution sur le territoire français mais avait décidé d'un changement de distributeur en France. En tout état de cause, elle explique que ce nouveau réseau de distribution en France avait nécessairement vocation à se substituer à elle, ayant une exclusivité de distribution desdits produits en France. Elle relève que la société Steyr a confié dès 2011 la distribution exclusive de ses produits en France à la société Simac. Elle explique que la demande formulée par la société Steyr de voir ses produits figurer au catalogue " Ruag 2011 " est sans lien avec la poursuite des relations commerciales de distribution. Elle souligne que l'utilisation du terme " Nevertheless " / " Néanmoins ", signifie précisément que cette demande est d'une nature différente. En tout état de cause, elle fait valoir que la mention d'un produit sur ledit catalogue ne signifie aucunement qu'existe pour elle une obligation d'en assurer la distribution. Elle fait valoir que la demande de la société Steyr de voir ses produits figurer à son catalogue ne présume aucunement de la volonté de cette dernière de poursuivre le courant d'affaires avec elle. Elle estime que l'absence de réponse de sa part ne constitue pas un acte de refus de poursuite de la relation commerciale. Elle indique avoir pris acte de la rupture par courriel du 30 décembre 2010, et avoir sollicité un préavis d'un an. Elle excipe aussi que la société Steyr ne lui a jamais indiqué qu'elle pouvait passer commande aux mêmes conditions que précédemment. Elle souligne que l'existence d'une exclusivité consentie à la société Simac par la société Steyr, l'empêchait de passer directement commande auprès de la société Steyr.
Elle ajoute que les courriels du 16 décembre 2010 ne sauraient s'interpréter comme manifestant la volonté de la société Ruag de mettre fin à la relation commerciale avec la société Steyr, dès lors que celle-ci avait déjà procédé à la notification de cette rupture le 14 décembre 2010.
Elle relève, s'agissant des retours de produits à la société Steyr, que ces derniers étaient intervenus près de trois mois avant le courrier de rupture de la société Steyr, et concernaient en toute hypothèse des armes défectueuses, et des excédents de pièces détachées dans les stocks. Elle indique que la société Steyr a refusé de satisfaire à ses commandes postérieurement au 14 décembre 2010 et notamment un fusil " Bevarian ". Elle en déduit que la société Ruag ne pouvait librement passer de commandes auprès de la société Steyr à compter du 14 décembre 2010. S'agissant des factures de 2011 produites par la société Steyr, elle souligne d'une part que les commandes visées n'ont pas toutes été honorées, et que d'autre part, ces commandes concernaient principalement des pièces détachées nécessaires pour assurer le service après-vente de produits vendus antérieurement à la rupture, et qu'en tout état de cause, les parties avaient verbalement convenu que les commandes de la société Ruag pourraient être exécutées jusqu'en janvier 2011, la société Steyr ayant précisé que la rupture prendrait formellement effet en février 2011. Elle conclut que la rupture brutale des relations commerciales établies est intervenue le 14 décembre 2010, avec effet en février 2011, par courrier électronique de la société Steyr.
Les parties s'accordent sur la durée de la relation commerciale et son caractère établi. En revanche, elles s'opposent sur l'auteur, la date de l'annonce de la rupture et sur sa brutalité.
Aux termes de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce :
" Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...) de rompre unilatéralement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.
Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ".
Sur l'auteur de la rupture
Il ressort de l'instruction du dossier que :
- le premier contrat liant les parties portait sur une distribution exclusive en France des produits de la société Steyr par la société Ruag,
- le second contrat liant les parties portait sur la distribution en France des produits de la société Steyr par la société Ruag, sans clause d'exclusivité,
- la relation commerciale entre les parties s'est poursuivie après le terme du second contrat, soit le 8 juillet 2010, sans qu'un nouveau contrat ne soit signé.
La société Ruag soutient d'abord qu'elle bénéficiait d'une exclusivité sur le territoire français avec la société Steyr, y compris après 2008, et ce jusqu'à la rupture.
Or, aucun élément du dossier ne permet de considérer que l'exclusivité de la société Ruag sur le territoire français avait perduré de fait à compter de 2008, l'exclusivité ne pouvant se présumer, étant relevé que le fait que la société Ruag se soit présentée en 2008 et en 2009 comme le distributeur exclusif des produits de la société Steyr ou qu'elle ait participé sur ces années à 50 % du plan média de la société Steyr, ne peut suffire à démontrer cette exclusivité accordé par celle-ci, alors qu'il ressort clairement de la succession des dispositions contractuelles que la société Steyr a entendu volontairement enlever le caractère exclusif de la distribution de ses produits par la société Ruag.
Par ailleurs, le courriel du 14 avril 2009 (pièce Ruag n° 29) envoyé par la société Steyr à la société Ruag porte principalement sur le marché du " Bénélux " et les indications de la société Steyr relatives à son choix de ne recourir qu'à un seul distributeur font uniquement référence à l'objet du courriel à savoir la distribution sur le territoire du " Bénélux " et nullement sur le territoire français, la dernière phrase du courriel, relative, celle-ci, à la France, ne faisant état d'aucune exclusivité, ne portant que sur la poursuite de leurs relations sur cette zone seulement et non plus également sur le Bénélux.
Enfin, il ne peut être tiré aucune conséquence du maintien du chiffre d'affaires entre les périodes pendant lesquelles la société Ruag bénéficiait de l'exclusivité et celles où elle n'en bénéficiait pas contractuellement.
Dès lors, lorsque la société Steyr a écrit à la société Ruag par courriel du 14 décembre 2010 notamment " We have discussed and reflected the situation regarding the french market end of last week and C B H Y F G X I E distribution channels. So, we are actually researching a new distribution channel in France, which will import and distribute our products in 2011. Nevertheless, we are still interested to book in the new 2011 Ruag France catalogue as the hunter's 'bible' for all hunting equipement. Please offer a participation of 5 pages to us ", ce courriel faisait suite à une demande de la société Ruag du 6 décembre 2016 au terme de laquelle elle demandait à la société Steyr si elle avait pris sa décision concernant la signature d'un " distribution agreement ", contrat de distribution.
Plus précisément, ces échanges démontrent, contrairement à ce que soutient la société Ruag, que les parties étaient en discussion pour déterminer les conditions d'une future collaboration, que la société Steyr n'a pas signifié la fin des relations commerciales avec la société Ruag mais uniquement un changement de son mode de distribution en France, cherchant un nouveau " channel " soit un nouveau circuit de distribution, sans l'exclure, demandant d'ailleurs à continuer à apparaître sur le catalogue de la société Ruag, ce qui implique nécessairement que cette dernière commercialisait ses produits.
Ainsi, il apparaît que la société Ruag, qui ne démontre pas avoir bénéficié d'une exclusivité jusqu'à cette date, ne peut soutenir que l'équilibre contractuel a été modifié, puisqu'elle peut pour l'année 2011 à venir toujours proposer les produits de la société Steyr dans son catalogue. Il ne peut être raisonnablement soutenu que la demande de paraître dans son catalogue n'implique pas une poursuite des relations commerciales, celles-ci se caractérisant par le fait que la société Ruag commande à la société Steyr les produits dont elle assure la distribution à travers son catalogue.
Or, la société Steyr démontre qu'un commercial de la société Ruag lui a fait savoir par courriel du 16 décembre 2010 intitulé " dernière livraison " qu'ils ont été informés en interne à la société Ruag qu'ils devaient arrêter leur activité avec la société Steyr à la fin du mois de décembre (pièce n° 2 Steyr) et que des échanges sont ensuite intervenus entre les parties pour organiser les dernières livraisons y compris au mois de janvier 2011.
Par ailleurs, c'est suite à ce courriel que la société Ruag a fait savoir le 30 décembre 2010 à la société Steyr qu'elle sollicitait un délai de préavis d'un an et une indemnisation de sa part, dont elles devaient ensuite discuter au cours du mois de janvier 2011.
Dans ces conditions, il apparaît que c'est la société Ruag qui a pris la décision de cesser toute commande auprès de la société Steyr, étant d'ailleurs relevé qu'elle ne démontre pas que cette dernière a refusé de lui livrer une commande, hormis celle relative à un fusil qu'elle ne commercialise pas, et que la société Simac était en 2011 distributeur exclusif des produits Steyr, aucune pièce ne l'établissant.
Au regard de ces éléments, il y a lieu de considérer que la société Ruag est l'auteur de la rupture des relations commerciales établies avec la société Steyr, la société Ruag ayant cessé de procéder à toute commande auprès de la société Steyr.
Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a condamné la société Steyr à payer à la société Ruag la somme de 68 872,66 euros, outre intérêt au taux légal à compter du 29 juin 2011, déboutant pour le surplus, ce avec anatocisme, les demandes de la société Ruag devant dès lors être rejetées.
Sur la demande de dommages et intérêts de la société Ruag pour appel abusif
Compte tenu du sens de la décision, la société Steyr ayant obtenu gain de cause, il y a lieu débouter la société Ruag de sa demande de ce chef.
Sur la demande de dommages et intérêt de la société Steyr pour procédure abusive
L'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol. L'appréciation inexacte qu'une partie se fait de ses droits n'est pas constitutive en soi d'une faute.
La société Steyr ne rapporte pas la preuve de ce que l'action de la société Ruag aurait dégénéré en abus. Elle doit être déboutée de sa demande de dommages intérêts.
Le jugement doit être confirmé sur ce point.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement déféré sur le sort des dépens et des frais irrépétibles.
La société Ruag doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à la société Steyr la somme de 20 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du Code de procédure civile formulée par la société Ruag.
Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté la société Steyr de ses demandes ; Le confirmant sur ce point ; Statuant à nouveau ; Déboute la société Ruag de l'ensemble de ses demandes ; Y ajoutant ; Rejette la demande de nullité du procès-verbal de constat du 30 mars 2017'; Condamne la société Ruag aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à la société Steyr la somme de 20 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette toute autre demande.