CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 3 avril 2019, n° 18-18474
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Coty France (SAS)
Défendeur :
VDD (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseiller :
M. Bedouet
Avocats :
Mes Guerre, Ponthieu, Rattalino, Olivier Martin
FAITS ET PROCÉDURE
La société Coty France a pour objet le négoce de produits cosmétiques. Elle exploite en France un réseau de distribution sélective de produits cosmétiques et de parfumerie de luxe de différentes marques.
La société VDD (anciennement dénommée PCkado), créée en 2002, a pour activité le commerce, principalement sur internet, de matériel informatique et hifi.
Au mois de février 2013, la société Coty a constaté la commercialisation, sur le site www.ventedudiable.com, créé et édité par PCkado, de certains de ses parfums de luxe habituellement distribués par son réseau de distribution sélective, et, ce, à prix réduits et dans le cadre d'une vente privée à durée limitée. Il s'agissait de parfums des marques XXX.
S'agissant de parfums distribués par l'intermédiaire de son réseau de distribution sélective et dans la mesure où la société VDD n'en était pas membre, la société Coty France a, par lettre recommandée du 27 février 2013, mis en demeure cette dernière de lui communiquer le nom des fournisseurs de ces parfums et d'en cesser immédiatement la vente.
Suite à cette mise en demeure, la société VDD a cessé de commercialiser ces parfums sur son site internet et demandé à la société Coty France de justifier de la licéité de son réseau de distribution sélective.
Le 5 juin 2013, la société Coty France a assigné la société VDD devant le tribunal de commerce de Marseille aux fins, notamment, de la voir condamner au paiement de dommages et intérêts et au titre de son préjudice moral.
Par jugement du 25 mars 2014, le tribunal de commerce de Marseille :
- s'est déclaré compétent,
- a :
- constaté que les produits de marques XXX sont commercialisés en France par la société Coty France par l'intermédiaire d'un réseau de distribution sélective,
- dit et jugé licite le réseau de distribution sélective de la société Coty France,
- constaté que la société PCkado a commercialisé sur le site www.ventedudiable.com des parfums créés par la société Coty France sous les marques XXX,
- pris acte que la société PCkado n'est pas un distributeur agréé de la société Coty France,
- dit et jugé que la vente des produits des marques XXX par la société PCkado sur le site www.ventedudiable.com sans l'autorisation de la société Coty France est constitutive de concurrence déloyale et de publicité trompeuse,
- condamné la société VDD à payer à la société Coty la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts au titre de la violation du réseau de distribution sélective et du préjudice moral qu'elle a subi, notamment au regard de l'atteinte à son image de marque, du fait des actes de concurrence déloyale et de publicité trompeuse commis par la société PCkado,
- ordonné à la société VDD ou à toute personne qu'elle se substituerait par la suite en qualité d'éditeur du site www.ventedudiable.com, la publication de la présente décision sur la page d'accueil du site internet www.ventedudiable.com sur au moins le quart de la page d'accueil, dans les huit jours de la signification du présent jugement et passé ce délai, sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard et par jour manquant, pendant un mois,
- débouté la société Coty France de sa demande de condamnation de la société PCkado à publier la présente décision dans trois magazines au choix de la société Coty France et aux frais exclusifs de la société PCkado dans la limite de 10 000 euros,
- constaté que les parfums de marques suivantes sont commercialisés au sein du réseau de distribution sélective de la société Coty France : XXX,
- ordonné à la société PCkado de respecter le réseau de distribution sélective de la société Coty France et en conséquence lui ordonner de ne pas commercialiser sur le site Internet www.ventedudiable.com ou de quelque autre manière que ce soit, les parfums des marques du réseau de distribution sélective de la société Coty France : XXX,
- condamné la société VDD à payer à la société Coty la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens,
- condamné la société PCkado aux dépens,
- ordonné pour le tout, l'exécution provisoire.
La société PCkado, a interjeté appel de ce jugement.
Vu les dernières conclusions de la société Coty France, appelante, déposées et notifiées le 23 janvier 2019 par lesquelles il est demandé à la cour de :
Vu le Règlement n° 330/2010 du 20 avril 2010 et les lignes directrices y afférentes de la Commission européenne,
vu les articles 1382 du Code civil, L. 442-6, I, 6° du Code de commerce, et L. 121-1 du Code de la consommation,
- juger recevable et bien fondée la société Coty en toutes ses demandes, moyens, fins et prétentions,
Y faire droit, et en conséquence,
- confirmer partiellement le jugement déféré en ce qu'il a reconnu la licéité du réseau de distribution sélective de Coty et a jugé que PCkado a commis des actes de concurrence déloyale en commercialisant les parfums de Coty sur son site causant ainsi un préjudice à Coty,
- confirmer partiellement ce même jugement en ce qu'il a ordonné sa publication sur la page d'accueil du site, sur au moins le quart de la page d'accueil, dans les huit jours de la signification du jugement à venir et passé ce délai, sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard et par jour manquant, pendant un mois,
- infirmer partiellement ce même jugement en ce qu'il a débouté Coty de sa demande de publication du jugement dans trois magazines de son choix aux frais de PCkado dans la limite de 10 000 euros,
- ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois magazines au choix de Coty et aux frais de PCkado dans la limite de 10 000 euros,
- infirmer partiellement le jugement de première instance en ce qu'il a évalué le préjudice de Coty, au titre de la violation du réseau de distribution sélective et du préjudice moral, à 5 000 euros,
- condamner PCkado au paiement à Coty de la somme de 300 000 euros de dommages intérêts au titre du préjudice subi,
- enjoindre à PCkado qui commercialise sur son site www.ventedudiable.com les produits litigieux, de communiquer le nom des fournisseurs, autres que la société Twin Import SARL, auprès desquels elle s'est approvisionnée pour la vente des produits des marques, et de transmettre les factures correspondantes,
- ordonner l'interdiction de toute commercialisation sur le site Internet www.ventedudiable.com, ou sur tout autre site Internet, ou de quelque autre manière que ce soit, des parfums des marques distribuées par la société Coty : XXX,
- ordonner l'interdiction définitive de toute utilisation non autorisée des droits de propriété intellectuelle de la société Coty portant sur les parfums des marques qu'elle distribue : XXX, et notamment l'utilisation du nom de ces marques sur le site internet www.ventedudiable.com, ou tout autre site Internet, ou de quelque autre manière que ce soit, et des photographies de leurs produits,
- ordonner la communication de tous les éléments comptables de PCkado, depuis l'année de son immatriculation, soit depuis 2002, afférents à la vente des marques, de manière à permettre à Coty de parfaire son préjudice par la suite,
- se réserver, le cas échéant, la liquidation des astreintes,
- rappeler le caractère exécutoire de l'arrêt à intervenir ;
- condamner PCkado à payer à la société Coty la somme de 25 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions de la société VDD, intimée, déposées et notifiées le 27 novembre 2018 par lesquelles il est demandé à la cour de :
Vu le Règlement n° 330/2010 du 20 avril 2010 et les lignes directrices sur les restrictions verticales, 2010/C 130/010,
vu l'article L. 420-1 du Code de commerce,
A titre principal,
- constater que le réseau de distribution sélective de la société Coty est illicite,
- constater que la société VDD n'a pas commis de faute,
en conséquence,
- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société Coty de sa demande de publication judiciaire du jugement du tribunal de commerce de Marseille dans trois magazines de son choix,
- débouter la société Coty de toutes ses demandes reconventionnelles et incidentes,
- condamner la société Coty à payer à la société VDD la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
à titre subsidiaire,
- constater que la société Coty ne démontre pas avoir subi un quelconque de préjudice,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société VDD au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- débouter la société Coty de toutes ses demandes reconventionnelles et incidente,
- juger que la demande de publication judicaire de la présente décision formulée par la société Coty n'a plus d'objet et débouter la société Coty de la demande de publication judiciaire,
- condamner la société Coty à payer à la société VDD la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Par arrêts du 29 juin 2016, relatifs à d'autres contentieux de la société Coty France, la cour d'appel de Paris a jugé que le réseau de distribution sélective de celle-ci n'était pas licite.
La société Coty a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt.
Par arrêt du 16 mai 2018, la Cour de cassation a cassé partiellement la décision du 29 juin 2016, sans toutefois trancher la question de la licéité du réseau de distribution de la société Coty.
SUR CE, LA COUR,
Sur la licéité du réseau de distribution sélective de la société Coty France
La société VDD soutient que la société Coty ne justifie pas de l'existence de son réseau, que celui-ci est illicite au regard des trois conditions posées par la jurisprudence et en ce qu'il contient plusieurs restrictions caractérisées, et, enfin, qu'il n'est pas étanche.
Sur l'existence du réseau
La société Coty justifie qu'elle a mis en place en France un réseau de distribution sélective de ses produits par la communication des éléments suivants :
- son contrat de distributeur agréé type, ainsi que plusieurs contrats signés, dont les contrats de ses deux distributeurs agréés les plus importants, les sociétés Marionnaud et Séphora (pièces n° 3, 5 et 15),
- plusieurs articles parus sur Internet et évoquant les contrats de licence signés par Coty avec les différentes marques (pièce n° 2),
- plusieurs photographies d'emballages de parfums sur lesquels il est indiqué " Ce produit ne peut être vendu que par des distributeurs agréés " en français et en anglais, mais également la dénomination sociale du créateur du parfum, à savoir Coty, ou Coty Inc. à New York, ou Coty Prestige Monaco pour la marque Lancaster (pièce n° 19), démontrant ainsi que Coty est le créateur des parfums, ou à tout le moins que cette société, sauf preuve contraire, qui pèse sur PCkado, a qualité pour les commercialiser,
- le courrier de la Commission européenne ayant validé le contrat type de distributeur agréé qui lui avait été notifié par la société Coty en 1997, lorsqu'une telle notification était encore obligatoire, ce qui n'est désormais plus le cas, tel que cela sera exposé ci-après (pièces n° 20).
La cour estime qu'il ne peut être fait obligation à la société Coty de verser aux débats tous ses contrats de distribution, dès lors qu'il s'agit de contrats types identiques sur le territoire français.
Sur la licéité du réseau
À cet égard, la cour a déjà relevé que l'organisation d'un réseau de distribution sélective ne relève pas de l'interdiction de l'article 101, paragraphe 1, TFUE, pour autant que le choix des revendeurs s'opère en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, fixés d'une manière uniforme à l'égard de tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire, que les propriétés du produit en cause nécessitent, pour en préserver la qualité et en assurer le bon usage, un tel réseau de distribution et, enfin, que les critères définis n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire (arrêts de la Cour de justice du 25 octobre 1977, Metro SB Großmärkte/Commission, 26/76, Rec. p. 1875, point 20, ainsi que du 11 décembre 1980, L'Oréal, 31/80, Rec. p. 3775, points 15 et 16).
La société VDD soutient que la société Coty ne peut se prévaloir de distribuer des produits de luxe, tant au regard de la nature de ces produits qu'au regard de la politique de commercialisation qu'elle mène.
Mais elle ne démontre pas en quoi les parfums dits de " stars " (XXX) ne répondraient pas aux critères des produits haut de gamme, dont la distribution nécessite une présentation valorisante, la circonstance que les produits Coty soient vendus dans les enseignes Séphora et V ou dans les magasins duty free des aéroports, tous lieux de distribution répondant à des critères d'aménagement reflétant le prestige des marques, ne pouvant contredire cette nécessité. La circonstance que ces parfums soient destinés à une clientèle jeune, soumise aux effets de mode et se voient appliquer un positionnement prix différent, ce qui n'est d'ailleurs pas établi, ne peut en soi suffire à définir un marché pertinent différent, où les produits échangés ne pourraient bénéficier de la protection d'un réseau de distribution sélective.
Il n'est par ailleurs pas sérieusement contesté, en l'espèce, que les parfums haut de gamme vendus par la société Coty France n'appartiendraient pas au segment des produits de luxe.
La société VDD soutient également que les critères de sélection prévus à l'article 3.6 du contrat et aux points 7 et 10 de l'annexe 1 du contrat de distribution, sont disproportionnés.
Il convient donc d'apprécier la licéité, au regard de l'article 101, paragraphe 1, TFUE, des clauses litigieuses. Une clause contractuelle particulière visant à préserver l'image de luxe des produits concernés est licite au regard de l'article 101, paragraphe 1, TFUE, pour autant qu'elle remplit les conditions énoncées plus haut.
Il n'est pas contesté que les clauses litigieuses ont pour objet de préserver l'image de luxe des produits, sont fixées de manière uniforme et appliquées de façon non discriminatoire à l'égard de tous les distributeurs agréés.
Dès lors, il convient de vérifier si, dans des circonstances telles que celles en cause, ces clauses sont proportionnées au regard de l'objectif poursuivi, c'est-à- dire si ces restrictions sont appropriées pour préserver l'image de luxe des produits en cause et si elles ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.
Or, le point 7, qui prévoit que le distributeur agréé doit assurer la promotion de l'image de marque de Coty et doit faire possible pour participer aux différentes campagnes promotionnelles organisées par Coty, et le point 10, qui impose aux distributeurs agréés de réaliser un montant minimum d'achat annuel fixé par Coty qui ne pourra être inférieur à 40 % du chiffre moyen d'achats réalisés au cours de l'année écoulée, ne sont pas excessifs au regard de l'objectif de préservation de l'image de luxe de produits.
La société VDD soutient également que le réseau de distribution sélective de la société Coty France est illicite en ce qu'il contient plusieurs restrictions caractérisées, ayant un objet anticoncurrentiel et le privant de l'exemption par catégorie du règlement UE 330/2010, dès lors que :
- l'article 3.4.2 du contrat de distributeur agréé de Coty France revient à interdire la vente aux agents d'achats agissant pour le compte des utilisateurs finals,
- l'article 3.4.3 du contrat prévoit l'interdiction de revendre à des distributeurs non agréés en des termes très généraux alors que la société Coty France ne rapporte pas la preuve en l'espèce que son réseau de distribution sélective couvre l'intégralité des territoires de l'Union européenne,
- l'article 3.4.3.3 du contrat interdit au distributeur de réaliser des ventes actives d'un nouveau produit dans un Etat membre de l'Union européenne où Coty n'a pas encore mis en vente ledit produit, et ce pendant un délai d'un an à compter de la date du premier lancement du produit dans un Etat membre,
et ce sans aucune justification.
Mais elle ne tente pas même de démontrer ces allégations, se contentant de renvoyer à deux arrêts cassés de la présente cour, alors qu'un arrêt plus récent du 28 février 2018 (RG : 16/02263) a, aux termes d'une analyse détaillée, estimé ces clauses proportionnées aux nécessités de la distribution des produits en cause, donc non contraires à l'alinéa 1 de l'article 101 du TFUE.
Le système de distribution est donc licite.
Sur l'étanchéité du réseau
Il ne s'agit pas d'une condition de validité du réseau. En toute hypothèse, aucune preuve de défaut d'étanchéité n'est versée aux débats, démonstration n'étant pas faite que les sites hors réseau distribuant les parfums Coty l'aient fait en accord avec Coty, le fabricant de parfums ayant engagé de nombreuses procédures contre certains d'entre eux.
Sur les fautes imputables à la société PCkado
La société Coty soutient que la commercialisation des parfums de ses marques par la société PCkado sur son site est constitutive d'acte de concurrence déloyale, de parasitisme et de publicité trompeuse. Elle expose que les produits indûment commercialisés par PCkado reproduisent la mention : " ce produit ne peut être vendu que par les distributeurs agréés " et qu'il est constant que la commercialisation de produits portant cette mention, par un distributeur qui n'a pas la qualité de distributeur agréé, est mensongère, car elle fait croire à ses clients qu'il opère en tant que distributeur agréé. Elle souligne que les pratiques sont qualifiables de concurrence déloyale et de parasitisme et que ses produits ont été bradés sur un site dévalorisant, ce qui lui a causé un manque à gagner et un préjudice moral.
La société PCkado expose que le seul fait, pour un tiers, d'acquérir et de commercialiser des produits faisant l'objet d'un contrat de distribution sélective n'est pas constitutif d'un acte de concurrence déloyale. Elle souligne s'être approvisionnée auprès de la société Twin import, qui n'est pas un distributeur agréé.
Il résulte des pièces du dossier qu'au mois de février 2013, la société Coty a constaté la commercialisation de certains de ses parfums sur le site ventedudiable.com de la société PCkado. Par ailleurs, le 12 février 2013, la société Coty a fait constater par voie d'huissier de justice l'organisation d'autres ventes, du 16 au 18 décembre 2012, du 15 au 20 janvier 2013 et du 12 au 13 février 2013.
La société PCkado a justifié s'être approvisionnée auprès de la société Twin, qui n'était pas un distributeur sélectif du réseau Coty. Elle ne peut donc se voir reprocher la violation de l'article L. 442-6, I, 6° du Code de commerce qui prévoit qu': " engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers [...] de participer directement ou indirectement à la violation de l'interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective ou exclusive exempté au titre des règles applicables au droit de la concurrence ". La régularité de son approvisionnement n'étant pas contestée, et n'ayant pas à rechercher et démontrer que la société Twin s'était-elle même approvisionnée régulièrement en dehors du réseau, elle ne pourra pas davantage se voir imputer un grief de concurrence déloyale pour complicité de vente hors réseau.
La cour ne peut davantage la convaincre de parasitisme, le dispositif des conclusions de la société
Coty n'en faisant pas état.
En revanche, les produits Coty étaient commercialisés dans des conditions portant atteinte à leur image de marque, ceux-ci étant vendus sur la page d'accueil du site de VDD à proximité de produits incompatibles avec cette image, entre des chaises hautes de puériculture et des instruments de snowboard, sans permettre la dispensation de conseils et en dehors d'un point de vente agréé. La page d'accueil du site de PCkado, qui ne respecte pas la charte graphique de Coty, présente en effet les différentes " ventes privées " accessibles à une même période, sans aucune distinction selon le standing des produits. Cette société s'est donc rendue responsable de concurrence déloyale.
Par ailleurs, en commercialisant les produits de Coty France reproduisant la mention : " ce produit ne peut être vendu que par les distributeurs agréés ", alors qu'elle n'était pas membre de son réseau de distribution sélective, la société PCkado a usurpé la qualité de distributeur agréé de Coty France sous laquelle elle s'est présentée, et s'est rendue coupable d'actes de publicité trompeuse, susceptible d'altérer, de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard de ces produits et donc de concurrence déloyale à l'égard de la société Coty.
Sur le préjudice subi par la société Coty France
La société Coty France caractérise son préjudice par :
- le manque à gagner résultant des nombreuses commercialisations illicites de PCkado,
- la violation de son réseau de distribution sélective et la désorganisation consécutive,
- le discrédit auprès de ses détaillants, envers lesquels Coty a une obligation de préserver l'étanchéité de son réseau,
- le discrédit auprès des titulaires des marques de luxe dont Coty est le licencié,
- l'atteinte à son image de marque auprès des consommateurs.
La société PCkado réplique qu'elle n'a commercialisé les produits litigieux que pendant une très courte période de quatre jours, que cette vente n'a donc constitué qu'une infime partie de son activité, qu'elle ne s'est jamais présentée comme un distributeur Coty et, enfin, qu'elle a immédiatement cessé la commercialisation litigieuse dès la mise en demeure de la société Coty. Elle expose enfin que le fonctionnement du site était tel que l'accès aux ventes privées requérait une identification à l'entrée du site, ce qui empêchait le référencement des produits sur les comparateurs de prix et moteurs de recherche et que, par conséquent, aucun circuit de distribution n'a pu être déstabilisé par l'apparition d'offres à prix décotés, de sorte qu'aucune désorganisation du réseau ne peut lui être imputée.
Il s'infère nécessairement d'un acte de concurrence déloyale un trouble commercial constitutif de préjudice, fût-il seulement moral.
Il convient de prendre en considération que les pratiques litigieuses ont été constatées à trois reprises, et portaient sur un nombre élevé de produits.
Compte tenu de l'atteinte portée à l'image de luxe des marques et du discrédit jeté auprès de leurs titulaires, de la tromperie des consommateurs, et des frais engagés par Coty pour la défense de son réseau, il convient d'évaluer à 100 000 euros le préjudice subi par la société Coty France du fait de la concurrence déloyale.
Le jugement entrepris sera donc infirmé sur le quantum alloué et la société VDD sera condamnée à payer à la société Coty la somme de 100 000 euros.
Sur la demande d'interdiction de commercialiser
La société Coty France demande à la cour d'ordonner à la société VDD de respecter son réseau de distribution sélective, et en conséquence, de lui ordonner de ne pas commercialiser sur son site internet ou de quelque autre manière que ce soit, les parfums des marques présentes ou à venir du réseau de distribution sélective de la société Coty France, et de lui interdire toute utilisation non autorisée de ses droits de propriété intellectuelle.
Mais, en l'absence de continuation des pratiques, aucune injonction de faire ne saurait être prononcée par la cour pour le futur, à peine d'excès de pouvoir.
Il en est de même des demandes d'injonctions de communiquer les fournisseurs de VDD ou tous les éléments comptables de PCkado. Ces demandes seront donc rejetées.
Sur les demandes de publication sur le site internet de VDD et dans trois magazines
La cour estime que le dommage est suffisamment réparé par l'allocation de dommages intérêts. Ces demandes seront donc rejetées.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Succombant au principal, la société VDD supportera les dépens et sera condamnée à payer à la société Coty la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement entrepris, sauf sur le quantum de dommages intérêts pour la pratique de concurrence déloyale et sur les injonctions de publication sur la page d'accueil du site internet et tendant à cesser de commercialiser les produits Coty ; l'infirme sur ce points ; et, statuant à nouveau, Condamne la société VDD à payer à la société Coty la somme de 100 000 euros au titre de la concurrence déloyale ; Rejette les demandes d'injonction de publication sur la page d'accueil du site internet et tendant à cesser de commercialiser les produits Coty ; y ajoutant, Rejette les demandes de communication du nom des fournisseurs et des éléments comptables ; Condamne la société VDD à supporter les dépens ; Condamne la société VDD à payer à la société Coty la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.