CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 3 avril 2019, n° 17-12787
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Bourgoin Spirit (SARL), Tignieu Spirit (SARL), Blanchard (ès qual);
Défendeur :
Esprit de Corp France (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
M. Bedouet, Mme Comte
Avocats :
Mes Fertier, Teytaud, Bonneau, Touraille
FAITS ET PROCÉDURE
Les sociétés Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit sont toutes deux spécialisées dans le commerce de détail d'habillement en magasin spécialisé. Celles-ci ayant fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, Maître Jean Blanchard a été désigné en qualité de mandataire judiciaire liquidateur et représente leurs intérêts dans le cadre de cette instance.
La société Esprit de Corp. France (ci-après dénommée " la société Esprit ") est spécialisée dans le commerce de gros d'habillement et de chaussures. Elle est une filiale à 100% de la société Esprit Europe GmbH fabricant d'articles de prêt-à-porter et d'accessoires de mode pour femmes, hommes et enfants sous la marque " Esprit ". Elle est l'importateur exclusif en France des produits " Esprit ".
Le 30 septembre 2005, la société Esprit et la société Bourgoin Spirit, créées par M. et Mme X, ont conclu un contrat de concession d'enseigne prenant effet au 1er février 2006, pour une durée déterminée de 3 ans renouvelable, concernant un établissement situé à Bourgoin Jallieu.
Par la suite, fin 2009, la société Esprit a autorisé tacitement M. et Mme X à vendre au détail les produits " Esprit " sous l'enseigne et la marque " Esprit " dans un second établissement situé dans le centre commercial Leclerc de Tignieu Jameyzieu. Les époux X ont ainsi créé la société Tignieu Spirit le 19 mars 2010 aux fins de son exploitation.
Compte tenu de difficultés financières, les sociétés Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit n'ont pas été en mesure de s'acquitter de factures émises par la société Esprit.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 février 2013, la société Bourgoin Spirit a informé la société Esprit de sa décision de mettre un terme au partenariat commercial et donc de rompre le contrat de concession d'enseigne conclu le 30 septembre 2005 (Pièce n° 4 de Esprit).
La société Esprit a donc interrompu les livraisons sur le magasin de la société Bourgoin Spirit à compter du 19 avril 2013 (Pièce n° 6).
Par ailleurs et malgré les relances et les mises en demeure de payer adressées par la société Esprit, la société Tignieu Spirit est restée défaillante dans le règlement des factures (Pièce n° 5).
Face à la défaillance de la société Tignieu Spirit, la société Esprit l'informait par lettre du 19 avril 2013, de la résiliation du contrat de concession d'enseigne et par voie de conséquence, a interrompu les livraisons sur le magasin de la société Tignieu Spirit (Pièce n° 6).
Par jugements du tribunal de Vienne des 9 juillet et 3 septembre 2013, les sociétés Tignieu Spirit et Bourgoin Spirit ont été placées en liquidation judiciaire.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 août 2013, la société Esprit a déclaré sa créance au passif de la société Tignieu Spirit entre les mains de Maître Jean Yves Bermond, ès qualités de liquidateur judiciaire, pour un montant de 184 349,62 euros (Pièce n° 7).
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 septembre 2013, la société Esprit a déclaré sa créance au passif de la société Bourgoin Spirit entre les mains de Maître Jean Yves Bermond, ès qualités, pour un montant de 99 242,58 euros (Pièce n° 9).
Par acte extrajudiciaire du 30 avril 2014, Maître Jean Blanchard, pris en sa qualité de liquidateur des sociétés Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit, ainsi que M. et Mme X, ont assigné la société Esprit devant le tribunal de commerce de Paris.
Par jugement du 31 mai 2017, le tribunal de commerce de Paris a :
- pris acte de l'intervention volontaire de Maître Jean Blanchard, ès qualités de liquidateur des SARL Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit aux lieux et place de Maître Yves Bremond, ès qualités de liquidateur des SARL Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit,
- débouté Maître Jean Blanchard, ès qualités de liquidateur des SARL Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit, ainsi que M. et Mme X de toutes leurs demandes,
- fixé la créance de la SAS Esprit de Corp. France au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Bourgoin Spirit à la somme de 99 242,58 euros à titre chirographaire,
- fixé la créance de la SAS Esprit de Corp. France au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Tignieu Spirit à la somme de 184 349, 62 euros à titre chirographaire,
- condamné Maître Jean Blanchard, ès qualités de liquidateur des SARL Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit, au paiement, à la SAS Esprit de Corp. France d'une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
- condamné Maître Jean Blanchard, ès qualités de liquidateur des SARL Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 152,64 euros dont 25,22 euros de TVA.
La cour est saisie de l'appel interjeté par les sociétés Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit et M. et Mme X de ce jugement.
Vu les dernières conclusions des sociétés Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit, représentées par la Selarl MJalpes, prise en la personne de Maître Blanchard, mandataire ad hoc, et M. et Mme X, appelants, déposées et notifiées le 18 février 2019 par lesquelles il est demandé à la cour de :
Vu les articles 1108, 1109, 1110 et 1116, 1131, 1134, 1147, 1149 et 1184 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016), 700 du Code de procédure civil, 1240 et 1241 du Code civil (anc. art. 1382 et 1240 du même Code), L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce,
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
et, statuant à nouveau,
- dire que les concluants sont recevables en leurs actions et demandes,
- dire que le consentement de M. et Mme X a été vicié aux motifs que :
la société Esprit n'a pas fourni les documents précontractuels d'information,
la société Esprit n'a, par conséquent, pas communiqué l'état du marché ni les perspectives de développement sur toute la durée du contrat ainsi que toutes les informations imposées par l'article R. 330-1 du Code de commerce,
la société Esprit a communiqué des chiffres prévisionnels irréalistes,
- dire que M. et Mme X ont été victimes d'une erreur substantielle et provoquée relative à la rentabilité de leur entreprise,
- dire que la société Bourgoin Spirit, qui n'a jamais renoncé à se prévaloir des causes de nullité affectant le contrat de concession d'enseigne, est parfaitement fondée à en solliciter l'annulation,
- dire que la société Esprit a manqué à son obligation de bonne foi,
- dire que la société Esprit a gravement manqué à son obligation d'aide et d'assistance et à son obligation de fourniture,
- dire que les sociétés Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit sont propriétaires de leurs clientèles et ordonner la restitution par la société Esprit de leurs fichiers clientèle,
- dire que la société Esprit a usé de pratiques déloyales et anti concurrentielles à l'égard des sociétés concessionnaires en violation des contrats de concession,
en conséquence,
à titre principal :
1. S'agissant de la société Bourgoin Spirit, représentée par Maître Blanchard, ès qualités de mandataire ad hoc :
- prononcer la nullité du contrat de concession conclu avec la société Bourgoin Spirit,
- condamner en toute hypothèse la société Esprit à réparer les préjudices subis par la société Bourgoin Spirit au titre des manquements précontractuels commis par le concédant,
- condamner en conséquence la société Esprit à payer à titre de dommages intérêts à Maître Jean Blanchard, ès qualités de mandataire ad hoc de la société Bourgoin Spirit, les sommes suivantes :
32 666 euros au titre des redevances de publicité indument payées,
449 684,47 euros au titre du manque à gagner du fait de la non livraison des produits,
33 456,65 euros au titre du remboursement des investissements spécifiques non amortis,
345 000 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la perte de chance de mieux investir ses fonds,
- condamner la société Esprit à restituer à Maître Jean Blanchard, ès qualités, le fichier clientèle appartenant à cette dernière,
2. S'agissant de la société Tignieu Spirit, représentée par Maître Blanchard, ès qualités de mandataire ad hoc
- prononcer la nullité du contrat de concession conclu avec la société Tignieu Spirit,
- condamner la société Esprit à restituer à la société Tignieu Spirit, prise en la personne de Maître Jean Blanchard, la somme de 57 583 euros au titre des redevances de publicité,
- condamner la société Esprit à payer à titre de dommages intérêts à Maître Jean Blanchard, ès qualités, les sommes suivantes :
480 419,39 euros au titre du manque à gagner du fait de la non livraison des produits,
143 699,82 euros au titre du remboursement des investissements spécifiques non amortis,
355 000 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la perte de chance de mieux investir ses fonds,
- condamner la société Esprit à restituer à Maître Jean Blanchard, ès qualités, le fichier clientèle appartenant à cette dernière,
3. S'agissant des époux X
- condamner la société Esprit à payer à M. et Mme X les sommes suivantes :
40 000 euros correspondant à la perte de chance de mieux investir leurs capitaux,
12 500 euros au titre du compte courant d'associé détenu par Mme X,
12 500 euros au titre du compte courant d'associé détenu par M. X,
102 904 euros au titre du manque à gagner en termes de rémunération sur Bourgoin Spirit par Mme X,
102 904 euros au titre du manque à gagner en termes de rémunération sur Tignieu Spirit pour Mme X,
102 904 euros au titre du manque à gagner en termes de rémunération sur Bourgoin Spirit par M. X,
102 904 euros au titre du manque à gagner en termes de rémunération sur Tignieu Spirit pour M. X,
à titre subsidiaire :
1. S'agissant de la société Bourgoin Spirit, représentée par Maître Blanchard, ès qualités :
- prononcer la résiliation du contrat de concession conclu avec la société Bourgoin Spirit aux torts et griefs exclusifs de la société Esprit,
- condamner la société Esprit à payer à Maître Jean Blanchard, ès qualités, les sommes suivantes :
449 684,47 euros au titre du manque à gagner du fait de la non-livraison des produits,
33 456,65 euros au titre du remboursement des investissements spécifiques non amortis,
345 000 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la perte de chance de mieux investir ses fonds,
690 211,75 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés à la captation de clientèle et de la rétention du fichier de clientèle sur le fondement de l'article 1382 du Code civil,
- condamner la société Esprit à restituer à Maître Jean Blanchard, ès qualités, le fichier clientèle appartenant à cette dernière,
2. S'agissant de la société Tignieu Spirit, représentée par Maître Blanchard, ès qualités de liquidateur judiciaire :
- prononcer la résiliation du contrat de concession conclu avec la société Tignieu Spirit aux torts et griefs exclusifs de la société Esprit,
- condamner la société Esprit à payer à Maître Jean Blanchard, ès qualités de mandataire ad hoc de la société Tignieu Spirit, les sommes suivantes :
480 419,39 euros au titre du manque à gagner du fait de la non-livraison des produits,
143 699,82 euros au titre du remboursement des investissements spécifiques non amortis,
355 000 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la perte de chance de mieux investir ses fonds,
481 801,28 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés à la captation de clientèle et de la rétention du fichier de clientèle sur le fondement de l'article 1382 du Code civil,
- condamner la société Esprit à restituer à Maître Jean Blanchard, ès qualités de mandataire ad hoc de la société Tignieu Spirit, le fichier clientèle appartenant à cette dernière,
3. S'agissant des époux X :
- condamner la société Esprit à payer à M. et Mme X les sommes suivantes :
40 000 euros correspondant à la perte de chance de mieux investir leurs capitaux,
12 500 euros au titre du compte courant d'associé détenu par Mme X,
12 500 euros au titre du compte courant d'associé détenu par M. X,
102 904 euros au titre du manque à gagner en termes de rémunération sur Bourgoin Spirit par Mme X,
102 904 euros au titre du manque à gagner en termes de rémunération sur Tignieu Spirit pour Mme X,
102 904 euros au titre du manque à gagner en termes de rémunération sur Bourgoin Spirit par M. X,
102 904 euros au titre du manque à gagner en termes de rémunération sur Tignieu Spirit pour M. X,
sur les demandes reconventionnelles de la société Esprit :
à titre principal,
- dire qu'il convient de laisser les organes de la procédure ouverte à l'encontre de la société Bourgoin Spirit et de la société Tignieu Spirit procéder, dans le cadre de la procédure d'admission des créances, à la vérification des créances déclarées par la société Esprit,
en conséquence,
- rejeter les demandes de fixation formées par la société Esprit,
à titre subsidiaire,
- dire que la fixation des créances invoquées implique de vérifier la réalité et le quantum desdites créances selon les mêmes modalités que celles suivies par les organes d'une procédure collective dans le cadre de la procédure de vérification des créances,
- constater que la société Esprit ne produit ni les bons de commandes des factures prétendument impayées émis par les sociétés Bourgoin et Tignieu Spirit, ni les bons de livraison signés par un représentant des sociétés Bourgoin et Tignieu Spirit, ni aucun document comptable attestant de la sortie physique des marchandises de ses propres stocks et de leur entrée dans les stocks des sociétés Bourgoin et Tignieu Spirit,
en conséquence,
- débouter la société Esprit de ses demandes de fixation,
en tout état de cause,
- rejeter les demandes, fins, moyens et conclusions de la société Esprit, en ce compris l'appel incident formé par cette dernière,
- condamner la société Esprit à payer à M. et Mme X la somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Esprit aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué par l'AARPI JRF Avocats, représentée par Maître Stéphane Fertier, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions de la société Esprit de Corp. France, intimée, déposées et notifiées le 4 février 2019 par lesquelles il est demandé à la cour de :
Vu les articles 1134 et 1382 du Code civil anciens,
- dire recevable et bien fondée la société Esprit de Corp France en ses demandes et en son appel incident,
à titre principal, sur la prescription,
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 31 mai 2017 en ce qu'il a :
jugé que la demande de résiliation du contrat de concession conclu avec la société Bourgoin Spirit n'était ni prescrite ni irrecevable,
jugé que la demande de nullité et de résiliation du contrat de concession conclu avec la société Tignieu Spirit n'était ni prescrite ni irrecevable,
- confirmer ledit jugement en qu'il a jugé la demande de nullité du contrat de concession conclu avec
la société Bourgoin Spirit comme prescrite,
à titre subsidiaire, sur la demande en nullité des contrats de concession d'enseigne,
- confirmer ledit jugement en qu'il a débouté Maître Blanchard, pris en sa qualité de liquidateur judiciaire des sociétés Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit de sa demande de nullité des contrats de concession d'enseigne,
à titre infiniment subsidiaire, sur la demande de résiliation des contrats de concession d'enseigne,
- confirmer ledit jugement en qu'il a débouté Maître Blanchard, pris en sa qualité de liquidateur judiciaire des sociétés Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit, de sa demande de résiliation des contrats de concession d'enseigne,
en tout état de cause,
- confirmer ledit jugement en qu'il a :
débouté M. et Mme X de leurs demandes,
condamné Maître Blanchard, pris en sa qualité de liquidateur judiciaire des sociétés Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit, au paiement, au profit de la société Esprit de Corp. France, de la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
et à titre reconventionnel,
fixé la créance de la société Esprit de Corp. France au passif de la liquidation judiciaire de la société Bourgoin Spirit à la somme de 99 242,58 euros à titre chirographaire,
fixé la créance de la société Esprit de Corp. France au passif de la liquidation judiciaire de la société Tignieu Spirit à la somme de 184 349,62 euros à titre chirographaire,
- débouter Maître Blanchard, ès qualités, et M. et Mme X de l'intégralité de leurs demandes,
- condamner in solidum Maître Blanchard, ès qualités, et M. et Mme X au paiement, au profit de la société Esprit de Corp. France, d'une somme de 40 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner in solidum Maître Blanchard, ès qualités, et M. et Mme X aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Teytaud, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
SUR CE, LA COUR
Sur la prescription des actions en nullité et en résiliation des contrats de concession d'enseigne
Les sociétés Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit représentées par Maître Blanchard et les époux X affirment que leur action en nullité, étant fondée sur le dol, n'est pas prescrite, le point de départ du délai de prescription ne courant qu'à compter de la découverte du dol. Ainsi, ils estiment que le point de départ de la prescription a commencé à courir au cours de l'exécution du contrat. Concernant la société Tignieu, ceux-ci soutiennent que faute d'une régularisation écrite du contrat de franchise avec la société Esprit, le contrat doit être réputé avoir été conclu à compter de la date de la lettre d'intérêt pour l'ouverture du magasin de Tignieu, le 29 décembre 2009, ou à compter de la date d'ouverture du magasin, le 24 avril 2010, de sorte que la prescription quinquennale n'était pas atteinte au jour de l'assignation le 30 avril 2014. Ils soutiennent de même que les demandes fondées sur l'inexécution du contrat sont relatives à des manquements contractuels non prescrits.
La société Esprit réplique que les demandes formulées par les sociétés Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit représentées par Maître Blanchard et les époux X sont prescrites et expose, à ce titre, que le délai de prescription a commencé à courir à compter de la signature des contrats, soit le 30 septembre 2005. De même, l'intimée soutient que les sociétés Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit avaient connaissance du défaut de communication du document d'information précontractuelle dès la signature des contrats. Or, ce n'est que le 30 avril 2014 que le liquidateur des sociétés deux sociétés ainsi que M. et Mme X l'ont assignée, de sorte que la prescription quinquennale était acquise.
Elle prétend qu'il en est de même des demandes relatives aux manquements contractuels.
La prescription quinquennale de l'action en nullité pour dol a pour point de départ le jour où le contractant a découvert le dol qu'il allègue. Les griefs tirés du défaut de remise du DIP et d'absence d'étude du marché local étaient connus lors de la conclusion du contrat de concession par la société Bourgoin Spirit, le 30 septembre 2005. Les demandes en nullité de ce contrat, intentées le 30 avril 2014 sont donc prescrites. S'agissant du contrat tacite de la société Tignieu Spirit, qui a ouvert ses portes le 24 avril 2010, date qui peut constituer le point de départ de la prescription de l'action en nullité pour les griefs de défaut de remise du DIP et d'absence d'étude de marché local, la demande du 30 avril 2014 n'est pas intervenue en période prescrite. De même, le grief de communication de chiffres inexacts, fin 2009, pour la société Tignieu Spirit, ne peut courir avant cette même date, de sorte que l'action en nullité n'est pas prescrite.
S'agissant des manquements contractuels de la société Esprit dans l'exécution des deux contrats des deux sociétés Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit, il y a lieu de dire que les manquements commis antérieurement au 30 avril 2009 sont couverts par la prescription.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
Sur l'irrecevabilité de l'action en nullité du contrat de concession d'enseigne en raison de la résiliation du contrat
Les sociétés Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit représentées par Maître Blanchard et les époux X affirment que la nullité d'un acte peut être sollicitée même lorsque ce dernier a fait l'objet d'une exécution, sauf à démontrer que l'exécution exprimait l'intention non équivoque de son auteur de ne plus se prévaloir des causes de nullité relative qui affectaient l'acte. Aussi, elles soutiennent que la seule exécution du contrat de concession d'enseigne par la société Bourgoin Spirit n'emporte aucunement renonciation de sa part à se prévaloir des causes de nullité affectant l'acte, étant à cet égard précisé que certains des manquements précontractuels ne pouvaient apparaître que postérieurement à la conclusion du contrat, notamment lorsqu'il devenait visible que les chiffres prévisionnels avancés par la société Esprit ne seraient jamais atteints, faute de rentabilité du point de vente au regard des spécificités du marché local. Enfin, la résiliation à effet immédiat du contrat de concession d'enseigne par M. X, en raison des fautes contractuelles commises par la société Esprit, ne s'apparente pas davantage à une renonciation tacite à se prévaloir des fautes précontractuelles commises par cette dernière ; elle corrobore au contraire le fait que M. X, en sa qualité de gérant de la société Bourgoin Spirit, n'a jamais eu la volonté de renoncer à se prévaloir des manquements, quels qu'ils soient, de la société Esprit. Par ailleurs, ils contestent l'argument de la société Esprit selon lequel les contrats auraient pris fin au " terme convenu entre les parties ", alors que le " terme " des contrats est survenu du fait du refus de la société Esprit de livrer les magasins de M. X et de sa volonté de ne pas faire signer de contrats de franchise associés aux divisions commerciales indispensables à une exploitation pérenne des magasins et à l'accroissement de leur niveau d'activité. Par conséquent, ils s'estiment fondés à solliciter l'annulation du contrat de concession d'enseigne.
La société Esprit soutient que lorsque le contrat de franchise est parvenu à son terme contractuel, le franchisé ne pouvait plus remettre en cause sa validité à raison d'un prétendu manquement du franchiseur à son obligation précontractuelle d'information. Or, la société Bourgoin Spirit a demandé à la société Esprit son accord sur une rupture anticipée du contrat de concession d'enseigne et la société Esprit a pris acte de la volonté de la société Bourgoin Spirit de rompre le contrat de concession d'enseigne sur son magasin situé à Bourgoin Jallieu, et le contrat a par conséquent été résilié. Ainsi, celui-ci ne pouvait plus encourir la nullité.
Mais le contrat n'est pas venu à son terme à la suite d'un accord entre les parties. Aucun élément ne permet d'établir que la société Bourgoin Spirit aurait renoncé à son action en nullité.
Sur la nullité du contrat inhérente aux manquements à l'obligation précontractuelle d'information concernant la société Tignieu Spirit
La société Tignieu Spirit, représentée par Maître Blanchard, et les époux X soutiennent que le contrat tacite conclu avec la société Esprit est nul en ce sens que le document d'information précontractuelle requis par l'article L. 330-3 du Code de commerce ne leur a pas été transmis, de même que les informations obligatoires qu'il contient. Ce défaut de communication vaut également s'agissant des informations concernant le marché local et concurrentiel et des perspectives du marché pendant toute la durée du contrat, ainsi que celles relatives aux chiffres prévisionnels censés être fiables, sincères et prudents. Par conséquent, ils estiment que la société Esprit s'est rendue coupable de trois réticences dolosives à leur égard.
La société Esprit réplique que la demande en nullité des contrats de concession d'enseigne est mal fondée dans la mesure où les conditions de la nullité ne sont pas réunies. Elle soutient en effet qu'aucune violation à l'obligation d'information précontractuelle ne peut lui être reprochée.
En effet, concernant le document d'information précontractuelle, la société Esprit explique que :
- elle n'était pas en sa possession lors de la conclusion des contrats de concession d'enseigne,
- la signature de plusieurs contrats par les époux X démontrait leur connaissance du réseau et de son fonctionnement,
- outre l'exploitation d'un magasin de prêt à porter à Bourgoin Jallieu depuis 1993, les époux X exploitaient un magasin sous l'enseigne Esprit depuis 5 ans intervenant sur le même marché et disposaient donc des informations essentielles leur permettant de conclure le contrat de concession d'enseigne pour le magasin situé à Tignieu Jameyzieu.
Concernant la communication d'informations sur le marché local et le caractère sérieux des chiffres transmis, la société Esprit expose que :
- elle n'était pas dans l'obligation de fournir un état du marché local détaillé, ni même un compte de résultat prévisionnel et en toute hypothèse, les époux X disposaient de l'expérience nécessaire pour choisir en toute connaissance de cause de conclure des contrats de concession d'enseigne avec elle,
- concernant le caractère sérieux des chiffres transmis à la société Tignieu Spirit, l'étude prévisionnelle présentée en mars 2010 ne l'engageait pas en cas de non-réalisation en ce sens, celle-ci ne constituant qu'une prévision et sa réalisation dépendant de nombreux éléments, tels que la bonne exploitation du fonds par le concessionnaire,
- en tant que commerçants avertis, il appartenait aux époux X de procéder eux-mêmes à une étude précise d'implantation leur permettant d'apprécier le potentiel du fonds de commerce dont ils envisageaient l'exploitation, en s'informant sur les caractéristiques du marché local.
Par conséquent, elle estime que les époux X sont les seuls responsables des difficultés financières rencontrées par les sociétés Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit, de sorte qu'aucune faute ne saurait lui être imputable. Enfin, elle expose avoir conclu, un an après l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de la société Tignieu Spirit, un contrat de franchise avec la société BSF Tignieu et rapporte que les chiffres réalisés par cette dernière sont nettement supérieurs à ceux enregistrés par la société Tignieu Spirit.
En application des dispositions des articles 1108 et 1109 anciens du Code civil, le consentement de la partie qui s'oblige est une condition essentielle de la validité d'une convention et il n'y a pas de consentement valable si ce consentement n'a été donné que par erreur ou surpris par dol. L'article 1110 ancien du même Code dispose que l'erreur n'est une cause de nullité que si elle porte sur la substance même de la chose qui en est l'objet et l'article 1116 ancien précise que le dol est une cause de nullité lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté, qu'il ne se présume pas et qu'il doit être prouvé.
Par ailleurs, l'article L. 330-3 du Code commerce dispose que " toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause ". Ce document d'information pré contractuelle, " dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités ". Cette information constitue une obligation déterminante et essentielle du franchiseur et l'article R. 330-1 l'oblige notamment à "une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché", afin de permettre au futur franchisé de s'engager en connaissance de cause.
Il est constant que la méconnaissance, par un franchiseur, de son obligation précontractuelle d'information n'entraîne la nullité du contrat de franchise que s'il est démontré que celle-ci est constitutive d'un dol, d'une réticence dolosive ou d'une erreur, de nature à vicier le consentement du franchisé.
Sur le défaut de communication du document d'information précontractuelle et de l'état du marché local
La société Esprit ne conteste pas que la loi Doubin s'applique au contrat de concession de la société Tignieu Spirit et prétend avoir remis à cette société le document d'information précontractuelle.
Toutefois, elle n'en rapporte pas la preuve.
Mais les appelants ne démontrent pas quelles données du DIP leur auraient manqué et dont la connaissance les aurait dissuadés de contracter, la société Esprit soulignant de son côté à juste raison que M. et Mme X, exploitant depuis 5 ans leur magasin à Bourgoin Jallieu sous l'enseigne Esprit lorsqu'ils ont ouvert celui de Tignieu Spirit, disposaient des informations essentielles leur permettant de conclure le contrat de concession d'enseigne sur ce site, situé à 20 kilomètres. Ils connaissaient le marché local, ayant par ailleurs, ainsi que l'ont souligné les premiers juges, une longue expérience dans l'exploitation de produits de prêt-à-porter, d'une part à Bourgoin Jallieu, y ayant créé en 1993 une société New Style dans ce secteur, puis, d'autre part, à Tignieu Jameyzieu, y ayant créé en novembre 2009 une société Tignieu Fashion, sous l'enseigne Cache Cache, dans la même rue que la société Tignieu Spirit.
Sur le prévisionnel
Si le franchiseur n'est pas tenu de remettre un compte d'exploitation prévisionnel au candidat à la franchise, aux termes du 6° de l'article R. 330-1 du Code de commerce, le document d'information précontractuelle doit contenir " la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l'exploitation ". Il appartient ensuite à chaque franchisé d'établir son compte prévisionnel à partir de ces données. En revanche, si le franchiseur remet un compte d'exploitation, il doit donner des informations sincères et vérifiables.
En l'espèce, il n'est pas établi que l'étude prévisionnelle présentée par la société Esprit en mars 2010 se soit avérée erronée et que la prévision de chiffre d'affaires annuel de 699 000 euros HT ainsi que la marge brute de 46 % pour le magasin de la société Tignieu Spirit, établie conjointement avec M. et Mme X après de nombreuses réunions, ne se soit pas avérée conforme aux chiffres réalisés par des boutiques semblables dans des villes de taille similaire. En outre, si le chiffre d'affaires annoncé était de 699 000 euros, celui effectivement réalisé par la société Tignieu Spirit a été de 520 005 euros sur 12 mois et de 693 340 euros sur 16 mois.
Enfin, en juillet 2014, soit un an après l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de la société Tignieu Spirit, la société Esprit a conclu un contrat de franchise avec la société BSF Tignieu, pour son magasin situé <adresse>, situé à proximité du magasin que la société Tignieu Spirit exploitait. Or, il s'avère que les chiffres enregistrés par la société BSF Tignieu étaient nettement supérieurs à ceux enregistrés par la société Tignieu Spirit. En effet, depuis l'ouverture de son magasin intervenue le 21 novembre 2014, cette société a enregistré un chiffre d'affaires de 837 000 euros au titre de l'année 2015 et de 893 000 euros au titre de l'année 2016, alors que la société Tignieu Spirit avait quant à elle enregistré un chiffre d'affaires de 693 340 euros pour la période du 24 avril 2010 au 31 juillet 2011, soit en 16 mois d'activité.
La qualité de professionnels des époux X, connaissant bien ce secteur d'activité, leur imposait de réaliser une étude plus précise du marché et de leur business plan, ce qu'ils ont omis de faire.
Il n'y a donc pas lieu d'annuler le contrat tacite de concession de Tignieu Jameysieu.
Le jugement entrepris sera approuvé sur ce point.
Sur l'exécution du contrat de concession par le concessionnaire
Les sociétés Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit représentées par Maître Blanchard et les époux X affirment avoir, sans discontinuité, respecté l'ensemble des obligations contractuelles qu'ils avaient à leur charge. Aucune faute ne peut donc leur être reprochée. Ainsi, ils expliquent que les sociétés concessionnaires ont continuellement respecté l'intégralité du concept Esprit tant du point de vue de l'agencement et de l'installation du magasin que du point de vue des techniques relatives aux prestations ou à la vente, et qu'elles ont, sans discontinuité, eu recours aux directives de gestion imposées par le concédant. Ils énoncent avoir, à ce titre, dépensé annuellement et en moyenne, 10 888,91 euros et 19 194,59 pour les sociétés Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit. Enfin, ils rappellent avoir honoré le règlement dans les temps de leurs factures et que ce n'est que parce que les sociétés concessionnaires ont connu, l'une et l'autre, des très graves difficultés de trésorerie qu'ils ont été contraints de suspendre le paiement des livraisons.
La société Esprit soutient que les sociétés Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit ont laissé de nombreuses factures impayées et ne respectaient pas le concept " Esprit ".
Sur l'obligation d'assistance
Les sociétés Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit, représentées par Maître Blanchard, et les époux X affirment que la société Esprit n'a pas satisfait à son obligation d'aide et d'assistance qui aurait dû consister à réagir immédiatement face aux difficultés dénoncées par les franchisés et, compte tenu des circonstances, à leur proposer des solutions commerciales et financières. Ils estiment que les remises et délais de paiement ne représentaient que des mesures ponctuelles qui ne sauraient être regardées comme la manifestation de l'assistance due aux franchisés, dans la mesure où les dettes étaient maintenues et leur paiement exigé. Ils ajoutent qu'aucun échelonnement des dettes n'a été proposé concernant le magasin de Tignieu alors qu'il était celui présentant le plus de difficultés. En outre, ils soutiennent que les mesures proposées lors de l'entretien du 14 février 2013, ne laissaient aucune chance aux concessionnaires de redresser leurs situations financières. Ils reprochent également à la société Esprit d'avoir maintenu les obligations d'achat qui leur avaient été imposées et qui a conduit à l'existence d'un surstock. Aussi, ils mettent en cause cette dernière de ne pas leur avoir accordé les quatre divisions commerciales supplémentaires réclamées dans la lettre du 12 septembre 2012. Enfin, ils font état de récriminations adressées à la société Esprit dans un courrier du 2 février 2013 et affirment que la société Esprit s'est désinvestie de son obligation d'aide et d'assistance puisqu'elle n'a effectué que deux visites en cinq ans dans le magasin de Bourgoin et une en trois ans dans le magasin de Tignieu.
La société Esprit estime avoir respecté son obligation d'aide et d'assistance à l'égard des sociétés Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit. En effet, elle expose qu'en vue de pérenniser les relations commerciales, elle a proposé plusieurs mesures aux sociétés Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit, telles que des délais de paiement et des remises complémentaires et s'est adaptée continuellement à leur situation financière, en vue d'apurer leur dette et en leur accordant, notamment, de nombreux plans de financement. Par ailleurs, la société Esprit affirme s'être régulièrement déplacée tant dans le magasin de la société Bourgoin Spirit que dans celui de la société Tignieu Spirit afin de les assister et les conseiller.
Le contrat de concession se définit comme celui par lequel un commerçant appelé concessionnaire met son entreprise de distribution au service d'un commerçant ou industriel appelé concédant pour assurer exclusivement, sur un territoire déterminé, pendant une période limitée et sous la surveillance du concédant, la distribution des produits dont le monopole de revente lui est concédé.
Si le concédant doit une certaine assistance commerciale et technique au concessionnaire, qui peut être également assortie d'une assistance financière et d'un devoir de conseil, l'obligation d'assistance ne doit pas porter atteinte à l'indépendance juridique du distributeur sous peine de considérer que le concédant est un dirigeant de fait et ne saurait imposer au concédant de redéfinir un nouveau plan financier en cas de difficultés rencontrées par le concessionnaire, ou de lui suggérer une réorientation, sauf dispositions contractuelles prévoyant spécifiquement de telles obligations pesant sur le concédant.
La cour approuve en tous points le jugement déféré en ce qu'il a estimé qu'aucun manquement au devoir d'assistance ne pouvait être reproché à la société Esprit.
Il sera simplement rappelé que :
- aucune preuve d'absence de réponse de la société Esprit aux demandes des deux sociétés concessionnaires n'est établie, celles-ci ne démontrant pas que la société Esprit aurait refusé les quatre divisions commerciales supplémentaires réclamées,
- la société Esprit a accordé aux deux sociétés Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit, deux plans d'échelonnement, le 18 janvier 2011 et le 27 février 2012 pour apurer les dettes (pièces 15 à 18 d'Esprit),
- la société Esprit a également accordé à la société Bourgoin Spirit ainsi qu'à la société Tignieu Spirit, le 14 mai 2012, d'une part, un avoir sur factures 2011 de 60 000 euros et d'autre part, une reprise de marchandises à hauteur de 38 000 euros (pièce n°19),
- plusieurs visites ont été effectuées dans les locaux des deux sociétés (17 et 18 octobre 2011, 17 février et 16 octobre 2012) (pièce 20 d'Esprit).
Sur l'obligation de fourniture des produits
Les sociétés Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit, représentées par Maître Blanchard, et les époux X soutiennent que la société Esprit a suspendu ses livraisons de produits sur les deux magasins à compter du mois d'octobre 2012 et a cessé par la même d'exécuter son obligation principale d'approvisionnement de sorte qu'elle les a condamnées à la liquidation judiciaire. Faute d'avoir mis en œuvre des mesures concrètes pour les aider à augmenter leurs chiffres d'affaires, ils estiment que la société Esprit ne saurait s'exonérer de sa responsabilité à ce titre en se bornant à faire référence à l'article 5 des conditions générales de vente (CGV) conférant au vendeur la possibilité d'annuler tout ou partie des ordres en cours.
Mais la société Esprit souligne à juste titre avoir cessé de livrer de nouvelles marchandises aux sociétés Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit sur le fondement de l'exception d'inexécution de l'article 5 des CGV d'Esprit auxquelles renvoie l'article 6-3 du contrat de concession :"[...] d) Le défaut de paiement d'une facture ou d'une traite à l'échéance entraîne en outre de convention expresse: - l'exigibilité immédiate de la totalité des créances en cours - la possibilité pour le vendeur d'annuler tout ou partie des ordres en cours [...]". En dépit de leur obligation de procéder au paiement des factures de livraison des produits vendus, les sociétés Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit n'ont pas honoré le paiement des marchandises livrées par la société Esprit.
Par ailleurs, la société Esprit n'a pas arrêté les livraisons de produits sur les deux magasins à compter du mois d'octobre 2012, ayant livré des marchandises à la société Tignieu Spirit entre le 11 octobre 2012 et le 25 janvier 2013 pour un montant total de 30 678,85 euros ainsi qu'à la société Bourgoin Spirit entre le 1er octobre 2012 et le 7 janvier 2013 pour un montant total de 32 508,21 euros, montants dont les sociétés concessionnaires sont toujours redevables.
Sur l'obligation de loyauté et de non-concurrence
Les sociétés Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit, représentées par Maître Blanchard, et les époux X énoncent qu'aucune disposition dans le contrat de concession ne réserve au concédant la propriété de la clientèle des concessionnaires. Ils estiment, par ailleurs, que les clientèles des sociétés Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit ont été créées et gérées par elles pendant toute la durée des relations commerciales, de sorte qu'elles en étaient propriétaires. Or, elles affirment qu'elles ne disposaient pas de leur fichier clientèle, lequel était détenu et géré par la société allemande Defacto Marketing GmbH pour le compte de la société Esprit. La société allemande Defacto n'ayant pas donné suite à leur demande de communication des fichiers clients en raison de la protection des données personnelles, les sociétés Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit prétendent avoir été privées de leur droit de propriété sur les fichiers de clientèle sans raison légitime. Par ailleurs, elles soutiennent que, par le biais de son site internet et du programme de fidélisation des clients, la société Esprit a mis en place un système de captation de la clientèle des concessionnaires, se rendant coupable d'une concurrence déloyale à leur égard.
Mais la société Esprit réplique à juste raison, concernant la rétention des fichiers de clientèle, qu'il appartenait aux sociétés Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit de constituer leur propre fichier clientèle au fur et à mesure des achats de leurs clients. Ainsi, à défaut d'avoir tenu leur propre fichier clientèle, les époux X ne pouvaient pas accéder au fichier clientèle de la société Esprit afin de contacter ses clients, dans la mesure où les clients ayant souscrit au programme de fidélisation "e club" étaient attachés à la marque "Esprit".
Concernant la captation de clientèle, elles ne démontrent pas que la mise en place d'un programme de fidélisation des clients "e club" serait à l'origine de la perte de chiffre d'affaires enregistrée dans les magasins des sociétés Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit.
Elles n'établissent pas davantage que les nouvelles opérations promotionnelles qui leur seraient imposées par la société Esprit auraient obéré leurs marges de telle façon que les relations entre les parties en auraient été substantiellement modifiées, le seul élément versé aux débats concernant une jupe (pièce 30 des appelants).
Enfin, elles n'établissent pas que la société Esprit réaliserait, par le biais de son site internet, des ventes directes qui constitueraient des pratiques de concurrence déloyale. En effet, il n'est pas démontré que la société Esprit octroierait des prix plus avantageux en ligne qui détourneraient les clients des ventes dans les magasins de ses concessionnaires.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
Sur la demande reconventionnelle de la société Esprit
La société Esprit demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé la créance de la société Esprit de Corp. France au passif de la liquidation judiciaire de la société Bourgoin Spirit à la somme de 99 242,58 euros à titre chirographaire, et celle de la société Esprit de Corp. France au passif de la liquidation judiciaire de la société Tignieu Spirit à la somme de 184 349,62 euros à titre chirographaire.
Mais les appelants soulignent à juste titre que le concédant ne verse pas aux débats :
- les bons de commandes des factures prétendument impayées émis par la société Bourgoin Spirit,
- les bons de livraison signés par un représentant de la société Bourgoin Spirit,
- le document comptable attestant de la sortie physique des marchandises de ses propres stocks et de leur entrée dans les stocks de la société Bourgoin Spirit.
La demande de la société Esprit sera donc rejetée et le jugement déféré infirmé sur ce point.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Succombant au principal, les appelants supporteront les dépens d'instance d'appel et seront condamnés à payer à la société Esprit la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement déféré sauf sur la demande reconventionnelle de la société Esprit ; L'infirme sur ce point ; et, statuant à nouveau, Rejette cette demande ; Condamne les sociétés Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit, représentées par la Selarl MJalpes, prise en la personne de Maître Blanchard, mandataire ad hoc, et M. et Mme X, au paiement in solidum des dépens d'appel ; Condamne les sociétés Bourgoin Spirit et Tignieu Spirit, représentées par la Selarl MJalpes, prise en la personne de Maître Blanchard, mandataire ad hoc, et M. et Mme X, à payer à la société Esprit in solidum la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.