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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 27 mars 2019, n° 15-03685

TOULOUSE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Yak Marketing International (SARL)

Défendeur :

Mecosun (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Penavayre

Conseillers :

M. Sonneville, Mme Truche

T. com. Toulouse, du 15 juin 2015

15 juin 2015

FAITS et PROCEDURE

La société Yak Marketing International (ci-après Yak Marketing) est une société spécialisée dans la distribution de solutions complètes en produits photovoltaïques et énergies renouvelables, à l'attention de professionnels, située en Haute-Loire. Elle collabore, à ce titre, avec un réseau de fournisseurs et de partenaires, dont la société Mecosun spécialisée dans la conception, la fabrication et la distribution de systèmes d'intégration en toiture de panneaux solaires photovoltaïques.

Le 1er avril 2010, les sociétés Mecosun et Yak Marketing ont convenu, par contrat résiliable avec un délai de préavis de 3 mois, de la distribution exclusive par Yak Marketing de l'un des systèmes conçus par Mecosun (dénommé MV3), sous réserve d'un volume minimum de commandes (1,5 MWc), dans les départements du Cantal (17), Haute Loire (43), Puy de Dôme (63), Ardèche (07) et Loire (42) pour un montant sur 12 mois de 61 371 € HT payable en 2 fois, 50 % à la signature et le solde le 1er juillet 2010.

Par courrier du 22 juillet 2011, la société Mecosun a informé la société Yak Marketing de ce qu' " en raison de l'actualité de la filière ", elle ne proposait pas de renégocier ce type contrat, et proposait de la considérer comme partenaire prioritaire, elle joignait à ce courrier une grille de tarifs ainsi que la facture de solde qui a été réglée.

Invoquant des courriels reçus fortuitement des sociétés Subsun le 2 juin 2010 et Etera le 17 mai 2011 qui, selon elle, prouveraient que la société Mecosun a violé l'exclusivité de distribution des produits qui lui avait été garantie sur son territoire, la société Yak Marketing a obtenu du président du Tribunal de grande instance de Toulouse, par ordonnance du 23 décembre 2011, la désignation d'un huissier de justice afin qu'il se rende au siège de la société Mecosun pour y collecter toutes correspondances et tous documents commerciaux, comptables et financiers permettant de connaître ses clients ainsi que la nature, les montants et les volumes de produits et services vendus par elle sur le territoire d'exclusivité figurant au contrat entre les sociétés Mecosun et Yak Marketing, dans la période du 1er avril 2010 au 1er avril 2011.

A la demande de la société Mecosun, le président du Tribunal de grande instance de Toulouse a rétracté, le 5 juin 2012, cette ordonnance, condamné la société Yak Marketing à restituer les documents collectés par l'huissier et s'est déclaré incompétent au profit de la juridiction commerciale.

La société Yak Marketing a ensuite fait procéder à des constats d'huissier les 18, 27 et 30 juillet 2012 sur des installations photovoltaïques réalisées par la société Etera dans le département de Haute Loire (43). Sur sa requête elle a obtenu du président du Tribunal de commerce de Saint Etienne (43), par ordonnance du 15 février 2013, la désignation d'un expert afin de déterminer le volume et le montant des ventes des systèmes MV3 Mecosun réalisées par la société Etera dans la période 1er avril 2010 au 1er octobre 2011.

S'estimant lésée par la société Mecosun, la société Yak Marketing l'a fait assigner devant le Tribunal de commerce de Toulouse par acte du 20 novembre 2013 en réparation du préjudice subi au titre des investissements réalisés et du manque à gagner.

Par jugement du 15 juin 2015, le Tribunal de commerce de Toulouse a :

- dit que la société Mecosun, en concluant un contrat de vente le 27 décembre 2010 avec la société Etera pour le même produit et le même territoire, a violé son contrat d'exclusivité conclu avec la société Yak Marketing le 1er avril 2010 pour une durée d'un an ;

- jugé que la société Mecosun est responsable de l'inexécution fautive du contrat de distribution du 1er avril 2010 conclu avec la société Yak Marketing ;

- fixé le quantum des dommages intérêts alloués à la société Yak Marketing sur la base d'une marge potentielle de 22,74 % perdue sur des marchés d'un montant total de 379 511,50 € HT dans la période du 27 décembre 2010 au 31 mars 2011 ;

- condamné la société Mecosun à payer la somme de 86 324 € à la société Yak Marketing au titre de dommages et intérêts ;

- rejeté la demande faite au tribunal par la société Yak Marketing, sur le fondement de l'article 446-3 du Code de procédure civile, d'ordonner à la société Mecosun de produire l'intégralité des factures émises par celle-ci pour la période du 1er avril 2010 au 1er octobre 2011 auprès de sociétés et d'établissements situés dans les départements 15/ 43/ 63/ 07 et 42, concernant la vente de structures MV3 ;

- condamné la société Mecosun à payer la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

- condamné la société Mecosun aux entiers dépens.

La SARL Yak Marketing International a interjeté appel le 22 juillet 2015.

La SARL Mecosun a interjeté appel le 24 juillet 2015.

Par ordonnance du 2 septembre 2015, le magistrat chargé de la mise en état a joint les deux procédures.

Par arrêt du 8 mars 2017, cette cour a ordonné la réouverture des débats, dit que la SARL Yak Marketing International communiquera les bons de commande signés et les factures établies par la SARL Mecosun relatives aux produits achetés par la société Etera, ainsi que tout autre document apparaissant utile à la solution du litige opposant les parties, au plus tard le 28 avril 2017, et fixé un calendrier de procédure.

Par ordonnance du 28 septembre 2017, le conseiller de la mise en état a ordonné à la société Etera de communiquer à la SARL Yak Marketing International dans le mois de la signification de la décision:

- l'intégralité des 40 factures émises par la SARL Mecosun à son nom concernant la vente de structures d'intégration Mecosun (sans se limiter à celles mentionnant la référence MV3),

- une attestation établie par son expert-comptable certifiant le nombre, l'exhaustivité, l'authenticité et l'intégrité des factures visées ci-dessus,

- dit n'y avoir lieu à ordonner une astreinte,

- débouté la société Mecosun de sa demande d'application de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'ordonnance a été exécutée.

MOYENS et PRETENTIONS des PARTIES

Dans ses dernières écritures du 7 février 2018, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, au visa des articles 1147, 1149 et 1165 du Code civil ancien, la SARL Yak Marketing International demande à la cour de:

A titre principal,

- confirmer le jugement du 15 juin 2015:

* en ce qu'il a dit que la société Mecosun, en concluant un contrat de vente le 27 décembre 2010 avec la société Etera pour le même produit et le même territoire, a violé le contrat de distribution conclu le 1er avril 2010 pour une durée d'un an ;

* en ce qu'il a jugé que la société Mecosun est responsable de l'inexécution fautive du contrat de distribution du 1er avril 2010 conclu avec la société Yak Marketing ;

- infirmer le jugement du 15 juin 2015 en ce qui concerne le préjudice qu'elle a subi au titre des investissements alloués à l'exécution du contrat du 1er avril 2010 et condamner, en application des articles 1147 et 1149 du Code civil, la société Mecosun à lui payer la somme de 165 000 € au titre des investissements alloués à l'exécution dudit contrat,

- infirmer le jugement du 15 juin 2015 en ce qui concerne le quantum du préjudice subi par la société Yak Marketing au titre du manque à gagner résultant de l'inexécution fautive du contrat, et condamner la société Mecosun, en application des articles 1147 et 1149 du Code civil, à lui payer la somme de 178 624 € au titre du manque gagner résultant de l'inexécution fautive du contrat du 1er avril 2010, déduction faite de la somme de 86 324 € déjà payée par la société Mecosun (soit 264 948 €),

- condamner la société Mecosun à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens conformément à l'article 699 du CPC,

- ordonner l'exécution provisoire.

Elle fait valoir pour l'essentiel:

- que le contrat de distribution conclu le 1er avril 2010 entre les sociétés Mecosun et Yak Marketing prévoit une exclusivité territoriale de distribution accordée à titre payant à Yak Marketing, pour un montant de 61 371 € HT, dont elle s'est valablement acquittée, ainsi que du volume minimum d'achat,

- que la société Mecosun, en commercialisant en direct, sur les territoires qui lui étaient réservés, et pendant toute la durée de l'exécution du contrat du 1er avril 2010, les produits contractuels, couverts par l'exclusivité, pour un montant très élevé de 1 164 806,10 € HT, et en concluant avec la société Etera le contrat du 27 décembre 2010, s'est employée à diminuer autant que possible les effets de ses investissements au titre de ce contrat, et a fait preuve d'un comportement fautif et particulièrement déloyal dans l'exécution du contrat,

- que pour réduire de manière significative et arbitraire le quantum du préjudice subi du fait de la violation du contrat du 1er avril 2010, le tribunal a violé le principe essentiel de la contradiction prévu par l'article 16 du Code de procédure civile, d'une part en soulevant d'office l'existence seulement supposée et parfaitement injustifiée d'un contrat conclu antérieurement entre les sociétés Mecosun et Etera à celui du 27 décembre 2010, ledit contrat n'ayant cependant été ni évoqué, ni versé aux débat par aucune des parties, d'autre part en écartant, sans possibilité de débat contradictoire, les bons de commande correspondant aux commandes conclues entre les sociétés Etera et Mecosun au cours de la période du 1er avril au 27 décembre 2010.

Dans ses écritures du 12 décembre 2018, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, au visa des articles 1134 et suivants du Code civil ainsi que 1315 et suivants du même Code, la SARL Mecosun demande à la cour de :

- à titre principal, de réformer le jugement rendu le 15 juin 2016 par le Tribunal de Commerce de Toulouse en toutes ses dispositions, en conséquence, de débouter la SARL Yak Marketing International de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- à titre infiniment subsidiaire, de confirmer le jugement déféré,

- de condamner la SARL Yak Marketing International au paiement de la somme de 8 000 Euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre aux entiers dépens.

Elle fait valoir pour l'essentiel:

- que la SARL Yak Marketing International n'a bénéficié d'une exclusivité, pour la période du premier avril 2010 au 31 mars 2011, que sur un produit dénommé MV3, et non sur le produit MV3L qui est un produit différent,

- qu'au regard de cette exclusivité, les éléments de preuve produits par la SARL Mecosun n'établissent aucun manquement, que le contrat de fourniture conclu entre les sociétés Mecosun et Etera a été obtenu par un procédé déloyal et doit être exclu des débats, que les 40 factures versées aux débats concernent soit la période postérieure à la cessation de ses relations avec la SARL Yak Marketing International, soit le produit MV3L,

- que s'agissant du préjudice d'investissement, les dires de l'attestation de l'expert-comptable sont invérifiables, qu'en tout état de cause, la société Etera n'exerce que dans le département de la Haute-Loire, ce qui représente 13,71 % du prix de l'exclusivité selon le contrat, que les investissements découlent directement de la politique commerciale de la SARL Yak Marketing International,

- que la perte de marge doit s'apprécier in concreto sur des éléments comptables qui ne sont pas produits, que le manque à gagner s'analyse comme une perte de chance de réaliser un volume de ventes, que la marge invoquée est inexacte.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la procédure

Figure parmi les pièces versées aux débats devant les premiers juges et devant la cour, un contrat entre les sociétés Mecosun et Etera le 27 décembre 2010, portant sur les solutions industrielles MV3 et MV3-L (ou MV3i).

La société Mecosun soutient que ce contrat a été obtenu par la SARL Yak Marketing à son insu et par un procédé déloyal de la société Etera, celle-ci étant "sous la coupe" d'une ordonnance de désignation d'expert intervenue sans débat contradictoire.

La SARL Yak Marketing explique qu'à l'expertise ordonnée s'est substituée une réunion au cours de laquelle son expert-comptable a pu consulter et analyser les factures d'achat de la société Etera auprès de la société Mecosun ainsi que les factures de vente de produits Ecosun par la société Etera auprès de ses clients, et précise que le contrat de fourniture lui a été communiqué par le gérant de la société Etera.

Le gérant de la société Etera avait la possibilité de solliciter du président du tribunal de commerce la rétractation de son ordonnance rendue non contradictoirement, et aucun élément du dossier ne démontre que le contrat, comportant une clause de confidentialité engageant la société Etera, aurait été remis sous la pression.

Il n'est par ailleurs pas déloyal, mais légitime de la part de la SARL Yak Marketing à l'égard de la société Mecosun, de chercher à obtenir la preuve d'un manquement à ses obligations, dès lors que suite à une erreur au sein de Mecosun, elle avait par mail du 11 mai 2011 reçu une confirmation de commande par Mecosun à la société Etera, située à Saint-Chamond (Loire), alors que le contrat d'exclusivité la liant à Mecosun n'était pas résilié.

Il n'y a donc pas lieu d'écarter des débats le contrat entre les sociétés Mecosun et Etera conclu le 27 décembre 2010, demande ne figurant d'ailleurs pas dans le dispositif des écritures de la société Mecosun.

Il est par ailleurs reproché aux premiers juges d'avoir violé le principe du contradictoire pour avoir écarté 21 bons de commande de la société Etera auprès de la société Mecosun comme antérieurs au contrat conclu le 27 décembre 2010, en émettant l'hypothèse de l'existence d'un contrat antérieur.

Par cette motivation, les premiers juges n'ont fait qu'apprécier le caractère probant des éléments de preuve qui leur étaient produits, en outre la société Yak Marketing ne tire pas de conséquence de la violation du principe du contradictoire qu'elle invoque, si ce n'est pour demander l'infirmation de la décision devant la cour qui saisie de l'entier litige, devra le trancher en considération de tous les éléments du débat, en ce compris la motivation du jugement déféré soumise à la contradiction des parties.

Sur la violation du contrat d'exclusivité

Il ne se déduit pas de l'arrêt avant dire droit du 8 mars 2017 que la cour a écarté le caractère probant des premiers éléments produits par la SARL Yak Marketing, mais qu'elle a seulement considéré que ces éléments étaient insuffisants à rapporter une preuve complète. Ainsi c'est en considération de l'ensemble des pièces produites qu'il convient de rechercher si la SARL Yak Marketing, sur laquelle repose la charge de la preuve, établit les manquements qu'elle invoque.

L'article 3 du contrat prévoit que le vendeur fournira à l'acheteur les produits décrits à l'annexe 1, soit "système d'intégration en toiture de panneaux solaires photovoltaïques cadrés poly ou mono cristallin structure MV3" et qu'il se réserve le droit de conclure un contrat similaire avec d'autres clients en France, précisant immédiatement à la suite, que l'acheteur bénéficie d'une exclusivité territoriale pour les départements indiqués en annexe 5, ce qui constitue une exception au principe posé.

L'article 4 précise que le bénéfice de l'exclusivité territoriale de vente " aux détails de matériels Mecosun " défini en annexe 5, amène le respect des clauses définies dans cette même annexe, et que " l'acheteur achète une exclusivité territoriale annuelle de vente aux détails, définie en annexe 5, par département ", la vente aux détail s'entendant dans le fait que l'acheteur s'engage à vendre le produit défini à l'annexe 1 seul selon le désir du client, et aura la possibilité de vendre le produit associé à un produit annexe selon la volonté du client.

L'annexe 5 liste les 5 départements concernés et précise le prix d'achat par département, au titre des engagements réciproques le vendeur s'engage à ne pas faire de vente directe sur le territoire d'exclusivité de l'acheteur.

Ainsi durant la période du contrat, seule la SARL Yak Marketing était en droit d'acheter à la société Mecosun, pour les départements du Cantal, de la Haute Loire, du Puy de Dôme, de l'Ardèche et de la Loire, le système d'intégration en toiture de panneaux solaires photovoltaïques cadrés poly ou mono cristallin structure MV3 commercialisé par Mecosun.

La cour observera en premier lieu que le contrat de fourniture signé entre les sociétés Etera et Mecosun les 27 décembre 2010 pour Etera et 5 janvier 2011 pour Mecosun, qui se présente comme le contrat conclu entre les sociétés Yak Marketing et Mecosun, vise en annexe 1, au titre des produits objet du contrat (sans exclusivité):

- structure MV3 et MV3L en version standard,

- structure MV3i.

Ce contrat impose à la société Etera de réaliser un chiffre d'affaire par année de 572 000 €, et fixe un prix de 46 € HT/m2 pour la solution MV3, et de 12 € HT/m2 pour la solution MV3L.

Il sera observé que selon un compte rendu de visite de la société Mecosun chez Yak Marketing du 22 septembre 2010 le prix d'achat est fixé à 48,7/m2 HT pour le système MV3, soit un prix supérieur à celui consenti à la société Etera.

La simple signature de ce contrat avec un installateur basé dans le département de la Loire, sans réserves et durant la période d'exclusivité de la société Yak Marketing, incluant au moins la structure MV3 pour laquelle l'exclusivité a été concédée moyennant un prix de 8 411 € HT pour le département concerné, constitue de la part de la société Mecosun un manquement à ses obligations contractuelles.

La SARL Yak Marketing soutient qu'il est vain de prétendre que le système d'intégration MV3L ne serait pas compris dans le champ de l'exclusivité contractuelle, dès lors qu'elle rapporte pour sa part, sur la base de documents émanant de Mecosun, la preuve manifeste de ce qu'autant les produits RSM MECO 160 que RSM MECO 210 correspondent bien au système MV3, de même que le système MV3-L n'est autre qu'une version du système MV3.

Elle rappelle que le système MV3 conçu, fabriqué et distribué par Mecosun est un système d'intégration en toiture de panneaux solaires photovoltaïques composé de divers éléments dont les caractéristiques, et en particulier les dimensions, doivent être logiquement adaptées à celles de la toiture sur laquelle ils doivent être fixés.

Selon la société Mecosun, le système MV3 correspond au RSM (rail support module) 160, alors que le système MV3L correspond au RSM210, les 2 produits n'ont pas les mêmes propriétés mécaniques au niveau de leur résistance, et n'offrent pas les mêmes possibilités techniques, les certifications et les prix étant également différents.

Le contrat passé par Mecosun avec Etera, en son annexe 2, désigne effectivement comme suit les 2 structures: MV3 (MECO160), et MV3L (MECO210).

La société Mecosun verse aux débats la fiche technique du système MV3L, version décembre 2009, présentée comme "la solution d'intégration photovoltaïque pour le bâtiment industriel, agricole et collectif de faible rampant".

La fiche technique du système MV3 version septembre 2010, figurant en page 50 du procès-verbal de constat établi par Maître F., huissier de justice, est présenté dans les mêmes termes.

En revanche, il est exact que les caractéristiques générales sont différentes, s'agissant d'abord de la charge rapportée qui est un élément essentiel (4,5 kg/m2 maximum pour le MV3L, 5,5 kg/m2 pour le MV3), des distances entre 2 pannes support (inférieure pour le MV3L), la longueur de rampant (maximum 13,5m pour le MV3L, alors que pour le MV3 il est précisé: maximum MV3 en standard, 40,5 m en spécial, avec la précision "en option solution MV3L pour rampant de 13,5m maximum").

Au-delà des tailles, il est donc démontré que les produits sont effectivement différents, si tel n'était pas le cas, la société Mecosun n'aurait d'ailleurs pas eu besoin de préciser dans les annexes 1:

- du contrat Yak Marketing qu'il a pour objet la structure MV3,

- du contrat Etera qu'il a pour objet les structures MV3 et MV3L en version standard.

L'exclusivité consentie ne peut être interprétée de manière extensive, et la cour dira qu'elle ne concerne que la structure MV3, à l'exclusion de sa version MV3L.

Le raisonnement suivi par les premiers juges quant aux 40 factures de la société Mecosun à la société Etera ne peut être retenu, d'une part il est nécessaire de différencier les factures désormais versées aux débats, seules celles qui concernent la structure MV3 étant donc susceptibles d'établir une violation de la clause d'exclusivité, d'autre part, il n'y a pas lieu d'exclure des factures au motif qu'elles seraient antérieures au contrat signé entre les sociétés Mecosun et Etera: dès lors qu'elles concernent une commande passée durant la période d'exclusivité, la violation est caractérisée.

Par ailleurs le contrat d'exclusivité a été résilié en juillet 2011, mais la société Yak Marketing n'a payé qu'une année de redevance, la société Mecosun lui ayant consenti un délai d'un an pour payer la deuxième partie du prix. C'est donc à juste titre que la société Mecosun soutient que l'exclusivité a pris fin le premier avril 2011, ce que ne conteste d'ailleurs pas l'appelante. Toutefois, toutes les factures produites, y compris les 8 factures émises les 7 et 20 avril 2011, sont relatives à des commandes antérieures à la fin de la période d'exclusivité, puisqu'il y est fait mention d'acomptes versés en février et mars 2011.

Enfin, peu importe que les sociétés Etera et Yak Marketing aient des activités qui ne sont pas concurrentes, la première étant installateur alors que la seconde est distributeur, la question étant de savoir si la société Mecosun a vendu à un autre client que Yak International dans la zone d'exclusivité. Or sur ce point, l'attestation de Monsieur M., expert-comptable de la société Etera, contresignée par Monsieur R., expert-comptable de la société Etera, qui en a en outre dans une attestation du 4 novembre 2013 confirmé la teneur, indique que les factures consultées, qui mentionnent le nom du chantier, sont afférentes aux départements 7, 15, 42, 63, 43, et la société Mecosun ne démontre pas le contraire.

Sur le préjudice

Sur les dépenses d'investissement

La société Yak Marketing sollicite la somme de 165 000 € correspondant aux moyens mis en œuvre pour l'exécution du contrat du premier avril 2010 au 30 mars 2011, soit:

- dépenses de commercialisation: frais kilométriques, publicité, télécommunications, bail commercial, services bancaires, pour un montant de 63 000 €,

- coût des ressources humaines dédiées à la commercialisation d'installations photovoltaïques, 2 085 € pour un stagiaire, 86 400 € pour les deux cogérants, et 13 908 € de sous-traitance administrative.

La société Yak Marketing indique dans ses conclusions avoir respecté l'objectif fixé, les dépenses dont s'agit n'ont donc pas été exposées en pure perte, et le bénéfice supplémentaire qu'elle aurait pu en retirer va être réparé ci-après, de sorte que la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle l'a déboutée de ces demandes.

Sur le manque à gagner

La société Yak Marketing fait valoir qu'elle s'est vue priver du chiffre d'affaires réalisé par Etera sur la vente des structures d'intégration MV3, dès lors qu'Ecosun aurait dû orienter Etera vers elle.

La société Etera, située dans la Loire sur le terrain d'exclusivité de la société Yak Marketing, était un client potentiel de cette dernière, qui avait pris soin d'attirer l'attention de Mecosun sur ce client et sur Subsun, ce à quoi Mecosun avait répondu dans un mail du 27 août 2010: " concernant Subsun je les avait contactés avant de partir en vacances mais pas de nouvelles, je les relance, sur Etera je les appelle et je te tiens au courant ".

Selon l'attestation de Monsieur M., expert-comptable de la société Yak Marketing du 30 septembre 2013 validée par Monsieur R., expert-comptable de la société Etera à la suite de leur rencontre du 9 juillet 2013, par sa contresignature et une attestation du 4 novembre 2013, l'analyse des pièces comptables de la société Etera, par différence entre factures de vente et factures d'achat, montre une marge moyenne de 80 € HT/kWc, soit une marge brute de 264 948 € HT pour un chiffre d'affaires de 1 164 806 € correspondant au taux de 22,74 % retenu par les premiers juges.

Il s'agit d'une moyenne, de sorte qu'un unique contre-exemple montrant un pourcentage inférieur, ne peut l'invalider.

Dans une attestation du 18 avril 2014, Monsieur M. a ainsi justifié cette marge de 80 € HT/kWc:

- le contrat Yak Marketing mentionne une exclusivité territoriale pour les 5 départements au prix de 61 371 €, correspondant à un engagement minimum de 1,5 mégawatt soit un coût de revient de 0,041 € HT/KW crête,

- le tableau des prix consentis à Yak Marketing mentionne qu'en cas de non réalisation de l'objectif, elle aurait payé 0,43 € HT/Wcrête, et que si Yak Marketing avait dépassé 110 %, elle aurait payé 0,348 € HT/KW crête,

- la marge réalisée par un distributeur exclusif sur un territoire précis par rapport à un acheteur-client extérieur est donc de 0,43 - 0,348 = 0,082 € HT/W crête ou 82 € par KW crête, arrondi à 80 €.

Il s'agit là d'un raisonnement in abstracto, fondé sur les conditions tarifaires accordées à la société Yak Marketing qui indique en son annexe 2 qu'elle s'engage à acheter 1,5 mégas Watt Crête sur la première année du contrat, que la structure est vendue au prix de 0,37 €/Wc, et que des pénalités sont appliquées en cas de volume inférieur à 60 % (soit 0,43 € HT/Wc), des remises sous forme de versement intervenant à hauteur de 4 % pour un volume compris entre 80 et 110 % (soit 0,355 € HT/Wc), et de 6 % pour un volume supérieur à 110 % (soit 0,348 € HT/Wc).

Il part du principe que la société Yak Marketing aurait pu vendre le watt crête à 0,43 € HT en l'achetant à 0,348 € HT.

La société Yak Marketing indique avoir respecté le volume minimum de commandes soit 1,5 mégas Watt Crête ce qui n'est pas contesté. La société Etera a acheté, selon attestations des 2 experts comptables de Yak Marketing et Etera, à la société Mecosun pour 3,311 mégas Watt Crête de systèmes MV3 et MV3L. Certaines des 40 factures produites mentionnent le volume de kWc vendu (d'autres mentionnent des mètres carrés), et les factures concernant la seule structure MV3 portant cette indication totalisent 1,6 mégas Watt Crête, de sorte qu'en intégrant ces ventes, la société Yak Marketing aurait très largement dépassé les 110 % de l'objectif et bénéficié du prix de 0,348 € HT.

En revanche, il ne peut être affirmé que si le fabricant Mecosun avait respecté ses obligations l'installateur Etera aurait nécessairement acquis au prix de 0,43 € HT/Wc auprès du distributeur exclusif Yak Marketing, l'intégralité de la marchandise qu'elle a achetée auprès du fabriquant Mecosun durant la période litigieuse, même si ce matériel présente des spécificités telles que l'absence de nécessité d'isolation préalable et la certification CSTB. En particulier à compter de janvier 2011 le tarif préférentiel qui lui était accordé en contrepartie d'une obligation d'achat incitait la société Etera à choisir ce matériel plutôt qu'un autre. En outre la société Yak Marketing s'abstient de communiquer sa propre marge brute, alors qu'elle n'a pas hésité à recourir aux services d'un expert-comptable pour étudier la comptabilité d'une société tierce.

Ainsi, la cour retiendra, pour évaluer le préjudice de la société Yak Marketing correspondant à une perte de chance de vendre à la société Etera en faisant une marge de 22,74 %, un taux de 40 %.

La société Yak Marketing a elle-même précisé sur les factures celles qui concernaient la structure MV3, et celles qui concernait la structure MV3L. Leur examen confirme que les premières concernent bien le RSM 160, alors que les secondes concernent le RSM210.

Ainsi, au vu des factures versées aux débats, la société Mecosun a vendu à la société Etera pour 910 443,50 € HT de marchandises MV3 en violation de la clause d'exclusivité. Le préjudice indemnisable au titre du manque à gagner s'établit à 910 443,50 € x 22,74 % x 60 % = 124 220,91 €.

La société Mecosun sera en conséquence condamnée au paiement de cette somme, dont à déduire celle de 86 324 € versée en vertu de l'exécution provisoire ordonnée par les premiers juges.

Sur les frais et dépens

La société Mecosun supportera les dépens de première instance et d'appel, et la cour ajoutera une somme de 2 500 € à la somme déjà allouée par les premiers juges à la société Yak Marketing en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme la décision déférée, sauf en ce qui concerne le montant alloué à la SARL Yak Marketing International au titre du manque à gagne ; Statuant à nouveau et y ajoutant, Condamne la SARL Mecosun à verser à la SARL Yak Marketing International la somme de 124 220,91 € dont à déduire celle de 86 324 € versée en vertu de l'exécution provisoire, au titre du manque à gagner résultant de la violation de la clause d'exclusivité ; Condamne la SARL Mecosun à verser à la SARL Yak Marketing International la somme complémentaire de 2 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; La Condamne aux dépens, distraits dans les conditions de l'article 700 du Code de procédure civile.