CA Paris, Pôle 2 ch. 2, 4 avril 2019, n° 17-13620
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Centre Interprofessionnel d'Etude Juventhera (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Poinseaux
Conseillers :
Mmes Lefèvre, Bou
Mme Maria de Fatima X a, en janvier/février 2014, inscrit sa fille Laura X, alors mineure, au centre interprofessionnel d'études Juventhera pour une formation sur trois ans comprenant la préparation au bac professionnel esthétique cosmétique parfumerie et deux labels de maquillage, l'un de niveau 1 sur huit mois, l'autre de niveau 2 sur six mois.
Par lettre recommandée du 22 juillet 2015, Mme X a informé la société CIE Centre interprofessionnel d'études Juventhera, ci-après la société CIE Juventhera, que sa fille avait été acceptée dans un autre établissement et ne pouvait poursuivre ses deux dernières années de formation. Elle a sollicité le remboursement des frais de scolarité correspondant à ces deux années, outre celui de l'équipement.
En l'absence de réponse, Mme X a, par acte du 10 octobre 2016, fait assigner la société CIE Juventhera devant le tribunal de grande instance de Paris en paiement de la somme principale de 12 144,80 euros et en dommages et intérêts.
Par jugement réputé contradictoire du 9 mai 2017, le tribunal a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, :
- condamné la société CIE Juventhera à payer à Mme X la somme de 12 059,80 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
- débouté Mme X du surplus de sa demande et de sa demande de dommages et intérêts ;
- condamné la société CIE Juventhera à verser à Mme X la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile par Maître Y.
Par déclaration du 6 juillet 2017, la société CIE a interjeté appel total de ce jugement.
Par dernières conclusions notifiées le 10 octobre 2017 par voie électronique, la société CIE Juventhera demande à la cour, au visa des articles 1103 et suivants du Code civil, de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;
- infirmer la décision en toutes ses dispositions ;
et, statuant à nouveau,
- débouter Mme X de toutes ses demandes ;
- donner acte à la société CIE Juventhera de son accord pour rembourser à Mme X la somme de 3 420 euros ;
- condamner Mme X aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 24 novembre 2017 par voie électronique, Mme X demande à la cour de :
- avant dire droit, qu'il soit sommé au conseil de l'appelante de communiquer les pièces visées à son bordereau et dire qu'à défaut d'y procéder, il sera tiré toutes les conséquences de droit et de procédure ;
d'ores et déjà,
au visa des articles L. 132-1 du Code de la consommation et 1235 du Code civil,
- confirmer le jugement entrepris sur la condamnation principale,
- condamner la société CIE Juventhera à payer à Mme X la somme de 12 059,80 euros avec intérêts au taux légal depuis le 19 janvier 2016 ;
- recevoir Mme X en son appel incident ;
et statuant à nouveau,
- condamner la société CIE Juventhera à payer à Mme X la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts, sur le fondement de l'article 1240 du Code civil ;
- débouter la société CIE Juventhera de toutes ses demandes ;
- condamner la société CIE Juventhera à payer à Mme X la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Y, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 février 2019.
Motifs de la décision
Sur la communication des pièces de l'appelante
Mme X soutient que l'appelante n'a pas communiqué ses pièces à l'appui de ses conclusions et fait sommation au conseil de la partie adverse de procéder à cette communication, sous 48 heures, faisant toute réserve, en cas de carence de celui-ci, sur la recevabilité de la procédure. Elle demande à la cour, avant dire droit, de sommer le conseil de l'appelante de communiquer les pièces visées à son bordereau et de dire qu'à défaut d'y procéder, il sera tiré toutes les conséquences de droit et de procédure.
La société CIE Juventhera ne conclut pas sur ce point.
Il résulte du courriel fourni à la suite de la demande de la cour que le 4 octobre 2017, le conseil de l'appelante a transmis par voie électronique à Maître Y, avocat de Mme X, en pièces jointes, ses conclusions et sa pièce n° 1, soit le contrat de formation qui est l'unique pièce mentionnée dans le bordereau de l'appelante hormis le jugement attaqué. Il n'y a donc pas lieu d'ordonner la communication des pièces de l'appelante.
Sur la restitution de la somme de 12 059,80 euros outre intérêts
La société CIE Juventhera s'oppose à cette demande en faisant valoir que les conditions générales signées par Mme X prévoient que si la résiliation intervient moins de quinze jours avant l'entrée en formation, le montant de celle-ci lui reste acquis et qu'en l'espèce, la rupture est intervenue plus de onze mois après le début de la formation. Elle soutient que cette clause s'explique par l'impossibilité d'intégrer une élève directement en deuxième année au lieu de celle qui part, mais qu'elle a néanmoins réussi à remplacer l'élève pour le label prévu en deuxième année, raison de son accord pour rembourser le coût de cette formation de 3 420 euros.
Mme X réplique que même s'il existe un contrat la prévoyant, la stipulation invoquée est abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, invoquant plusieurs arrêts rendus par la Cour de cassation. Elle sollicite le remboursement de la somme de 12 059,80 euros correspondant à la somme versée, déduction faite des frais de scolarité de première année de 4 800 euros et des frais de label 1 de 4 799,20 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2016, date de la mise en demeure.
Les 25 janvier et 3 février 2014, Mme X a, pour sa fille Laura, signé un contrat de formation professionnelle proposé par la société CIE Juventhera portant sur un bac professionnel d'une durée de trois années, cette formation débutant en septembre 2014, et sur deux labels d'un coût total de 21 659 euros. Il est constant que Mme X a payé d'avance l'intégralité du prix de la formation. Mme X a notifié la résiliation du contrat à la société CIE Juventhera par lettre recommandée du 22 juillet 2015, réceptionnée le 27 juillet 2015.
Si, au soutien de sa demande d'infirmation du jugement l'ayant condamnée à payer les deux années de formation non suivies à la suite de la résiliation, la société CIE Juventhera invoque une clause des conditions générales signées par l'intéressée stipulant que le montant de la formation lui reste acquis si la résiliation intervient moins de quinze jours avant l'entrée en formation, force est de rappeler que l'appelante ne produit qu'une seule pièce hormis le jugement entrepris, soit le contrat de formation signé par Mme X, et de constater que ce contrat ne contient pas la clause alléguée. En toute hypothèse, une telle clause, qui fait du prix de la formation un forfait intégralement acquis à l'établissement de formation en cas de résiliation intervenant moins de quinze jours avant l'entrée en formation, sans réserver l'hypothèse d'une résiliation pour un motif légitime et impérieux, est abusive au sens de l'ancien article L. 132-1 devenu L. 212-1 du Code de la consommation en ce qu'elle crée, au détriment du cocontractant de l'établissement de formation, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Dès lors, une telle clause est réputée non écrite et ne saurait être appliquée.
Il convient dès lors de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société CIE Juventhera à payer à Mme X la somme de 12 059,80 euros au titre des deux années de formation non suivies. Cette dernière justifiant avoir, par l'intermédiaire de son conseil, mis en demeure la société CIE Juventhera de lui payer cette somme par lettre recommandée reçue le 22 janvier 2016, elle produira intérêts au taux légal à compter de cette date.
Sur les dommages et intérêts
Mme X prétend avoir subi un préjudice résultant de l'impossibilité de recouvrer son argent et de l'obligation dans laquelle elle s'est trouvée de réemprunter de l'argent pour permettre à sa fille de continuer ses études. Elle sollicite la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts.
La société CIE Juventhera ne conclut pas sur ce point.
Mme X ne prouve pas avoir subi un préjudice autre que celui réparé par les intérêts moratoires de la créance. Elle ne justifie pas en particulier de l'existence du nouvel emprunt allégué. Elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens
La société CIE Juventhera sera condamnée aux dépens d'appel, déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile et condamnée à payer à Mme X la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, le jugement étant confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.
Par ces motifs : LA COUR,statuant publiquement, par mise à disposition de la décision au greffe, contradictoirement: Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf sur le point de départ des intérêts ; Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant : Dit que la somme de 12 059,80 euros emporte intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2016 ; Condamne la société Centre interprofessionnel d'études Juventhera à payer à Mme X la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ; Rejette toute autre demande ; Condamne la société Centre interprofessionnel d'études Juventhera aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.