CA Riom, 3e ch. civ. et com., 10 avril 2019, n° 17-02522
RIOM
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Franfinance (Sté)
Défendeur :
Andrea Energy (Sté), Reverdy (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Riffauf
Conseillers :
M. Kheitmi, Mme Theuil Dif
Avocats :
Mes Furlanini, Protet Lemmet, Selarl BLG, Selarl Lexavoué, SCP Marty Baffeleuf Blanchet, Selarl C&S
Le 23 juin 2015, dans le cadre d'un démarchage à domicile, M. Z B C et Mme X E épouse C se sont portés acquéreurs auprès de la SARL Andrea Energy, d'une installation solaire photovoltaïque au prix de 16 900 euros.
Pour financer cette opération, les époux C ont signé un contrat de prêt auprès de la SA Franfinance le même jour, pour un montant de 16 900 euros, avec une franchise de remboursement de six mois, suivie de 12 mensualités de 58 euros, puis 126 mensualités de 198,81 euros.
Par acte d'huissier de justice du 1er août 2016, M. et Mme C ont fait assigner la SARL Andrea Energy et la SA Franfinance devant le tribunal d'instance de Saint Flour afin notamment de voir :
- dire qu'ils bénéficiaient d'une prolongation de délai de 12 mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial, en raison du non-respect des obligations d'information précontractuelles prévues à l'article L. 121-17 2° du Code de la consommation ;
- dire que les informations contenues sur le bon de commande sur les modalités de rétractation sont fausses et doivent s'analyser comme un défaut d'information ;
- dire qu'ils ne devront supporter aucun coût lié à la résiliation de plein droit du contrat et du contrat de crédit accessoire ;
- condamner la SARL Andrea Energy à procéder à la récupération du matériel photovoltaïque et à remettre les lieux dans l'état dans lequel ils se trouvaient avant la conclusion du contrat, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour à compter de la signification du jugement ;
- juger que la SA Franfinance devra leur rembourser toute somme prélevée au titre de l'opération de crédit accessoire, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour à compter de la signification du jugement.
Par jugement du 29 août 2017, le tribunal d'instance de Saint Flour, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- s'est déclaré compétent ;
- a prononcé la résolution du contrat de vente et de prestation de service liant les époux C à la SARL Andrea Energy ;
- a prononcé par application de l'article L. 312-48 du Code de la consommation, la résolution du contrat de crédit liant les époux C à la SA Franfinance ;
- a débouté la SA Franfinance de sa demande en paiement à l'encontre des époux C ;
- a ordonné à la SA Franfinance de rembourser à M. et Mme C toute somme prélevée par elle au titre de l'opération de crédit, à compter de la signification du jugement, mais sans astreinte ;
- a condamné la SARL Andrea Energy à verser à la SA Franfinance la somme de 16 900 euros correspondant au montant du prêt débloqué entre ses mains, à compter de la signification du jugement ;
- a rejeté le surplus des demandes des parties ;
- a condamné la SARL Andrea Energy à payer à M. et Mme C la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, et aux dépens.
Le tribunal a estimé que la SARL Andrea Energy s'était engagée dans le cadre du bon de commande, à installer des panneaux photovoltaïques et à gérer le dossier administratif relatif à l'installation, notamment la demande de raccordement auprès d'ERDF ; qu'elle ne s'était pas acquittée de cette obligation conventionnelle ; qu'elle avait failli à ses obligations contractuelles ; que cette inexécution ne pouvait être qualifiée de partielle puisque l'installation telle que réalisée n'était d'aucune utilité pour les époux C qui ne pouvaient nullement l'exploiter en l'état, la production d'électricité n'étant pas possible ; qu'il convenait de prononcer la résolution du contrat principal sur le fondement de l'article 1184 ancien du Code civil.
Par ailleurs, il a considéré que la SA Franfinance avait failli à ses obligations en ne prenant pas la précaution de s'assurer de l'exécution complète de la prestation, notamment l'existence du raccordement avec ERDF.
La SA Franfinance a interjeté appel de ce jugement, suivant déclaration électronique reçue au greffe de la cour en date du 24 novembre 2011.
Le 9 janvier 2018, la SA Franfinance a signifié la déclaration d'appel à la SARL Andrea Energy.
Par jugement du 5 avril 2018, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL Andrea Energy, et Maître Jean Philippe REVERDY a été désigné en qualité de liquidateur.
Par acte d'huissier de justice du 28 juin 2018, M. et Mme C ont fait appelé en cause Maître Jean Philippe REVERDY ès qualité de liquidateur de SARL Andrea Energy.
Aux termes de ses dernières conclusions reçues au greffe en date du 11 juillet 2018, la SA Franfinance demande à la cour de réformer le jugement, et statuant à nouveau de :
à titre principal de :
- dire que les époux C ne peuvent bénéficier de la prolongation du délai de rétractation à 12 mois ;
- juger que les conditions de résolution du contrat principal de vente ne sont pas réunies, et que le contrat de crédit n'est pas résolu ;
- débouter M. et Mme C de l'ensemble de leurs demandes.
à titre subsidiaire, si la cour considérait que le contrat principal de vente était nul ou résolu, entraînant la nullité ou la résolution du contrat de crédit, de condamner les époux C à lui payer la somme de 16 900 euros au titre de l'obligation pour l'emprunteur de restituer le capital emprunté, déduction faite des remboursements effectués ;
à titre infiniment subsidiaire, si la cour devait considérer que M. et Mme C n'ont pas l'obligation de lui restituer le montant du capital prêté, de :
- juger que l'exécution de l'obligation de la société Franfinance de restituer aux emprunteurs le montant des échéances versées, sera conditionnée à l'exécution par ceux-ci de leur obligation de restituer la centrale photovoltaïque ;
- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Andrea Energy la somme de 16 900
euros correspondant au montant du prêt débloqué entre ses mains ;
en tout état de cause, de :
- lui allouer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner in solidum M. et Mme C aux dépens ;
- dire que dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations, l'exécution devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier de justice, le montant des sommes retenues par l'huissier en application de l'article R. 444-55 du Code de commerce et son tableau 3-1 annexé, devra être supporté par le débiteur.
Elle relève que le contrat de vente comprend un formulaire détachable de rétractation conforme aux dispositions du Code de la consommation, hors le délai pendant lequel cette faculté est ouverte. Si en application de l'article L. 221-20 du dit Code, l'erreur sur l'information est assimilée à l'absence d'information permettant au consommateur de demander la prolongation du délai de rétractation de 12 mois, ces dispositions ne visent que le défaut d'information sur les modalités de rétractation, ce qui ne correspond pas au cas d'espèce où seul le délai est remis en question.
Toutefois, si la cour considérait que certaines mentions sont manquantes ou imprécises, la sanction est la nullité relative du contrat de vente. Conformément à l'article 1338 du Code civil, la nullité relative est susceptible de confirmation en cas d'exécution volontaire du contrat. Or, les époux C ont manifesté clairement leur volonté, à l'aune de trois documents distincts, de réceptionner l'ouvrage et de régler le vendeur en demandant à Franfinance de débloquer le montant du prêt entre ses mains. Elle rappelle que les époux C ont régularisé de leur main la mention suivante figurant sur le bon de commande : " Je déclare être d'accord et reconnais avoir pris connaissance des articles L. 121-23 à L. 121-26 du Code de la consommation applicables lors de la vente à domicile... ". Ainsi, ils étaient en mesure de connaître dès la signature du bon de commande, les éventuels vices dont celui-ci pouvait être frappé.
Sur la résolution du contrat de vente sollicitée au visa de l'article 1184 du Code civil, elle constate que le tribunal n'était pas saisi d'une telle demande ; que de ce seul chef, la réformation s'impose.
Par ailleurs, elle rappelle que si le manquement allégué n'est pas suffisamment grave et peut être réparé par l'octroi de dommages et intérêts, la résolution doit être écartée, ce qui est le cas en l'espèce. Elle observe en outre que la lecture du bon de commande permet de constater que la demande de raccordement auprès d'ERDF devait être effectuée par M. et Mme D Y sont de plus en possession d'une installation en état de marche, celle-ci fonctionnant à des fins d'auto-consommation.
A titre subsidiaire, elle fait valoir que le prêteur verse les fonds au vendeur sans commettre de faute lorsqu'il le fait au vu d'un bon attestant que la livraison ou la prestation a été effectuée, ou au vu d'un certificat de livraison. M. C a signé une attestation de livraison des travaux exempte de toute équivoque, en vertu de laquelle il a attesté de l'exécution du contrat et donné ordre à la banque de débloquer les fonds entre les mains du vendeur. Elle ajoute que le raccordement est exclu du champ de cette attestation puisqu'il s'agit d'une prestation accessoire qui ne dépend pas uniquement de l'installateur, et que le raccordement est sans lien avec le fonctionnement d'une installation photovoltaïque qui peut fonctionner à des fins d'auto-consommation. Elle estime ainsi n'avoir commis aucune faute dans le versement des fonds.
Dans leurs dernières conclusions reçues au greffe en date du 9 janvier 2019, M. Z B C et Mme X E épouse C demandent à la cour de réformer le jugement et statuant à nouveau :
à titre principal, de :
- dire qu'ils bénéficiaient de la prolongation du délai légal de rétractation de 12 mois sur le fondement de l'article L. 221-20 du Code de la consommation ;
- juger qu'ils ont valablement exercé ce droit à rétractation durant la prolongation du délai légal, soit le 31 mars 2016 ;
- prononcer la résolution de plein droit du contrat principal mettant automatiquement fin au contrat de crédit affecté accessoire sans frais ;
- dire qu'ils ne devront supporter aucun coût lié à la résolution de plein droit du contrat et du contrat de crédit ;
- juger qu'ils ne sauraient être tenus de renvoyer les panneaux photovoltaïques compte tenu de leur nature conformément aux dispositions de l'article L. 221-23 alinéa 2 du Code de la consommation ;
- fixer au passif de la liquidation de la SARL Andrea Energy leur créance à hauteur de 6 201,80 euros correspondant aux frais de dépose des panneaux et de remise en état des lieux ;
- dire que la SA Franfinance devra leur rembourser toutes sommes prélevées par elle correspondant aux échéances payées au titre de l'opération de crédit accessoire ;
- débouter la SA Franfinance de sa demande de restitution à leur encontre de la somme de 16 900 euros correspondant au capital prêté, déduction faite des remboursements effectués, et de toutes ses autres demandes ;
- à défaut de prononcer la résolution de plein droit du contrat principal, prononcer la nullité du contrat principal et la nullité du contrat de crédit affecté accessoire ;
- si la cour estimait que les emprunteurs devaient restituer le capital emprunté, condamner la SA Franfinance à leur payer la somme de 16 900 euros à titre de dommages et intérêts, et juger que la SARL Andrea Energy prise en la personne de son liquidateur, devra les garantir en cas de condamnation et fixer leur créance au passif de la liquidation judiciaire ;
à titre subsidiaire de :
- prononcer au visa de l'article 1184 du Code civil, la résolution du contrat principal et confirmer en ce sens la décision du tribunal d'instance de Saint Flour ;
- prononcer la résolution du contrat de crédit affecté accessoire ;
- débouter la SA Franfinance de sa demande de paiement de la somme de 16 900 euros correspondant au capital emprunté, déduction faite des remboursements effectués ;
- dire qu'ils ne sauraient être tenus de renvoyer les panneaux photovoltaïques à leurs frais ;
- fixer au passif de la liquidation de la SARL Andrea Energy leur créance à hauteur de 6 201,80 euros correspondant aux frais de dépose des panneaux et de remise en état des lieux ;
- dire que la SA Franfinance devra leur rembourser toute somme prélevée par elle correspondant aux échéances payées au titre de l'opération de crédit accessoire ;
- si la cour estimait qu'il leur appartenait de restituer le capital emprunté, condamner la SA
Franfinance à leur payer la somme de 16 900 euros, et juger que la SARL Andrea Energy prise en la personne de son liquidateur devra les garantir en cas de condamnation et fixer leur créance au passif de la liquidation judiciaire
- débouter la SA Franfinance de toutes ses autres demandes ;
en tout état de cause :
- condamner la SA Franfinance au paiement de la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;
- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Andrea Energy la somme de 1 000 euros correspondant au montant alloué en première instance sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que la créance résultant des dépens de première instance.
Ils expliquent que le bon de commande signé le 23 juin 2015 fait état de manière erronée d'un délai de rétractation de sept jours à partir du jour de la commande, de même que les conditions générales de vente. Par ailleurs, ils n'ont jamais reçu d'information précontractuelle concernant les conditions, le délai et les modalités d'exercice du droit de rétractation. Aussi, ils soutiennent avoir usé de leur droit de rétractation le 31 mars 2016, neuf jours après la date indiquée sur le courrier de la Direction de la Protection des Populations du Rhône conformément aux dispositions de l'article L. 221-20 du Code de la consommation.
Sur la question de la nullité relative, ils font observer que les conditions particulières figurant au dos du bon de commande faisant référence aux articles L. 121-23 à L. 121-26 comportent également une mention erronée du délai de rétractation, et qu'ils ont été contraints d'agir en justice suite au refus du vendeur de faire droit à l'exercice de leur droit de rétractation. Il s'agit de dispositions d'ordre public.
Ils font valoir que la confirmation d'un acte nul suppose que M. C ait eu connaissance et conscience du vice affectant le contrat et qu'il ait manifesté son intention de régulariser la situation, ce qui n'est pas le cas.
Ils observent en outre que le contrat de crédit était atteint de plusieurs vices complémentaires au défaut d'information sur le délai légal de rétractation.
Ils estiment ensuite que l'établissement de crédit a commis plusieurs manquements devant le priver de sa demande en restitution du capital emprunté. La SA Franfinance aurait dû lors de l'étude du dossier, s'apercevoir des irrégularités relatives au délai de rétractation, estimant qu'il lui était possible de leur délivrer l'information ou d'en informer son partenaire commercial. Par ailleurs, ils exposent que l'attestation fournie ne fait aucunement référence à l'ensemble des prestations devant être réalisées, et que la société Franfinance devait s'assurer de l'exécution complète de la prestation de service prévue par le bon de commande. Ainsi, la simple comparaison entre le descriptif du bon de commande et l'objet financé mentionné dans le contrat de crédit aurait dû la conduire à s'interroger sur l'étendue des obligations financées. Enfin, le fait qu'un délai d'un mois s'était écoulé entre la signature du bon de commande et la date mentionnée sur l'attestation de livraison, aurait dû attirer l'attention du prêteur sur l'impossibilité sur une période aussi courte d'obtenir le fonctionnement de l'installation.
A titre subsidiaire, ils considèrent que les inexécutions contractuelles de la SARL Andrea Energy sont suffisamment graves pour justifier la résolution de la commande sur le fondement de l'article 1184 ancien du Code civil : elle s'est abstenue de mener à bien les démarches administratives auprès d'ERDF empêchant le raccordement de l'installation alors que ces obligations figuraient dans le bon de commande et dans le mandat spécial de délégation. Au surplus, la SARL Andrea Energy a délivré une attestation Consuel mensongère le 30 juillet 2015 indiquant un raccordement
au réseau public de distribution d'électricité alors qu'aucun raccordement n'avait été effectué.
Maître Jean Philippe REVERDY, ès qualité de liquidateur de la SARL Andrea Energy ne s'est pas constitué.
La SA Franfinance lui a signifié ses conclusions le 19 juillet 2018.
M. et Mme C lui ont signifié leurs premières conclusions le 28 juin 2018.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 janvier 2019.
Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.
Motifs de la décision
- Sur le droit de rétractation
Sur l'exercice du droit de rétractation
L'article L. 121-17 du Code de la consommation, dans sa version applicable à la date du contrat, dispose que préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
2° lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat.
L'article 121-21 ancien dudit Code précise que le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage à domicile ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d'autres coûts que ceux prévus aux articles L. 121-21-3 à L. 121-21-5.
L'article 121-21-1 ancien énonce que lorsque les informations relatives au droit de rétractation n'ont pas été fournies au consommateur dans les conditions prévues au 2° du I de l'article L. 121-17, le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial, déterminé conformément à l'article L. 121-21.
Toutefois, lorsque la fourniture de ces informations intervient pendant cette prolongation, le délai de rétractation expire au terme d'une période de quatorze jours à compter du jour où le consommateur a reçu ces informations.
En l'espèce, il n'est pas contesté que les contrats ont été signés dans le cadre d'un démarchage à domicile, et ce d'autant que les dispositions applicables en la matière sont rappelées dans les conditions générales du contrat principal et qu'il a été signé à Soubizergues à Saint Georges dans le Cantal alors que la SARL Andrea Energy a son siège social à Villeurbanne (69).
Si le bon de commande comprend un formulaire de rétractation, il mentionne toutefois des informations erronées, à savoir 'Conditions d'annulation : Complétez et signez ce formulaire. Envoyez-le par courrier recommandé avec accusé de réception à SARL Andrea Energy : 130 Cours Emile Zola ... au plus tard le 7ème jour à partir du jour de la commande'. Par ailleurs, l'article 13 des conditions générales mentionne la même erreur : " Dans les 7 jours, jours fériés compris, à compter de la commande ou de l'engagement d'achat, le client a la faculté d'y renoncer par lettre recommandée avec accusé de réception. " Ce sont donc les dispositions antérieures à la loi n°2014-1545 du 20 décembre 2014 qui ont été énoncées et qui prévoyaient un délai de rétractation de sept jours.
Il n'est pas établi par ailleurs que M. et Mme C auraient été informés du délai de rétractation de quatorze jours applicables à la date de signature des contrats.
Ainsi, ils sont en droit de se prévaloir des dispositions de l'article L. 121-21-1, à savoir la possibilité d'invoquer une prolongation du délai de rétractation de douze mois applicables lorsque les informations relatives au droit de rétractation n'ont pas été fournies au consommateur dans les conditions prévues au 2° du I de l'article L. 121-17.
Il ressort des pièces versées aux débats que les époux C ont été informés par courrier du 22 mars 2016 de la Direction départementale de la protection des populations du Rhône - Service protection économique du consommateur, que le bon de commande faisait état d'un délai de rétractation erroné de sept jours à partir du jour de la commande, alors qu'ils disposaient d'un délai de rétractation de quatorze jours, et qu'en vertu de l'article L. 121-21-1 du Code de la consommation, ils disposaient d'un délai de rétractation prolongé de douze mois à compter de l'expiration du délai initial, soit quatorze jours après la livraison des panneaux, qu'ils pouvaient exercer.
C'est donc au 22 mars 2016 que les époux C ont eu connaissance du délai d'exercice du droit de rétractation.
Par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) en date du 31 mars 2016, ils ont exercé leur droit de rétractation auprès de la SARL Andrea Energy, en invoquant les dispositions de l'article L. 121-21-1 ancien du Code de la consommation. Le même jour, ils ont informé Franfinance par LRAR de leur démarche. Ils établissent la preuve de l'exercice du droit de rétractation conformément à l'article L. 121-21-2 alinéa 3.
Le droit de rétractation a été exercé dans un délai de neuf jours à compter de l'information reçue. Aussi, il doit être considéré qu'ils ont exercé valablement ce droit durant la prolongation du délai légal.
sur les conséquences de l'exercice du droit de rétractation
L'article L. 121-21-3 ancien énonce que le consommateur renvoie ou restitue les biens au professionnel ou à une personne désignée par ce dernier, sans retard excessif et, au plus tard, les quatorze jours suivant la communication de sa décision de se rétracter.
Néanmoins, pour les contrats conclus hors établissement, lorsque les biens sont livrés au domicile du consommateur au moment de la conclusion du contrat, le professionnel récupère les biens à ses frais s'ils ne peuvent être renvoyés normalement par voie postale en raison de leur nature.
L'article L. 121-21-4 ancien prévoit que lorsque le droit de rétractation est exercé, le professionnel est tenu de rembourser le consommateur de la totalité des sommes versées, y compris les frais de livraison, sans retard injustifié et au plus tard dans les quatorze jours à compter de la date à laquelle il est informé de la décision du consommateur de se rétracter.
Par conséquent, M. et Mme C ne sauraient être tenus de renvoyer les panneaux photovoltaïques à la SARL Andrea Energy compte tenu de leur nature.
Toutefois, ils devront tenir l'installation à la disposition du liquidateur de la SARL Andrea Energy qui pourra venir la récupérer à ses frais, et ce pendant un délai de six mois à compter de la signification de l'arrêt. Passé ce délai, les époux C pourront en disposer librement.
Par ailleurs, les époux C justifient que le coût de la remise en état de la toiture, liée à la dépose des panneaux solaires, s'élève à la somme de 6 201,80 euros TTC par la production d'un devis de la SARL COMBE GIRARD, société spécialisée en menuiserie charpente agencement intérieur/ extérieur ayant son siège à Saint Flour (15). Il convient dans ces conditions de fixer au passif de la liquidation de la SARL Andrea Energy, une créance de 6 201,80 euros à ce titre.
De plus, l'article L. 121-21-7 alinéa 2 ancien dudit Code prévoit que l'exercice du droit de rétractation d'un contrat principal à distance ou hors établissement met automatiquement fin à tout contrat accessoire, sans frais pour le consommateur autres que ceux prévus aux articles L. 121-21-3 à L. 121-21-5.
Dans ces conditions, le contrat de crédit souscrit auprès de Franfinance est mis à néant de plein droit en raison de sa qualité d'accessoire au contrat principal.
Si l'article L. 121-23 ancien du Code de la consommation sanctionne par la nullité, l'établissement d'un contrat de démarchage à domicile non conforme aux dispositions du Code de la consommation et qu'il est considéré que cette nullité est relative et ne peut recevoir application en cas d'exécution volontaire du contrat, il ne saurait être fait application de ces dispositions en l'espèce, dans la mesure où il n'y a pas poursuite volontaire des contrats de démarchage à domicile nuls, mais exercice régulier d'un droit de rétractation mettant fin régulièrement aux contrats.
- Sur la faute de la banque
Le contrat de crédit ayant été mis à néant de manière automatique, cela implique en principe la restitution par l'emprunteur du capital emprunté.
Toutefois, selon l'article L. 311-31 du Code de la consommation, pris dans sa rédaction en vigueur à la date du contrat en cause, les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien, ou de la fourniture de la prestation. Selon l'article L. 311-32 ancien du même Code, en cas de contestation sur l'exécution du contrat principal, le tribunal peut, jusqu'à la solution du litige, suspendre l'exécution du contrat de crédit.
En application de ces articles, le prêteur qui commet une faute lors de la libération des fonds, ne peut prétendre au remboursement du capital prêté (en ce sens Cass. civ. 1re, 27 juin 2018, pourvoi n° 17-16.352 ; 24 octobre 2018, pourvoi n° 17-21.422).
Commet une faute, au regard des dispositions de l'article L. 311-31 du Code de la consommation, le prêteur qui se libère des fonds entre les mains de l'installateur sans rechercher si l'attestation dont il a été rendu destinataire suffit à lui permettre de s'assurer de l'exécution complète du contrat principal, comprenant non seulement la fourniture des panneaux photovoltaïques, mais également leur pose et leur raccordement dans le respect de la réglementation en vigueur (Cass. Com. 8 mars 2017, pourvoi n° 15-22.241).
En l'espèce, la société Franfinance a versé les fonds prêtés à la SARL Andrea Energy au vu d'une attestation de fin de travaux signée de M. Z B C le 23 juillet 2015, rédigée sur une formule pré imprimée à l'entête de l'organisme de crédit Franfinance :
" Je soussigné C Jean Marc, bénéficiaire d'un crédit consenti par Franfinance de 16 900 , offre de crédit n°10119502168 destinée à financer l 'achat suivant : panneaux photovoltaïques, chez le vendeur Andrea Energy, atteste avoir pris livraison du bien, objet du financement, en parfait état, conformément au bon de commande et certifie que son installation n'appelle aucune restriction, ni réserve de ma part (matériel installé). En conséquence de quoi, j'autorise Franfinance à régler au vendeur le crédit accordé.
J'ai bien noté que ce règlement ne pourra pas intervenir avant l'expiration du délai légal de rétractation ".
L'accomplissement des démarches administratives et le raccordement au réseau ERDF faisaient expressément partie des prestations auxquelles s'était obligée la SARL Andrea Energy tel que cela résulte du bon de commande du 23 juin 2015 (dans la désignation des biens vendus et des prestations fournies figuraient : démarches administratives (mairie, région, EDF, ERDF)), et du " mandat spécial de délégation pour démarches administratives " signé le même jour que le bon de commande. Ce mandat prévoyait les obligations suivantes à la charge de la SARL Andrea Energy : réaliser les démarches administratives au nom du mandant auprès de l'urbanisme et le réseau de distribution ERDF ; signer en son nom et pour son compte la proposition de raccordement, celle-ci étant rédigée au nom du mandant ; le cas échéant, signer en son nom et pour son compte la convention de raccordement, celle-ci étant rédigée au nom du mandant ; procéder en son nom aux règlements financiers relatifs au raccordement, le mandataire devient l'interlocuteur du réseau de distribution pour toutes les étapes du raccordement.
Or, le courrier ERDF du 31 mars 2016 produit par les époux C démontre que la SARL Andrea Energy ne s'est pas acquittée de cette obligation.
Au vu de la teneur du bon de commande et de celle de la fiche de réception de travaux, la société Franfinance a délivré les fonds au vendeur au vu de documents qui ne lui permettaient pas de savoir si le contrat principal avait été entièrement exécuté.
Par ailleurs, l'obligation de délivrance de matériels complexes et sophistiqués, tels que le sont des panneaux photovoltaïques, n'est pleinement exécutée qu'une fois réalisée la mise au point effective de la chose vendue, la seule livraison des éléments matériels commandés étant insuffisante à rapporter la preuve de l'exécution de l'obligation de délivrance. L'attestation de fin de travaux dont se prévaut la SA Franfinance date du 23 juillet 2015 alors même que le bon de commande et l'offre de prêt n'ont été signés que le 23 juin 2015, et qu'il existait un délai de rétractation de 14 jours.
Il sera rappelé qu'une telle installation nécessite une demande d'autorisation préalable de travaux auprès de la mairie avant la mise en place des panneaux photovoltaïques et que les travaux ne doivent débuter qu'une fois le délai d'un mois expiré après le dépôt du dossier. Après l'installation des panneaux, le vendeur doit faire procéder au raccordement de l'installation au disjoncteur, obtenir le Consuel, le faire parvenir à ERDF afin d'être raccordé effectivement au réseau ERDF.
La brièveté du délai entre la signature des contrats et l'attestation de fin de travaux aurait dû avoir pour conséquence de la part de la SA Franfinance, de s'interroger sur la question de savoir si les travaux et prestations fournies par la SARL Andrea Energy pouvaient déjà être réalisés.
En outre, la banque aurait dû s'assurer que son partenaire commercial avait démarché les époux C dans le respect des prescriptions du Code de la consommation. En tant que professionnel, la société de crédit aurait dû lors de l'étude du dossier et préalablement au déblocage des fonds, s'apercevoir des irrégularités relatives au délai de rétractation.
Par conséquent, la société Franfinance a commis une faute en versant la totalité de la somme prêtée à la société prestataire, au vu du bon de commande non conforme aux dispositions du Code de la consommation et, de l'attestation de fin de travaux.
La faute du prêteur dans le versement des fonds étant sanctionnée par la perte du droit pour lui à la restitution ou au remboursement du capital, il convient de débouter la banque de l'ensemble de ses demandes. La société Franfinance sera condamnée à restituer aux emprunteurs les sommes qu'ils lui ont versées.
- Sur la demande de Franfinance à l'encontre du vendeur
Selon l'article L. 311-33 ancien du Code de la consommation, si la résolution judiciaire ou l'annulation du contrat principal survient du fait du vendeur, celui-ci peut à la demande du prêteur, être condamné à garantir l'emprunteur du remboursement du prêt, sans préjudice de dommages et intérêts vis-à- vis du prêteur et de l'emprunteur.
Sur le fondement de cet article, la SA Franfinance sollicite la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Andrea Energy de la somme de 16 900 euros correspondant au montant du prêt débloqué entre ses mains.
Or, dans la mesure où les emprunteurs, M. et Mme C n'ont pas été condamnés à rembourser le prêteur, le vendeur ne peut être condamné à garantir les emprunteurs du remboursement du prêt.
Par ailleurs, la non-restitution du capital trouve sa cause dans l'existence de fautes de la banque.
Aussi, sa demande en fixation de créance au passif de la SARL Andrea Energy sera rejetée.
Par conséquent, le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions puisqu'il n'a pas statué sur la demande des époux C visant à voir juger qu'ils avaient exercé leur droit de rétractation, mais a prononcé la résolution des contrats sur le fondement de l'article 1184 ancien du Code civil.
Statuant à nouveau, il sera dit que :
- les époux C ont bénéficié de la prolongation du délai légal de rétractation de 12 mois ;
- ils ont exercé valablement leur droit de rétractation le 31 mars 2016 qui a mis fin au contrat principal ;
- l'exercice du droit de rétractation du contrat principal conclu avec la SARL Andrea Energy a mis automatiquement fin au contrat accessoire de crédit ;
- les époux C devront tenir l'installation à la disposition du liquidateur de la SARL Andrea Energy qui pourra venir la récupérer à ses frais, et ce pendant un délai de six mois à compter de la signification de l'arrêt, et que passé ce délai de six mois, les époux C pourront en disposer librement ;
- une créance de 6 201,80 euros sera fixée au passif de la liquidation de la SARL Andrea Energy au profit des époux C, correspondant aux frais de dépose des panneaux et de remise en état des lieux ;
- la SA Franfinance ayant commis une faute dans la libération des fonds, sera privée de sa demande en restitution du capital prêté ;
- la SA Franfinance devra en outre rembourser les sommes payées par les époux C au titre du prêt ;
- la SA Franfinance sera déboutée de sa demande en fixation de créance au passif de la liquidation de la SARL Andrea Energy.
- Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile
La SA Franfinance succombant principalement à l'instance, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Elle sera en outre condamnée à verser à M. et Mme C la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'équité ne commande pas de faire application de ces dispositions dans les rapports entre les époux C et la SARL Andrea Energy désormais en liquidation judiciaire.
Par ces motifs : La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut, mis à la disposition des parties au greffe ; Infirme le jugement en toutes ses dispositions ; Statuant à nouveau, Dit que M. Z B C et Mme X E épouse C ont exercé valablement leur droit de rétractation le 31 mars 2016 mettant fin au contrat principal conclu entre eux et la SARL Andrea Energy le 23 juin 2015 ; Dit que l'exercice du droit de rétractation du contrat principal conclu avec la SARL Andrea Energy a mis automatiquement fin au contrat accessoire de crédit conclu entre d'une part M. Z B C et Mme X E épouse C et d'autre part la SA Franfinance ; Dit que M. Z B C et Mme X E épouse C devront tenir l'installation à la disposition du liquidateur de la SARL Andrea Energy qui pourra venir la récupérer à ses frais, pendant un délai de six mois à compter de la signification de l'arrêt, et que passé ce délai de six mois, M. Z B C et Mme X E épouse C pourront en disposer librement ; Fixe au passif de la liquidation de la SARL Andrea Energy une créance de 6 201,80 euros au profit de M. Z B C et Mme X E épouse C au titre des frais de dépose des panneaux et de remise en état des lieux ; Dit que la SA Franfinance a commis une faute dans la délivrance des fonds, faute sanctionnée par la perte du droit pour elle à la restitution ou au remboursement du capital ; Ordonne le remboursement des sommes prélevées à M. Z B C et Mme X E épouse C par la SA Franfinance en exécution du contrat de crédit ; Déboute la SA Franfinance de sa demande en fixation de créance au passif de la liquidation de la SARL Andrea Energy ; Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans les rapports entre les époux C et la SARL Andrea Energy ; Condamne la SA Franfinance à payer à M. Z B C et Mme X E épouse C la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.