Cass. com., 10 avril 2019, n° 18-12.882
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Tim (SARL), Tim Martinique (SARL)
Défendeur :
Laboratoires Urgo (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Riffault-Silk
Rapporteur :
Mme Poillot-Peruzzetto
Avocat général :
Mme Pénichon
Avocats :
SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois
LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche : - Vu l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Laboratoires Urgo (la société Urgo) a confié en 1973 la distribution exclusive de ses produits aux sociétés Tim et Tim Martinique (les sociétés Tim) pour les Antilles françaises, par un contrat auquel il a été mis fin en 2010, deux nouveaux contrats, comportant un préavis contractuel de vingt-quatre mois, étant signés le 26 juillet 2010 ; que le 14 février 2013, la société Urgo a notifié aux sociétés Tim la résiliation des contrats avec un préavis de vingt-trois mois et une indemnisation pour le mois restant ; qu'une négociation pour une collaboration fondée sur de nouveaux principes a été menée entre les parties mais rompue le 13 septembre 2014 ; qu'invoquant la rupture brutale de leurs relations commerciales établies ainsi que la rupture abusive des contrats, les sociétés Tim ont assigné la société Urgo en réparation de leurs préjudices, sur le fondement des articles L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et 1134 du Code civil ;
Attendu que pour déclarer irrecevables la demande d'indemnisation des sociétés Tim fondée sur l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, les articles 1134 et 1135 du Code civil et les demandes qui en découlent, l'arrêt, après avoir constaté que la règle du non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle devait recevoir application, dès lors que les parties étaient liées par de nombreux contrats, relève que les sociétés TIM invoquent cumulativement la responsabilité délictuelle de la société Urgo résultant de la rupture brutale des relations commerciales et sa responsabilité contractuelle pour non-respect des obligations de loyauté et de bonne foi, et retient que les deux responsabilités sont fondées sur le même fait générateur ; qu'il en déduit que les demandes des sociétés Tim, qui portent sur le préjudice résultant de la brutalité de la rupture des relations commerciales établies et sur celui résultant du manquement de la société Urgo à diverses obligations contractuelles, et les demandes qui en découlent, telle le paiement du vingt-quatrième mois de préavis non intégralement payé, doivent être déclarées irrecevables ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le principe de non-cumul interdit seulement au créancier d'une obligation contractuelle de se prévaloir, contre le débiteur de cette obligation, des règles de la responsabilité délictuelle et n'interdit pas la présentation d'une demande distincte, fondée sur l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, qui tend à la réparation d'un préjudice résultant non pas d'un manquement contractuel mais du fait distinct qu'est la rupture brutale d'une relation commerciale établie, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables la demande d'indemnisation des sociétés Tim et Tim Martinique fondée sur la responsabilité délictuelle de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et sur la responsabilité contractuelle des articles 1134 et 1135 du Code civil et les demandes qui en découlent, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile, l'arrêt rendu le 19 janvier 2018, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; Remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.