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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. A, 10 avril 2019, n° 16-00031

COLMAR

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Laura Di Pasta (SARL)

Défendeur :

Francesca Developpement (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Panetta

Conseillers :

MM. Roublot, Ouriachi

Avocats :

Mes Harter, Perrier, Cahn, Peskine

TGI Strasbourg, du 27 nov. 2015

27 novembre 2015

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

À partir de 1998, la société Francesca restauration a conçu et développé un concept de restauration rapide italienne à Strasbourg. Plusieurs restaurants ont été ouverts sous cette enseigne. En 2005, a été créée la société Francesca développement, afin de promouvoir le développement de l'enseigne et du concept.

Au début de l'année 2009, M. et Mme X se sont rapprochés de la société Francesca développement. Ils proposaient l'ouverture d'un restaurant de concept Francesca à Avignon. A suivi une période d'échanges et d'études quant aux perspectives d'un tel projet. Par suite, un contrat a été signé le 28 avril 2009 entre la société Francesca restauration et les consorts X et leur société Laura Di Pasta. L'activité du restaurant a commencé en juin 2009. L'exploitation était en pratique effectuée par la société Laura Di Pasta.

Au cours des années suivantes, la société Laura Di Pasta a enregistré des résultats négatifs ou faibles. Elle a sollicité la société Francesca à plusieurs reprises afin d'obtenir son soutien et ses conseils. En cours d'année 2012, une association regroupant plusieurs membres du réseau Francesca s'est formée afin de porter ses revendications à la société Francesca. Les membres de l'association, dont M. X était le président, reprochaient à la société Francesca de ne pas exécuter ses obligations d'assistance en tant que franchiseur, et s'alertaient du manque de rentabilité du concept, soulignant leurs pertes importantes subies au cours des premières années d'exploitation.

Les parties ne parvenaient pas à s'accorder. La société Laura Di Pasta a alors commencé à se fournir en produits auprès d'autres fournisseurs, proposant une gamme élargie dérogeant au concept Francesca. Suite à de nombreux échanges entre les parties, la société Laura Di Pasta a, le 11 avril 2014, adressé un courrier rappelant les manquements pré contractuels et contractuels qu'elle reprochait à la société Francesca, sollicitant une solution amiable.

Finalement, en date du 8 juillet 2014, la société Laura Di Pasta et les consorts X ont assigné la société Francesca développement devant le tribunal de grande instance de Strasbourg.

Par jugement du 27 novembre 2015, le tribunal de grande instance de Strasbourg a débouté la société Laura Di Pasta et les consorts X de toutes leurs demandes, a condamné la société Laura Di Pasta à payer à la société Francesca une somme de 4 405,28 euros au titre de factures impayées, une somme de 5 000 euros au titre de dommages et intérêts, ainsi qu'aux dépens et à une somme au titre des frais irrépétibles. Il a par ailleurs rejeté le surplus des demandes reconventionnelles formées par la société Francesca.

Le tribunal a considéré qu'aucun comportement dolosif de la société Francesca n'était démontré, le seul fait que les bénéfices n'aient pas été conformes aux prévisions ne suffisant pas à le caractériser. Il a également retenu que le défaut d'information pré contractuelle par le franchiseur n'emportait pas automatiquement la nullité du contrat, faute pour le franchisé de démontrer qu'il a été à l'origine d'un vice du consentement. Il a encore jugé que la société Francesca n'avait pas commis de manquements dans l'exécution du contrat susceptibles d'engendrer la résiliation de ce dernier à ses torts. Par ailleurs, le tribunal a décidé qu'une rupture anticipée du contrat était à reprocher à la franchisée. Il a également admis une facture restante due à la société Francesca.

Par déclaration du 5 janvier 2016, la société Laura Di Pasta et les consorts X ont interjeté appel du jugement.

Par leurs dernières conclusions en date du 4 mai 2018, auxquelles était joint un bordereau de pièces récapitulatif, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, les appelants sollicitent l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir soulevée par la partie adverse et déclaré leurs demandes recevables. Ils demandent à la cour, statuant à nouveau, de prononcer la nullité du contrat de franchise et de condamner en conséquence la société Francesca à leur verser plusieurs sommes, au titre notamment du remboursement de leurs investissements et de leur perte de chance d'investir différemment leurs fonds. Subsidiairement, ils demandent que soit prononcée la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Francesca, ainsi que la condamnation de cette dernière à leur verser diverses sommes au titre de pertes de chance et de manques à gagner. Ils sollicitent également le rejet de toutes les demandes adverses, y compris les demandes reconventionnelles. Subsidiairement, ils concluent à la réduction au montant de 1 euro de l'éventuelle indemnisation pour résiliation anticipée. Pour contrer la fin de non-recevoir qui leur est opposée, les appelants considèrent que leur action n'est pas prescrite, le délai de prescription n'ayant pas commencé à courir à la date du contrat, mais au moment où les franchisés ont pu prendre conscience de leur dommage et découvrir le dol. À l'appui de leurs prétentions, les appelants reprochent principalement deux fautes à la société Francesca. D'une part, ils estiment qu'elle a manqué à son obligation précontractuelle d'information et a, par ce fait, vicié leur consentement au contrat de franchise. D'autre part, ils considèrent que la société Francesca a violé son obligation d'assistance, à laquelle elle était tenue comme tout franchiseur percevant une redevance mensuelle. Enfin, ils nient toute faute de leur part dans la résiliation du contrat de franchise.

Dans ses dernières écritures datées du 9 novembre 2018, auxquelles était joint un bordereau de pièces récapitulatif, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation la société Francesca conclue à l'irrecevabilité des demandes adverses, car prescrites. À titre subsidiaire, elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté les appelants de toutes leurs demandes à son encontre. À titre très subsidiaire, si la cour venait à prononcer la nullité du contrat ou sa résiliation à ses torts, elle demande à la cour de constater que le préjudice allégué par les parties adverses n'est pas démontré, et de les débouter en conséquence de leurs demandes indemnitaires. Par ailleurs, à titre reconventionnel, elle demande à la cour de constater que le contrat a été résilié aux torts des appelants, et de les condamner en conséquence à plusieurs sommes en indemnisation de son préjudice, ainsi qu'aux dépens et à une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour étayer ses demandes, la société Francesca fait valoir qu'elle n'a commis aucune faute dans la phase pré contractuelle. Elle nie toute intention dolosive et indique notamment n'avoir pas validé les calculs prévisionnels des consorts X. Elle conteste pareillement tout manquement de sa part dans l'exécution du contrat, en particulier relativement à ses obligations envers les membres du réseau Francesca. À titre subsidiaire, elle discute l'évaluation du préjudice qu'allègue avoir subi la partie adverse. Elle maintient ses demandes reconventionnelles, sollicitant le paiement d'une facture restant due et d'une indemnité de résiliation anticipée.

La cour se référera à ces dernières écritures pour plus amples exposés des faits, de la procédure et des prétentions des parties.

L'affaire a été appelée à l'audience du 28 janvier 2019, à laquelle les parties ont développé leur argumentation et déposé les pièces à l'appui de leurs allégations.

MOTIFS DE LA DECISION :

I/ Sur la recevabilité de la demande des appelants :

Pour conclure à son irrecevabilité, la société Francesca soutient que les demandes de la société Laura Di Pasta et des consorts X sont prescrites. L'intimée soutient que le délai de prescription applicable, en vertu de l'article 1304 du Code civil, est de cinq ans. Elle indique que le contrat litigieux a été conclu le 28 avril 2009 et a pris effet dès sa date de conclusion. Elle considère que le point de départ du délai de prescription doit être placé à la date de signature du contrat, et qu'en conséquence, l'assignation, signifiée le 8 juillet 2014, doit être déclarée irrecevable, l'action en nullité étant prescrite à cette date.

Les appelants ne contestent pas qu'un délai de prescription de cinq ans est applicable, mais répliquent à raison que ce délai n'a pas commencé à courir à la date de signature du contrat, mais à la date où ils ont pu prendre conscience des vices du consentement dont ils se prévalent. En effet, l'article 1304 du Code civil prévoit que le délai ne court, en cas d'erreur, qu'à compter du jour où celle-ci a été découverte. Il est incontestable que, dans le cas où le litige porte sur une erreur sur la rentabilité d'un concept de franchise, le franchisé ne peut avoir connaissance de cette erreur qu'après clôture de son premier exercice social, lorsqu'il dispose d'éléments comptables certains lui permettant d'apprécier la rentabilité de son activité.

C'est dès lors à bon droit que le premier juge, par des motifs propres et adoptés, a retenu que ce n'est qu'à compter de la clôture du premier exercice comptable de la société Laura Di Pasta, soit le 31 mars 2010, qu'a commencé à courir le délai de prescription.

L'assignation ayant été délivrée le 8 juillet 2014, l'action n'était, en conséquence, pas prescrite.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Francesca et tirée de la prescription.

II/ Sur la demande de nullité du contrat de franchise :

Les appelants demandent que soit prononcée la nullité du contrat de franchise conclu avec la société Francesca, pour vice de leur consentement. Ils exposent que le franchiseur a manqué à ses obligations légales d'information précontractuelle. Ils se prévalent à ce titre de l'article L. 330-3 du Code de commerce, qui dispose que, dans le cadre de la conclusion de certains types de contrats, comme les contrats de franchise, le franchiseur est tenu de communiquer au futur franchisé "un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause". Ils visent également l'article R. 330-1 du même Code, qui détaille le contenu du document d'information précontractuelle (DIP) susvisé. La société Laura Di Pasta et les consorts X expliquent à bon droit que la finalité de ces textes, qui sont d'ordre public et dont la violation est pénalement répréhensible, est de protéger le futur franchisé en lui permettant de s'engager en connaissance de cause, en disposant d'informations suffisantes sur la franchise qu'il envisage de rejoindre. Ces informations portent notamment sur la taille du réseau, les modalités du concept, ainsi que l'état et les perspectives du marché concerné, tant au niveau national que, en particulier, au niveau local du secteur géographique où l'implantation du fonds de commerce est envisagée.

Les appelants reprochent principalement à la société Francesca de n'avoir transmis aucun DIP, et d'avoir ainsi manqué à ses obligations légales, ne communiquant aucune information précontractuelle relative à l'état du marché général et local, ainsi que ses perspectives de développement. Ils critiquent également l'absence de vérification de la faisabilité économique du projet, qui selon eux aurait dû être effectuée par la société Francesca. Enfin, toujours en matière d'information précontractuelle, ils soutiennent que la société Francesca a failli à une obligation de communiquer des chiffres prévisionnels sérieux et prudents, dans la mesure où ces chiffres se sont révélé être inexacts.

Il échet en premier lieu de constater qu'en l'espèce, aucun DIP n'a été remis au futur franchisé. En effet, la société Francesca ne nie pas n'avoir transmis aucun document de ce type avant la conclusion du contrat.

Néanmoins, ainsi que le souligne l'intimée à bon droit, l'absence de DIP n'emporte pas automatiquement la nullité du contrat, celui qui entend s'en prévaloir ayant la charge de démontrer que ce manquement est à l'origine d'un vice de son consentement.

Pour contester toute faute de sa part et conclure au rejet des demandes adverses, la société Francesca prétend que le consentement du franchisé n'a pas été vicié.

En premier lieu, il est à retenir que les appelants démontrent le défaut de rentabilité de leur activité, notamment par la production de leurs bilans. Les résultats de la société franchisée ont été très faibles, voire négatifs, lors des premières années d'activité. L'intimée, en dépit de ses allégations, ne démontre pas que le franchisé aurait commis des fautes de gestion qui expliqueraient le défaut de rentabilité de son fonds de commerce. Par ailleurs, les allégations sur la rentabilité d'autres restaurants du réseau et les chiffres afférents ne sont démontrées de manière convaincante par aucune des deux parties.

Le défaut de rentabilité étant avéré, il convient d'envisager successivement les différents moyens avancés par les appelants pour démontrer que des manquements de la société Francesca, au cours de la phase précontractuelle, les ont induits en erreur sur la rentabilité du concept Francesca, viciant ainsi leur consentement lors de la conclusion du contrat de franchise.

La société Laura Di Pasta et les consorts X soutiennent ainsi que l'intimée a engagé sa responsabilité en validant des chiffres prévisionnels qui se sont avérés erronés et dépourvus de prudence. Ils en déduisent un impact direct de ces chiffres prévisionnels sur leur erreur à propos de la rentabilité de la franchise.

Ainsi que l'admettent les appelants, l'obligation d'information précontractuelle du franchiseur n'inclut pas celle de transmettre des chiffres prévisionnels. Tout au plus est-il exigé, si de tels chiffres sont communiqués spontanément, qu'ils soient loyaux et réalistes. La société Francesca réfute l'argumentation adverse en soulignant qu'elle n'a jamais communiqué de comptes prévisionnels, ni validé les chiffres prévisionnels établis par le franchisé. Elle souligne à juste titre qu'aucune preuve de cette validation n'est produite par les appelants, notamment aucun échange de correspondance qui permettrait d'attester que les chiffres auraient été transmis au franchiseur. Les appelants prétendent que ce dernier aurait "nécessairement été informé" de ces chiffres prévisionnels, lesquels auraient été basés sur des indications chiffrées fournies par le franchiseur, le franchisé lui-même ni disposant pas d'informations suffisantes à ce propos. Ils ne peuvent cependant se limiter à ces allégations non spécifiques pour pallier leur carence dans l'administration de la preuve. Le moyen portant sur la validation alléguée de chiffres prévisionnels erronés ne peut être retenu.

Les appelants considèrent par ailleurs que la société Francesca a manqué à son obligation de vérifier la faisabilité économique de leur projet d'ouverture de restaurant franchisé. Ils indiquent que le choix de l'emplacement est un élément du savoir-faire du franchiseur. Elles avancent que la société Francesca n'a pas suffisamment vérifié si l'implantation à l'emplacement choisi à Avignon était viable. Ils en déduisent qu'elle a induit en erreur le futur franchisé en lui communiquant des informations volontairement optimistes et non étayées sur une analyse précise relative à l'emplacement choisi.

Sur ce point, la société Francesca indique qu'elle procède à la validation de la conformité d'un local à son concept, mais ne se prononce pas sur la profitabilité ou la rentabilité qui peuvent être attendues d'un emplacement, que seule une étude approfondie du marché local envisagé peut permettre d'apprécier. Elle estime dès lors n'avoir commis aucun manquement à ce titre.

Les appelants ne démontrent pas que la société Francesca se serait prononcée sur la pertinence économique du choix de l'emplacement, alors qu'elle apparaît s'être contentée de valider sa conformité à son concept. Le franchiseur n'a pas d'obligation spécifique concernant la vérification et la validation du choix du local. La question du défaut d'accompagnement et de renseignement sur l'état du marché local, dans la perspective du choix de l'emplacement, rejoint le moyen principal relatif aux manquements allégués à l'obligation légale d'information précontractuelle, avec lequel elle doit être conjointement analysée.

En effet, les appelants critiquent principalement l'absence d'information sur l'état du marché, notamment local. Ils rappellent que, selon l'article R. 330-1 4° du Code de commerce, le franchiseur doit fournir au franchisé "une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives développement de ce marché". Ils considèrent que cette obligation mise à la charge du franchiseur lui impose d'effectuer un travail d'étude, afin de croiser les informations dont lui seul dispose sur sa franchise et son concept commercial, avec les paramètres particuliers du marché local où l'implantation de la société franchisée est envisagée. Ils ajoutent à bon droit que l'obligation consiste dès lors en un examen, même sommaire - une étude de marché approfondie n'est pas imposée -, du risque concurrentiel et de la rentabilité potentielle, en relation tant avec le marché global que local.

Les appelants soulignent qu'en l'espèce, aucune information sur l'état du marché n'a été fournie par la société Francesca, notamment sur l'état de la société Laura Di Pasta et les consorts X en concluent que ces manquements, constituant une violation caractérisée des obligations légales du franchiseur, ont été déterminants de leur erreur, car ils les ont empêchés d'avoir une connaissance des paramètres de commercialité déterminant la rentabilité de l'entreprise franchisée. Ils en déduisent que leur consentement a été vicié.

Pour sa part, l'intimée fait valoir qu'un franchiseur n'a pas légalement l'obligation de fournir au futur franchisé une étude du marché local, mais uniquement un état du marché. Elle avance que le futur franchisé est responsable d'établir sa propre étude de marché, et d'apprécier seul l'opportunité de l'ouverture d'un commerce franchisé. Elle insiste sur le fait que le vice du consentement n'est pas retenu lorsque le défaut d'information sur l'état du marché n'a pas été un élément essentiel et déterminant de l'engagement du franchisé. Elle prétend qu'il en est ainsi lorsque le futur franchisé a déjà une bonne connaissance du marché local et une expérience de l'activité commerciale.

S'agissant des faits en cause, la société Francesca souligne que M. X affirmait, au moment de la prise de contact avec ses services, avoir une formation et une forte expérience en matière commerciale, y compris dans l'encadrement et le management. L'intimée ajoute encore que M. X a disposé, avant de s'engager, d'un délai de plusieurs mois pour réfléchir au projet, étudier le marché local et faire part de ses interrogations au franchiseur.

L'intimée estime, à la considération de ces éléments, que l'absence d'information précontractuelle sur l'état du marché n'a pas vicié le consentement du franchisé.

La cour constate tout d'abord que la société Francesca, qui ne conteste pas avoir manqué à son obligation d'information précontractuelle, se défend uniquement en alléguant que ce manquement n'a pas entraîné un vice du consentement.

Cependant, s'il est exact qu'il importe de tenir compte, pour apprécier un éventuel vice du consentement, de l'expérience du futur franchisé et de sa connaissance du marché local, il est essentiel de souligner que ceci ne peut concerner que le secteur d'activité visé par la franchise. En effet, l'obligation d'information précontractuelle doit justement permettre au futur franchisé qui ne serait pas connaisseur de l'activité spécifique de la franchise, d'être renseigné par le spécialiste en la matière qu'est le franchiseur.

Au cas d'espèce, il est à relever que M. X n'a jamais exercé une activité franchisée de restauration rapide de pâtes. S'il ne nie pas avoir une formation et une expérience en matière commerciale, il n'avait, auparavant, jamais été en rapport avec ce secteur d'activité. Il ressort de ses déclarations faites au franchiseur que M. X avait été technico-commercial, puis cadre dans un commerce de produits culturels "Fnac", puis enfin agent d'assurances. Ces expériences ne sont en rien comparables avec la gestion d'un restaurant de pâtes franchisé, compte tenu de toutes les problématiques propres liées à cette dernière : choix de l'emplacement, coûts d'installation et de fonctionnement du local, approvisionnements en matières premières, clientèle, concurrence spécifique sur un marché dont les parties s'accordent pour reconnaître qu'il est très concurrentiel.

Un raisonnement analogue peut être tenu concernant la connaissance du marché local. En effet, quand bien même M. X aurait exercé une activité en la ville d'Avignon, ceci ne lui conférait pour autant pas les moyens d'apprécier pleinement les enjeux de l'ouverture d'un restaurant franchisé Francesca, puisqu'il ne disposait pas de connaissances sur le marché local dans le secteur d'activité considéré, n'étant pas en mesure d'avoir accès à toutes les données dont le franchiseur, de par son expertise, pouvait disposer.

En outre, la société Francesca ne peut se prévaloir du délai important dont aurait disposé le franchisé avant de s'engager, dès lors qu'en l'absence d'information précontractuelle, ce délai n'était d'aucune utilité au franchisé, qui ne disposait pas d'un accès suffisant aux informations spécifiques. Il est rappelé que le délai légal de réflexion laissé au franchisé, de vingt jours minimums, ne court qu'à compter de la remise d'un DIP.

Le défaut d'expérience du futur franchisé dans le secteur d'activité considéré, et son manque de connaissance du marché local relativement à ce même secteur d'activité, rendaient d'autant plus nécessaire la communication, par le franchiseur, des informations précontractuelles à même d'apporter au futur franchisé une connaissance et une compréhension suffisante du marché local et de ses perspectives d'évolution, pour lui permettre de s'engager en connaissance de cause. Il s'en déduit qu'en s'absentant de toute communication d'un DIP, la société Francesca a commis un manquement en privant le futur franchisé de précisions et d'informations essentielles qu'il ne pouvait se procurer par lui-même.

Il se conclut de l'ensemble de ces éléments que le défaut d'information précontractuelle, notamment en ce qui concerne l'état du marché local et ses perspectives d'évolution, a eu pour effet de provoquer l'erreur du franchisé sur la rentabilité de la franchise Francesca. Cette erreur sur la rentabilité porte sur la substance même du contrat de franchise, pour lequel l'espérance de gain est déterminante, et caractérise donc un vice du consentement.

En conséquence, le contrat de franchise, entaché d'un vice du consentement, encourt la nullité. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté la demande des appelants, et le contrat de franchise sera déclaré nul.

La nullité du contrat étant retenue, il n'y a pas lieu d'envisager les demandes et moyens développés par les parties relativement à son éventuelle résiliation.

III/ Sur les conséquences de la nullité du contrat de franchise et le préjudice des appelants :

Il convient d'examiner les conséquences de la nullité du contrat de franchise.

A/ le préjudice de la société Laura Di Pasta :

La société Laura Di Pasta demande à ce que les parties soient replacées en l'état antérieur à la signature du contrat de franchise. Elle sollicite que lui soient remboursées les sommes engagées dans l'activité franchisée, ainsi qu'une indemnité de dommages et intérêts, selon le détail suivant :

- 18 000 euros HT au titre du remboursement du droit d'entrée

Cette somme est prévue par le contrat de franchise et n'est pas contestée par l'intimée. Elle sera admise.

- 18 623 euros au titre du remboursement des redevances versées en cours de contrat

Ce montant est étayé par des extraits du grand livre de la société Laura Di Pasta, qui indiquent les différents versements effectués à la société Francesca. L'intimée ne conteste pas la somme mise en compte, se contentant d'observer que les appelants ont corrigé leurs demandes suite à ses observations. Il convient d'admettre ce poste de préjudice.

- 80 000 euros de dommages et intérêts correspondant à la perte de chance de mieux investir ses fonds

Il est rappelé que, pour un franchisé dont le consentement a été vicié, le préjudice s'apprécie comme étant une perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses. La cour estime qu'en l'espèce, la perte de chance doit être estimée à 50 %. Compte tenu des sommes investies par la société Laura Di Pasta, à hauteur de deux emprunts de 78 000 et 45 000 euros, l'allocation d'une somme de 61 500 euros l'indemnisera justement du préjudice subi.

B/ le préjudice de M et Mme X :

M. et Mme X demandent l'indemnisation de leur préjudice propre, en se prévalant du fait qu'un tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement la responsabilité délictuelle, le manquement d'une partie au contrat, dès lors que celui-ci lui a causé un dommage. Leurs demandes indemnitaires sont à ce titre recevables. Ils réclament :

- 87 000 euros au titre du manque à gagner en termes de rémunération, pour chacun d'eux

Néanmoins, la rémunération que M. et Mme X prétendent avoir manqué de gagner aurait trouvé son origine dans le contrat de franchise annulé, qui en aurait été le générateur. L'annulation du contrat de franchise fait que cette rémunération théorique n'a plus de cause. Ce poste sera écarté.

- 40 000 euros correspondant à la perte de chance de mieux investir leurs capitaux

La cour estime que les consorts X sont fondés à être indemnisés au titre de la perte de chance de mieux investir leurs capitaux, qui doit être estimée à 50 %. Compte tenu de l'investissement réalisé, attesté uniquement par un compte courant à hauteur de 54 000 euros, ils seront justement indemnisés par l'allocation d'une somme de 27 000 euros.

IV/ Sur les demandes reconventionnelles de la société Francesca :

La société Francesca forme à titre reconventionnel plusieurs demandes indemnitaires fondées sur l'exécution du contrat de franchise par la partie adverse, qu'elle estime fautive.

La cour ayant retenu la nullité de ce contrat de franchise, aucune des demandes fondées sur l'exécution de cette convention ne peut prospérer. L'intimée en sera déboutée.

V/ Sur les demandes accessoires :

La société Francesca, succombante, sera condamnée aux dépens.

L'équité commande l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit des appelants.

L'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la société Francesca Diffusion.

Par ces motifs, LA COUR, confirme le jugement rendu le 27 novembre 2015 par le tribunal de grande instance de Strasbourg, en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Francesca Diffusion et tirée de la prescription, infirme le jugement rendu le 27 novembre 2015 par le tribunal de grande instance de Strasbourg, pour le surplus, Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant, declare nul le contrat de franchise, condamne la société Francesca Diffusion à payer à la société Laura Di Pasta les sommes de : - 18 000 euros HT au titre du remboursement du droit d'entrée, - 18 623 euros au titre du remboursement des redevances versées en cours de contrat, - 61 500 euros de dommages et intérêts correspondant à la perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses, condamne la société Francesca Diffusion à payer aux consorts X la somme de 27 000 euros au titre de la perte de chance de mieux investir leurs capitaux, deboute les consorts X de leurs demandes au titre du manque à gagner en termes de rémunération, deboute la société Francesca Diffusion de ses demandes reconventionnelles, dit que les montants des condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la date du présent arrêt, condamne la société Francesca Diffusion aux entiers dépens, condamne, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, la société Francesca Diffusion à verser à la société Laura Di Pasta la somme de 1 500 euros, et à Mme X et M. X la somme de 500 euros chacun, dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la société Francesca Diffusion.