Cass. 1re civ., 10 avril 2019, n° 17-13.307
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Goldcar Spain SLU (Sté)
Défendeur :
Cazuc
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Rapporteur :
M. Vitse
Avocat général :
M. Lavigne
Avocats :
SCP Alain Bénabent, SCP Bouzidi, Bouhanna
LA COUR : - Attendu, selon le jugement attaqué, que M. Cazuc a réservé en ligne un véhicule de location auprès de la société Goldcar Spain SLU, dite Goldcar Rental (la société), la prise en main étant prévue le 13 avril 2016, à l'aéroport de Tenerife (Espagne) ; qu'au comptoir de la société, M. Cazuc a conclu une assurance complémentaire pour prendre possession du véhicule ; que, soutenant qu'il avait été contraint de souscrire inutilement cette assurance, il a, en application de la procédure européenne de règlement des petits litiges, saisi un tribunal d'instance aux fins de voir condamner la société à lui rembourser le montant de l'assurance complémentaire et à lui payer une certaine somme au titre des frais de procédure ;
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche : - Vu l'article 16 du Code de procédure civile, ensemble l'article 19 du règlement (CE) n° 861/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges ; - Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que, lorsqu'il applique la procédure européenne de règlement des petits litiges, le juge est tenu de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il s'ensuit que, si, répondant à une demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 5.6 du règlement précité, l'auteur de la saisine formule de nouvelles prétentions, développe de nouveaux moyens ou produit de nouvelles pièces, il appartient au juge qui envisage de prendre en considération de tels éléments d'en assurer la transmission préalable à la partie adverse ;
Attendu que le jugement accueille les demandes de M. Cazuc, après avoir relevé que, dans ses écritures en réponse à celles de la société, celui-ci avait formulé une demande nouvelle, développé des moyens nouveaux et produit des pièces complémentaires ;
Qu'en statuant ainsi, sans avoir préalablement transmis ces éléments à la société, le tribunal a violé les textes susvisés ;
Sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche : - Vu l'article L. 120-1, devenu L. 121-1 du Code de la consommation, tel qu'interprété à la lumière de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur ; - Attendu que, pour retenir l'existence d'une pratique commerciale déloyale, le jugement relève les imprécisions du bon de réservation et du contrat de location sur la nécessité de verser un dépôt de garantie, sur le caractère obligatoire de l'assurance complémentaire en cas de renonciation à ce dépôt et sur la possibilité de choix offerte au client entre le versement d'un dépôt de garantie et la souscription d'une assurance complémentaire ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans expliquer, comme il le lui incombait, en quoi ces documents n'étaient pas de nature à éclairer un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche : - Vu l'article 1382, devenu 1240 du Code civil, ensemble l'article 700 du Code de procédure civile ; - Attendu que le jugement condamne la société à payer une certaine somme à M. Cazuc à titre de dommages-intérêts, en retenant qu'une telle somme lui est allouée en réparation du préjudice lié aux tracas et frais occasionnés par la procédure qu'il a dû engager pour faire valoir ses droits ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les frais non compris dans les dépens ne constituent pas un préjudice réparable et ne peuvent être remboursés que sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, le tribunal a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 19 octobre 2016, entre les parties, par le Tribunal d'instance du Havre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le Tribunal d'instance de Rouen.