CA Paris, Pôle 5 ch. 15, 10 avril 2019, n° 18-05973
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Cooperative Groupement d'Achat des Centres E. Leclerc, Association des Centres Distributeurs E. Leclerc
Défendeur :
Ministre chargé de l'Economie, Direccte - Pôle C
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Fusaro
Avocat :
Me Olivier
Le 26 février 2018, le vice-président, juge des libertés et de la détention (ci-après JLD) de Créteil a rendu une ordonnance en application de l'article L. 450-4 du Code de commerce à l'encontre de :
- l'Association des centres distributeurs E. Leclerc (ci-après ACDLec), sise <adresse>, <adresse> (SIREN 784 413 486) ;
- la Société coopérative groupement d'achat des centres E. Leclerc (ci-après Galec), sise <adresse> (SIREN 642 007 991) ;
- la SAS Scamark, sise <adresse> (SIREN 410 970 503) ;
afin de rechercher la preuve des agissements de l'enseigne de distributeurs E. Leclerc relatifs aux demandes d'avantages financiers dénuées d'obligations réciproques ou proportionnées de la part de l'enseigne, et aux menaces de mesures de rétorsion constituées notamment par des arrêts de commandes ou des interdictions d'accès aux magasins, qui entrent dans le champ des pratiques prohibées par l'article L. 442-6 du Code de commerce, ainsi que toute autre manifestation de ces agissements prohibés.
Les opérations de visite et de saisies se sont déroulées les 28 février 2018 dans les locaux sis <adresse>, occupés par l'ACDLec et le Galec et susceptibles de contenir des documents et/ou supports d'informations relatifs à la fraude présumée.
Les opérations d'ouverture des scellés provisoires afin de constituer les scellés définitifs ont eu lieu en présence des représentants des occupants des lieux dans les locaux de la DGCCRF les 16, 17, 19, 20 avril 2018 et les 22, 23 et 24 mai 2018 et ont été retranscrites sur procès-verbal en date du 24 mai 2018.
L'ACDLec et le Galec ont formé des recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisie du 28 février 2018 (recours en date du 9 mars 2018 enregistré sous le n° RG 18/05973) et contre les opérations de constitution de scellés définitifs consignées sur procès-verbal le 24 mai 2018 (recours en date du 31 mai 2018, n° 18/19390).
L'affaire a été audiencée pour être plaidée le 13 février 2019 et mise en délibéré pour être rendue le 10 avril 2019.
Par conclusions récapitulatives déposées au greffe de la Cour d'appel de Paris le 11 février 2019, les requérantes font valoir :
I - Des saisies abusives et contraires à l'État de droit
A - Le rôle dévolu au JLD signale le nécessaire respect des droit fondamentaux
Il est soutenu que le fait que ce soit le JLD à être compétent pour autoriser les mesures de visites domiciliaires prévues à l'article L. 450-4 du Code de commerce, révèle que sont en cause des principes et droits fondamentaux, notamment celui du secret des correspondances des avocats.
En l'espèce, c'est tout le contraire qui s'est passé, ainsi que l'atteste la présence, parmi les documents saisis, de correspondances en provenance ou à destination des avocats des sociétés visées.
B - Le secret professionnel des avocats, nécessaire dans une société démocratique, et à ce titre " loi de police " particulièrement impérieuse
Il est cité le texte de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 et une jurisprudence de la Cour de cassation le concernant.
Il est argué que plusieurs considérations se conjuguent pour faire de cet article, qui doit être appliqué au cas d'espèce sans rechercher si les documents saisis sont relatifs au droit de la défense, une loi de police.
En effet, cet article entre dans les dispositions de l'article 9 du règlement du Rome I 593/2008 ainsi que dans celles du 32e considérant et de l'article 16 du règlement Rome II 824/2007, et trouve son fondement juridique dans l'article 8 de la CESDH relatif au secret des correspondances.
Il est soutenu que puisqu'il s'agit d'une loi de police, le secret professionnel français des avocats couvre tous les échanges entre un client et ses avocats, même non établis en France.
Il est également argué que le secret professionnel couvre toute correspondance entre un avocat et son client, que l'avocat soit expéditeur ou destinataire ; toutes stratégies de défense et toutes les questions relatives à la licéité de pratiques ou de contrats ; les courriers internes qui reprennent les courriers de l'avocat.
Il est fait valoir qu'un client peut avoir plusieurs avocats et qu'un même avocat peut avoir comme clients les associés d'une société, et la société, la seule limite étant celle de la déontologie et de l'évitement des conflits d'intérêts.
En l'espèce, ce n'est pas parce que la Direccte a choisi de contester Eurelec en ne visant que le Galec et l'ACDLec, pour une raison de compétence administrative territoriale, que les avocats dont les correspondances ont été saisies représentent chacun des intérêts distincts.
Par ailleurs, un " client " ne se résume pas au salarié nommément destinataire ou expéditeur.
Les requérantes contestent l'idée émise par les agents de l'Administration lors de la visite domiciliaire et puis des opérations d'ouverture des scellés provisoires, selon laquelle une correspondance en provenance ou à destination d'un avocat serait déconfidentialisée dès l'instant où le salarié destinataire ou expéditeur la transfère à un autre salarié.
II - L'illicéité manifeste : la saisie illicite, volontaire et injustifiable, des échanges entre les sociétés visitées et les avocats, et le mépris de l'État de droit
A - Des saisies illicites effectuées par des professionnels des enquêtes de concurrence, avec conscience manifeste de la gravité de l'illicéité
Il est argué que malgré les protestations de Mme A, les agents de l'Administration ont saisi des documents couverts par le secret professionnel.
B - L'examen des pièces en litige
Les requérantes demandent qu'il soit exercé un examen in concreto des pièces litigieuses.
- Les pièces en litige dans l'affaire RG n° 18/05973 (saisies papier)
a - Cotes 28 à 32 du scellé 9 (pièce n° 9)
Il s'agit d'un mail transférant plusieurs messages antérieurs adressé par Maître Maxime Berlingin, avocat au cabinet Fieldfisher de Bruxelles, à Marcus Steinberg, du groupe X, et à son avocat Maître David Stein du cabinet Osborne Clark.
Il est argué que ce mail est un message récapitulatif sur l'état d'avancement d'une négociation commerciale, adressé par l'avocat en charge de cette négociation à son propre client. C'est donc une pièce unique, voulue comme telle par l'avocat expéditeur, couverte entièrement par le secret professionnel.
b - Cotes 33 à 34 du scellé 9 (pièce n° 10)
Il s'agit d'un mail adressé par un salarié d'Eurelec à Maître Berlingin et à Maître Germain du cabinet Fieldfisher, avec copie à certains salariés de l'ACDLec.
Il est soutenu que ce mail ne pouvait pas être saisi dans la mesure où fait le point au sujet d'une négociation, au moyen d'un échange direct entre clients et avocats.
c - Cotes 268 à 274 (pièce n° 11)
Il s'agit d'un accord donné par un salarié du Galec à un avocat pour adresser des pièces à un fournisseur. La pièce est donc, par nature, confidentielle.
d - Cotes 407 à 422 et 423 à 429 du scellé 13 (pièces n° 12 et 13)
Il s'agit de deux notes juridiques sur un point qui était sensible pour la conduite des négociations sur les risques d'application du droit national français à une négociation commerciale européenne, dont le signataire a une double qualité d'avocat et de professeur.
e - Cotes 443 à 448 du scellé 13 (pièce n° 14)
Il s'agit d'un courriel du 16 octobre 2017 transférant d'autres mails et concernant le transfert des relations commerciales de JDE de France et d'Allemagne vers la Belgique, adressé par Me Berlingin à des salariés de Y ainsi qu'à Me B.
Il est précisé que ce courriel se termine par la clause de confidentialité du cabinet Fieldfisher.
f - Cotes 449 à 474 du scellé 13 (pièce n° 15)
Il s'agit d'un mail relatant les échanges de Me Berlingin avec JDE et les transférant au Galec, qui se termine par une clause de confidentialité du cabinet Fieldfisher, qui enclot ainsi les mails transférés.
g - Cotes 579 à 582 du scellé 13 (pièce n° 16)
Il s'agit d'un courriel interne au Galec transférant intégralement, sans ajout ni modification, un mail de Maître Berlingin adressé aussi à Maître Germain, dans lequel Me Berlingin faisait le point sur les points juridiques en suspens dans la négociation avec Mars, et transférant aussi des courriels adressés par les négociateurs d'Eurelec à ces mêmes avocats.
Il est argué qu'il s'agit bien là d'un dossier juridique, en prévision d'une défense, dans la mesure où le commerce repose sur des questions juridiques et il s'agissait de créer une filiale commune en Belgique, que l'Administration présume " illicite ".
h - Cote 3 du scellé 14 (pièce n° 17)
Il s'agit d'un courriel adressé par Me C, avocat et conseil du mouvement E. Leclerc, à des salariés du Galec concernant l'interprétation de l'arrêt Expedia, au sujet de la notion de loi de police et de son application dans l'ordre juridique européen, et donc relatif à la stratégie de défense du Galec.
i - Cotes 340 et 341 du scellé 14 (pièce n° 18)
Il s'agit d'une note manuscrite relatant les indications verbales fournies par les avocats du cabinet Fieldfisher au sujet des contrôles de la Direccte.
j - Cotes 342 et 343 du scellé 14 (pièce n° 19)
Il s'agit d'un courriel d'un salarié d'Eurelec qui transmet à des salariés d'Eurelec et du Galec, et aussi à Maîtres Berlingin et Germain des demandes d'éclaircissements émanant de Danone. Cette pièce est donc destinée à constituer une pièce du dossier des avocats destinataires et participe à leur stratégie de défense.
k - Cotes 352 à 354 du scellé 14 (pièce n° 20)
Il s'agit d'un courriel adressé par une salariée de la société à des salariés Y, mais aussi à Maître Germain et Berlingin du cabinet Fieldfisher contenant les propositions de la société Reckitt Benkiser.
A titre subsidiaire, le Galec ne s'oppose pas au maintien de la saisie de ce document.
l - Cotes 404 et 405 du scellé 14 (pièce n° 21)
Il s'agit d'un mail adressé par D et Charon du cabinet Loyensloeff transférant la traduction d'une note rédigée par M. E de la société Eurelec, qui transmet le point de vue de F
Il est précisé que pour la création d'Eurelec les avocats sont communs pour le mouvement Z, X et Eurelec.
m - Cotes 430 à 435 du scellé 14 (pièce n° 22)
Il s'agit d'un mail d'un salarié Z transférant une chaîne de courriels, dont l'essentiel concerne une proposition de clause relative à la loi applicable rédigé par Me Berlingin.
n - Cotes 436 à 441 du scellé 14 (pièce n° 23)
Il s'agit d'un courriel d'un salarié du Galec transférant une consultation de Me Berlingin, au sujet de la loi applicable, et des mails successifs adressés ou reçus par Maîtres Berlingin, Germain ou B, toujours sur la même question.
Il est argué qu'il s'agit manifestement de la mise en place d'une stratégie de défense par plusieurs conseils ensemble, en rotation avec les salariés des entreprises clientes.
- Les saisies informatiques
A titre préliminaire, les requérantes critiquent quatre propositions, développées par la Direccte en pages 12 et 13 de ses conclusions récapitulatives.
S'agissant de la première proposition laquelle exige un lien entre les documents couverts par le secret professionnel et les droits de la défense, il est fait valoir que si aucun litige n'est encore procéduralement né à propos de la création d'Eurelec, l'Administration affirme régulièrement l'illicéité de la création par les enseignes E. Leclerc et X de cette société commune (alors que cette création n'est que l'exercice de la liberté européenne d'établissement). Il en découle que les documents relatifs à cette question sont susceptibles de relever du droit de la défense et doivent, à ce titre, être couverts par le secret professionnel.
Concernant la deuxième proposition selon laquelle les échanges avocat client qui relatent des échanges avec des tiers fournisseurs ne pourraient bénéficier du secret professionnel, il est soutenu qu'au contraire, transmettre des courriers ou propositions de tiers est nécessaire à la constitution du dossier de l'avocat et à la mise en place d'une stratégie juridique.
S'agissant de la troisième proposition visant à segmenter la clientèle d'un avocat, en avançant qu'un avocat ne peut avoir plusieurs clients, il est argué que la création d'Eurelec a nécessité la constitution d'un pool d'avocats pour des questions de langue et de compréhension de divers droits nationaux (allemand, belge ou français) et européen, commun aux deux associés X et Z et à l'entreprise Eurelec.
Concernant enfin la quatrième proposition d'après laquelle les perquisitions et saisies litigieuses, bien que réalisées au sein des locaux du Galec et de l'ACDLec, pouvaient conduire à la mise en cause des sociétés non françaises que sont Eurelec et X, et que, puisque ces sociétés n'ont pas formé de recours, tous les documents les concernant, même adressés ou reçus par un avocat, ne sont pas couverts par le privilège légal, il est encore rappelé qu'il s'agissait manifestement d'un pool d'avocats. En tout état de cause, il n'appartient pas à la Direccte, ni même au juge, de statuer sur le périmètre de la relation de clientèle de chaque avocat.
Il est également fait valoir que contrairement aux pièces n° 8-43 et 8-174, les pièces n° 8-138 et 8-1 ne pouvaient pas être saisies dans la mesure où elles ont trait, respectivement, à un conflit d'intérêt au sein du cabinet Fieldfisher au sujet du fournisseur Kellogs, et non pas des sociétés requérantes, et à l'analyse d'un document juridique relatant les négociations avec Pepsico au sujet du droit applicable.
Il en va de même pour les pièces n° 8-32, 8-108, 8-77, 8-4, 8-11, 8-24 à 8-28, 8-37 à 8-39, 8-49, 8-52, 8-53, 8-55, 8-63, 8-66 ç 8-70, 8-74, 8-777, 8-78, 8-82, 8-103, 8-109, 8-117, 8-118, 8-129, 8-130, 8-147, 8-158, 8-159, 8-168, 8-184, 8-194, 8-195, 8-198 et 8-199, qui sont des documents dans lesquels un avocat transmet à son client les réactions, analyses ou questions des tiers, notamment des fournisseurs, et font donc partie de son dossier, et pour les pièces n° 8-31 (pages 11 et 12), 8-32 (pages 3 à 12), 8-93 (pages 2 à 24), 8-105 (pages 5 à 10), 8-110 (pages 2 à 10), 8-112 (pages 3 à 6), 8-113 (pages 6 à 22), 8-120 (pages 2 à 62), 8-125 (pages 7 à 40), 8-128 (pages 2 à 38), 8-141 à 8-143 (message du 18/07/2017 à 17h47), 8-180 (pages 3 à 16), 8-181 (pages 3 à 14), 8-185 (pages 3 à 6), 8-190 (pages 2 à 42), 8-200 (pages 2 à 400) ainsi que 8-32, 8-104 (pages 2 à 44), 8-106 (pages 2 à 12), 8-160 (pages 5 à 16), 8-181 (pages 3 à 14), 8-182 (pages 2 à 44), 8-183 (pages 3 à 14), 8-187 (pages 5 à 20), 8-192 (pages 7 à 24), qui sont des documents émanant d'entreprises lesquels ont été finalement remis aux cabinets d'avocats.
- les subsidiaires
Les requérantes ne s'opposent pas à ce que soit maintenue la saisie des pièces suivantes : pour l'affaire RG n° 18/05973 pièce n° 20, ou cote 352 à 354 du scellé 14 ; pour l'affaire RG n° 18/19390, les pièces n° 14 à 23, 29, 30, 43, 44, 48, 50, 62, 91, 121, 162 à 167, 172, 173, 175, 176, 177, 179, 188, 189, 191.
III - Réponse aux observations du Ministère public en date du 5 février 2019
1 - Sur la constitution de la société commune Rewe Leclerc
Il est rappelé qu'il est licite de créer à l'intérieur du marché unique européen une société commune de plein exercice entre deux enseignes européennes (X étant présent dans plus de dix États européens et Z dans cinq).
2 - Sur l'existence d'un pool d'avocats
Il est soutenu que la constitution d'une société comme la société Eurelec soulève des questions diverses (de droit des sociétés, de droit fiscal, de droit européen...) et qu'aucun cabinet ne peut prétendre avoir les compétences globales requises.
3 - Sur le risque de récidive du " soupçon ", qui deviendrait un motif légitime pour limiter le secret
Il est argué que le raisonnement tenu par le Ministère public sur ce point vide le secret professionnel de tout contenu.
4 - Sur le périmètre du secret professionnel défini par l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971
a - La Direccte et le Ministère public succombent à la tentation de violer la loi
Il est rappelé que le litige concerne une perquisition et des saisies opérées uniquement sur le fondement du droit interne français des relations commerciales (article L. 442-6 du Code de commerce), et que le droit de la concurrence ou le droit européen des enquêtes de concurrence diligentées par la Commission européenne n'est pas en cause.
b - L'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 est incontournable, " en toutes matières ", et c'est une loi de police
Il est argué que la simple glose de cet article suffit à réfuter la thèse de la Direccte et du Ministère public.
En conclusion, il est demandé de :
- recevoir la société anonyme Coopérative des Groupements d'Achats E. Leclerc (dite Galec) et l'Association des Centres Distributeurs E. Leclerc (dit ACDLec) en leurs recours, et les y dire bien fondées ;
- constater que de nombreux documents saisis étaient couverts par le secret des correspondances entre avocats et clients, et que les agents de la Direccte les ont saisis en parfaite connaissance de cause ;
- annuler les saisies de documents sur support papier opérées au cours des opérations de saisies (procès-verbal du 28 février 2018, RG n° 18/05973) ;
- annuler la constitution de scellés définitifs, tels qu'ils sont décrits dans le procès-verbal du 24 mai 2018 (RG 18/19390) et dire et juger que ces scellés sont nuls pour avoir été constitués de manière illégale, dans la limite du présent recours tels que ces scellés sont énumérés aux points 46 à 72 des présentes conclusions ;
- dire que les pièces placées sous les scellés définitifs annulés seront conservées jusqu'à une décision définitive sur le recours ;
Subsidiairement,
- maintenir la saisie des pièces énumérées au point 73 des présentes conclusions ;
- condamner l'État aux entiers dépens.
Par conclusions récapitulatives et en réplique déposées au greffe de la Cour d'appel de Paris le 15 janvier 2019, la Direccte fait valoir :
1 - Le champ d'application de la protection du secret des correspondances entre un avocat et son client
- Rappel de l'état du droit et de la jurisprudence quant à la protection du secret des correspondances entre un avocat et son client
Il est fait valoir que la protection du secret des correspondances avocat client n'a pas un caractère absolu mais ainsi que la Cour de cassation et la Cour européenne des droits de l'Homme (ci-après CEDH) l'ont rappelé à plusieurs reprises, s'attache précisément à l'exercice des droits de la défense.
Dès lors, le seul fait qu'un courrier émane d'un avocat n'a pas pour effet d'en interdire la saisie.
- Les requérantes font une acception trop large de ce droit fondamental
Il est argué que le seul fait qu'un avocat soit en copie d'un message, ou figure parmi la liste des destinataires, ne peut suffire à reconnaître à ce message la protection alléguée.
En effet, les 15 saisies papier et les 164 saisies informatiques, dont l'annulation est demandée, recouvrent une palette très large de situations, dans lesquelles plusieurs circonstances, notamment le lien effectif entre l'avocat et son correspondant, peuvent conduire à exclure certaines correspondances du bénéfice de la protection.
Il est par ailleurs précisé qu'il n'existe aucun contexte procédural particulier entre les requérantes et la Direccte, le contrôle du respect, par les entités de l'enseigne E. Leclerc, des dispositions du titre IV du livre IV du Code de commerce, ne revêtant aucun caractère exceptionnel.
2 - Les preuves de pratiques illicites recherchées en l'espèce
Il est rappelé qu'en l'espèce, une des pratiques illicites présumées visées par l'ordonnance - contre laquelle les sociétés requérantes n'ont pas interjeté appel -, concernait le fait, pour l'enseigne E. Leclerc, de soumettre ou de tenter de soumettre indûment certains de ses fournisseurs établis en France aux dispositions du droit belge, notamment dans l'objectif d'écarter l'application des dispositions du Code de commerce français, plus protectrices de ces derniers.
Cette pratique est susceptible de relever des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce, relatives au déséquilibre dans les relations commerciales entre distributeurs et fournisseurs.
C'est donc la recherche d'éléments de preuve de cette pratique qui a conduit les enquêteurs à saisir des documents relatifs à la constitution d'Eurelec et à la participation des entités du mouvement E. Leclerc aux négociations s'y déroulant. Il ne peut être retenu ici d'abus manifeste de la part de l'Administration ou de comportement déloyal des enquêteurs.
3 - Les documents papier dont la saisie est contestée concernent directement l'organisation de la pratique illicite présumée
Il est soutenu qu'un examen attentif de ces pièces, essentiellement des copies d'échanges de mails, révèle que chacune d'entre elles pouvait valablement être saisie par les enquêteurs.
- Cotes 28 à 32 du scellé n° 9
Il s'agit d'un transfert notamment à M. G du groupe X et à son conseil, M. B, à M. H (Directeur général d'Eurelec) et Mme A, d'un courriel communiqué par Danone, fournisseur de l'enseigne E. Leclerc, relatif aux conditions commerciales souhaitées par l'enseigne E. Leclerc, ainsi que sur la loi applicable dans le cadre des négociations avec Eurelec, auquel se trouve attaché un certain nombre d'échanges, émanant directement de salariés d'Eurelec à l'attention de l'entreprise Danone.
- Cotes 33 à 34 du scellé n° 9
Il s'agit d'un message émanant de M. I, ancien salarié du Galec et General Manager Deputy d'Eurelec et destiné, de façon indifférenciée, à Me Berlingin ainsi qu'à divers salariés de l'enseigne E. Leclerc.
En lui-même, ce message ne comprend aucune demande précise de M. I à Me Berlingin, ni ne comprend d'échanges ou des documents émanant des conseils du mouvement E. Leclerc.
- Cotes 268 à 274 du scellé n° 9
Ce message, qui contient pour seuls mots " xxx ", n'est que la réponse de Me Berlingin à un précédent message émanant de M. J, salarié de l'enseigne E. Leclerc, donnant son accord pour que des documents soient adressés au fournisseur Pepsico (" Dear Maxime, we agree with all of your comments. These documents can be sent to PepsiCo ").
- Cotes 407 à 422 et 423 à 429 du scellé n° 13
Ces pièces sont deux notes juridiques signées " K, Professeur de droit à l'école de la Sorbonne ". Au vu de la qualité revendiquée par l'auteur de ces notes, il ne saurait être reproché aux enquêteurs d'avoir procédé à leur saisie.
- Cotes 443 à 448 du scellé n° 13
Cette pièce est relative aux échanges effectués directement entre Me Berlingin, des salariés d'Eurelec, du mouvement E. Leclerc, de X et les représentants de la société Jacobs Douwe Egberts (JDE), s'agissant du transfert de la relation commerciale à la centrale Eurelec.
- Cotes 449 à 474 du scellé n° 13
Ce courriel concerne, comme la pièce précédente, les échanges menés par Me Berlingin avec le fournisseur Jacobs Douwe Egberts (JDE).
Cotes 579 à 582 du scellé n° 13
Il s'agit d'un commentaire d'un autre courriel, joint en dessous du premier, qui émane de Me Maxime Berlingin faisant le point sur les demandes formulées par la société Mars, s'agissant des contrats commerciaux en négociations.
Il est argué qu'il s'agit là de commerce et non de défense juridique.
- Cote 3 du scellé n° 14
Il est argué que ce courriel est envoyé en réalité par Me Parleani à Mme L et M. M (E. Leclerc) et fait directement référence aux échanges en cours avec le fournisseur Nestlé.
- Cote 340 et 341 du scellé n° 14
La lecture de ces notes manuscrites sur un carnet montre qu'il s'agit d'un compte rendu relatif aux discussions en cours avec le fournisseur Danone et au droit applicable au transfert de la relation commerciale à Eurelec.
- Cotes 342 et 343 du scellé n° 14
Ce courriel est le même que celui correspondant aux cotes 33 et 34 du scellé n° 9.
- Cotes 352 à 354 du scellé n° 14
Ce document est un courriel de Mme N, représentante du fournisseur W, à des salariées du mouvement E. Leclerc et d'Eurelec.
Il est soutenu que si Maîtres Germain et Berlingin figurent également dans la liste des destinataires, ce courriel peut difficilement être considéré comme relevant de la protection du secret professionnel.
En effet, d'une part, ce message, saisi dans les locaux de l'ACDLec, est avant tout adressé au mouvement E. Leclerc et à Eurelec, non à leurs conseils qui ne participent pas ici à l'échange.
D'autre part, il émane d'un fournisseur et est relatif à la relation commerciale entre celui-ci et le mouvement E. Leclerc, notamment visée par l'ordonnance du JLD.
- Les cotes 404 à 405 du scellé n° 14
Ce document traite, entre autres sujets, des objectifs à négociation à atteindre vis-à-vis des fournisseurs, notamment par l'enseigne E. Leclerc en France, par Eurelec, mais également ceux d'autres groupes français de distribution.
- Les cotes 430 à 435 du scellé n° 14
Les échanges contenus dans ce document révèlent la communication par M. H du résultat des négociations entre X et E. Leclerc relatives au droit applicable au contrat Eurelec.
Si le mail communiqué par M. H émane effectivement de Me Berlingin, et relevait donc de la protection accordée au privilège légal, celle-ci ne saurait s'étendre à des communications internes réalisées notamment par M. H et par des salariés de l'enseigne E. Leclerc, sans rapport direct avec la teneur du document fourni par Me Berlingin et sans que celui-ci y prenne part.
- Cotes 436 à 441 du scellé n° 14
Ce courriel consiste en une chaîne d'envoi de différents messages.
Dans cette chaîne, figurent bien des courriels de Me Berlingin, mais ils n'en constituent pas l'intégralité. Les autres échanges, dont il n'est pas parti, concernent des discussions entre des salariées de l'enseigne E. Leclerc, X et Eurelec.
Il est argué qu'il ne semble pas raisonnable que la protection de la correspondance entre un avocat et son client s'étende à des messages dont la teneur n'évoque pas directement des éléments communiqués par l'avocat.
4 - Les documents dont la saisie informatique est contestée concernent très directement l'organisation de la pratique illicite présumée (conclusions du 21 novembre 2018 dans l'affaire RG 18/19390)
- Les échanges avec des avocats qui ne représentent pas directement l'ACDLec ou le Galec
Il est d'abord fait observer que les sociétés Eurelec/Scabel, à qui les procès-verbaux de déroulement des opérations ont été notifiés, dans la mesure où les pièces saisies étaient susceptibles de conduire à leur mise en cause, n'ont pas formé de recours contre les opérations.
En l'espèce, l'examen des pièces saisies contredit d'autant plus l'existence d'un pool d'avocats qui seraient tous chargés de la défense de l'intérêt d'E. Leclerc, commun avec celui de ses associés au sein de la coopérative Eurelec.
Il apparaît bien que le cabinet Fieldfisher Bruxelles (Maîtres Jean François Germain et Maxime Berlingin) est chargé du conseil et de la défense des intérêts de la société Eurelec dans le cadre de la négociation avec les partenaires industriels, ainsi qu'il ressort clairement des pièces n° 8-43, 8-138 et 8-174.
L'examen de ses pièces révèle en effet que les différents avocats (Maîtres Sophie Goldman, Daniel B) interviennent pour le compte et l'intérêt de leurs seuls clients pris distinctement, nonobstant leur partenariat au sein d'Eurelec.
Nul ne plaidant pas par procureur, la demande d'annulation des saisies ne pourra qu'être écartée.
- Les échanges où interviennent le conseil de l'ACDLec et du Galec : Me Parleani
Concernant la pièce n° 8-1, elle ne comporte strictement aucun autre texte que celui du message transféré, qui est quant à lui un simple compte rendu de réunion avec un fournisseur, à laquelle ne participait aucun avocat, portant sur des questions directement en rapport avec les pratiques illicites présumées visées par l'ordonnance du 26 février 2018.
S'agissant de la pièce n° 8-43, bien qu'un avocat en soit destinataire, rien dans la teneur de ce document ne peut être caractérisé comme relevant d'un échange qui puisse bénéficier du secret professionnel. L'avocat n'intervenant à aucun moment et la teneur de ce mail ne constituant en elle-même pas un élément de défense mentionné par l'expéditeur ou un conseil de la part de l'avocat.
- Les documents correspondant à des situations où l'avocat joue un rôle d'interface dans les négociations entre Eurelec, ses coopérateurs et les fournisseurs
Il est argué que de nombreux messages dont les membres du cabinet Fieldfisher sont expéditeurs ou destinataires font apparaître que ces deux avocats ont été chargés de jouer un rôle d'interface et de coordination dans le cadre des négociations commerciales d'un accord de globalisation de l'approvisionnement menées avec la société Eurelec et les fournisseurs, ainsi que les entités du mouvement E. Leclerc et la société F
De tels messages sont étrangers non seulement à tout exercice de droits de la défense, mais également à toute activité de conseil juridique proprement dite au bénéfice de l'enseigne E. Leclerc.
C'est le cas notamment des pièces n° 8-32, 8-47, 8-8-108, 8-77, 8-103, 8-4, 8-11, 8-12, 8-24 à 8-28, 8-37, 8-38, 8-39, 8-49, 8-52, 8-53, 8-55, 8-57, 8-62, 8-63, 8-66 à 8-70, 8-74, 8-77, 8-78, 8-82, 8-103, 8-109, 8-117, 8-118, 8-127, 8-129, 8-130, 8-147, 8-156, 8-159, 8-168, 8-184, 8-194, 8-195, 8-198 et 8-199.
Cette analyse doit être étendue au cas de messages par lesquels ces avocats entretiennent avec les fournisseurs une discussion sur les aspects juridiques ou commerciaux de leurs négociations, et se contentent de répercuter ces échanges auprès d'Eurelec, E. Leclerc ou X sans y ajouter d'appréciation juridique distincte à l'attention de ces destinataires.
Entrent dans cette catégorie les pièces n° 8-93, 8-126, 8-127, 8-138, 8-146 et 8-150.
- Les échanges entre des fournisseurs, E. Leclerc, Eurelec dont certains avocats sont en copie
Il est indiqué qu'un certain nombre des documents dont la saisie est contestée consistent en des chaînes de messages successifs, par lesquels des avocats (généralement MM. Germain et Berlingin), sans être les intervenants principaux, soit répercutent auprès d'Eurelec, E. Leclerc ou X des échanges entretenus avec des fournisseurs, soit ne sont que destinataires de messages des fournisseurs sans commentaire ou analyse de leur part.
Il est argué que ne pourront bénéficier du secret professionnel que les messages contenus dans ces pièces, dans lesquels les avocats, qui seraient considérés comme représentants des requérantes, formulent manifestement des conseils ou avis juridiques pour leurs clients.
Dès lors, doivent demeurer parmi les éléments saisis, dans cette catégorie, les extraits des pièces n° 8-31 (pages 11 et 12), 8-32 (pages 3 à 12), 8-62 (pages 2 à 28), 8-93 (pages 2 à 24), 8-105 (pages 5 à 10), 8-110 (pages 2 à 10), 8-112 (pages 3 à 6), 8-113 (pages 6 à 22), 8-120 (pages 2 à 62), 8-125 (pages 7 à 40), 8-128 (pages 2 à 38), 8-141 à 8-143 (message du 18/07/2017 à 17:47), 8-180 (pages 3 à 16), 8-181 (pages 3 à 14), 8-185 (pages 3 à 6), 8-190 (p. 2 à 40), ainsi que les échanges entre les responsables du groupe Nestlé et leur avocat, Me O (Linklaters) d'une part, et la société Eurelec et les membres du cabinet Fieldfisher, d'autre part, contenus dans les documents répertoriés dans les pièces adverses sous le n° 8-32, 8-104 (pages 2 à 44), 8-106 (pages 2 à 12), 8-160 (pages 5 à 16), 8-181 (pages 3 à 14), 8-182 (pages 2 à 44), 8-183 (pages 3 à 14), 8-187 (pages 5 à 20), 8-192 (pages 7 à 24).
5 - Pour conclure cet examen détaillé
L'administration soutient que la seule présence d'un avocat dans les destinataires d'un message ne peut raisonnablement conduire à considérer ce dernier comme couvert par la protection du secret professionnel.
Ainsi, l'annulation sollicitée par les requérantes de la saisie de l'ensemble des messages dans lesquels ses conseils apparaîtraient, ne pourrait légitimement prospérer, d'autant plus que certains éléments laissent apparaître que les requérantes au recours ne seraient pas les clientes des avocats pour les correspondances desquelles la protection est invoquée.
En conséquence et à titre principal, pour les raisons exposées supra, l'Administration estime licite la saisie de l'ensemble des pièces querellées.
Cependant, et à titre subsidiaire, si la cour ne partageait pas cette analyse, l'Administration ne s'opposerait pas à ce que la saisie de certaines des pièces mentionnées par les requérantes dans leurs écritures soit annulée.
Ainsi, s'agissant des pièces papier saisies les 27 et 28 février 2018, l'Administration ne s'opposera pas à ce que soit annulée la saisie des pièces suivantes : scellé n° 9, cotes 28 à 32 et cotes 268 à 274 ; scellé n° 13, cotes 407 à 422 et cotes 423 à 429, cotes 443-448, cotes 449-474 et cotes 579 et 582 ; scellé n° 14, cote 3, cotes 340 et 341, cotes 404 et 405, cotes 431 à 436 et cotes 436 à 441.
S'agissant des pièces informatiques, l'Administration ne s'opposera pas à ce que soit annulée la saisie des pièces suivantes :
- s'agissant des pièces n° 8-31, 8-32, 8-62, 8-93, 8-104, 8-105, 8-110, 8-112, 8-120, 8-125, 8-128, 8-160, 8-180, 8-181 à 8-183, 8-185, 8-187, 8-190, 8-192, 8-193 et 8-200, le ministre ne s'opposerait pas à ce que soient considérés comme couverts par le secret professionnel les échanges qu'elles contiennent entre les demanderesses ou leurs associés et leurs avocats à propos des négociations avec les partenaires industriels, mais demande que l'annulation de leur saisie soit seulement partielle, les échanges avec lesdits fournisseurs ou des tiers contenus dans ces pièces n'ayant pas à bénéficier de cette protection ;
- s'agissant des pièces n° 8-2, 8-3, 8-5 à 8-10, 8-33 à 8-36, 8-40 à 8-42, 8-45 à 8-47, 8-51, 8-54, 8-56, 8-58, 8-59, 8-60, 8-61, 8-64, 8-65, 8-71 à 8-73, 8-75, 8-76, 8-79 à 8-81, 8-83 à 8-90, 8-92, 8-93, 8-94 à 8-102, 8-107, 8-108, 8-111, 8-113 à 8-116, 8-119, 8-120, 8-122 à 8-124, 8-126, 8-127, 8-131 à 8-137, 8-138, 8-139, 8-140, 8-144, 8-145, 8-146, 8-148, 8-149, 8-150, 8-151 à 8-155, 8-157, 8-158, 8-161, 8-171, 8-178, 8-186, 8-196 et 8-197, l'Administration ne s'opposera pas à leur restitution complète.
En conclusion, il est demandé de :
A titre principal,
- dire et juger que les saisies effectuées lors des opérations de visite et saisie effectuées les 27 et 28 février 2018 dans les locaux des sociétés Galec et Scamark ainsi que de l'association ACDLec, et au terme des opérations d'expurgation des scellés fermés provisoires s'étant déroulées entre le 16 avril et le 24 mai 2018, en application de l'ordonnance rendue par le JLD du TGI de Créteil, ont été régulières ;
A titre subsidiaire,
- constater que l'Administration ne s'opposera pas à l'annulation par restitution des saisies des pièces suivantes : scellé n° 9, cotes 28 à 32 et cotes 268 à 274 ; scellé n° 13, cotes 407 à 422 et cotes 423 à 429, cotes 443-448, cotes 449-474 et cotes 579 et 582 ; scellé n° 14, cote 3, cotes 340 et 341, cotes 404 et 405, cotes 431 à 436 et cotes 436 à 441 ;
- constater que l'Administration ne s'opposera pas à l'annulation par restitution de saisies des pièces adverses n° 8-2, 8-3, 8-5 à 8-10, 8-33 à 8-36, 8-40 à 8-42, 8-45 à 8-47, 8-51, 8-54, 8-56, 8-58, 8-59, 8-60, 8-61, 8-64, 8-65, 8-71 à 8-73, 8-75, 8-76, 8-79 à 8-81, 8-83 à 8-90, 8-92, 8-93, 8-94 à 8-102, 8-107, 8-108, 8-111, 8-113 à 8-116, 8-119, 8-120, 8-122 à 8-124, 8-126, 8-127, 8-131 à 8-137, 8-138, 8-139, 8-140, 8-144, 8-145, 8-146, 8-148, 8-149, 8-150, 8-151 à 8-155, 8-157, 8-158, 8-161, 8-171, 8-178, 8-186, 8-196 et 8-197 ;
- constater que l'Administration ne s'opposera pas à l'annulation de certaines parties des saisies figurant dans les pièces adverses n° 8-31 (pages 1 à 10), 8-32 (pages 1 à 2), 8-62 (page 1), 8-93 (page 1) ; 8-104 (page 1), 8-105 (pages 1 à 4), 8-106 (page 1), 8-110 (page 1), 8-112 (pages 1 et 2), 8-113 (pages 1 à 5), 8-120 (page 1), 8-125 (pages 1 à 6), 8-128 (page 1), 8-141 à 8-143 (parties autres que le message du 18/07/2017 à 17:47), 8-160 (pages 1 à 4), 8-180 (pages 1 à 2), 8-181 (pages 1 à 2), 8-182 (page 1), à 8-183 (pages 1 à 2), 8-185 (pages 1 à 2), 8-187 (pages 1 à 4), 8-190 (page 1), 8-192 (pages 1 à 6) et 8-200 (page 1) ;
- confirmer la saisie des autres documents ;
- condamner, en conséquence, les requérantes aux entiers dépens.
Par avis du 5 février 2019, le Ministère public fait valoir :
I - Le périmètre du recours
Il est demandé de constater que les recours enrôlés sous les numéros RG 18/05973 et 18/19390 se rapportent au déroulement des mêmes opérations de visite et saisie et doivent donc être joints.
II - L'inefficience des arguments avancés par les requérantes au soutien de leur demande d'annulation des opérations de visites et saisies
1 - Sur la préservation du secret des correspondances entre un avocat et son client
Il est d'abord fait observer qu'aucun élément probatoire n'est communiqué par les requérantes concernant la déloyauté ou le caractère abusif avec lequel ces saisies auraient, selon elles, été effectuées. Les PV rédigés lors des opérations attestent au contraire de la régularité des opérations.
Par ailleurs, seules sont couvertes par le secret des correspondances entre un avocat et son client les pièces afférentes à l'exercice des droits de la défense des entités visitées, hors le cas d'une participation de l'avocat à une fraude présumée.
Ainsi, en l'espèce, le fait de mettre un avocat en copie des échanges intervenant entre les fournisseurs et les entités du groupe E. Leclerc, sans que ces échanges présentent un lien avec l'exercice des droits de la défense, n'est pas de nature à interdire leur saisie au titre de la protection accordée au secret des correspondances entre un avocat et son client.
Selon la jurisprudence, la saisie des messageries informatiques est insécable et il est nécessaire de prendre connaissance du contenu d'un message pour apprécier s'il peut être saisi ou non.
2 - Un examen individualisé de chacune des pièces dont la saisie est contestée doit être, par principe, réalisé par le conseilleur délégué par Madame la Première Présidente de la cour d'appel de Paris, dès lors que le contenu de chacune d'entre elles lui est présenté
- La légitimité de la saisie des 15 pièces " papier "
Le Ministère public soutient que la création par les sociétés Eurelec, X, le Galec et l'ACDLec d'un " pool d'avocats " intervenant pour leur délivrer des conseils juridiques, ne peut avoir pour effet de garantir la protection de tous les échanges intervenus entre elles et les avocats concernés (Fieldfisher, Osborne Clarke, Loyens, Fieldfisher Paris), dès lors que le nom de ces avocats figure dans les correspondances saisies.
En effet, la protection d'un message au titre du secret des correspondances avocat client suppose que le message concerné intéresse la défense élaborée par une entité et son avocat dans le cadre d'une procédure particulière.
Ainsi que la Direccte l'a développé dans ses conclusions, les sociétés Eurelec/SCABEL n'ont pas mis en cause les saisies ici critiquées ; la composition du " pool d'avocats " évoquée n'est pas celle citée par les requérantes, Me Sophie Goldman, le cabinet Osborne Clarke ainsi que l'avocate du fournisseur Wrigley n'étant pas membres du pool ; aucun élément n'atteste de ce que les membres du pool visé par les requérantes aient été chargés de la défense de leurs intérêts des requérantes dans le cadre des procédures engagées à leur encontre par l'Administration.
- La légitimité de la saisie informatique des documents de nature à établir la réalité de la pratique prohibée soupçonnée
Le Ministère public fait valoir que les mails portant sur des échanges avec les avocats qui ne représentent pas les sociétés requérantes et n'agissent pas dans le cadre de leur défense, peuvent être saisis.
Par ailleurs, le concept, avancé par les requérantes, de " pool d'avocats " regroupant tous les avocats intervenant pour la défense du groupe Z et de ses associés au sein de la coopérative Eurelec, n'a aucune réalité.
En effet, chacun des avocats concernés intervient pour le compte de ses propres clients dans le cadre des négociations entre partenaires industriels ; s'agissant des échanges où intervient Me Parleani, conseil de l'ADLEC et du Galec, ceux-ci n'intéressent pas la défense de ses clients ; le cabinet Fieldfisher de Bruxelles est intervenu en qualité d'interface et de coordinateur dans les négociations entre Eurelec, ses coordinateurs et ses fournisseurs. Il en découle, en ce qui concerne ce dernier point, que les échanges intervenus portant sur la configuration des relations commerciales existant entre les requérantes et leurs fournisseurs au sein de la centrale Eurelec ne peuvent être couverts par la protection prévue par l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 interdisant la saisie des échanges intervenus entre les mis en cause et leurs avocats dans le cadre de la préparation de leur défense.
De surcroît, le simple fait que des avocats relatent, dans ce cadre, des messages ou en soient rendus destinataires en copie ne peut permettre la mise en œuvre de la protection du secret des correspondances entre avocats et clients.
3 - A titre subsidiaire, selon la Haute juridiction, l'invalidation de la saisie de documents confidentiels ou couverts par le secret professionnel - qui n'a pas lieu d'être ici - n'entraîne pas la nullité de l'ensemble des opérations
4 - En l'espèce, la Direccte ne reconnaît pas que des documents couverts par le privilège légal aient été saisis. Elle se dit cependant prête, à titre subsidiaire, à accepter de restituer :
- parmi les pièces papier (recours RG n° 18/05973) : les scellés n° 9, cotes 28 à 32, 268 à 274 ; n° 13, cotes 407 à 422, 423 à 429, 443-448, 449 à 474, 579 à 582 ; n° 14, cotes 3, 340 et 341, 404 et 405, 431 à 441 ;
- parmi les pièces informatiques (recours RG n° 18/19390) : les pièces visées sur le tableau qu'elle joint en pièce n° 10 ; adverses n° 8-2, 8-3, 8-5 à 8-10, 8-33 à 8-36, 8-40 à 8-42, 8-45 à 8-47, 8-51, 8-54, 8-56, 8-58, 8-59, 8-60, 8-61, 8-64, 8-65, 8-71 à 8-73, 8-75, 8-76, 8-79 à 8-81, 8-83 à 8-90, 8-92, 8-93, 8-94 à 8-102, 8-107, 8-108, 8-111, 8-113 à 8-116, 8-119, 8-120, 8-122 à 8-124, 8-126, 8-127, 8-131 à 8-137, 8-138, 8-139, 8-140, 8-144, 8-145, 8-146, 8-148, 8-149, 8-150, 8-151 à 8-155, 8-157, 8-158, 8-161, 8-171, 8-178, 8-186, 8-196 et 8-197.
Le Ministère Public est d'avis que soit donné effet à cette proposition subsidiaire, dans la mesure où sa mise en œuvre, sans reconnaissance de ce qu'aurait existé une violation du secret des correspondances avocat client, aura pour effet de limiter le temps qui devrait être consacré par la cour à l'examen de chacune de ces pièces, dont la restitution est acceptée par l'Administration.
5 - La Direccte ne s'oppose pas à " ce que soient considérés comme couverts par le secret professionnel les échanges entre les requérantes ou leurs associés et leurs avocats à propos des négociations avec leurs partenaires industriels, mais demande que l'annulation de leur saisie soit seulement partielle, les échanges avec lesdits fournisseurs ou des tiers contenus dans ces pièces (citées en page 18 des conclusions récapitulatives de la Direccte) n'ayant pas à bénéficier de cette protection "
Le Ministère public soutient à cet égard que les échanges entre les requérantes et leurs avocats, concernant la négociation avec des partenaires industriels, ne sont pas protégés par le secret des correspondances entre avocats et clients.
Il est demandé en conséquence à la cour d'examiner les pièces concernées (pièces adverses n° 8-31, 8-32, 8-62, 8-93 ; 8-104, 8-105, 8-106, 8-110, 8-112, 8-120, 8-125, 8-128, 8-160, 8-180, 8-181 8-183, 8-185, 8-187, 8-190, 8-192, 8-193 et 8-200).
Si les pièces concernées ne permettent pas d'établir que les échanges en cause sont intervenus dans le cadre de la défense des requérantes dans un contentieux donné, elles ne sont pas couvertes par le secret protégé et la cour rejettera purement et simplement la demande d'annulation de leur saisie.
En effet, ne sont couvertes par le secret des correspondances entre un avocat et son client que les pièces afférentes à l'exercice des droits de la défense des entités visitées, hors le cas d'une participation de l'avocat à la fraude présumée.
Ainsi, les négociations menées avec des avocats conseils, entre les requérantes et les fournisseurs de l'enseigne Z ne peuvent bénéficier de la protection du secret des correspondances avec les avocats.
Au contraire, s'il apparaissait que certains passages de ces pièces concernent directement la mise en place d'une défense au regard de pratiques illicites soupçonnées, la cour en annulera la saisie, en ce qu'elle porterait sur ces seuls éléments.
SUR CE
Considérant que la société Groupement d'Achat des Centres E. Leclerc (Galec) et l'Association des Centres Distributeurs E. Leclerc (ACDLec) ont formé deux recours contre le déroulement des opérations de visite et saisie en date des 27 et 28 février 2018 dans les locaux sis <adresse>, autorisées par ordonnance du JLD de Créteil du 26 février 2018, aux motifs que des nombreuses pièces couvertes par le secret professionnel auraient été saisies par les agents de l'Administration ;
Considérant que dans l'intérêt d'une bonne administration de la Justice, en application de l'article 367 du Code de procédure civile et eu égard aux liens de connexité entre certaines affaires, il convient de joindre les instances enregistrées sous les numéros RG 18/05973 et 18/19390, lesquelles concernent le déroulement des mêmes opérations ;
Considérant qu'il convient de rappeler le contexte dans lesquelles les saisies querellées sont intervenues, à savoir la recherche de la preuve des pratiques restrictives de la concurrence décrites à l'article L. 442-6 du Code de commerce, pour laquelle le JLD de Créteil a délivré une ordonnance d'autorisation, dont la légalité n'est pas contestée par les requérantes ;
Considérant que l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 dispose que " en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention ''officielle'', les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel " ;
Considérant donc que la loi protège le secret professionnel de l'avocat mais que cette protection n'est pas absolue, seules étant couvertes les correspondances échangées entre un avocat et son client ou entre un avocat et ses confrères concernant l'exercice des droits de la défense et l'activité de conseil ;
Considérant que, contrairement aux affirmations des requérantes, le simple fait qu'un courriel émane d'un avocat ou l'indique comme destinataire, y compris en copie conforme, n'aurait pas pour effet d'en interdire automatiquement la saisie ;
Considérant qu'il convient donc de se livrer à un examen in concreto des pièces dont la saisie est contestée afin d'apprécier si elles bénéficient ou pas de la protection accordée au privilège légal ;
Considérant en outre que cette appréciation in concreto doit prendre en considération les présomptions simples retenues dans l'ordonnance du JLD contestée, à savoir que " l'Administration fait état d'informations selon lesquelles l'enseigne E. Leclerc délocaliserait artificiellement ses négociations en Belgique afin d'éviter l'application de la loi française, plus protectrice pour les fournisseurs, et d'obliger ces derniers à lui accorder d'importantes remises tarifaires sans aucune contrepartie et pouvant donner lieu à d'importantes mesures de rétorsion " (page 4);
Considérant qu'il y a lieu de prendre acte de l'acquiescement de l'Administration à la restitution des pièces suivantes : scellé n° 9, cotes 28 à 32 et cotes 268 à 274 ; scellé n° 13, cotes 407 à 422 et cotes 423 à 429, cotes 443-448, cotes 449-474 et cotes 579 et 582 ; scellé n° 14, cote 3, cotes 340 et 341, cotes 404 et 405, cotes 431 à 436 et cotes 436 à 441 ; n° 8-2, 8-3, 8-5 à 8-10, 8-33 à 8-36, 8-40 à 8-42, 8-45 à 8-47, 8-51, 8-54, 8-56, 8-58, 8-59, 8-60, 8-61, 8-64, 8-65, 8-71 à 8-73, 8-75, 8-76, 8-79 à 8-81, 8-83 à 8-90, 8-92, 8-93, 8-94 à 8-102, 8-107, 8-108, 8-111, 8-113 à 8-116, 8-119, 8-120, 8-122 à 8-124, 8-126, 8-127, 8-131 à 8-137, 8-138, 8-139, 8-140, 8-144, 8-145, 8-146, 8-148, 8-149, 8-150, 8-151 à 8-155, 8-157, 8-158, 8-161, 8-171, 8-178, 8-186, 8-196 et 8-197 ; 8-31 (pages 1 à 10), 8-32 (pages 1 à 2), 8-62 (page 1), 8-93 (page 1) ; 8-104 (page 1), 8-105 (pages 1 à 4), 8-106 (page 1), 8-110 (page 1), 8-112 (pages 1 et 2), 8-113 (pages 1 à 5), 8-120 (page 1), 8-125 (pages 1 à 6), 8-128 (page 1), 8-141 à 8-143 (parties autres que le message du 18/07/2017 à 17:47), 8-160 (pages 1 à 4), 8-180 (pages 1 à 2), 8-181 (pages 1 à 2), 8-182 (page 1), à 8-183 (pages 1 à 2), 8-185 (pages 1 à 2), 8-187 (pages 1 à 4), 8-190 (page 1), 8-192 (pages 1 à 6) et 8-200 (page 1) .
Considérant que, s'agissant des autres pièces contestées :
- Les pièces en litige dans l'affaire RG n° 18/05973 (saisies papier)
1 - Cotes 33 à 34 du scellé 9 (pièce n° 10)
Cette pièce est constituée d'un mail adressé de M. I, " General Manager Deputy " de la société belge Eurelec, à Maître Berlingin et à Maître Germain du cabinet Fieldfisher, sis à Bruxelles, avec copie à certains salariés de l'ACDLec, mail qui transfère un courriel émanant d'une salariée de la société Danone adressé à des salariés de la société belge Eurelec.
Il convient de constater que ni la société Danone, ni la société belge Eurelec ne sont visées par les présomptions précitées et surtout que la société Eurelec n'a effectué aucun recours contre les opérations.
Il n'est pas établi au regard des éléments du dossier que les avocats belges d'Eurelec constituant un " pool " interviendraient indifféremment pour la défense des requérantes.
Dès lors, les Cotes 33 à 34 du scellé 9 (pièce n° 10) seront retenues.
2 - Cotes 342 et 343 du scellé 14 (pièce n° 19)
Cette pièce est une copie de la précédente et donc ne présente aucun intérêt.
Elle sera restituée.
3 - Cotes 352 à 354 du scellé 14 (pièce n° 20)
Ce document est un courriel adressé par une salariée W, Mme N, à des salariés de la société Y, mais aussi à Maître Germain et Berlingin du cabinet Fieldfisher sis à Bruxelles contenant les propositions de la société W
Il est indiqué qu'à titre subsidiaire, le Galec ne s'oppose pas au maintien de la saisie de ce document.
Pour les mêmes motifs visés supra (1), les Cotes 352 à 354 du scellé 14 (pièce n° 20) seront retenues.
4 - Cotes 430 à 435 du scellé 14 (pièce n° 22)
Cette pièce est constituée d'un mail d'une salariée Z, transférant une chaîne de courriels, dont l'essentiel concerne une proposition de clause relative à la loi applicable rédigé par Me BERLING, avocat au barreau de Bruxelles.
Les observations sur l'absence de recours de la société belge Eurelec s'appliquent également en l'espèce.
Ainsi, les Cotes 430 à 435 du scellé 14 (pièce n° 22) seront retenues.
- Les saisies informatiques (RG n° 18/19390)
A titre liminaire, il n'est pas établi, au regard des éléments du dossier, que les avocats belges d'Eurelec qui auraient constitué un " pool " interviendraient indifféremment pour la défense de leur cliente et celle des requérantes. Nous pouvons légitimement nous poser la question du devenir de ce " pool " dans l'hypothèse d'un litige entre l'entité belge et les sociétés françaises et du positionnement individuel des avocats du " pool " dans la défense de leur ou de leurs clients.
Par ailleurs, comme nous l'avons indiqué supra, la société belge Eurelec n'est pas visée par les présomptions précitées et surtout que les sociétés Eurelec/Scabel, auxquelles les procès-verbaux des opérations ont été notifiés afin qu'elles puissent former un recours contre les pièces saisies, susceptibles de les mettre cause, n'ont formé aucun recours. Dès lors, les requérantes aux présents recours (RG n° 18/05973 et 18/19390) ne disposent d'aucun intérêt à agir.
Enfin, le principe de la liberté européenne d'établissement ne peut être valablement invoqué dans un contentieux de recours contre les opérations (et non d'appel contre l'ordonnance).
Les requérantes font valoir que, contrairement aux pièces n° 8-43 et 8-174, les pièces n° 8-138 et 8-1 ne pouvaient pas être saisies dans la mesure où elles ont trait, respectivement, à un conflit d'intérêt au sein du cabinet Fieldfisher au sujet du fournisseur Kellogs, et non pas des sociétés requérantes, et à l'analyse d'un document juridique relatant les négociations avec Pepsico au sujet du droit applicable.
Il convient de prendre acte que les requérantes reconnaissent que les pièces n° 8-43 (courriel où Maître Berlingin du cabinet belge Fieldfisher répond qu'il apparaît par erreur dans des échanges entre la société Nestlé et la société E. Leclerc, car il représente sa cliente, la société Eurelec, contredisant ainsi l'existence d'un " pool ") et 8-174 sont saisissables, a contrario les pièces 8-1 et 8-138 ne le seraient pas.
Or, la pièce 8-1 est un échange dont l'expéditeur principal est M. P, Directeur général de la société Eurelec et le destinataire principal M. Q de la société X, avec d'autres multiples destinataires dont M. R (société V, dont l'objet est le compte rendu d'une réunion (intitulé " Eurelec Minutes of the meeting of the day with Pepsi ") entre la société Pepsi et la société Eurelec.
M. R a transféré ce compte rendu, pour information et sans commentaires, à Maître C et Mme A.
Au cas présent, il sera tenu le même raisonnement adopté de manière constante par la jurisprudence relative aux situations où l'avocat apparaît en copie conforme et ainsi le transfert d'un courriel ou d'une suite de courriels à un avocat non expéditeur ou destinataire principal dudit courriel ne pourra être écarté, sauf à utiliser les possibilités technologiques des échanges électroniques, pour dénaturer le privilège légal.
Dès lors, la pièce 8-1 sera retenue.
S'agissant de la pièce 8-138, il convient de prendre acte de l'acquiescement de la DGCCRF à la restitution de cette pièce.
Ainsi cette pièce 8-138 sera restituée avec interdiction pour l'intimée d'en faire un quelconque usage de quelque nature que ce soit.
Concernant les autres pièces (les documents pour lesquelles l'Administration a donné son acquiescement à leur restitution ayant été retirés), à savoir n° 8-108, 8-77, 8-4, 8-11, 8-24 à 8-28, 8-37 à 8-39, 8-49, 8-52, 8-53, 8-55, 8-63, 8-66 à 8-70, 8-74, 8-77, 8-78, 8-82, 8-103, 8-109, 8-117, 8-118, 8-129, 8-130, 8-147, , 8-159, 8-168, 8-184, 8-194, 8-195, 8-198 et 8-199, qui seraient, selon les requérantes, des documents dans lesquels un avocat transmet à son client les réactions, analyses ou questions des tiers, notamment des fournisseurs, et feraient donc partie de son dossier, force est de constater que l'avocat, par lequel sont transmis les documents, est essentiellement Maître Maître Maxim Berlingin du cabinet bruxellois Fieldfisher, lequel représente la société Eurelec (cf : pièces 8-24 et 8-25 " subject : Eurelec Contract Negociations 2017 " et qu'il est trouvé nulle trace d'une transmission en qualité de destinataire ou d'expéditeur d'un avocat des sociétés requérantes.
Il convient, dès lors, de faire application du principe " nul ne plaide par procureur " et de retenir les pièces n° 8-108, 8-77, 8-4, 8-11, 8-24 à 8-28, 8-37 à 8-39, 8-49, 8-52, 8-53, 8-55, 8-63, 8-66 à 8-70, 8-74, 8-77, 8-78, 8-82, 8-103, 8-109, 8-117, 8-118, 8-129, 8-130, 8-147, , 8-159, 8-168, 8-184, 8-194, 8-195, 8-198 et 8-199.
Enfin, s'agissant des dernières pièces (les documents pour lesquels l'Administration a donné son acquiescement à leur restitution ayant été retirés) n° 8-93 (pages 2 à 24), 8-105 (pages 5 à 10), 8-110 (pages 2 à 10), 8-112 (pages 3 à 6), 8-125 (pages 7 à 40), 8-141 à 8-143 (message du 18/07/2017 à 17h47), 8-200 (pages 2 à 400) ainsi que, 8-106 (pages 2 à 12), 8-160 (pages 5 à 16), qui seraient des documents émanant d'entreprises lesquels ont été finalement remis aux cabinets d'avocats, pour les mêmes motifs sus mentionnés, il y a lieu de retenir les documents n° 8-93 (pages 2 à 24), 8-105 (pages 5 à 10), 8-110 (pages 2 à 10), 8-112 (pages 3 à 6), 8-125 (pages 7 à 40), 8-141 à 8-143 (message du 18/07/2017 à 17h47), 8-200 (pages 2 à 400) ainsi que, 8-106 (pages 2 à 12), 8-160 (pages 5 à 16).
Considérant que c'est au terme d'une analyse des pièces versées par les requérantes aux débats, en trois annexes que nous avons pu exercer un contrôle in concreto afin de déterminer si elles relèvent du privilège légal ou pas ;
Considérant, par ailleurs, qu'il est cité abondamment, dans le tableau explicatif, notre décision xxx en date du 8 novembre 2017 n° 14/13384 pour justifier de la protection de la loi de 1971 mais que cette décision est intervenue dans un contexte très spécifique dans la mesure où il est fait référence à une " stratégie de défense " et que cette décision ne doit pas être extrapolée ;
Considérant que l'annulation de la saisie des seules pièces bénéficiant de la protection prévue par l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 suffit à rétablir l'entreprise dans ses droits car elle offre aux requérantes une double garantie tenant à l'élimination physique des documents protégés contenus dans les fichiers placés sous scellés, en sus du caractère inutilisable de toute copie détenue, prononcé par le juge ;
Enfin, aucune considération ne commande de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : Statuant contradictoirement et en dernier ressort : - Ordonnons la jonction des instances enregistrées sous les numéro RG 18/05973 et 18/19390 (recours); - Donnons acte à l'Administration de son acquiescement à la restitution des pièces suivantes : scellé n° 9, cotes 28 à 32 et cotes 268 à 274 ; scellé n° 13, cotes 407 à 422 et cotes 423 à 429, cotes 443-448, cotes 449-474 et cotes 579 et 582 ; scellé n° 14, cote 3, cotes 340 et 341, cotes 404 et 405, cotes 431 à 436 et cotes 436 à 441 ; n° 8-2, 8-3, 8-5 à 8-10, 8-33 à 8-36, 8-40 à 8-42, 8-45 à 8-47, 8-51, 8-54, 8-56, 8-58, 8-59, 8-60, 8-61, 8-64, 8-65, 8-71 à 8-73, 8-75, 8-76, 8-79 à 8-81, 8-83 à 8-90, 8-92, 8-93, 8-94 à 8-102, 8-107, 8-108, 8-111, 8-113 à 8-116, 8-119, 8-120, 8-122 à 8-124, 8-126, 8-127, 8-131 à 8-137, 8-138, 8-139, 8-140, 8-144, 8-145, 8-146, 8-148, 8-149, 8-150, 8-151 à 8-155, 8-157, 8-158, 8-161, 8-171, 8-178, 8-186, 8-196 et 8-197 ; 8-31 (pages 1 à 10), 8-32 (pages 1 à 2), 8-62 (page 1), 8-93 (page 1) ; 8-104 (page 1), 8-105 (pages 1 à 4), 8-106 (page 1), 8-110 (page 1), 8-112 (pages 1 et 2), 8-113 (pages 1 à 5), 8-120 (page 1), 8-125 (pages 1 à 6), 8-128 (page 1), 8-141 à 8-143 (parties autres que le message du 18/07/2017 à 17:47), 8-160 (pages 1 à 4), 8-180 (pages 1 à 2), 8-181 (pages 1 à 2), 8-182 (page 1), à 8-183 (pages 1 à 2), 8-185 (pages 1 à 2), 8-187 (pages 1 à 4), 8-190 (page 1), 8-192 (pages 1 à 6) et 8-200 (page 1) ; - Donnons acte à l'Administration de son acquiescement à la restitution des pièces suivantes (saisies informatiques) :n° 8-2, 8-3, 8-5 à 8-10, 8-33 à 8-36, 8-40 à 8-42, 8-45 à 8-47, 8-51, 8-54, 8-56, 8-58, 8-59, 8-60, 8-61, 8-64, 8-65, 8-71 à 8-73, 8-75, 8-76, 8-79 à 8-81, 8-83 à 8-90, 8-92, 8-93, 8-94 à 8-102, 8-107, 8-108, 8-111, 8-113 à 8-116, 8-119, 8-120, 8-122 à 8-124, 8-126, 8-127, 8-131 à 8-137, 8-138, 8-139, 8-140, 8-144, 8-145, 8-146, 8-148, 8-149, 8-150, 8-151 à 8-155, 8-157, 8-158, 8-161, 8-171, 8-178, 8-186, 8-196 et 8-197 ainsi que n° 8-31 (pages 1 à 10), 8-32 (pages 1 à 2), 8-62 (page 1), 8-93 (page 1) ; 8-104 (page 1), 8-105 (pages 1 à 4), 8-106 (page 1), 8-110 (page 1), 8-112 (pages 1 et 2), 8-113 (pages 1 à 5), 8-120 (page 1), 8-125 (pages 1 à 6), 8-128 (page 1), 8-141 à 8-143 (parties autres que le message du 18/07/2017 à 17:47), 8-160 (pages 1 à 4), 8-180 (pages 1 à 2), 8-181 (pages 1 à 2), 8-182 (page 1), à 8-183 (pages 1 à 2), 8-185 (pages 1 à 2), 8-187 (pages 1 à 4), 8-190 (page 1), 8-192 (pages 1 à 6) et 8-200 (page 1) ; - Rejetons les recours contre les opérations de visite et saisie des 27 et 28 février 2018 dans les locaux des entités du groupe E. Leclerc, sis <adresse>, à l'exception des pièces susmentionnées et la pièce n° 19, dont la saisie sera annulée avec interdiction pour l'Administration d'en garder copie et d'en faire un quelconque usage ; - Rejetons le recours contre les opérations d'ouverture des scellés provisoires afin de constituer les scellés définitifs en date des 16, 17, 19 et 20 avril 2018 et des 22, 23 et 24 mai 2018, à l'exception des pièces susmentionnées, dont la saisie sera annulée avec interdiction pour l'Administration d'en garder copie et d'en faire un quelconque usage, qui seront écartées avec interdiction pour l'Administration d'en garder copie et d'en faire un quelconque usage; - Rejetons toute autre demande, fin ou conclusion et notamment l'annulation de la saisie de tous les autres documents listés, numérotés et annexés dans les conclusions des requérantes ; - Disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 de Code de procédure civile ; - Disons que la charge des dépens sera supportée par les requérantes.