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Décisions

CA Lyon, 3e ch. A, 11 avril 2019, n° 17-04192

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

MCDC 31264 (SARL)

Défendeur :

Aliseo (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Esparbès

Conseillers :

Mme Homs, M. Bardoux

Avocats :

Mes Laffly, Krata, de Fourcroy, Carabin, Bouzerd

T. com. Lyon, du 15 mai 2017

15 mai 2017

EXPOSÉ DU LITIGE

La société MCDC 31264 (société MCDC), spécialisée dans la distribution de produits de papeterie, articles scolaires et accessoires, est agent commercial de la SAS Aliséo qui a une activité de conception, de fabrication et de commercialisation de produits de maroquinerie et papeterie.

Par lettre recommandée du 8 janvier 2015, le conseil de la société MCDC a mis en demeure la société Aliséo de lui communiquer, sous huitaine, le relevé de l'intégralité des facturations effectuées sur le territoire concédé sur le client Cultura.

En l'absence de réponse, la société MCDC a porté sa demande devant le juge des référés. La société Aliséo a transmis le relevé des facturations établies au client Cultura pour les années 2013 et 2014 ainsi que l'état des commissions versées à son agent pour ces mêmes années en indiquant que cette communication ne modifiait pas sa position à savoir que les centrales d'achat étaient exclues du périmètre du mandat confié à la société MCDC.

Cette dernière s'est désistée de l'instance et a réclamé, sur la base des éléments communiqués, paiement de commissions sur les ventes au client Cultura (29 461,62 €) et un rappel sur les commissions versées (3 843,68 €).

La société Aliséo ayant contesté ces demandes et les parties n'ayant pu trouver un accord, par acte du 24 juin 2015, la société MCDC a fait assigner la société Aliséo.

Par jugement contradictoire du 15 mai 2017, le tribunal de commerce de Lyon a :

débouté la société MCDC de ses demandes de paiement de la somme de 29 461,62 € HT au titre des commissions du client Cultura et de la somme de 3 843,06 € HT au titre de rappel de commission sur remises,

débouté la société Aliséo de sa demande de restitution de la somme de 16 799,30 €, débouté la société MCDC de sa demande de dommages et intérêts, condamné la société MCDC à payer à la société Aliséo 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.

La société MCDC a interjeté appel de cette décision par déclaration du 6 juin 2017.

Par conclusions déposées le 11 avril 2018, au visa des articles 1130 et suivants du Code civil et des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, la société MCDC demande à la cour de : la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, infirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de paiement : de la somme de 29 461,62 € HT au titre des commissions du client Cultura, de la somme de 3 848,06 € HT au titre du rappel de commissions sur remises, de dommages et intérêts, confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société Aliséo de sa demande de restitution de la somme de 16 799,30 €,

en conséquence,

condamner la société Aliséo à lui verser les sommes de : 29 461,62 € HT au titre du rappel des commissions relatif au client Cultura sur 2013 et 2014, somme à parfaire des commissions dues sur 2015, 2016, 2017 et 2018, avec intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2015, date de la mise en demeure,

3 843,06 € HT au titre du rappel de commissions relatif aux remises consenties par la société Aliséo en 2013 et 2014, somme à parfaire des remises consenties en 2015, 2016, 2017 et 2018, avec intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2015, date de la mise en demeure,

5 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, débouter la société Aliséo de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, condamner la société Aliséo à lui verser une indemnité de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Me Laffly, avocat.

Par conclusions déposées le 1er décembre 2017, fondées sur les articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce et les articles 1302 et 1302-1 du Code civil, la société Aliséo demande à la cour de :

débouter la société MCDC de sa demande de rappel de commissions correspondant au client Cultura pour les années 2013, 2014, 2015, 2016 et 2017,

subsidiairement,

limiter ce rappel de commissions à un montant de 19 641,07 € pour les années 2013 et 2014,

subsidiairement,

limiter ce rappel de commissions à 10 % du montant hors taxes encaissé par elle pour les années 2015, 2016, 2017,

débouter la société MCDC de sa demande de rappel de commission au titre des remises consenties pour les années 2013 et 2014,

subsidiairement,

limiter ce rappel de commission à un montant de 768,72 €, débouter la société MCDC de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, ordonner la restitution par la société MCDC des commissions qu'elle lui a indûment versées et correspondant à un montant total de 16 799,30 € pour les années 2011, 2012, 2013, 2014,

condamner la société MCDC à lui verser une somme de 3 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, s'ajoutant à la condamnation prononcée par le tribunal de commerce.

MOTIFS

Sur le rappel de commissions sur les opérations réalisées avec le client Cultura

La société MCDC fait grief aux premiers juges d'avoir considéré que le client Cultura n'est pas inclus dans la clientèle qui lui a été concédée s'agissant d'une enseigne intégrée, disposant de ses magasins en propre et gérant les achats de façon centralisée, et ce, en se contentant de reprendre l'argumentaire de sa mandante sans faire une analyse de fond alors que le contrat n'exclut pas les centrales d'achat de son territoire d'intervention, qu'elle a perçu 2 000 € de commissions en 2013 et 2014 sur le client Cultura ainsi que des commissions sur la centrale d'achat Codip'a, que le client Cultura a été démarché par son entremise et qu'elle était en contact direct permanent avec ce dernier.

La société Aliséo réplique que la société MCDC a reçu mandat sur un secteur déterminé et auprès d'une clientèle déterminée de laquelle sont exclus les papetiers non indépendants ce qui est le cas des magasins à l'enseigne Cultura dont les commandes sont gérées par une centrale d'achat ; qu'elle se réserve l'approche et la négociation commerciale de ces papetiers non indépendants et que la société MCDC n'est nullement intervenue dans ce travail auprès de Cultura contrairement à ses affirmations non prouvées ; que la somme qu'elle lui a versée en 2013 et 2014 correspond à une rémunération forfaitaire convenue pour une activité très marginale à savoir le dépôt des collections auprès de la centrale d'achat de Cultura implantée à Mérignac où l'agent commercial a son siège social.

Le contrat, non daté et à effet du 1er décembre 2008, produit par la société MCDC, stipule que la société Aliséo donne mandat à la société MCDC, qui l'accepte, de la représenter et de vendre les produits de maroquinerie "Tann's" fabriqués et/ou distribués par elle auprès des papetiers indépendants, à l'exclusion des adhérents du groupement SACFOM (Buro+ et Hyper Buro), les Bureau vallée et les centres culturels Leclerc, situés sur le secteur géographique par ailleurs défini (partie du Sud Ouest plus l'Andorre).

Les parties ne concluent que sur ce contrat ; pourtant le contrat produit par la société Aliséo est un autre contrat, non daté et à effet du 1er août 2011 concernant la représentation et la vente des produits "IKKS" auprès de la même clientèle et sur le même secteur géographique.

Au vu des relevés de commissions concernant les produits "Tann's" et les produits "IKKS", les deux contrats ont été exécutés.

Ainsi, la clientèle confiée à la société MCDC par les deux contrats est constituée par les papetiers indépendants ce qui exclut les centrales d'achat sans besoin de précision formelle.

En conséquence, contrairement à ce qu'elle soutient, la société MCDC ne peut prétendre à des commissions par application du contrat, peu important qu'elle ait reçu des commissions sur des ventes réalisées par Codip'a.

En effet, elle ne démontre pas que cette dernière est une centrale d'achat ce que conteste la société Aliséo qui explique qu'il s'agit d'une coopérative dont les adhérents sont des libraires indépendants mais pour lesquels, il a été convenu, un regroupement des commandes des "petits adhérents" et une livraison au sein de l'entrepôt de Codip'a se trouvant sur le secteur confié à la société MCDC. Elle ajoute qu'un accord spécifique a été conclu avec la société MCDC pour que l'ensemble des commandes de ces adhérents, dont une forte proportion se trouvait sur son secteur, soit pris par elle avec un commissionnement particulier (les adhérents de taille plus importante passant leurs commandes avec l'agent commercial de leur secteur).

Ces allégations sont corroborées par un courriel de la société MCDC du 11 mai 2012 demandant à son mandant de vérifier l'enregistrement de la commande Codip'a dont il lui avait été dit qu'elle le serait et précisant qu'elle savait que la commission ne serait pas la même.

Par ailleurs, la société MCDC ne démontre pas avoir démarché la centrale d'achat Cultura, ni avoir négocié avec celle-ci, ni avoir été en contact permanent et direct avec elle ne produisant qu'un seul échange de mail du 14 octobre 2014 par lequel elle a proposé au représentant de Cultura "d'amener les produits manquants de Tann's" le lendemain et le destinataire a accepté.

Ces courriels font suite à un échange, produit par la société MCDC, entre cette dernière et Cultura duquel il résulte que Cultura ayant demandé, le 3 octobre 2014, des échantillons dont certains lui avaient été présentés (par Aliséo lors d'un rendez-vous), la société Aliséo l'a informée, le même jour qu'elle faisait partir les échantillons réclamés en précisant qu'elle n'avait plus d'échantillons IKKS et ajoutant "si vous en avez besoin que pour une journée, peut être que Y (gérant de la société MCDC) pourrait vous les prêter '".

Cet échange confirme en conséquence, la seule intervention de la société MCDC pour déposer des échantillons auprès de Cultura à l'exclusion de toute activité qui est de plus contredite par les nombreux courriels versés au débat par la société Aliséo démontrant d'une part, que les sociétés Aliséo et Cultura sont entrées en relation en août 2008 soit avant la signature du premier contrat avec la société MCDC et d'autre part, que l'intégralité des négociations était menée par la société Aliséo.

Quant à la rémunération de 2 000 € versée en 2013 et 2014, la société MCDC n'offre pas de démontrer qu'il s'agit de l'application d'un taux de commission sur une ou des commandes.

La société MCDC ne peut donc prétendre, par application de l'article L. 134-6 du Code de commerce, à des commissions du fait de la conclusion des opérations commerciales ou de l'obtention du client Cultura par elle antérieurement à ces opérations.

La société MCDC fait également valoir qu'en tout état de cause, il est de jurisprudence constante, que lorsqu'il est chargé d'un secteur commercial, l'agent commercial a droit à la commission afférente aux opérations conclues avec des clients appartenant à ce secteur même si elles l'ont été sans son intervention.

Cette règle prévue par le second alinéa du texte précité, est posée lorsque l'agent est chargé d'un secteur géographique ou d'un groupe de personnes déterminé pour toute opération conclue avec une personne appartenant à ce secteur ou à ce groupe.

En l'espèce, la société MCDC était chargée d'un groupe de personnes déterminé à savoir les papetiers indépendants sur un secteur déterminé et, si la centrale d'achat Cultura se trouve sur ce secteur, elle ne fait pas partie du groupe de personnes dont l'agent était chargé.

La demande de la société MCDC n'est donc pas non plus justifiée sur ce fondement.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société MCDC de sa prétention.

Sur la demande de rappel de commissions relatif à des remises consenties par la société Aliséo

La société MCDC conteste la réduction, selon elle unilatérale, par la société Aliséo du taux de commission en raison de remises consenties au client.

La société Aliséo conteste avoir agi unilatéralement ; elle prétend que les parties étaient d'accord pour que certaines remises soient consenties à des clients et pour en tenir compte dans le taux de commissionnement ainsi que le démontre le fait que saisissant les commandes, les prix et les remises, la société MCDC lui adressait des factures de commissions tenant compte de la réduction de leur taux.

Elle ajoute que certains échanges entre les parties démontrent l'existence d'accords spécifiques pour l'application, pour certains clients, d'un taux de commission inférieur à celui prévu contractuellement.

D'une part, la société MCDC ne démontre pas que les remises n'étaient pas consenties par elle aux clients lors de la prise de commande mais l'étaient à posteriori et unilatéralement par la société Aliséo sur la facture adressée aux clients.

D'autre part, il ressort des productions que la société Aliséo adressait à la société MCDC un relevé des opérations conclues par elle avec les éléments permettant leur identification, le taux de commission, le montant de la vente et celui de la commission ; qu'après vérification de ce relevé, la société MCDC établissait sa facture de commissions qu'elle adressait à sa mandante.

Or, les seules observations émises par la société MCDC concernent le relevé adressé en mai 2012, indiquant qu'il manquait une commande et demandant confirmation de l'enregistrement de la commande de Codip'a comme déjà exposé.

La validation par la société MCDC des taux de commissions mentionnés par la société Aliséo concrétise l'accord des parties sur ces taux, étant noté que l'application du taux de 12 % sur les ventes IKKS résulte de l'application du second contrat.

Il y a lieu, par substitution de motifs, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société MCDC de cette demande.

Sur la demande reconventionnelle de la société Aliséo

La société Aliséo sollicite restitution d'une partie des commissions qu'elle a versées au motif qu'elle a calculé les commissions au taux de 15 % alors que les conditions d'application de ce taux ne sont pas remplies et que le taux applicable était de 10 %.

Elle demande la différence entre le montant des commissions payées et celui qu'elle dit être dû au taux de 10 %.

Le premier contrat produit par la société MCDC (produits "Tann's") prévoit effectivement une commission de 10 % qui passe à 15 % si le montant des ventes dépasse de manière cumulative :

- 30 000 € HT par an pour les produits "rentrées des classes",

- 20 000 € HT par an pour les produits des gammes adultes.

La société Aliséo prétend que si la première condition a toujours été remplie, la seconde ne l'a jamais été ce que la société MCDC conteste.

Le second contrat produit par la société Aliséo (produits IKKS), dont les parties ne tiennent pas compte, prévoit une commission fixe de 12 %.

La demande de la société Aliséo n'est pas fondée pour les motifs suivants :

- aucune des pièces qu'elle produit (relevés et factures de commissions, liste de produits dit de la gamme adulte, liste des commandes de l'agent) n'établit que la société MCDC n'a pas atteint le double objectif entraînant une commission de 15 % pour la vente des produits "Tann's",

- la commission due pour la vente des produits "IKKS" est de 12 % et elle a payé une commission de ce montant (et non de 15 %) voire moindre en cas de remise,

- comme déjà exposé, elle n'a pas non plus payé 15 % sur toutes les ventes "Tann's", le taux de commission de certaines commandes ayant été réduit du fait des remises accordées,

- de la même manière que la validation par la société MCDC des relevés de commandes concrétise son accord sur les taux de commission qui y sont mentionnés (en dehors des termes du contrat), ces mentions par la société Aliséo, sur les relevés de commande transmis pour facturation, établissent son accord sur ces taux.

En conséquence, il y a lieu, par substitution de motifs, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Aliséo de sa demande.

Sur le surplus des demandes

L'action de la société MCDC n'étant pas fondée, sa demande de dommages intérêts pour résistance abusive de l'intimée ne l'est pas non plus ce qui conduit à la confirmation, mais par substitution de motifs, du débouté de cette demande par le tribunal de commerce.

Partie perdante en première instance comme en appel, la société MCDC doit supporter les entiers dépens et frais irrépétibles qu'elle a exposés et verser à la société Aliséo une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, celle allouée par le jugement déféré étant confirmée et une indemnité complémentaire étant ajoutée en cause d'appel.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et par arrêt contradictoire, Confirme le jugement entrepris ; Condamne la SARL MCDC 31264 à verser à la SAS Aliséo, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et en cause d'appel, une indemnité complémentaire de 3 000 € ; Condamne la SARL MCDC 31264 aux dépens d'appel.