CE, 9e et 10e ch. réunies, 12 avril 2019, n° 376193
CONSEIL D'ÉTAT
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Carrefour Hypermarchés (Sté), Fnac Paris (Sté), Fnac Direct (Sté), Relais Fnac (Sté), Codirep (Sté)
Défendeur :
Centre national du cinéma
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Rapporteur :
M. HUMBERT
Rapporteur public :
Mme BOKDAM-TOGNETTI
Avocats :
SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX, SCP PIWNICA, MOLINIE
LE CONSEIL : - Vu les procédures suivantes :- Par une décision du 21 septembre 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur les pourvois présentés par les sociétés Carrefour Hypermarchés, Fnac Paris, Fnac direct, Relais Fnac, Codirep et Fnac Périphérie tendant à la restitution de la taxe sur les ventes et les locations de vidéogrammes destinées à l'usage privé du public acquittée en 2008 et 2009 pour la première et 2009 à 2011 pour les autres, a sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les questions suivantes : - dans le cas d'un régime d'aides financé par des ressources affectées, lorsqu'un Etat membre a régulièrement notifié préalablement à leur mise en œuvre les modifications juridiques ayant une incidence substantielle sur ce régime, et notamment celles concernant son mode de financement, une importante augmentation du produit des ressources fiscales affectées au régime par rapport aux prévisions fournies à la Commission européenne constitue-t-elle une modification substantielle au sens du paragraphe 3 de l'article 88 du TCE, devenu l'article 108 du TFUE, de nature à justifier une nouvelle notification - dans ce même cas, comment s'applique l'article 4 du règlement (CE) n° 784/2004 de la Commission, en vertu duquel une augmentation de plus de 20 % du budget initial d'un régime d'aides existant constitue une modification de ce régime d'aides, et, en particulier : a) comment se combine-t-il avec le caractère préalable de l'obligation de notification d'un régime d'aides fixée au paragraphe 3 de l'article 88 du TCE, devenu l'article 108 du TFUE - b) si le dépassement du seuil de 20 % du budget initial d'un régime d'aides existant prévu à l'article 4 du règlement (CE) n° 784/2004 de la Commission justifie une nouvelle notification, ce seuil doit-il s'apprécier par rapport au montant des recettes affectées au régime d'aides ou par rapport aux dépenses effectivement allouées aux bénéficiaires, à l'exclusion des sommes mises en réserve ou de celles ayant fait l'objet de prélèvements au profit de l'Etat - c) à supposer que le respect de ce seuil de 20 % doive s'apprécier par rapport aux dépenses consacrées au régime d'aide, une telle appréciation doit-elle s'opérer par comparaison du plafond global de dépense figurant dans la décision d'approbation avec le budget global alloué ultérieurement à l'ensemble des aides par l'organisme affectataire ou par comparaison des plafonds notifiés au titre de chacune des catégories d'aides identifiées dans cette décision avec la ligne budgétaire correspondante de cet organisme. Par un arrêt du 20 septembre 2018 (C-510/16), la Cour de justice de l'Union européenne s'est prononcée sur ces questions.
1° Sous le n° 376193, par un nouveau mémoire en défense et des mémoires en réplique enregistrés les 29 octobre, 14 novembre, 3 décembre et 20 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics conclut : 1°) au rejet du pourvoi à titre principal ; 2°) à titre subsidiaire, en cas de règlement au fond, à ce que la restitution soit limitée au montant des intérêts calculés sur la base d'un montant correspondant à la différence entre le produit des taxes effectivement encaissé et le montant des prévisions de taxes notifié à la Commission majoré de 20 %, au prorata de la taxe supportée par la société requérante.
2° Sous le n° 380199, par un nouveau mémoire en défense et des mémoires en réplique enregistrés les 29 octobre, 14 novembre, 3 décembre et 20 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics conclut : 1°) au rejet du pourvoi à titre principal ; 2°) à titre subsidiaire, en cas de règlement au fond, à ce que la restitution soit limitée au montant des intérêts calculés sur la base d'un montant correspondant à la différence entre le produit des taxes effectivement encaissé et le montant des prévisions de taxes notifié à la Commission majoré de 20 %, au prorata de la taxe supportée par la société requérante.
3° Sous le n° 380205, par un nouveau mémoire en défense et des mémoires en réplique enregistrés les 29 octobre, 14 novembre, 3 décembre et 20 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics conclut : 1°) au rejet du pourvoi à titre principal ; 2°) à titre subsidiaire, en cas de règlement au fond, à ce que la restitution soit limitée au montant des intérêts calculés sur la base d'un montant correspondant à la différence entre le produit des taxes effectivement encaissé et le montant des prévisions de taxes notifié à la Commission majoré de 20 %, au prorata de la taxe supportée par la société requérante.
4° Sous le n° 380206, par un nouveau mémoire en défense et des mémoires en réplique enregistrés les 29 octobre, 14 novembre, 3 décembre et 20 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics conclut : 1°) au rejet du pourvoi à titre principal ; 2°) à titre subsidiaire, en cas de règlement au fond, à ce que la restitution soit limitée au montant des intérêts calculés sur la base d'un montant correspondant à la différence entre le produit des taxes effectivement encaissé et le montant des prévisions de taxes notifié à la Commission majoré de 20 %, au prorata de la taxe supportée par la société requérante.
5° Sous le n° 380208, par un nouveau mémoire en défense et des mémoires en réplique enregistrés les 29 octobre, 14 novembre, 3 décembre et 20 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics conclut : 1°) au rejet du pourvoi à titre principal ; 2°) à titre subsidiaire, en cas de règlement au fond, à ce que la restitution soit limitée au montant des intérêts calculés sur la base d'un montant correspondant à la différence entre le produit des taxes effectivement encaissé et le montant des prévisions de taxes notifié à la Commission majoré de 20 %, au prorata de la taxe supportée par la société requérante.
6° Sous le n° 380209, par un nouveau mémoire en défense et des mémoires en réplique enregistrés les 29 octobre, 14 novembre, 3 décembre et 20 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics conclut : 1°) au rejet du pourvoi à titre principal ; 2°) à titre subsidiaire, en cas de règlement au fond, à ce que la restitution soit limitée au montant des intérêts calculés sur la base d'un montant correspondant à la différence entre le produit des taxes effectivement encaissé et le montant des prévisions de taxes notifié à la Commission majoré de 20 %, au prorata de la taxe supportée par la société requérante.
Vu les autres pièces du dossier, y compris les pièces visées par la décision du Conseil d'Etat du 21 septembre 2016 ; Vu : - le traité instituant la Communauté économique européenne, devenu traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - le règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 ; - le règlement (CE) n° 794/2004 de la Commission du 21 avril 2004 ; - la décision C (2006) 832 final du 22 mars 2006 de la Commission européenne; - la décision C (2007) 3230 final du 10 juillet 2007 de la Commission européenne ; - la décision C (2011) 9430 final du 20 décembre 2011 de la Commission européenne ; - la décision C (2012) 1743 final du 21 mars 2012 de la Commission européenne ; - le code général des impôts ; - la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 ; - la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 ; - la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Sylvain Humbert, maître des requêtes, - les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat des sociétés Carrefour Hypermarchés, Fnac Paris, Fnac Direct, Relais Fnac, Codirep et Fnac Périphérie ainsi qu'à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du Centre national du cinéma ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 21 septembre 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, après avoir écarté le moyen de la société Carrefour Hypermarchés relatif à l'absence de rattachement de la direction des grandes entreprises à un service de la direction générale des finances publiques et le moyen des sociétés requérantes relatif à la suppression, par l'article 55 de la loi de finances pour 2009, du compte d'affectation spéciale " Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale ", a sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur l'interprétation de la notion de modification d'une aide existante au sens du c) de l'article 1er du règlement n° 659/1999 du Conseil de l'Union européenne portant modalités d'application de l'article 93, devenu 88, du traité instituant la Communauté européenne et du paragraphe 1 de l'article 4 du règlement (CE) n° 794/2004 de la Commission du 21 avril 2004 concernant la mise en œuvre du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil de l'Union européenne portant modalités d'application de l'article 93 du traité instituant la Communauté européenne, lus à la lumière du paragraphe 3 de l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
2. Par son arrêt du 20 septembre 2018 se prononçant sur les questions dont le Conseil d'Etat, statuant au contentieux l'avait saisie à titre préjudiciel, la Cour de justice de l'Union européenne a invité le Conseil d'Etat, à titre liminaire, à s'assurer que les trois taxes affectées au financement des aides au cinéma et à l'audiovisuel, à savoir la taxe sur les billets de cinéma, la taxe sur les services de télévision et la taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes, faisaient, lors de la période considérée, partie intégrante des régimes d'aides en cause et, en particulier, à examiner si la mise en réserve d'une partie des recettes du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) avait eu pour effet de réaffecter le montant concerné à une mesure autre que celle revêtant toutes les caractéristiques d'une aide, au sens du paragraphe 1 de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et à apprécier l'impact que pourrait avoir la réattribution d'une partie de ces recettes au profit du budget général de l'Etat sur l'existence d'un lien d'affectation contraignant entre ces taxes et ces régimes.
3. Aux termes de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions (...) ". Aux termes de l'article 88, devenu l'article 108 : " 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. Elle propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché commun. / (...) 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale (...) ".
4. Il résulte des stipulations du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relatives aux aides d'Etat citées au point 3, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que les taxes n'entrent pas dans le champ d'application de ces stipulations, à moins qu'elles ne constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de telle sorte qu'elles fassent partie intégrante de cette mesure. La Cour de justice a précisé, notamment par son arrêt du 22 décembre 2008, Société Régie Networks (C-333/07), que " pour qu'une taxe puisse être considérée comme faisant partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide concernées en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide et influence directement l'importance de celle-ci et, par voie de conséquence, l'appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché commun ". Dans le même arrêt, la Cour de justice a indiqué que le montant d'une taxe affectée doit être regardé comme influençant directement l'importance des aides même si ces dernières sont attribuées par une commission, dès lors que " cet organe n'a pas le pouvoir d'affecter les fonds disponibles à des fins autres que ces aides ". Par son arrêt du 10 novembre 2016 DTS Distribuidora de Television Digital c/ Commission (C-449/14), la Cour de justice a jugé qu'il n'y avait pas de lien d'affectation contraignant entre une taxe et une aide dans un cas où le montant des aides octroyées est déterminé en fonction de critères sans rapport avec les recettes fiscales affectées et où la législation nationale prévoit qu'un éventuel excédent de ces recettes par rapport à ces aides doit être réattribué, selon le cas, à un fonds de réserve ou au Trésor public, les recettes affectées faisant en outre l'objet d'un plafond absolu, de telle sorte que tout excédent est également réattribué au budget général de l'Etat.
5. En premier lieu, il ressort des éléments produits par les parties après l'arrêt de la Cour de justice que la taxe sur le prix des entrées en salles, la taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes et la taxe sur les services de télévision, qui constituent l'essentiel des ressources du CNC, sont, en vertu de la réglementation nationale, affectées au CNC. Jusqu'au 31 décembre 2008, les taxes en cause étaient retracées par un compte d'affectation spéciale sur lequel le CNC prélevait les sommes nécessaires au versement des aides. A compter du 1er janvier 2009, ces taxes ont été versées directement au CNC, concourant par là à l'ensemble des recettes de l'établissement. Au titre de la période en litige, le CNC a déterminé librement la part des taxes qu'il affectait au régime d'aides et attribué les aides en cause en fonction de règles générales fixées par décret et par arrêté. Le montant du produit des taxes affectées au CNC au titre de la période de 2007 à 2011 a progressé de 57 %, ou 46,3 % après neutralisation des changements de méthode comptable, principalement par l'effet de la modification de l'assiette de la taxe sur les services de télévision à compter du 1er janvier 2008 qui a fait passer le produit de cette taxe de 337,4 millions d'euros en 2008 à 631 millions d'euros en 2011, alors que les aides accordées n'ont crû que de 23 % sur la même période, sans que les règles d'attribution des aides aient été modifiées pour tenir compte de cette évolution et assurer une évolution proportionnelle des recettes et des dépenses.
6. En deuxième lieu, l'augmentation des recettes du CNC a donné lieu à une mise en réserve des excédents de recettes. Ainsi qu'il ressort d'un rapport de la Cour des comptes d'août 2012, le CNC a affecté entre 80 et 90 % de ses excédents de recettes à trois réserves qualifiées par ce rapport de facultatives, à savoir la " réserve pour projet immobilier " destinée à des achats immobiliers ou à des travaux, la " réserve de solidarité pluriannuelle " destinée à surmonter les aléas d'un exercice pour le financement des aides autorisées et la " réserve numérique " destinée à garantir le financement du plan numérique. Le plan numérique constitue un nouveau régime d'aides qui a été approuvé par la Commission européenne par une décision du 21 mars 2012, dont le financement, à partir des recettes prévues pour un autre régime d'aides antérieurement autorisé par la Commission, a absorbé 7,5 millions d'euros issus des réserves en 2008, 53,34 millions d'euros en 2009, 154 millions d'euros en 2010 et 39,3 millions d'euros en 2011. La réserve pluriannuelle a été abondée au titre de 2009 à hauteur de 12 millions d'euros et au titre de 2010 à hauteur de 21,1 millions d'euros.
7. En troisième lieu, les taxes affectées au CNC ont fait l'objet d'un prélèvement au profit de l'Etat d'un montant de 20 millions d'euros en application de l'article 35 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 et d'un plafonnement ayant conduit au reversement à l'Etat d'un montant de 50 millions d'euros en application de l'article 46 de la loi du 28 décembre 2011 de finances pour 2012. En outre, l'article 41 de loi du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 a prévu le prélèvement d'un montant de 150 millions d'euros sur le fond de roulement du CNC, lequel résulte notamment de la mise en réserve des excédents de taxes affectées au titre de la période en litige. Enfin, il résulte du rapport de la Cour des comptes d'août 2012 que le prélèvement pour frais de fonctionnement sur les taxes affectées, qui s'ajoute aux prélèvements et mises en réserve mentionnés ci-dessus, s'est élevé à 26,4 millions d'euros en 2008, 27 millions d'euros en 2009, 32,2 millions d'euros en 2010 et 42 millions d'euros en 2011.
8. Il résulte de ce qui précède que même si une part des sommes mises en réserve devait servir à financer le versement d'aides futures, si les sommes reversées à l'Etat ont été, au cours de la période concernée, d'un montant modeste au regard du produit des taxes affectées et si le prélèvement pour frais de fonctionnement représente une part limitée du produit de ces taxes, le total des sommes soustraites au financement du régime d'aides au cinéma et à l'audiovisuel antérieurement autorisé a représenté une part croissante des recettes devant servir au financement de ce régime d'aide. Ainsi, le montant des recettes collectées ne peut être regardé comme ayant influencé directement l'importance des aides accordées chaque année, dont le montant a évolué significativement moins vite que celui du produit des taxes affectées au CNC. Dans ces conditions, les trois taxes affectées au CNC ne peuvent être regardées comme faisant partie intégrante du régime d'aides concerné au titre de la période en litige. En statuant ainsi, au vu des éléments produits après l'arrêt rendu par la Cour de justice, le Conseil d'Etat ne saurait, en tout état de cause, être regardé comme se prononçant sur la validité des décisions du 22 mars 2006, du 20 juillet 2007 et du 20 décembre 2011 par lesquelles la Commission européenne a déclaré compatible avec le marché commun le régime d'aides au cinéma et à l'audiovisuel financé par les taxes en cause qui lui avait été notifié par les autorités françaises.
9. Il résulte de tout ce qui précède qu'en l'absence de lien d'affectation contraignant entre la taxe sur le prix des entrées en salles, la taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes et la taxe sur les services de télévision, d'une part, et le régime d'aides au cinéma et à l'audiovisuel qu'elles financent, d'autre part, les sociétés requérantes ne peuvent utilement, à l'appui de conclusions tendant au remboursement de ces taxes, soutenir que l'augmentation de plus de 20 % du budget du régime d'aides au cinéma et à l'audiovisuel aurait dû faire l'objet d'une nouvelle notification à la Commission européenne. Il y a lieu, dès lors, de substituer ce motif à celui retenu par les arrêts attaqués, dont il justifie légalement sur ce point le dispositif.
10. Il en découle que le moyen tiré de ce que la cour administrative d'appel aurait méconnu les règles de dévolution de la charge de la preuve et méconnu son office, en statuant sur l'existence d'un dépassement du seuil de 20 % prévu au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement n° 794/2004, et le moyen tiré de ce que la cour aurait entaché les arrêts attaqués de dénaturation et d'erreur de droit en jugeant que le produit de la taxe sur les ventes de vidéogrammes n'avait pas été utilisé pour financer un régime d'aide qui n'avait pas été notifié à la Commission européenne, deviennent inopérants. Ce motif, qui répond aux moyens soulevés devant la cour, doivent être substitué aux motifs retenus par les arrêts attaqués dont ils justifient légalement le dispositif.
11. Enfin, la cour n'a, en tout état de cause, pas entaché son arrêt de dénaturation en jugeant qu'aucune aide destinée au plan de numérisation des films n'avait été versée aux opérateurs concernés par le CNC avant l'approbation de ce régime d'aide par la Commission européenne par une décision du 21 mars 2012, comme l'a d'ailleurs constaté la Commission dans cette décision. La cour a pu juger, sans commettre d'erreur de droit, que la mise en réserve d'une partie de ses excédents de recettes par le CNC en vue de financer ce plan de numérisation après son approbation était sans incidence, dès lors que cette mise en réserve ne constituait pas, en elle-même, l'octroi d'une aide d'Etat.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Carrefour Hypermarchés et les sociétés Fnac Paris, Fnac Direct, Relais Fnac, Codirep et Fnac Périphérie ne sont pas fondées à demander l'annulation des arrêts qu'elles attaquent. Par suite, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
DECIDE :
Article 1er : Les pourvois des sociétés Carrefour Hypermarchés, Fnac Paris, Fnac Direct, Relais Fnac, Codirep et Fnac Périphérie sont rejetés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SAS Carrefour Hypermarchés, à la société Fnac Paris, à la société Fnac Direct, à la société Relais Fnac, à la société Codirep, à la société Fnac Périphérie et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC).