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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 7, 18 avril 2019, n° 13-13058

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Brenntag (SA), Brenntag France Holding (SAS), Brachem France Holding (SAS), Brenntag Foreign Holding GmbH (Sté), Brenntag Beteiligung GmbH (Sté), Brenntag Holding GmbH (Sté), Deutsche Bahn AG (Sté)

Défendeur :

Gaches Chimie (SAS), Solvadis GmbH (Sté), Solvadis Deutschland GmbH (Sté), Autorité de la concurrence

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Michel-Amsellem

Conseillers :

MM. Douvreleur, Mollard

Avocats :

Mes Grappotte-Benetreau, Tardif, Serna, Hardouin, Thill-Tayara, Lallement, Bricogne, Guyonnet, Gransard

CA Paris n° 13-13058

18 avril 2019

Vu la décision de l’Autorité de la concurrence n° 13-D-12 du 28 mai 2013 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation de commodités chimiques ;

Vu le recours en annulation ou en réformation de cette décision déposé au greffe de la cour le 28 juin 2013 par la société DB Mobility Logistics AG ;

Vu le recours en annulation ou en réformation déposé au greffe de la cour le 1er juillet 2013 par les sociétés Brenntag SA, Brenntag France Holding SAS, Brachem France Holding SAS, Brenntag Foreign Holding GmbH, Brenntag Holding GmbH, Brenntag Beteiligung GmbH et Brenntag Holding GmbH ;

Vu la déclaration d’intervention volontaire déposée au greffe de la cour par la société Gaches Chimie SAS le 19 juillet 2013 ;

Vu la déclaration d’intervention volontaire déposée au greffe de la cour par les sociétés Solvadis France EURL, Solvadis Holding SARL et Solvadis GmbH le 23 juillet 2013 ;

Vu l’arrêt avant dire droit en date du 22 octobre 2015 ;

Vu l’arrêt en date du 2 février 2017, ayant notamment annulé la décision n° 13-D-12 en tant qu’elle a statué sur les griefs notifiés aux sociétés Brenntag SA, Brenntag France Holding SAS, Brachem France Holding SAS, Brenntag Foreign Holding GmbH, Brenntag Holding GmbH, Brenntag Beteiligung GmbH et Brenntag Holding GmbH, et ordonné la réouverture des débats sur lesdits griefs ;

Vu l’arrêt rendu le 10 juillet 2018 par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique (pourvois n° 17-13.973 et 17-14.140) ayant déclaré irrecevable ou rejeté les pourvois formés contre cet arrêt ;

Vu le mémoire d’incident déposé le 24 janvier 2019, par les sociétés Brenntag SA, Brenntag France Holding SAS, Brachem France Holding SAS, Brenntag Foreign Holding GmbH, Brenntag Holding GmbH, Brenntag Beteiligung GmbH et Brenntag Holding GmbH, complété par leur mémoire incident récapitulatif, déposé au greffe de la cour le 8 mars 2019 ;

Vu les conclusions d’intervention déposées au greffe de la cour le 11 février 2019 par la société Solvadis Deutschland GmbH et la société Solvadis GmbH, complétées par leurs conclusions récapitulatives d’intervention déposées au greffe de la cour le 15 mars 2019 ;

Vu le mémoire récapitulatif et en réponse sur incident déposé au greffe de la cour le 21 mars 2019 par les sociétés Solvadis Deutschland GmbH et Solvadis Distribution GmbH, anciennement Solvadis GmbH ;

Vu le mémoire sur incident déposé au greffe de la cour le 18 février 2019 par la société Gaches Chimie SAS, complété par son mémoire déposé au greffe de la cour le 14 mars 2019 ;

Vu le mémoire au soutien d’un incident de procédure relatif à l’intervention des sociétés Gaches Chimie SAS et Solvadis, déposé au greffe de la cour le 7 mars 2019 par la société Deutsche Bahn AG, anciennement DB Mobility Logistics AG ;

Vu les observations déposées au greffe de la cour par l’Autorité de la concurrence le 14 février 2019 ;

Vu les observations déposées au greffe de la cour par le ministre de l’Economie le 14 février 2019 ;

Après avoir entendu à l'audience publique du 21 mars 2016, les conseils des sociétés Brenntag SA, Brenntag France Holding SAS, Brachem France Holding SAS, Brenntag Foreign Holding GmbH, Brenntag Holding GmbH, Brenntag Beteiligung GmbH, Brenntag Holding GmbH et Deutsche Bahn AG, qui ont été mises en mesure de répliquer et eu la parole en dernier, les conseils des sociétés Solvadis Deutschland GmbH, Solvadis Distribution GmbH et Gaches Chimie SAS, ainsi que le représentant de l'Autorité de la concurrence et celui du ministre de l'Economie, le ministère public ayant reçu communication des mémoires et pièces des parties ;

FAITS ET PROCÉDURE

1. La cour renvoie à l'exposé des faits figurant dans son précédent arrêt du 2 février 2017. Elle rappelle seulement, pour une meilleure compréhension du présent arrêt, que par décision n° 13-D-12 du 28 mai 2013, l'Autorité de la concurrence (ci-après l' " Autorité ") a considéré que les sociétés Brenntag SA, Brenntag France Holding SAS, Brachem France Holding SAS, Brenntag Foreign Holding GMBH, Brenntag Beteiligung GMBH, Brenntag Holding GMBH (ci-après, ensemble, les " sociétés Brenntag "), DB Mobility Logistics AG, devenue la société Deutsche Bahn AG (ci-après la " société Deutsche Bahn ") et GEA Group (ci-après la " société GEA "), avaient mis en œuvre des pratiques d'entente anticoncurrentielle sur le marché de la distribution des commodités chimiques, en violation des dispositions de l'article 101, paragraphe 1, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après le " TFUE ") et de l'article L. 420-1 du Code de commerce. Elle leur a infligé, en conséquence, des sanctions pécuniaires. La société Deutsche Bahn a été sanctionnée en sa qualité de société mère des sociétés Brenntag au moment des pratiques. Les sociétés Solvadis France, Solvadis GmbH et Solvadis Holding, qui, avec la société Quaron avaient, en premier, dénoncé les pratiques en cause et demandé la clémence, ont, au bénéfice de cette procédure, été exonérées de sanction pécuniaire.

2. Les sociétés Brenntag, Deutsche Bahn et GEA ont formé un recours visant à l'annulation et, subsidiairement, à la réformation de cette décision devant la cour d'appel de Paris les 28 juin 2013, pour les sociétés Deutsche Bahn et GEA, et 1er juillet 2013, pour les sociétés Brenntag.

3. Les sociétés Gaches Chimie SAS (ci-après la " société Gaches "), Solvadis France, Solvadis Holding et Solvadis GmbH sont intervenues à l'instance, la société Solvadis France, placée en liquidation judiciaire, ayant renoncé à son intervention par lettre du 20 novembre 2015.

4. Par un arrêt du 2 février 2017, la cour d'appel de Paris a notamment :

- déclaré nulle l'intervention volontaire des sociétés Solvadis en ce qu'elle était formée par la société Solvadis GmbH ;

- constaté qu'il avait été porté atteinte aux droits de la défense des sociétés Brenntag au stade du rapport et dans la procédure qui s'en est suivie devant l'Autorité de la concurrence ;

- annulé le rapport des rapporteurs ainsi que la décision n° 13-D-12 en ce qu'elle a retenu que les sociétés Brenntag et ses sociétés mères avaient enfreint les dispositions des articles 101 TFUE et L. 420-1 du Code de commerce au titre des deux griefs notifiés par le rapporteur général et en ses dispositions prononçant des sanctions contre ces sociétés ;

- rejeté le recours de la société GEA.

5. En vertu des dispositions des articles 561 et 562 du Code de procédure civile, la cour a évoqué l'affaire et ordonné la réouverture des débats pour statuer sur la notification de griefs.

6. Les pourvois en cassation formés contre cet arrêt par les sociétés Brenntag ont été déclarés irrecevables et celui formé par la société GEA rejeté par un arrêt de la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation du 10 juillet 2018 (pourvois n° 17-13.973 et 17-14.140).

7. Par un mémoire d'incident, intitulé " Mémoire incident aux fins de retrait de certaines pièces illicites ", en date du 24 janvier 2019, complété par un mémoire d'incident récapitulatif du 8 mars 2019, les sociétés Brenntag font valoir que le dossier d'instruction contient de nombreuses pièces qui, selon elles, doivent être retirées des débats soit parce qu'elles contiennent des propos qualifiés de calomnieux insultants et diffamants (annexe 1), soit au motif qu'elles sont des pièces recelées (annexe 2), ou encore parce qu'elles comportent des atteintes à la vie privée (Annexe 3) soit, enfin au motif qu'elles constituent des courriers échangés entre un avocat et son client (annexe 4).

8. Elles demandent à la cour de :

- déclarer les sociétés Brenntag recevables et fondées en leurs demandes tendant au retrait de certaines pièces ou cotes listées aux annexes 1 à 3 en ce qu'elles sont calomnieuses, diffamantes, portent atteinte au respect de la vie privée ou au secret professionnel, ou encore en ce qu'elles sont issues d'un délit de recel ;

- déclarer les conclusions des sociétés Solvadis irrecevables en ce qu'elles ont été déposées au nom de Solvadis GmbH, déclarée irrecevable par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 2 février 2017 ;

- débouter la société Gaches de sa demande de jonction ;

- prendre acte du retrait d'office par l'Autorité de la concurrence des cotes visées en annexe 4 ;

- en conséquence, ordonner le retrait des débats des documents contenant les passages litigieux listés aux annexes 1 à 4, ou à tout le moins, à titre subsidiaire, les cotes concernées.

9. Le 11 février 2019, la société Solvadis Deutschland GmbH, venant aux droits de la société Solvadis Holding, et la société Solvadis GmbH ont déposé des conclusions d'intervention par lesquelles elles demandent à la cour de prendre acte de ce que la société Solvadis Deutschland GmbH vient aux droits de la société Solvadis Holding et reprend l'ensemble des écritures de cette dernière.

10. Les 14 février et 15 mars 2019, elles ont déposé leurs observations sur l'incident de procédure. À titre principal, elles demandent à la cour d'ordonner le renvoi de l'affaire au fond et d'inviter les parties à conclure au fond.

11. À titre subsidiaire, elles demandent à la cour de :

- déclarer irrecevables les demandes des sociétés Brenntag portant sur le retrait des pièces visées en annexe 1 à 4 de son mémoire ;

- rejeter la demande des sociétés Brenntag portant sur l'irrecevabilité des conclusions au nom de la société Solvadis GmbH ;

- rejeter la demande de la société Deutsche Bahn portant sur l'irrecevabilité de l'intervention volontaire des sociétés Solvadis ;

- condamner la société Deutsche Bahn à payer aux sociétés Solvadis Deutschland et Solvadis GmbH la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

12. Si cette irrecevabilité n'était pas retenue, elles demandent à la cour de rejeter les retraits sollicités par les sociétés Brenntag.

13. Le 21 mars 2019, les sociétés Solvadis Deutschland et Solvadis Distribution GmbH ont déposé un nouveau mémoire intitulé " Mémoire en réponse récapitulatif et en réponse sur incident " reprenant les mêmes demandes. Elles ont indiqué à l'audience que ces nouvelles conclusions déposées aux noms des sociétés Solvadis Deutschland et Solvadis Distribution venaient en remplacement de leurs conclusions du 15 mars précédent, déposées au nom de la société Solvadis Deutschland et, par erreur, au nom de la société Solvadis GmbH alors que cette dernière a changé de nom pour devenir la société Solvadis Distribution.

14. Le 18 février 2019, la société Gaches a déposé un mémoire sur incident, complété par un mémoire déposé le 14 mars 2019, par lequel elle demande à la cour :

- à titre principal, d'ordonner aux parties de conclure au fond et envoyer l'étude de la demande de retrait de pièces au débat au fond ;

- subsidiairement, de :

- juger les demandes de retrait de pièces irrecevables et débouter les sociétés Brenntag de toutes leurs demandes ;

- juger la fin de non-recevoir soulevée par la société Deutsche Bahn à l'encontre de l'intervention de la société Gaches irrecevable et la débouter de toutes ses demandes ;

- plus subsidiairement, de juger les demandes de retrait des pièces mal fondées et débouter la société Deutsche Bahn de toutes ses demandes et recevoir l'intervention de la société Gaches au soutien de l'Autorité.

- condamner la société Deutsche Bahn à payer à la société Gaches Chimie la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

15. Le 7 mars 2019, la société Deutsche Bahn a saisi la cour d'un autre incident de procédure relatif à l'intervention des sociétés Gaches et Solvadis, par lequel elle demande à la cour de :

- juger que la société Gaches ne justifie d'aucun intérêt à intervenir dans le cadre de la réouverture des débats prononcée par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 2 février 2017 ;

- déclarer l'intervention volontaire de la société Gaches irrecevable ;

- condamner la société Gaches à payer à la société Deutsche Bahn la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- juger que les sociétés Solvadis Deutschland et Solvadis GmbH ne justifient plus d'aucun intérêt à intervenir dans le cadre de la réouverture des débats prononcée par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 2 février 2017 ;

- déclarer l'intervention volontaire des sociétés Solvadis Deutschland et Solvadis GmbH irrecevable ;

- condamner les sociétés Solvadis Deutschland et Solvadis GmbH à payer à la société Deutsche Bahn la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

16. Le 14 février 2019, l'Autorité a déposé ses observations sur l'incident de procédure soulevé par les sociétés Brenntag. Elle soutient que les conclusions de ces sociétés ne doivent être examinées par la cour qu'à l'occasion du débat au fond sur la valeur probante desdits documents.

17. Elle estime qu'il appartient aux parties de déposer leurs observations sur le recours dans les délais que la cour voudra bien leur fixer.

18. L'Autorité a déposé avec ses conclusions une clé USB contenant le dossier expurgé des cotes 109, 48, 10854, 10 856, 10 867 à 10 872, et 37 139 à 37 145, soit les pièces visées en annexe 4.

19. Le 14 février 2019, le ministre chargé de l'Economie a déposé ses observations par lesquelles il relève que, dans son arrêt du 2 février 2017, la cour s'est prononcée sur le maintien des pièces litigieuses dans la procédure. Il soutient en conséquence qu'il n'y a pas lieu de prononcer le retrait des pièces citées par les requérantes dans le cadre de l'incident de procédure, à l'exception de celles relatives aux correspondances entre un avocat et son client.

MOTIVATION

I. Sur les irrecevabilités invoquées par les parties

A. Sur la recevabilité de l'intervention de la société Solvadis Distribution GmbH, anciennement Solvadis GmbH

20. Les sociétés Brenntag soutiennent que, dès lors que la cour d'appel a déjà retenu dans son arrêt du 2 février 2017 que l'intervention des sociétés Solvadis était nulle en ce qu'elle était formée au nom de la société Solvadis GmbH, cette dernière ne pouvait à nouveau intervenir dans le cadre de l'incident qu'elles ont déposé.

21. La cour, dans le premier arrêt qu'elle a rendu dans cette affaire le 2 février 2017, a relevé que l'intervention formée par les sociétés Solvadis Holding et Solvadis GmbH indiquait que la société Solvadis GmbH était représentée par MM. Andreas Weimann et Rolf Wichert, co-présidents CEO (Chief executive officer), alors que ceux-ci n'étaient pas, à l'époque à laquelle cet acte a été délivré ni à la date à laquelle la cour statuait, représentants sociaux de la société Solvadis GmbH (arrêt du 2 février 2017, § 18). Elle en a déduit que cette intervention était nulle en ce qu'elle était formée au nom de la société Solvadis GmbH. La cour a par ailleurs rejeté un autre moyen portant sur la recevabilité de l'intervention de la société Solvadis Holding, contestée sur un autre fondement, et déclaré celle-ci recevable

22. Ainsi qu'il a été dit, la société Solvadis Deutschland venant aux droits de la société Solvadis Holding, et la société Solvadis GmbH sont intervenues à l'incident par des conclusions du 11 février 2019.

23. Il est indiqué dans cet acte que la société Solvadis GmbH est représentée par " MM. Andreas Weimann et Rolf Wichert, co-présidents CEO (Chief executive officer) ", sans qu'il soit démontré que, contrairement à ce que la cour a précédemment retenu, ces personnes étaient, à la date de ces conclusions valant acte d'intervention volontaire, représentants de la société.

24. Il s'ensuit que les conclusions aux fins d'intervention du 11 février 2019 sont nulles en ce qu'elles ont été déposées au nom de la société Solvadis GmbH, sans qu'il soit justifié des pouvoirs de représentation des personnes qui sont intervenues à l'instance en son nom.

25. En revanche, le dépôt, à l'ouverture de l'audience, le 21 mars 2019, de conclusions au nom de la société Solvadis Deutschland et de la société Solvadis Distribution GmbH, nouvelle dénomination de la société Solvadis GmbH, représentée par M. Kenji Maeda, président CEO (Chief executive officer), dont la recevabilité n'a pas été contestée, vaut intervention volontaire de cette dernière.

26. Il s'ensuit que l'intervention est recevable en ce qu'elle est formée par la société Solvadis Distribution GmbH.

B. Sur la recevabilité de l'intervention de la société Solvadis Deutschland GmbH et de la société Solvadis Distribution GmbH

27. La société Deutsche Bahn soutient que l'intervention des sociétés Solvadis Deutschland GmbH et Solvadis GmbH, devenue Solvadis Distribution GmbH (ci-après, ensemble, les " sociétés Solvadis ") ne s'inscrit pas dans le cadre d'un recours contre la décision de l'Autorité, qui, depuis l'arrêt du 2 février 2017, n'existe plus dans l'ordonnancement juridique.

28. Elle en déduit que l'intervention des sociétés Solvadis ne peut qu'être une intervention accessoire sur le fondement de l'article 330 du Code de procédure civile, aux termes duquel l'intervention est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie et est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.

29. Or, selon la société Deutsche Bahn, les sociétés Solvadis ne font état dans leur mémoire en réponse d'aucune atteinte qui pourrait être portée à leurs droits du fait des demandes des sociétés Brenntag. Elle ajoute que ce qui sous-tendait l'intervention des sociétés Solvadis " dans le cadre de la première procédure ", c'est-à-dire celle qui s'est déroulée jusqu'à l'arrêt du 2 février 2017, était la sauvegarde du bénéfice de leur immunité d'amende résultant de l'avis de clémence, que les sociétés Brenntag mettaient directement en cause, dans l'objectif d'accéder au rang de premier demandeur de clémence. La société Deutsche Bahn précise que, depuis l'arrêt du 2 février 2017, " confirmé par la Cour de cassation dans son arrêt du 10 juillet 2018 ", l'avis de clémence ne peut plus être remis en cause, puisque le dispositif de l'arrêt du 2 février 2017 " [d]éclare irrecevables les demandes formées par les sociétés Brenntag tendant au prononcé de la nullité du procès-verbal recevant la demande de clémence de la société Solvadis France et l'avis de clémence délivré au bénéfice de cette société ".

30. Les sociétés Solvadis opposent que l'intérêt à intervenir s'apprécie, comme l'intérêt à agir, au jour de l'introduction de la demande en justice. Or elles prétendent que l'intervention de la société Solvadis Holding a été déclarée recevable dans l'arrêt du 2 février 2017. Elles soutiennent que la réouverture des débats ordonnée dans cet arrêt et les deux incidents de procédure qui ont été déposés par les sociétés Brenntag et Deutsche Bahn s'inscrivent dans la continuité des débats engagés devant la cour. Elles ajoutent qu'en tout état de cause, elles ont toujours intérêt à agir puisque la Cour de cassation a déclaré irrecevable le pourvoi formé par les sociétés Brenntag contre l'arrêt du 2 février 2017 et que cet arrêt n'étant pas définitif, il n'est pas exclu que les sociétés Brenntag continuent à remettre en cause la clémence accordée aux sociétés Solvadis.

31. Par l'arrêt du 2 février 2017, la cour a relevé que la société Solvadis Holding avait été retenue par la décision comme étant responsable des pratiques relevées et jugé qu'elle était ainsi recevable à intervenir dans la cause. Il a par ailleurs été jugé dans les développements qui précèdent que la société Solvadis Distribution GmbH était recevable à intervenir à la procédure.

32. Le présent incident s'inscrivant dans la continuité des débats qui ont été rouverts par cet arrêt et la Cour de cassation s'étant bornée, par son arrêt du 10 juillet 2018, à déclarer irrecevable le pourvoi formé à son encontre par les sociétés Brenntag au motif qu'il ne mettait pas fin à l'instance, sans examiner les mérites de ce pourvoi, la fin de non-recevoir tirée d'un défaut d'intérêt à intervenir des sociétés Solvadis doit être rejetée.

C. Sur la recevabilité de l'intervention de la société Gaches

33. La société Deutsche Bahn soutient que l'intervention de la société Gaches, qui est accessoire et fondée sur l'article 330 du Code de procédure civile, n'est plus recevable puisque la cour a déjà, par un arrêt avant dire droit du 22 octobre 2015, ordonné aux sociétés Brenntag de communiquer à cette société un certain nombre de documents issus de la procédure. Elle en déduit que la société Gaches a d'ores et déjà obtenu tous les éléments dont elle avait besoin au soutien de ses recours indemnitaires, lui permettant donc utilement de protéger ses intérêts patrimoniaux et qu'il lui serait aujourd'hui complètement indifférent que la cour confirme ou infirme la décision attaquée à l'égard des sociétés Brenntag ou Deutsche Bahn.

34. La société Gaches soutient que la procédure d'incident ne s'inscrit pas dans le cadre d'une instance distincte de celle ayant donné lieu aux arrêts de cette même cour les 22 octobre 2015 et 2 février 2017. Elle en déduit qu'elle ne peut être exclue des débats alors que la cour d'appel n'a pas encore statué au fond et que son intervention volontaire a été jugée recevable par l'arrêt du 22 octobre 2015.

35. Ainsi que le rappelle la société Gaches, la cour, par arrêt avant dire droit rendu dans cette instance le 22 octobre 2015, a déclaré recevable son intervention au recours formé par les sociétés Brenntag contre la décision attaquée.

36. Ainsi qu'il vient d'être dit s'agissant des sociétés Solvadis, contrairement à ce que soutient la société Deutsche Bahn, le présent incident s'inscrit dans la continuité des débats relatifs aux recours déposés devant la cour d'appel contre la décision attaquée, lesquels ont été rouverts par la cour par l'arrêt du 2 février 2017.

37. Il s'ensuit que la fin de non-recevoir relative à la prétendue irrecevabilité de l'intervention de la société Gaches ne peut qu'être rejetée.

D. Sur la recevabilité des demandes des sociétés Brenntag

38. Il est rappelé que les sociétés Brenntag font valoir que le dossier d'instruction contient de nombreuses pièces qui, selon elles, doivent être retirées des débats aux motifs soit qu'elles contiennent des propos qualifiés de calomnieux, insultants et diffamants (annexe 1), soit qu'elles sont des pièces recelées (annexe 2), soit qu'elles comportent des atteintes à la vie privée (annexe 3) soit, enfin, qu'elles constituent des courriers échangés entre un avocat et son client (annexe 4).

39. L'Autorité observe que la cour d'appel tient des dispositions de l'article L. 464-8 du Code de commerce, le pouvoir d'annuler les seules décisions qui lui sont déférées au vu des pièces du dossier de l'affaire qui lui a été transmis et qu'elle ne peut annuler des pièces ou des documents transmis par des parties. Elle ajoute que ces pièces constituent des moyens de preuve qui doivent être discutés contradictoirement et que, s'il s'avère que l'un ou plusieurs d'entre eux sont contraires à l'un des principes fondamentaux du procès équitable, la cour pourra décider de les écarter des débats. Elle en conclut qu'à ce stade de la procédure, la cour n'a pas le pouvoir de se prononcer sur la légalité des pièces visées dans les annexes ni d'en ordonner le retrait des débats.

40. Les sociétés Solvadis soutiennent que les demandes des sociétés Brenntag sont irrecevables en application du principe selon lequel " nul ne plaide par procureur ". Elles font observer qu'aucune des personnes qui, selon l'interprétation des sociétés Brenntag, auraient été calomniées ou insultées, n'ont engagé un quelconque recours et n'ont donné mandat d'agir à celles-ci afin que les pièces litigieuses soient retirées du dossier.

41. Les sociétés Brenntag répliquent que les décisions citées par les intervenantes ne sont pas pertinentes car elles ne concernent pas de simples demandes de retrait de passages litigieux, comme c'est le cas en l'espèce, mais des demandes en dommages-intérêts en raison de propos diffamants à l'égard d'un tiers.

42. Elles ajoutent que les pièces dont elles demandent le retrait les concernent ou visent leur avocat, ou encore ont été citées par la cour dans l'arrêt du 2 février 2017.

43. La société Gaches soutient que les demandes des sociétés Brenntag sont irrecevables au motif que la cour, par l'arrêt du 2 février 2017, a déjà statué sur la question des pièces mises en cause par les requérantes et jugé que celles-ci n'avaient pas vicié l'instruction ni la notification de griefs, et qu'elle ne leur accordait pas de crédit en ce qu'elles mettaient en cause le conseil des sociétés Brenntag. Elle estime qu'en n'ordonnant pas le retrait de ces pièces, la cour a décidé de la poursuite du débat au fond en l'état du dossier dans des termes dépourvus d'équivoque.

44. Les sociétés Brenntag contestent l'irrecevabilité invoquée et opposent qu'elles ne renouvellent pas leur demande telle qu'elles l'avaient formulée initialement, mais se limitent à réclamer l'occultation des seuls passages litigieux pour leur retrait des débats, conformément à ce qui a été jugé dans l'arrêt du 2 février 2017. Elles ajoutent qu'en statuant comme elle l'a fait dans cet arrêt, la cour d'appel s'est limitée à mettre en œuvre le pouvoir dont elle dispose d'expurger du dossier toutes les pièces portant atteinte au principe de loyauté, ce qu'elle avait déjà fait dans un arrêt du 16 février 2012 (RG n° 2011/00951) sur le fondement des articles 9 du Code de procédure civile et 6 §1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme.

45. En application de l'article 464-8 du Code de commerce, la cour d'appel de Paris peut être saisie d'un recours en annulation ou en réformation contre les décisions de l'Autorité de la concurrence mentionnées aux articles L. 462-8, L. 464-2, L. 464-3, L. 464-5, L. 464-6, L. 464-6-1 et L. 752-27 du même Code.

46. L'article R. 464-14 du Code de commerce (dans sa rédaction issue du décret n° 2017-823 du 5 mai 2017) précise que l'Autorité de la concurrence, dès qu'elle est avisée du recours prévu à l'article L. 464-8 du même Code, transmet au greffe de la cour le dossier de l'affaire qui comporte les procès-verbaux et rapports d'enquête, les griefs, les observations, le rapport, les documents et les mémoires mentionnés à l'article L. 463-2 du Code de commerce.

47. Ainsi que la cour l'a rappelé au paragraphe 79 de l'arrêt du 2 février 2017, elle est tenue, en vertu de l'effet dévolutif du recours, de statuer à nouveau sur les griefs notifiés.

48. Garante du respect de la procédure et de la protection des droits fondamentaux des parties, il lui appartient, lorsqu'une pièce porte atteinte à un droit fondamental ou a été obtenu au mépris des règles d'administration de la preuve, rendant ainsi irrecevable sa production, de l'écarter des débats.

49. Sans que cela préjuge du caractère fondé ou non d'une telle demande, les parties peuvent la saisir d'un incident visant à ce que, pour les motifs qu'elles jugent opportun de soutenir, certaines pièces, ou certaines parties de pièces, devraient être écartées des débats.

50. Par ailleurs, la cour n'a pas, dans l'arrêt du 2 février 2017, prononcé le retrait d'extraits de pièces dont elle a jugé qu'elles n'auraient pas dû apparaître, en tant que telles, dans le dossier d'instruction. Elle ne s'est pas non plus prononcée au fond sur le retrait de ces pièces de la procédure ou d'extraits de celles-ci. Par conséquent, la demande ultérieure des requérantes visant à ce que ces parties de pièces soient retirées des débats ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée et n'est pas irrecevable à ce titre.

51. En revanche, ainsi que le soutiennent à juste titre les sociétés Gaches et Solvadis, le principe selon lequel nul ne plaide par procureur, qui se traduit par l'exigence de la qualité à agir, s'oppose à ce que les sociétés Brenntag invoquent le caractère diffamant ou injurieux, ou encore l'atteinte à la vie privée à l'égard de personnes physiques citées dans les pièces dont elles demandent l'occultation partielle.

52. En effet, si une telle atteinte devait être constatée, elle ne concernerait que ces personnes et non les sociétés Brenntag qui ne sont pas visées par ces diffamations, injures ou atteintes à la vie privée et qui sont en conséquence sans intérêt et sans qualité à demander le retrait de ces éléments de pièces.

53. Les sociétés Brenntag soutiennent à tort, à ce sujet, que les propos injurieux et diffamants les visaient dès lors qu'ils portaient sur leur avocat qui était leur représentant. En effet, ces propos visent cet avocat personnellement et non les sociétés Brenntag au travers de leur défenseur.

54. Il en est de même du ou des salariés des sociétés Brenntag, dont, selon ces dernières, la vie privée a été violée, qui sont seuls concernés par ces violations.

55. En conséquence, leurs demandes en ce qu'elles visent les pièces portant atteinte à la vie privée (pièces listées à l'annexe 3) ou les pièces contenant des propos calomnieux, insultants et diffamants (pièces listées à l'annexe 1) sont irrecevables.

56. Cependant, le principe selon lequel nul ne plaide par procureur ne s'applique pas aux demandes visant des pièces portant atteinte au secret des correspondances entre avocat et clients (pièces listées à l'annexe 4) ou celles consistant en des pièces recelées par M. X (pièces listées à l'annexe 2).

57. Il s'ensuit que les demandes visant à écarter ou à occulter des extraits de pièces au motif qu'elles porteraient atteinte au secret des correspondances entre avocat et clients, ou qu'elles consisteraient en des pièces recelées par M. X sont recevables.

II. Sur les demandes de retrait de pièces

A. Sur la demande de retrait des pièces ou cotes listées à l'annexe 4 et concernant des correspondances entre avocat et client

58. La cour relève que la première transmission du dossier réalisée par l'Autorité à l'occasion du recours incluait les cotes 48 et 109 de la saisine n° 06/0064, les cotes 10854 à 10856 et 10867 à 10872 de la saisine n° 07/0032 (annexes 424 de la notification de griefs), ainsi que les cotes 37139 à 37145 de la saisine n° 07/0032 (annexes 548 T2 de la notification de griefs) dont l'Autorité ne conteste pas qu'elles relèvent de correspondances entre avocat et client. Par une nouvelle transmission du 14 février 2019, de laquelle sont exclues les pièces litigieuses, l'Autorité invite la cour à ne plus tenir compte de ces pièces. Il s'ensuit que la demande est devenue sans objet.

B. Sur la demande de retrait de pièces provenant d'un recel, visées à l'annexe 2

59. Les sociétés Brenntag soutiennent que les pièces visées à l'annexe 2 sont illicites en ce qu'elles proviennent d'un recel.

60. Elles indiquent à ce sujet que M. X, qui a déposé la demande de clémence pour le compte de la société Solvadis, aurait communiqué à l'Autorité de nombreuses informations internes les concernant, notamment, des chiffres d'affaires, des résultats d'exploitation, des montants de marges ou encore des montants de bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement (BAIIDA ou EBITDA). Or M. X, qui a été le dirigeant de la société anonyme Brenntag jusqu'au 15 juin 1998, a été condamné par la cour d'appel de Paris, par un arrêt du 26 novembre 2015 (Pôle 4, chambre 11, RG n° 12/06120), (ci-après, l' " arrêt du 26 novembre 2015 "), pour s'être rendu coupable du délit de recel de vol ou d'abus de confiance en détenant un certain nombre de documents d'affaires de la société anonyme Brenntag (ci-après la " société Brenntag ") et en les ayant transmis à des tiers, notamment, la société Gaches.

61. Elles demandent à la cour d'ordonner, en application de l'article 9 du Code de procédure civile, qui consacre l'exigence de licéité de la preuve, le retrait des débats des documents recelés qui ont été transmis à l'Autorité, documents dont elles ont donné la liste dans l'annexe 2 de leurs écritures du 24 janvier 2019.

62. Elles font valoir que toute preuve non conforme à la loi, ou obtenue de façon déloyale, par stratagème ou ruse, versée aux débats par une partie ou les enquêteurs, y compris dans le cadre d'une procédure devant l'Autorité, doit être déclarée irrecevable et écartée des débats.

63. Dans leur mémoire récapitulatif du 8 mars 2019, les sociétés Brenntag réaffirment que c'est M. X qui a remis les documents recelés à l'Autorité de la concurrence.

64. L'Autorité rappelle que la cour d'appel ne peut ordonner le retrait de pièces régulièrement versées au dossier d'instruction par les parties, fussent-elles recelées.

65. Elle fait valoir que la jurisprudence par laquelle la Cour de cassation a, sur le fondement du principe de loyauté des preuves, écarté des enregistrements produits devant l'Autorité, a été tempérée par un arrêt postérieur de la Première chambre civile de cette Cour reconnaissant la nécessité d'une balance des intérêts antinomiques en présence (Civ. 1re, 25 février 2016 n° 15-12.403). Elle rappelle que par un arrêt du 8 septembre 2016 (Goldfish e.a./Commission, T-54/14), le Tribunal de l'Union européenne a précisé que des pièces obtenues légalement par la Commission pouvaient être retenues à titre de preuve dans une procédure juridictionnelle, quand bien même ces pièces auraient été obtenues illégalement par celui qui les a produites.

66. Les sociétés Solvadis soutiennent que plusieurs documents visés par les demandes des sociétés requérantes n'ont pas été communiqués par M. X à l'Autorité. Elles rappellent que leur demande de clémence a été déposée tant en leur nom qu'en celui de la société Quaron ; or il est, selon elles, possible que M. Y, ancien membre du comité de direction de la société Brenntag et président du directoire de la société Quaron, ait lui aussi été destinataire de ces pièces et les ait transmises à l'avocat qui a déposé la demande et le dossier de clémence à l'Autorité au nom des sociétés Solvadis et Quaron.

67. Selon la société Gaches, l'arrêt du 26 novembre 2015 n'a sanctionné M. X que pour quelques documents d'actualisation de données, alors que la société Brenntag aurait elle-même diffusé spontanément des documents analogues jusqu'en 2003, sans prétendre qu'il s'agissait de données confidentielles, certaines informations sensibles ayant été parfois diffusées dans la presse. Elle relève aussi que le même arrêt énonce que les informations pour 2004 avaient déjà été communiquées par la société Brenntag elle-même dans le cadre de la procédure devant l'Autorité, mais aussi dans le cadre de pourparlers d'affaire. Elle estime que les sociétés Brenntag ne sauraient en conséquence faire exclure du dossier tout document de nature économique au prétexte qu'il serait nécessairement d'origine délictuelle.

68. Elles ajoutent que les sociétés Brenntag ne prétendent pas que les informations en cause seraient mensongères ou sans rapport avec le dossier ni ne démontrent quelles seraient les pièces dont la présence serait illégitime ou déloyale dans le dossier.

69. La cour rappelle qu'elle doit, dans le cadre de la réouverture des débats, se prononcer sur les griefs qui ont été notifiés aux sociétés Brenntag.

70. Or les pièces visées par leur demande concernent le dossier de clémence qui a été déposé par les sociétés Solvadis et Quaron, ainsi que des pièces transmises par M. X dans le cadre de l'instruction. Les sociétés Brenntag ne soutiennent cependant pas que ces pièces auraient été utilisées par les rapporteurs dans le cadre de cette notification de griefs. Il n'est pas soutenu non plus que l'Autorité se serait appuyée sur ces documents pour se saisir d'office.

71. Dans ces circonstances, il n'est ni utile ni proportionné que la cour examine, avant tout examen au fond, si les pièces visées par les demandes sont effectivement entachées d'un vice résultant du fait qu'elles proviendraient du recel pour lequel M. X a été condamné par l'arrêt du 26 novembre 2015.

72. La cour relève qu'il n'existe aucun obstacle à ce que les requérantes puissent soutenir l'illicéité des pièces en cause, en tant que de besoin, dans le cadre de leurs moyens sur le fond ; la cour examinera alors la concordance entre les pièces mentionnées par l'arrêt du 26 novembre 2015 comme ayant été recelées et les pièces susceptibles d'établir ou conforter les griefs notifiés. Si cette concordance était établie, la cour en tirerait les conséquences de droit qui s'imposent.

73. Il convient dès lors de joindre l'incident à l'examen du fond du dossier dans le cadre de la réouverture des débats.

III. Sur le calendrier de procédure

74. La Cour de cassation ayant statué sur les pourvois formés contre l'arrêt du 2 février 2017, il convient pour une bonne administration de la justice de fixer le calendrier des dépôts des conclusions dans le cadre de la réouverture des débats, ainsi qu'il sera précisé au dispositif.

IV. Sur les demandes formées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

75. Il serait inéquitable de laisser à la charge des sociétés Solvadis et Gaches la totalité des frais qu'elles ont été contraintes d'exposer pour défendre la recevabilité de leurs interventions devant la cour sur laquelle il avait déjà été précédemment statué.

76. La société Deutsche Bahn sera en conséquence condamnée, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, à verser, d'une part, aux sociétés Solvadis, ensemble, la somme de 8 000 euros, d'autre part, à la société Gaches, la somme de 8 000 euros.

Par ces motifs, Declare nulle l'intervention volontaire des sociétés Solvadis en ce qu'elle a été formée par la société Solvadis GmbH ;Rejette la demande des sociétés Brenntag SA, Brenntag France Holding SAS, Brachem France Holding SAS, Brenntag Foreign Holding GmbH, Brenntag Beteiligung GmbH et Brenntag Holding GmbH tendant à voir déclarer nulle l'intervention volontaire de la société Solvadis Distribution GmbH, anciennement Solvadis GmbH ;Rejette les fins de non-recevoir soulevées par la société Deutsche Bahn AG visant à déclarer irrecevables les interventions des sociétés Solvadis Distribution GmbH, anciennement Solvadis GmbH, et Solvadis Deutschland GmbH, anciennement Solvadis Holding GmbH, ainsi que Gaches Chimie SAS ;Constate que la demande des sociétés Brenntag SA, Brenntag France Holding SAS, Brachem France Holding SAS, Brenntag Foreign Holding GmbH, Brenntag Beteiligung GmbH et Brenntag Holding GmbH relative aux pièces qui consistent en des correspondances entre leur avocat et ses clients, visées à l'annexe 4 de leurs conclusions, est devenue sans objet ; Declare irrecevables les demandes des sociétés Brenntag SA, Brenntag France Holding SAS, Brachem France Holding SAS, Brenntag Foreign Holding GmbH, Brenntag Beteiligung GmbH et Brenntag Holding GmbH de retrait de pièces listées aux annexes 1 et 3 ; Rejette pour le surplus les fins de non-recevoir opposées par la société Gaches Chimie ainsi que par les sociétés Solvadis Distribution GmbH, anciennement Solvadis GmbH, et Solvadis Deutschland GmbH, anciennement Solvadis Holding GmbH, tendant à ce que les demandes de retrait de pièces présentées par les sociétés Brenntag soient déclarées irrecevables ; Dit que l'examen de l'incident relatif à la communication de pièces visées par l'annexe 2 est joint au fond du dossier ; Fixe le calendrier de procédure de la façon suivante : - les sociétés Brenntag SA, Brenntag France Holding SAS, Brachem France Holding SAS, Brenntag Foreign Holding GmbH, Brenntag Beteiligung GmbH et Brenntag Holding GmbH ainsi que la société Deutsche Bahn déposeront leurs observations sur les griefs qui leur ont été notifiés et les sanctions qui sont susceptibles de leur être infligées au greffe de la cour avant le 16 septembre 2019, à 11 heures ; - l'Autorité de la concurrence déposera ses observations au greffe de la cour d'appel avant le 17 décembre 2019 à 11 heures ; - les sociétés Solvadis Distribution GmbH et Solvadis Deutschland GmbH et Gaches Chimie, ainsi que le ministre chargé de l'économie déposeront leurs observations au greffe de la cour d'appel avant le 18 février 2020 à 11 heures ; - les sociétés Brenntag SA, Brenntag France Holding SAS, Brachem France Holding SAS, Brenntag Foreign Holding GmbH, Brenntag Beteiligung GmbH et Brenntag Holding GmbH déposeront leurs observations en réplique au greffe de la cour avant le 21 avril 2020 à 11 heures ; - une audience de conférence pour déterminer les temps de parole aura lieu le 28 avril 2020 à 09 h 00, salle d'audience Tocqueville (escalier Z - 4e étage) ; - l'affaire sera plaidée à l'audience du 28 mai 2020 à 09 h 00, salle d'audience Carbonnier (escalier Z - 4e étage) ; Condamne la société Deutsche Bahn à verser aux sociétés Solvadis Distribution GmbH et Solvadis Deutschland GmbH, ensemble, la somme de 8 000 euros et à la société Gaches Chimie, la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Dit que les dépens du présent incident resteront à la charge des sociétés Brenntag.