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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 10 avril 2019, n° 17-11121

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Location de Voiture Paris 7 (SARL)

Défendeur :

ADA (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Avocats :

Mes Vardon, Attali, Ingold, Istria

T. com. Paris, du 19 oct. 2016

19 octobre 2016

FAITS ET PROCÉDURE

La société Location de Voitures Paris 7 (LPV 7) est spécialisée dans le secteur d'activité de la location de courte durée de voitures et de véhicules automobiles légers.

La société ADA exerce tant en France qu'à l'étranger une activité de location de véhicules automobiles utilitaires et de tourisme au travers d'un réseau de commerçants indépendants bénéficiaires d'un contrat de franchise.

Le 1er avril 2011, la société ADA a consenti à la société Location de Voitures Paris 7 un contrat de franchise portant sur l'activité de location de véhicules pour une durée déterminée de 5 années. Dans ce cadre, la société Location de Voitures Paris 7 s'est vue garantir l'exploitation en exclusivité sous enseigne " ADA " d'un fonds de commerce situé <adresse> (7e arrondissement) jusqu'au 30 mars 2016.

Le 27 décembre 2011, la société ADA et la société Location de Voitures Paris 7 ont en outre conclu un contrat de location-gérance en vue de l'exploitation d'un fonds de commerce situé à Neuilly sur Seine. Ce contrat a été résilié d'un commun accord en décembre 2012.

Par la suite, la société Location de Voitures Paris 7 a fait part à la société ADA de son intention de céder son fonds de commerce de location de véhicules situé <adresse>, la société Location de Voitures Paris 7 a refusé une offre de la société ADA à hauteur de la somme de 60 000 euros qu'elle n'estimait pas au prix du marché.

Les relations entre les parties se sont dégradées.

Estimant la société Location de Voitures Paris 7 redevable de factures impayées à son égard, la société ADA a notifié par courrier du 13 janvier 2014, la résiliation de son contrat de franchise.

Le 20 octobre 2014, la société Location de Voitures Paris 7, considérant qu'ADA a commis de nombreuses fautes contractuelles, l'a assignée devant le tribunal de commerce de Paris en vue de voir engagée sa responsabilité contractuelle sur fondement de la rupture abusive et de la voir condamnée à réparer le préjudice subi qu'elle a estimé à 1 043 966 euros.

Par jugement du 19 octobre 2016, le tribunal de commerce de Paris a :

- condamné la société ADA à verser à la société Location de Voitures Paris 7 la somme de 20 000 euros au titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat, déboutant cette dernière pour le surplus,

- condamné la société ADA à verser à la société Location de Voitures Paris 7 la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.

Par déclaration du 6 juin 2017, la société Location de Voitures Paris 7 a relevé appel de cette décision.

Par conclusions du 21 décembre 2017, elle demande à la cour de:

- déclarer recevables ses conclusions,

- rejeter les demandes, de la société ADA,

- réformer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 19 octobre 2016 en ce qu'il a :

* condamné la société ADA à lui verser la somme de 20 000 euros alors que dans le jugement déféré, son préjudice est largement et indiscutablement établi par le tribunal,

* rejeté la demande en nullité des contrats de formation théorique et pratique sur le fondement des articles (d'ordre public) L. 6353-3 du Code du travail,

En conséquence,

- constater à nouveau que la société ADA a résilié le contrat de franchise de manière déloyale, abusive et brutale,

- condamner la société ADA à verser à la société Location de Voitures Paris 7 la somme totale de 1 043 966 euros ou à tout le moins la somme retenue dans l'audit réalisée par le Cabinet Belle et Poussier, soit une indemnisation à hauteur de la somme de 977 268 euros (neuf cent soixante dix sept mille deux cent soixante huit euros), ventilée comme suit :

* Préjudice lié à la perte de chiffre d'affaires: 397 500 euros,

* Préjudice lié à la perte du fonds de commerce: 122 000 euros,

* Préjudice de trouble de jouissance de l'activité: 339 763 euros,

* Préjudice lié à la nullité du contrat de formation: 13 125 euros,

* Préjudice pour paiement des loyers commerciaux: 104 880 euros,

- condamner la société ADA à allouer à la société Location de Voitures Paris 7, la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions du 23 octobre 2017, la société ADA demande à la cour de :

- la dire recevable et bien fondée en son appel incident du jugement du 19 octobre 2016,

- infirmer le jugement du 19 octobre 2016,

Statuant à nouveau,

- dire que la résiliation du contrat de franchise de la société Location de Voitures Paris 7 par ADA est valable et régulière,

- dire que la société Location de Voitures Paris 7 n'a subi aucun préjudice du fait de cette résiliation,

- condamner la société Location de Voitures Paris 7 à lui payer la somme de 2 614,27 euros au titre des redevances de franchises impayées, outre les intérêts légaux à compter du 13 janvier 2014,

- la débouter de son appel,

En tout état de cause,

- la condamner à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner aux dépens.

SUR CE,

Sur la résiliation du contrat de franchise et le bien-fondé des sommes réclamées par la société ADA

La société Location de Voitures Paris 7 expose que la société ADA a adopté un comportement déloyal et abusif en résiliant le contrat de franchise à raison du non-paiement de la somme de 2 334,16 euros.

Elle estime notamment que les sommes réclamées par cette dernière, dont le non-paiement a fondé la rupture, ne sont pas justifiées.

Elle soutient en effet que les dites sommes, réclamées par la société ADA par lettre du 13 janvier 2014, pouvaient se compenser avec d'autres, dues par cette dernière, et notamment les sommes dues au titre des réservations internet des mois de janvier / février 2014 pour un montant total de 2 525,13 euros, d'une régularisation des cotisations sociales 2013 pour 528,13 euros, des réservations internet des mois de janvier / février 2014, et des frais sur l'agence de Neuilly sur Seine.

L'article 11.3 du contrat de franchise signé entre la société ADA et la société LVP 7 stipule qu' "' cas d'inexécution ou de manquement par le Franchisé à l'une quelconque de ses obligations contractuelles non visées à l'article 11.1, le Franchiseur pourra, après une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au Franchisé énonçant le ou les manquement( s) relevé(s) auxquels le Franchisé n'aurait pas intégralement remédié, dans un délai de 30 jours, résilier de plein droit le présent contrat par la seule notification d'une nouvelle lettre recommandée avec accusé de réception, et ce, sans autre formalité. Tel sera le cas notamment en cas de non-paiement des redevances d'exploitation par le Franchisé ou de toutes sommes dues aux fournisseurs agréées par le Franchiseur'".

La société ADA a (pièce 14 de l'intimée), le 9 décembre 2013, adressé à l'appelante une lettre recommandée avec accusé de réception dont il n'est pas contesté qu'elle a été réceptionnée par LVP 7 le 12 décembre 2013, dans laquelle elle la met en demeure de payer sous 8 jours la somme de 1 858,15 euros au titre du contrat ADA et la somme de 507,10 euros au titre du contrat ADA Services, au visa de l'article 11.3 du contrat de franchise dont les stipulations sont reproduites in extenso.

Il n'est par davantage contesté qu'était joints à cette lettre de mise en demeure, le relevé d'échéance du 9 décembre 2013 " ADA " pour la somme de 1858,15 euros correspondant à l'échéance impayée de redevance due au 30 novembre 2013, et le relevé d'échéance " ADA Services ", également du 9 décembre 2013, correspondant à l'échéance impayée du 30 novembre 2013 pour un montant de 507,10 euros.

Le 13 janvier 2014, (pièce 15 de l'intimé) la société ADA a adressé à la société LVP 7 une lettre recommandée avec accusé de réception, reçue le lendemain par la société LVP 7, dans laquelle, après lui avoir indiqué qu'elle était redevable respectivement des sommes de 2 614,27 euros, 1 827,08 euros et 507,10 euros au titre des contrats " ADA ", " EDA " et " ADA Services ", elle lui notifiait la résiliation du contrat de franchise, au visa de l'article 11.3 du contrat de franchise ADA dont les stipulations sont reproduites in extenso.

Cette lettre rappelait en outre, quelles étaient les conséquences de l'expiration du contrat, au visa de l'article 15, intégralement reproduit, et l'existence des clauses de non-concurrence, de non-affiliation et de secret, stipulées aux article 12 et 13 du contrat, également reproduits.

L'appelante ne conteste pas qu'étaient joints à la lettre, les relevés d'échéances " ADA ", " ADA Services " et " EDA ", tous du 13 janvier 2014, pour des montants respectifs de 2614,27 euros (échéances des 30 novembre 2013 demeurée impayée et 15 décembre 2013 désormais impayée), 507,10 euros (échéance du 30 novembre 2013 demeurée impayée), 1 827 euros (correspondant à l'échéance impayée du 2 décembre 2013, de laquelle étaient déduits divers frais dus à LVP 7, crédités en sa faveur et compensés avec les sommes dues).

En la présente instance la société ADA ne réclame que les sommes dues au titre des échéances " ADA " à l'exclusion des échéances " EDA " et " ADA Service ".

La société LVP 7 ne conteste pas les montants qui lui sont réclamés au titre des redevances dues conformément au contrat de franchise, qui prévoit (article 6.3 du contrat ADA) que les redevances d'exploitation mensuelle pendant toute la durée du contrat correspondent à 5 % hors taxe du chiffre d'affaires hors taxes que le franchisé aura réalisé à l'occasion du contrat, ce dernier définissant par ailleurs au dit article l'assiette du chiffre d'affaires à prendre en considération.

La société LVP 7 indique que les sommes réclamées doivent venir en compensation avec certaines sommes dont ADA est redevable vis-à-vis d'elle.

S'agissant des sommes dont elle se prétend créancière vis-à-vis de la société ADA au titre des réservations par internet des mois de janvier et février 2014, elle verse aux débats, une facture du 18 avril 2014 émise par ses soins (pièce LVP 7 n° 12) à l'égard de l'intimée pour un montant de 1 997 euros.

Elle verse en outre une autre facture d'un montant de 528,13 euros, sur laquelle figure la mention suivante " votre participation exceptionnelle au coût d'exploitation de l'agence de Neuilly sur Seine ".

Ces deux seules factures sont inopérantes à démontrer le principe et le montant des créances invoquées par l'appelante pour que soit opérée une compensation avec les sommes qui lui sont réclamées par ADA étant observé que la pièce n° 19 versée par LVP 7 est insuffisante à justifier de ce que la somme de 528,13 euros (facture ci-dessus) réclamée au titre de cotisations sociales d'un salarié de l'agence de Neuilly, est établie en son montant et en son principe.

L'appelante verse encore une " facture du service des réservations internet " émanant des services d'ADA, d'un montant de 1 605 euros (pièce n° 11), dont il n'est pas contesté quelle indique à LVP 7 le montant des sommes dont elle est susceptible de demander le remboursement à ADA au titre des réservations de véhicules effectuées par internet.

Il ressort cependant du décompte des sommes dues par la société LVP 7 tel qu'il figure en annexe de la lettre de résiliation du contrat de franchise que cette somme a déjà été compensée avec les sommes dues au titre du compte " EDA " (pièce ADA n° 15) pour un montant quasi identique, le décompte faisant état de cette créance en son principe, avec un écart de montant de 1,94 euros.

Dès lors, aucune compensation ne peut intervenir avec les sommes réclamées en la présente instance par ADA.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la société ADA n'a pas rompu le contrat de franchise de manière brutale ou abusive et n'a pas fait preuve de mauvaise foi dans la mise en œuvre de la clause résolutoire figurant dans le dit contrat.

Il s'ensuit que la société LVP 7 devra être déboutée de l'ensemble de ses demandes indemnitaires.

Restant redevable de la somme de 2 614,27 euros au titre des redevances de franchise " ADA " impayées, elle sera condamnée au paiement de cette somme avec intérêts au taux légal à compter du 13 janvier 2014.

Sur la validité des contrats de formation théorique et pratique

La société Location de Voitures Paris 7 affirme que suivant contrats de formation théorique et pratique du 28 janvier 2011, la société ADA lui a consenti une formation en violation des prescriptions du Code du travail notamment concernant les articles L. 6351-1 et suivants. Elle estime son préjudice lié à la nullité des dits contrats, à hauteur de 13 125 euros.

C'est toutefois à juste titre que la société ADA soutient que la société Location de Voitures Paris 7 n'est pas fondée à demander la nullité des contrats de formation théorique et pratique dans la mesure où cette dernière ne conteste pas avoir réellement suivi la formation et en avoir bénéficié dans le cadre de l'exploitation de ses agences ADA.

Par ailleurs, ayant respecté les formalités préalables tenant à la nécessité d'une déclaration d'activité préalable pour toutes personnes, physiques ou morale, réalisant des prestations de formation professionnelle continue au sens des articles L. 6351-1 du Code du travail et suivants (pièce n° 18 de l'intimée justifiant de son numéro d'agrément de formation sur la liste publique des organismes de formation), les contrats de formation conclus par elle ne sauraient encourir la nullité.

Aucun préjudice de quelque nature qu'il soit n'est au surplus démontré en l'espèce.

L'appelante doit en conséquence être déboutée de sa demande de nullité des contrats de formation et de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.

Sur les autres demandes

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné ADA à payer les dépens de première instance et la somme de 2 000 euros à la société LVP 7 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Compte tenu du sens de la présente décision, la société LVP 7 sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Elle sera en outre condamnée à payer la somme de 10 000 euros à la société ADA au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de nullité des contrats de formation et a débouté la société Location de Voiture Paris 7 de sa demande indemnitaire de ce chef, L'Infirme pour le surplus, statuant à nouveau, Déboute la société Location de Voiture Paris 7 de toutes ses demandes, La Condamne à payer la société ADA la somme de 2 614,27 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 janvier 2014, La Condamne en outre à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, La Condamne aux dépens de première instance et d'appel.