CA Nîmes, 4e ch. com., 11 avril 2019, n° 17-04452
NÎMES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Refero (Sté)
Défendeur :
Broc Poudevigne (SARL), Selarl PJA (ès qual.), Futurol'Industrie (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Codol
Conseillers :
Mme Rochette, M. Gagnaux
EXPOSÉ
Vu l'appel interjeté le 5 décembre 2017 par la société Refero à l'encontre du jugement prononcé le 17 octobre 2017 par le tribunal de commerce d'Aubenas dans l'instance n° 2016J5.
Vu les dernières conclusions déposées le 5 mars 2019 par l'appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu les dernières conclusions déposées le 28 février 2019 par la SARL Broc Poudevigne, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu les dernières conclusions déposées le 4 mars 2019 par la Selarl PJA, mandataire judiciaire prise en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SAS Futurol'Industrie, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu l'ordonnance de clôture de la procédure à effet différé au 25 février 2019 reporté au 7 mars 2019.
La société Refero (ci-après la société de référencement) est une société commerciale de droit belge ayant un établissement enregistré à Paris. Elle appartient au réseau Batiman lequel rassemble des commerçants indépendants de la distribution et de l'installation de produits d'aménagement de la maison. Les adhérents au réseau versent une cotisation annuelle et bénéficient de services en échange.
La société Broc Poudevigne (ci-après l'acheteur) était cliente de la société Futurol'Industrie et revendique son appartenance au réseau Refero.
La société Futurol'Industrie (ci-après le fournisseur) était un des fournisseurs référencés du réseau. Elle a fait l'objet d'un redressement judiciaire par jugement du 19 novembre 2014 du tribunal de commerce de Chartres, converti en liquidation judiciaire le 10 novembre 2016.
Par exploit du 7 janvier 2016, le fournisseur a fait assigner l'acheteur en paiement de la somme de 76 864,22 euros au titre de factures impayées, outre des dommages intérêts devant le tribunal de commerce d'Aubenas
Par exploit du 13 mai 2016, l'acheteur a appelé en cause la société de référencement afin d'être garanti du montant des ristournes pour les exercices 2013 et 2014 à concurrence de 62 377,56 euros hors-taxes.
Les deux affaires ont été jointes et par jugement du 17 octobre 2017, le tribunal de commerce d'Aubenas a :
condamné l'acheteur à payer au fournisseur la somme de 76 864,22 euros au titre des fournitures livrées et restées impayées,
rejeté les demandes de compensation de l'acheteur,
condamné la société de référencement à garantir l'acheteur du montant des ristournes pour les exercices 2013 et 2014 évaluées à la somme de 62 377,56 euros hors-taxes,
condamné l'acheteur à payer au fournisseur la somme de 2 000 pour résistance abusive et au paiement des dépens de l'instance.
La société de référencement a relevé appel de ce jugement et demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamné à garantir le client et l'a débouté de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Elle conclut au débouté des prétentions des parties adverses à son égard et à la condamnation des intimés à lui payer chacune la somme de 10 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ainsi qu'à supporter les dépens de l'instance.
L'acheteur conclut à l'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et demande à la cour de :
dire qu'il détient une créance à l'encontre du fournisseur d'un montant de :
27 105,03 euros hors-taxes au titre des ristournes de l'exercice 2013,
35 272,53 euros hors-taxes au titre des ristournes de l'exercice 2014,
36 373,20 euros TTC au titre de la facture numéro 15878c du 31 décembre 2014
dire que le fournisseur a commis une faute en ne versant plus les ristournes de nature à engager sa responsabilité délictuelle à son égard,
ordonner la compensation entre ses diverses créances et celles du fournisseur à concurrence de leurs quotités respectives,
fixer au passif de la procédure collective du fournisseur la somme de 19 886,54 euros,
dire qu'il existe une créance au titre d'un contrat Futur'6Exigences du 20 mars 2008 et fixer au passif de la procédure collective du fournisseur le montant de cette créance, à savoir 30 000 ,
À titre subsidiaire,
condamner la centrale de référencement à la garantir du montant des ristournes pour les exercices 2013 et 2014 pour un montant de 62 377,56 euros et la condamner au paiement de cette somme,
En tout état de cause,
condamner la centrale de référencement à lui payer la somme de 5 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
Le fournisseur demande à la cour de réformer le jugement en ce qui concerne son rejet des demandes présentées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et sollicite la condamnation de l'acheteur au paiement d'une somme de 5 000 en vertu de l'article précité. Il conclut à la confirmation du jugement déféré pour le surplus et de surcroît à la condamnation de la centrale de référencement à lui payer une somme de 5 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Sur les relations contractuelles entre les parties :
La société Refero et la société Futurol'Industrie ont signé le 10 janvier 2013 un contrat régi par les dispositions de l'article L. 441-7 du Code de commerce et le contrat suivant :
" Le fournisseur dans le cadre de ces conditions générales de vente accorde une ristourne nette de taxe à chacun des adhérents de Refero compte tenu de la politique de référencement commune des adhérents de Refero.
Cette ristourne nette de taxe est accordée à la condition que le chiffre d'affaires facturé hors taxes de l'ensemble des marchandises vendues à l'ensemble des adhérents de Refero par le fournisseur pendant l'année civile en cours soit supérieur à un certain niveau.
Cette ristourne est différenciée selon plusieurs niveaux de chiffre d'affaires atteignables et sera calculé de la manière suivante :
5 % si le chiffre d'affaires facturé hors-taxes (...)
9 % si le chiffre d'affaires facturé hors-taxes est supérieur à 9 millions d'euros.
Si la condition est respectée, cette ristourne nette de taxe, accordée à chacun des adhérents de Refero sera calculé sur le chiffre d'affaires facturé hors-taxes de l'ensemble des marchandises vendues à l'adhérent de Refero pendant l'année en cours.
Si la condition est respectée, cette ristourne nette de taxe sera versée par le fournisseur à Refero, au plus tard le 30 avril de l'année suivante.
Dans ce cas, Refero encaisse cette ristourne nette de taxe au nom et pour le compte de chaque adhérent, qui lui en a donné mandat et la reverse pour son montant exact à chaque adhérent dans les meilleurs délais.
Ce contrat est conclu pour une durée indéterminée, il pourra être résilié par LR/AR à l'initiative de chacune des parties au 31 décembre de chacune des années de son exécution moyennant le respect d'un préavis d'un mois. "
Le fournisseur soutient que l'acheteur ne rapporte nullement la preuve de l'existence de relations contractuelles entretenues avec la société de référencement.
Cependant, l'acheteur verse aux débats le contrat d'adhésion qu'il a signé le 2 janvier 2013 (pièce 10) avec la centrale de référencement.
Le fournisseur objecte que ce contrat est antidaté car il comporte l'immatriculation de la société de référencement au RCS de Paris laquelle n'est pourtant intervenue qu'en novembre 2013.
La société de référencement ne conteste pas l'inexactitude de la date. Elle fait cependant valoir à juste titre que les relations d'affaires entre les parties étaient anciennes. Elle justifie dans sa pièce 2-1 du paiement par virement des cotisations du client adhérent depuis 2009 jusqu'en 2014 inclus. Le client verse, quant à lui, la note de compensation pour ristournes conditionnelles pour l'année 2013 que lui a adressé la société de référencement.
L'adhésion du client à la société de référencement - qui ne nécessite pas pour sa validité un contrat écrit - est établie par ces pièces, étant rappelé que la preuve en droit commercial est libre.
Sur le droit à ristourne :
Le fournisseur rappelle que le montant des ristournes dépend du chiffre d'affaires global réalisé par les autres membres du réseau et que ce chiffre d'affaires global n'est pas justifié.
La société de référencement rappelle à juste titre que le fournisseur, connaissant déjà des difficultés de paiement en 2012, avait convenu de modalités dérogatoires du paiement de la ristourne 2012 sous forme d'avoirs accordés à chacun des adhérents du réseau. Le fournisseur a ainsi pu être en contact direct avec les adhérents concernant les ristournes 2012.
En 2013, le fournisseur a eu des doutes sur le nombre d'adhérents au réseau et donc sur le droit à ristourne de chacun d'entre eux et, dans le cadre d'une instance en paiement intentée par la société de référencement devant le tribunal de commerce de Paris au titre des ristournes 2013, a sollicité reconventionnellement le remboursement des ristournes 2011 à 2013. Cette instance s'est terminée par un désistement d'instance et d'action de la société de référencement accepté par le fournisseur.
La cause de ce désistement consiste en un accord trouvé entre les parties qui n'est pas explicité dans la décision. Il ne peut donc être extrapolé sur les raisons de cette renonciation à agir et dans le cas d'espèce, la société de référencement ne demande pas le paiement des ristournes 2013 de sorte qu'il n'y a pas lieu à s'appesantir davantage sur ce jugement.
Contrairement à ce que soutient la société de référencement, le jugement déféré ne consacre pas le droit à ristourne du client mais la responsabilité contractuelle du mandataire qui a renoncé à son mandat en fournissant une simple note de compensation au mandant et en s'abstenant de lui rendre compte de sa mission, " quand bien même ce qu'il aurait reçu n'ait point été dû au mandant ". Par conséquent, la cour doit statuer sur ce droit à ristourne même si le fournisseur conclut à la confirmation du jugement déféré à l'exception de la disposition relative aux frais irrépétibles.
La société de référencement justifie du paiement des cotisations de ses adhérents pour 2013 et 2014 dans sa pièce 15, étant indifférent qu'elle ne rapporte pas la preuve de l'encaissement des chèques. La remise d'un chèque suffit à établir la volonté de transmettre la provision à son bénéficiaire et, par ailleurs, divers moyens de paiement ont été utilisés par les adhérents (virements, effets de commerce).
Il résulte des contrats signés par les parties que la société de référencement agit en vertu d'un mandat d'encaissement et de redistribution. Elle n'est donc pas le créancier mais son représentant.
Le mandataire a donné à l'acheteur adhérent, au moyen d'une note de compensation datée du 20 octobre 2014 les indications nécessaires à l'évaluation du montant de la ristourne 2013, à savoir un chiffre d'affaires global de 10 507 735,55 euros déterminant le pourcentage applicable à 9 % du chiffre d'affaires de l'ensemble des marchandises vendues par le fournisseur à l'adhérent (301 167 euros), soit un montant HT de la ristourne 2013 de 27 105,03 euros.
La ristourne conditionnelle 2014 ne peut par contre être calculée car la société de référencement n'a pas été en mesure de calculer son chiffre d'affaires global cette année-là et a appliqué le taux de 9 % à " titre conservatoire " (cf déclaration de créance du 26 janvier 2015). Cette modalité de calcul n'a pas été convenue contractuellement et l'acheteur ne peut s'en prévaloir pour revendiquer une créance au titre de la ristourne 2014.
Sur les comptes entre les parties :
L'acheteur n'émet aucune contestation sur les sommes réclamées au titre de factures impayées. Le jugement déféré sera par conséquent confirmé en ce qu'il a condamné la société Broc Poudevigne à payer à la société Futurol'Industrie la somme de 76 864,22 euros au titre des fournitures livrées avec intérêts de droit à compter de l'assignation du 7 janvier 2016.
Il y a lieu de déduire de cette somme les ristournes 2013 qui ont été calculées et transmises le 20 octobre 2014 par la société de référencement, date antérieure à l'ouverture de la procédure collective.
Les deux créances étant certaines, liquides et exigibles et contrairement à ce que soutient le fournisseur, la société de référencement n'étant pas le créancier mais le mandataire, les règles de la compensation légale s'appliquent.
Il a été vu précédemment que l'acheteur n'a pas de créance de ristourne 2014 de sorte que sa demande de compensation pour dettes connexes est sans objet.
L'acheteur demande en outre que sa dette soit compensée avec une facture d'un montant de 36 373,20 euros correspondant à des remboursements pour marchandises non conformes ou non livrées.
Le jugement déféré a justement relevé que toutes les fournitures avaient été acceptées sans réserve et qu'aucun autre justificatif contradictoire ne venait à l'appui de la demande. Aucun élément de preuve supplémentaire n'étant apporté en cause d'appel, tant sur les désordres allégués que sur des commandes non honorées, le client sera débouté de sa demande de compensation au titre de cette facture.
Le client sera également débouté de sa demande de compensation au titre d'une faute délictuelle commise par le fournisseur par suite du non-versement des ristournes car il ne s'agit pas d'un tiers au contrat mais de son cocontractant.
Sur la garantie de la société de référencement :
La société de référencement fait justement valoir qu'elle n'a pas renoncé à son mandat qui consiste à encaisser des sommes dues aux adhérents du réseau et à les redistribuer. Elle n'a pas le pouvoir de poursuivre un débiteur, a rendu compte au mandant des difficultés rencontrées et l'a conseillé sur les démarches à entreprendre.
Le mandataire ne pouvant redistribuer des sommes qu'il n'a pas encaissé, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a retenu sa responsabilité contractuelle.
Sur la garantie des marchandises au titre du contrat Futur'6 Exigences :
L'acheteur ne justifie pas avoir déclaré cette créance de 30 000 euros au passif de la procédure collective du fournisseur de sorte que la demande de fixation est irrecevable.
Sur les dommages intérêts pour résistance abusive :
Aucune résistance abusive ne peut être reprochée à l'acheteur qui a obtenu partiellement satisfaction (ristournes 2013). Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
Sur les frais de l'instance :
La société Broc Poudevigne qui succombe dans la plupart de ses demandes, devra supporter les dépens de l'instance et payer à la société Refero une somme équitablement arbitrée, eu égard à sa situation économique, à 1 500 en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La Selarl PJA représentée par Me X ès qualités devra également payer, en équité, la somme de 1 500 euros à la société Refero.
Par ces motifs : LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Broc Poudevigne à payer à la la somme de 76 864,22 euros avec intérêts légaux à compter de l'assignation à la Selarl PJA représentée par Me X ès qualités au titre des fournitures livrées et restées impayées, L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau, Dit que la société Broc Poudevigne détient une créance d'un montant de 27 105,03 euros HT au titre des ristournes de l'exercice 2013, Dit qu'il y a compensation légale entre la créance de la société Broc Poudevigne au titre des ristournes de l'exercice 2013 avec celle de la Selarl PJA représentée par Me X ès qualités, Déboute la société Broc Poudevigne de ses prétentions relatives à deux créances au titre des ristournes 2014 et d'une facture n°15878c du 31 décembre 2014, Déclare irrecevable la demande de fixation d'une créance de 30 000 euros au passif de la procédure collective de la société Futurol'Industrie, Dit que la responsabilité contractuelle de la société Refero n'est pas engagée, Déboute la Selarl PJA représentée par Me X ès qualités de sa demande de dommages intérêts pour résistance abusive, Dit que la Selarl PJA représentée par Me X ès qualités devra payer, la somme de 1 500 euros à la société Refero en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Dit que la société Broc Poudevigne devra supporter les dépens de première instance, d'appel et payer à la société Refero une somme de 1 500 en application de l'article 700 du Code de procédure civile.