CA Grenoble, ch. com., 11 avril 2019, n° 16-04888
GRENOBLE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
AGP (SARL), Travaux Sud Omnium (SARL)
Défendeur :
SAS CM-CIC Leasing Solutions, INPS Groupe (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Clozel-Truche
Conseillers :
Mmes PAGES, Blanchard
A l'audience publique du 07 Février 2019
Madame Marie Pascale Blanchard, Conseiller, qui a fait rapport et Madame Marie-Françoise Clozel-Truche, Président de Chambre, assistées de Monsieur Frédéric STICKER, Greffier, ont entendu les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile.
Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour, après prorogation du délibéré.
Suivant bon de commande du 20 février 2012, la SARL AGP a conclu avec la SARL Copy Management, devenue la SAS INPS Groupe (INPS), un contrat de fourniture d'un appareil photocopieur TA DCC 6525 neuf.
Le même jour, elle a souscrit un contrat de garantie et de maintenance pour le fonctionnement de cet équipement.
Le matériel a été financé par la société GE Capital équipement Finance, devenue CM-CIC Leasing Solutions, avec laquelle la société AGP a signé le 2 mars 2012 un contrat de location de longue durée de 66 mois moyennant un loyer intercalaire de 667, 67 euros TTC et-vingt-un loyer trimestriel de 2 170,74 TTC.
Le matériel de photocopie a été livré le 2 mars 2012 auprès de la SARL Travaux Sud Omnium.
Se prévalant de pratiques commerciales trompeuses et de la violation de l'obligation de conseil et d'information de la part de la société INPS Groupe, la société AGP et la SARL Travaux Sud Omnium (TSO) l'ont faite assigner ainsi que la société GE Capital, devant la juridiction commerciale en résiliation des contrats.
Par jugement en date du 15 septembre 2016, le tribunal de commerce de Vienne a :
- débouté la société AGP et la société TSO de l'intégralité de leurs demandes ;
- dit avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- rejeté comme non fondés tous autres moyens, fins et conclusions contraires ;
- condamné la société AGP aux dépens.
Suivant déclaration au greffe du 13 octobre 2016, les sociétés AGP et TSO ont relevé appel de cette décision.
Par jugement du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence du 14 juin 2018, la société INPS Groupe a été placée en liquidation judiciaire et Maître Vincent de C. désigné en qualité de liquidateur.
Par courrier recommandé du 5 juillet 2018, la société AGP a déclaré sa créance et par acte d'huissier du 24 août 2018, les sociétés AGP et TSO ont fait assigner Me de C., es qualités, en intervention forcée.
Au terme de leurs conclusions n° 2 notifiées le 15 novembre 2018, les sociétés AGP et TSO demandent à la cour de :
- infirmer la décision entreprise ;
1- à l'égard de la société INPS Groupe :
à titre principal,
- prononcer la nullité pour fraude du bon de commande et du contrat de maintenance' ;
à titre subsidiaire,
- dire et juger que le manquement de la société INPS Groupe à son obligation précontractuelle d'information et de conseil a eu des conséquences graves, tant au plan humain que financier, sur la société ;
- prononcer la résolution du bon de commande et du contrat de maintenance ;
à titre très subsidiaire,
- constater l'existence de pratiques commerciales trompeuses de la société INPS Groupe ;
- prononcer la résolution du bon de commande, du contrat de maintenance' ;
à titre infiniment subsidiaire ;
- ordonner le renouvellement de la participation commerciale durant toute la durée du contrat de financement et de maintenance de telle sorte que le prix de 40,75 HT par mois soit respecté sous astreinte de 500 par jour de retard ;
2- à l'égard de CM-CIC Leasing Solutions :
- constater l'interdépendance des contrats de financement et de maintenance ;
à titre principal,
- prononcer l'annulation sinon la résolution du contrat de financement pour dol et/ou violation des dispositions du Code monétaire et financier ;
à titre subsidiaire,
- prononcer la résiliation du contrat de financement ;
à titre très subsidiaire,
- dire et juger que si le devoir de mise en garde de CM-CIC Leasing Solutions avait été respecté, la société aurait pu mesurer l'ampleur de son engagement et son incapacité financière à l'honorer sous cette forme et ainsi refuser catégoriquement de s'engager dans de tels contrats ;
- dire et juger que ces manquements lui causent un préjudice moral et économique ;
- prononcer en conséquence, la résolution judiciaire dudit contrat ;
alternativement,
- condamner la société CM-CIC Leasing Solutions à la somme de 45 590,67 , correspondant à 99 % du montant de sa créance détenue sur la société au titre du seul préjudice économique et financier ;
3- en tout état de cause' :
- débouter les intimées de toutes leurs fins, prétentions et conclusions contraires ;
- prononcer la résiliation du contrat de maintenance entre la société AGP et la société INPS Groupe à compter de la date d'ouverture de la liquidation judiciaire ;
- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société INPS Groupe le montant de toute condamnation qui devrait être prononcée contre elle ;
- dire et juger que les contrats de location financière longue durée et de maintenance trouvent mutuellement et réciproquement leur cause l'un dans l'autre et sont, pour avoir été conclus concomitamment et concourir à la réalisation du même objet, interdépendants ;
- condamner la société INPS Groupe à la relever et garantir de toutes les éventuelles condamnations, clauses pénales, clauses de dédit et/ou pénalités qui pourraient être prononcées à son encontre ;
- condamner in solidum les défenderesses à payer à la société AGP 46 964,22 de dommages-intérêts au regard du préjudice économique et financier subi ;
- condamner in solidum les défenderesses à leur payer 10 000 de dommages-intérêts au regard du préjudice subi ;
- ordonner toute compensation entre créances existantes ;
- ordonner la publication du jugement à intervenir dans dix journaux régionaux ainsi que dans leur version numérique, au choix de la société et aux frais de la société INPS Groupe, à hauteur de 7 000 euros HT par publication ;
- se réserver la compétence pour liquider les astreintes ;
- ordonner la capitalisation des intérêts ;
- condamner in solidum les défenderesses au paiement de la somme de 5.000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner in solidum les défenderesses aux entiers dépens.
Les sociétés AGP et TSO critiquent le jugement en ce qu'il a dénaturé des stipulations contractuelles, en considérant que la participation financière à laquelle s'était engagé le fournisseur était subordonnée à la conclusion d'un nouveau contrat et à la livraison d'un nouveau matériel, ainsi que sur des pièces ou des éléments qui n'ont jamais été débattus contradictoirement.
Elles reprochent à la société INPS Groupe d'avoir manqué à son devoir de conseil et d'information alors qu'elle connaissait les capacités financières de la société AGP comme ses besoins en reprographie, qu'elle lui a proposé un matériel inadapté et d'un coût disproportionné, la plaçant dans un état de quasi cessation des paiements, et alors que le refus de financement précédemment opposé à la société TSO aurait dû renforcer sa prudence.
Elles soutiennent avoir été victimes d'une présentation commerciale trompeuse fondée sur une durée d'engagement de vingt mois et le calcul d'un coût final à la charge du client de quelques dizaine d'euros par mois (40,95).
Elles se prévalent de l'ambiguïté de la clause de renouvellement qui ne permet pas de soumettre à une condition l'engagement de la société INPS Groupe de verser une participation financière au 20e mois du contrat et considère qu'en application des principes d'interprétation des clauses contractuelles, cette clause doit s'interpréter en sa faveur puisque c'est elle qui a contracté l'obligation.
Elles font valoir que la survenance de la liquidation judiciaire qui empêche la société INPS Groupe d'exécuter ses obligations contractuelles, notamment de maintenance du matériel, emporte caducité de plein droit du contrat de location financière.
Concernant la location financière, elles reprochent à la société CM-CIC Leasing Solutions, d'avoir fait preuve de légèreté blâmable dans l'octroi du financement et d'avoir manqué à son obligation de mise en garde.
La société AGP estime que son préjudice réside dans la perte d'une chance de ne pas contracter qu'elle évalue à 99'%.
Elles soutiennent que compte tenu des pratiques commerciales trompeuses commises à l'encontre de la société AGP, elles bénéficient de la protection du Code de la consommation même si le contrat a été souscrit pour les besoins de leur activité professionnelle et que la location financière souscrite relève de l'application des dispositions du Code monétaire et financier, notamment des règles applicables au démarchage bancaire et financier, sanctionnées par la nullité du contrat, observant que la société INPS Groupe a agi comme intermédiaire en opérations bancaires et en services de paiement sans être immatriculée auprès de l'ORIAS.
Elles contestent l'opposabilité des conditions générales du contrat de location financière, en raison de leur caractère potestatif et abusif, à défaut de les avoir signées, ni même d'en avoir eu connaissance préalablement à la signature du contrat.
Enfin, elles se prévalent de l'interdépendance des contrats justifiant leur résiliation, compte tenu des manquements aux obligations d'information et de conseil et des pratiques commerciales trompeuses de la société INPS Groupe, ainsi que la solidarité des deux sociétés INPS Groupe et CM-CIC Leasing Solutions dans la réparation du dommage subi.
Par conclusions notifiées le 2 octobre 2018, la société INPS Groupe et Me Vincent DE C., son liquidateur judiciaire, entendent voir :
à titre principal :
- dire et juger que la société INPS Groupe ne s'est rendue coupable d'aucune fraude ;
- confirmer le jugement ;
à titre subsidiaire :
- dire et juger que la société INPS Groupe a rempli son obligation de conseil et d'information à l'égard de la société AGP ;
- confirmer le jugement ;
à titre très subsidiaire :
- dire et juger que la société INPS Groupe ne peut se voir reprocher l'usage de pratiques commerciales trompeuses, compte tenu de la clarté des documents contractuels soumis à la société AGP ;
- confirmer le jugement ;
à titre infiniment subsidiaire :
- dire et juger que la clause de renouvellement figurant dans le bon de commande est parfaitement claire ;
- dire et juger qu'il en ressort que le renouvellement de la participation au solde et la livraison d'un nouveau matériel sont conditionnelles et subordonnées à la régularisation d'un nouveau bon de commande ;
- dire et juger que l'automaticité du versement de la participation constituait un enrichissement sans cause pour la société AGP ;
- confirmer le jugement ;
- condamner in solidum les sociétés AGP et TSO à payer à Me DE C., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société INPS Groupe, la somme de 5000 de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La société INPS Groupe et Me DE C. font valoir que la société AGP s'est engagée au titre d'un contrat de location de longue durée et non d'une vente de matériel bureautique, ni d'un crédit-bail mobilier ; qu'elle ne peut prétendre au bénéfice d'une obligation de conseil et d'information qui ne pèse que sur le vendeur, ni à l'application des dispositions du Code monétaire et financier, ni à celle du Code de la consommation, la location du matériel ayant été contracté pour les besoins exclusifs de son activité professionnelle.
Ils démentent avoir proposé à la société AGP le financement du matériel de photocopie mis à la disposition de la société TSO, dans le but de contourner le refus initial de financement opposé à cette dernière, alors que les documents contractuels ont été régularisés pour le compte de la société AGP.
Ils soutiennent que le volume d'impression a été clairement porté à la connaissance de la cocontractante et qu'il appartenait à cette dernière d'en vérifier la pertinence ; que le fournisseur n'était pas tenu d'évaluer la capacité financière de sa cliente, l'analyse de sa solvabilité relevant de la responsabilité de l'organisme financier bailleur. Ils font observer que le contrat de location a été exécuté pendant plus de deux ans sans doléances de la société AGP.
La société INPS et Me DE C. considèrent que les clauses contractuelles déterminant la portée de l'engagement de la société AGP sont parfaitement claires et non équivoques, tant sur sa durée que sur son coût ; qu'elles ne comportent aucune présentation fausse ou mensongère, ou dissimulation de la portée des engagements ; que la comparaison entre le montant total des loyers et la valeur vénale du matériel n'est pas de nature à établir l'existence de pratiques commerciales trompeuses, alors qu'il appartient à celui qui s'engage au terme d'un contrat de location longue durée de se renseigner préalablement sur la valeur vénale du bien qui en est l'objet et que le prix de la location inclut les services de maintenance.
Ils font valoir que la durée de vingt mois invoquée correspond à la faculté de renouvellement du matériel par le terme anticipé du contrat en cours, qui suppose le règlement du solde et par la conclusion d'un nouveau contrat de location; que le versement de la participation financière n'a pas de caractère automatique, mais qu'il est conditionné par la conclusion d'un nouveau contrat et par la livraison d'un nouveau matériel; qu'à défaut, il serait privé de contrepartie et constituerait un enrichissement sans cause pour le client.
Selon ses conclusions n°3 notifiées le 19 septembre 2018, la société CM-CIC Leasing Solutions, anciennement GE Capital équipement Finance , demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré ;
- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre ;
- débouter la société AGP de ses demandes d'anéantissement du contrat de location et de dommages-intérêts ;
à titre reconventionnel ;
- constater la résiliation du contrat de location financière aux torts de la société AGP ;
- condamner la société AGP à restituer le matériel objet de la convention et ce dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l'arrêt, sous astreinte de 20 par jour de retard ;
- condamner la société AGP à lui verser la somme de 26 353,80 outre intérêts à compter de la mise en demeure du 16 janvier 2017 ;
à titre subsidiaire ;
dans l'hypothèse d'une nullité du contrat de vente du matériel objet du contrat location et en application des dispositions de l'article 6.3 des conditions générales de location :
- condamner la société AGP à lui payer solidairement avec la société INPS Groupe le prix de cession du matériel financé soit la somme 32 669,88 ;
- condamner la société AGP à lui payer la somme de 4 558,55 à titre d'indemnité de résiliation ;
à titre infiniment subsidiaire,
en cas de résolution du contrat de location financière dus aux manquements du fournisseur,
- prononcer la nullité du contrat de vente intervenu entre la société INPS Groupe et la société GE Capital sur mandat du locataire, la société AGP ;
- condamner la société INPS Groupe au paiement de la somme de 32 669,88 a titre de dommages et intérêts correspondant au prix d'achat du matériel ;
- condamner la société INPS Groupe au paiement de la somme de 12 915,66 à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier subi du fait de l'anéantissement du contrat de location ;
- ordonner la fixation au passif de la société INPS Groupe de ces sommes ;
en tout état de cause,
- condamner la société AGP à lui payer une somme de 3 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- la condamner aux entiers dépens.
La société CM-CIC Leasing Solutions dénie à la société AGP la possibilité de se prévaloir d'une part des dispositions du Code de la consommation, le contrat de location ayant été souscrit pour les besoins de son activité professionnelle, d'autre part, de pratiques commerciales trompeuses s'agissant d'une infraction pénale alors que la cour est saisie d'un litige strictement commercial.
En vertu des conditions générales de location et du principe d'effet relatif des conventions, elle se prévaut de l'inopposabilité à son égard des accords commerciaux intervenus entre la société AGP et son fournisseur, notamment l'engagement de ce dernier au versement d'une participation financière et conteste la faculté pour la locataire de s'exonérer de ses obligations contractuelles à son égard alors qu'elle a rempli les siennes, qu'aucune faute ne peut lui être imputée et qu'aux termes de la clause exonératoire de responsabilité de l'article 6.1 de ses conditions générales de location, la locataire a expressément renoncé à tout recours à l'encontre de la bailleresse.
Elle ajoute que la société AGP s'est acquittée du paiement du loyer pendant près de trois années sans émettre de contestation sur le matériel loué et que cette exécution valant confirmation ne lui permet pas de poursuivre la nullité du contrat.
Elle conteste l'interdépendance des contrats de fourniture et de maintenance avec le contrat de location, considérant que la maintenance du matériel peut être assurée par n'importe quel autre prestataire, que la disparition du contrat de maintenance ne rend pas impossible l'exécution du contrat de location et que sa conclusion n'était pas déterminante pour la locataire lors de la conclusion du contrat de location.
Elle considère qu'à tout le moins, cette interdépendance ne peut conduire ni à lui faire supporter les obligations du fournisseur, ni à ce que la nullité de l'engagement puisse affecter la validité du contrat de location financière et qu'enfin, si elle devait entraîner la résiliation du contrat de location, celle-ci ne peut intervenir que dans le respect des clauses contractuelles ayant pour objet d'en régler les conséquences et prévoyant notamment le versement d'une indemnité de résiliation et le remboursement du prix d'acquisition.
Elle soutient qu'elle n'était pas tenue d'une obligation de conseil et de mise en garde, ni de vérification de la solvabilité de sa locataire ; que cette dernière s'est engagée à lui verser des loyers et que l'erreur sur la valeur qu'elle allègue, ne peut constituer un vice de son consentement.
Elle fait valoir que la locataire reste devoir six loyers impayés et échus, justifiant la résiliation de plein droit du contrat de location et la restitution du matériel, outre le paiement des sommes contractuellement prévues, et que l'anéantissement du contrat de location, qui ne pourrait intervenir qu'en raison du comportement du fournisseur, doit entraîner la résolution du contrat de vente intervenue entre elles et la société INPS Groupe, sur mandat du locataire d'acquérir le matériel.
La clôture de la procédure est intervenue le 18 octobre 2018.
MOTIFS DE LA DECISION' :
1°) sur la nullité pour fraude' :
Le contrat de fourniture du matériel a été souscrit par la société AGP au profit de la société TSO à laquelle le photocopieur a été livré.
Si les appelantes prétendent que ce montage était destiné à contourner un refus de financement opposé à la société TSO, elles n'en fournissent aucune preuve, les seuls éléments fournis à la cour étant constitués de deux refus de financement émanant de la société LOCAM le 4 octobre 2013 et de la société GE Capital EQUIPEMENT FINANCE le 18 juin 2014, concernant la seule société AGP.
S'agissant d'éléments postérieurs aux contrats litigieux, ils ne sauraient caractériser une fraude intervenue dans leur souscription, ni entraîner leur nullité.
La décision de première instance sera confirmée en ce qu'elle a rejeté ce moyen de nullité des contrats.
2°) sur la violation de l'obligation d'information et de conseil :
Les sociétés AGP et TSO se prévalent du caractère inadapté du matériel et disproportionné de son coût pour caractériser la violation par la société INPS Groupe d'une obligation d'information et de conseil.
La société AGP signataire des contrats, comme la société TSO, utilisatrice finale du matériel, ont contracté pour les besoins de leur activité professionnelle et si en leur qualité de professionnelles, elles sont créancières d'une obligation précontractuelle d'information et de conseil, en ce que les contrats portent sur la fourniture de matériel et de prestations, les contours de cette obligation doivent s'apprécier au regard de leurs propres connaissances.
En effet, si l'extrait Kbis versé aux débats révèle que la société AGP intervient dans le domaine de la construction et ne détient manifestement pas de connaissances techniques en reprographie, elle est cependant la mieux placée pour apprécier ses propres capacités financières et ses besoins.
Le bon de commande signé par la société AGP précise la nature du matériel et le coût locatif mensuel à hauteur de 595 HT dont 50 HT de service sur 21 trimestres. Il fait état d'une participation d'un montant de 9300 HT (soit 11.122,80 TTC) sous 45 jours après livraison du matériel et réception facture.
Ces énonciations correspondent à celles de la proposition commerciale non datée, établie sous l'entête de la société NEOS COPY, que le contrat de maintenance présente comme le représentant de la société Copy Management, et qui décrit les caractéristiques techniques du matériel.
Les contrats de maintenance signés par chacune des sociétés AGP et TSO détaillent quant à eux, le forfait de copies facturé au titre des prestations du fournisseur, à hauteur de 4000 copies couleur et de 10 000 copies noir et blanc.
Il résulte de ces pièces que les sociétés AGP et TSO ont été parfaitement informées des éléments techniques et des conditions financières de location du matériel et de facturation de la maintenance.
Elles seules étaient en mesure d'apprécier l'adéquation de ces éléments à leurs besoins de reprographie pour l'exercice de leur activité professionnelle et à leurs capacités financières.
Il apparaît que la société INPS Groupe a dispensé les informations précontractuelles utiles aux sociétés AGP et TSO leur permettant de contracter en connaissance de cause et sans qu'elles puissent valablement se prévaloir à son encontre d'un manquement à son obligation d'information et de conseil.
Il y aura lieu de confirmer le jugement du tribunal de commerce sur ce point.
3°) sur les pratiques commerciales trompeuses' :
L'article L.121-1-III du Code de la consommation dispose que sont applicables aux pratiques visant les professionnels, les dispositions de l'article L.121-1-I désignant comme trompeuse notamment la pratique commerciale reposant sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant notamment sur le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service.
La proposition commerciale versée aux débats présente au titre des conditions financières du contrat de fourniture':
- une participation commerciale de 9300 euros HT "'en tant que client référent' ",
- un premier prélèvement intervenant 3 mois après livraison,
- le "'coût mensuel locatif est de 595 HT sur une durée de 21 trimestres, avec renouvellement de notre part tous les 20 mois, solde du contrat en cours, nouvelle participation et kit copies mis à la disposition du client' ", concluant ainsi : " soit un coût mensuel linéaire après participation déduite pour 20 mois de 40, 75 HT ".
Le bon de commande reprend les conditions financières ainsi rédigées': " participation au solde pour un montant de 9300 HT (soit 11'122,80 TTC) sous 45 jours après livraison du matériel et réception facture. Coût locatif mensuel 595 HT dont 50 HT de service sur 21 trimestres.
À compter du 20e mois, possibilité d'évolution dans la gamme avec solde des contrats en cours et renouvellement de l'opération.'
1er prélèvement 3 mois après livraison du matériel ".
Il résulte de ces stipulations contractuelles que le coût linéaire annoncé par le fournisseur ne pouvait s'entendre que sur une période de 20 mois incluant 3 mois gratuits et 17 mensualités de 595 HT (17 x 595 = 10.115 HT) et après déduction de la participation de 9300 HT, soit un solde de 815 HT sur la période, soit 40,75 HT par mois (815/20).
Cependant, il résulte également des productions que le 20 février 2012, la société AGP a signé avec la société GE Capital un "'avenant au contrat de location " par lequel elle précisait utiliser un matériel dont la description n'était cependant pas renseignée et indiquait : " désirant remplacer ce matériel par celui indiqué aux conditions particulières, le locataire déclare que les frais découlant de la résiliation anticipée du dossier ci-dessus s'élève HT à 9300 , à majorer de la TVA, et demande au bailleur soussigné de les prendre en charge dans le cadre du présent contrat, dont les loyers ont été fixés et convenus en conséquence ".
Selon les termes de cet avenant, la société AGP demandait au bailleur de régler ces frais entre ses mains sur présentation de la facture correspondante après réception du nouveau matériel.
Le 20 février toujours, la société AGP établissait une facture de 9.300 HT de participation au solde.
Ces documents démontrent que la participation commerciale proposée par le fournisseur, la société INPS Groupe est en réalité versée par le bailleur au titre du solde d'une location précédente réelle ou prétendue ; que son montant est intégré dans le coût de la location et reste à la charge du locataire qui le rembourse au bailleur au travers des loyers.
Il en résulte qu'en cas de renouvellement au 20 00e mois du contrat de fourniture de matériel, la "participation commerciale" constitue en réalité une part du solde de la location financière précédente dont le montant vient grossir le montant financé par la société CM-CIC Leasing Solutions, et par effet mécanique, la charge des loyers, rendant ainsi fallacieuse la proposition commerciale faisant miroiter un coût linéaire de 40,75 HT.
C'est donc bien par une présentation fausse du mode de calcul d'un prix particulièrement attractif, basé sur le versement par le fournisseur d'un avantage commercial fictif, que la société INPS Groupe a conduit la société AGP à donner un consentement vicié par le dol à la commande d'un appareil photocopieur, la modicité du coût final de l'opération constituant l'élément déterminant sans lequel la société AGP n'aurait pas contracté.
L'exécution du contrat par la société AGP s'étant poursuivie sur la foi d'une fausse représentation de l'économie du contrat n'est pas susceptible de valoir confirmation d'un consentement exempt de vice, la société AGP n'ayant pas été en mesure de se rendre compte de la réalité avant l'issue de la période de vingt mois.
La sanction du vice du consentement n'étant pas la résolution du contrat, mais sa nullité, c'est cette dernière qui sera prononcée et le jugement de première instance sera infirmé en ce sens.
4°) sur la demande de nullité du contrat de financement :
Si la société AGP reproche à la société CM-CIC Leasing Solutions des manœuvres l'ayant conduite à consentir au contrat de location, elle n'en fait aucune démonstration, alors que les éléments précédemment relevés établissent que la locataire a été parfaitement informée des conditions financières de la location de longue durée sollicitée.
Par ailleurs, contrairement au crédit-bail, la location financière de longue durée sans option d'achat n'est pas soumise à la règlementation bancaire et aux dispositions du Code monétaire et financier, notamment relatives au démarchage.
En conséquence, la demande en nullité du contrat de location ne peut prospérer et le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a écartée.
5°) sur les fautes de la société CM-CIC Leasing Solutions et la résiliation du bail :
La société AGP reproche à sa bailleresse de ne pas l'avoir mise en garde au sujet du caractère disproportionné de son engagement au regard de ses capacités financières, et d'avoir fait preuve d'une légèreté blâmable dans l'octroi de son financement.
Les sociétés AGP et TSO sont des sociétés commerciales ayant contracté pour les besoins de leur activité et elles ne peuvent être considérées comme des clientes non averties en matière de location de matériel alors que par ailleurs, les documents contractuels liés à la location sont parfaitement clairs quant à ses conditions financières et à sa durée, permettant à la locataire de déterminer par un calcul simple la charge financière annuelle qu'elle représente.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés AGP et TSO de ces chefs de demande.
6°) sur l'interdépendance des contrats :
Le 20 février 2012, la société AGP a concomitamment commandé à la société INPS Groupe la fourniture du matériel photocopieur, régularisé avec ce fournisseur un contrat dit "de garantie et de maintenance copie" et établi une demande de location financière sur ce bien à l'intention de la société GE CEF devenue la société CM-CIC Leasing Solutions.
Le 2 mars suivant, date de livraison du matériel à la société TSO, cette dernière a également souscrit un contrat de maintenance auprès de la société INPS Groupe et la société AGP a accepté la livraison du matériel par procès-verbal destiné à la société CM-CIC Leasing Solutions.
Le contrat de location de longue durée prévoit le paiement d'un loyer intercalaire de 667,67 TTC et de vingt et un loyers trimestriels de 2 170,74 TTC et précise qu'il comprend la maintenance facturée pour le compte d'un tiers.
Ces mentions sont conformes à la demande de location avec maintenance et service qui fait état d'un montant trimestriel de loyer de 1 665 HT et d'un montant de maintenance ou service à prélever en plus des loyers de 150 HT.
L'échéancier adressé à la société AGP le 23 mars 2012, mentionne qu'il s'agit d'un contrat avec maintenance intégrée et chaque échéance facturée par la société CM-CIC Leasing Solutions comporte le loyer et le coût de cette maintenance.
Ces éléments démontrent que la location a été contractée pour assurer le financement tant de la fourniture du matériel que de sa maintenance, incluant la fourniture de consommables, par la société INPS Groupe, que les trois contrats forment un même ensemble contractuel et qu'incluant une location financière, ils sont présumés interdépendants.
La société CM-CIC Leasing Solutions sur qui pèse la charge de la preuve utile à renverser cette présomption et qui prétend que la prestation de maintenance peut être dissociée des deux autres contrats de vente et de location dont elle n'empêche pas la poursuite, n'en fait aucune démonstration, notamment quant à la possibilité effective, et non strictement théorique, de faire procéder à la maintenance et à la fourniture de consommables adaptés par un tiers, sur un matériel qu'il n'a pas fourni.
La nullité du contrat de fourniture emporte par voie de conséquence l'anéantissement de l'ensemble contractuel en entraînant non pas la nullité ou la résolution des contrats de vente, de location et de maintenance, mais leur caducité.
La cour infirmera le jugement du tribunal de commerce en ce qu'il a rejeté les prétentions des société AGP et TSO et prononcera la caducité des contrats de location financière et de maintenance.
Conformément à la demande reconventionnelle de la société CM-CIC Leasing Solutions, le matériel dont elle est seule propriétaire devra lui être restitué et il appartiendra à la propriétaire d'en reprendre possession auprès des sociétés AGP et TSO à ses frais.
Il conviendra de réformer le jugement entrepris en ce sens.
7°) sur les demandes en paiement de la société CM-CIC Leasing Solutions à l'encontre de la société AGP :
Il résulte de l'échéancier établi par la société CM-CIC LEASING SOLUTION que la location financière est parvenue à son terme en juillet 2017, ce qui prive d'objet la demande en résiliation et la caducité n'emportant pas d'anéantissement rétroactif du contrat de location financière, la locataire est tenue de s'acquitter des loyers échus jusqu'au prononcé de cette caducité résultant du présent arrêt.
En conséquence, la société AGP devra être condamnée au paiement de la somme de 23. 958 TTC au titre des loyers impayés, outre les intérêts dus à compter de la mise en demeure du 16 janvier 2017.
La société CM-CIC LEASING SOLUTION revendique également le paiement des pénalités contractuelles de retard en application de l'article 4.4 des conditions générales de location qui prévoit que tout défaut de paiement ouvrira droit pour le bailleur à une pénalité de 10 % des impayés avec un minimum de 45 HT.
Le contrat de location a été édité le 2 mars 2012 et la société AGP n'a accompagné sa signature d'aucune mention d'une date différente.
Si elle conteste l'opposabilité des conditions générales, le cartouche dans lequel elle a apposé sa signature jouxte un paragraphe rendu apparent par sa police de caractères et son détachement du reste du texte par lequel elle a indiqué avoir pris connaissance des conditions particulières et des conditions générales au verso.
Dès lors, les clauses des conditions générales ont bien été communiquées à la société AGP au plus tard le jour de la signature du contrat de location et elle a reconnu en avoir eu connaissance par la signature de la convention.
Ces clauses lui sont en conséquence opposables et en application de l'article 4.4, elle sera condamnée à verser à la société CM-CIC LEASING SOLUTION la somme de 2395, 80 à titre de pénalité contractuelle de retard.
8°) sur les demandes indemnitaires des société AGP et TSO:
En considération de ce qui précède, la demande de dommages-intérêts ne pourra être retenue à l'encontre de la société CM-CIC Leasing Solutions et la décision de première instance sera confirmée sur ce point.
Les pratiques commerciales déloyales de la société INPS Groupe ont déterminé la société AGP à commander la fourniture d'un matériel et à s'engager dans un ensemble contractuel qu'elle n'aurait pas souscrit. Elles imposent à leur auteur, la société INPS, de réparer le préjudice financier qui en est résulté et qui correspond aux sommes payées au bailleur, la société AGP n'ayant de surcroît pas été utilisatrice du matériel.
Le préjudice financier dont peut se prévaloir la société AGP correspond au coût total de la location, puisqu'elle se trouve condamnée à verser le solde des loyers impayés, soit la somme de 46.964, 22 TTC.
Au titre de son préjudice moral, la société AGP se verra allouer une somme de 1000 euros.
Ces créances seront fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société INPS.
La décision de première instance sera réformée en ce sens.
La société TSO qui n'a pas contracté avec la société INPS, ne justifie d'aucun préjudice et le jugement qui l'a déboutée de ses demandes indemnitaires sera confirmé.
Par ces motifs : LA COUR Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi, CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Vienne en date du 15 septembre 2016 en ce qu'il a débouté :
- la SARL AGP et la SARL Travaux Sud Omnium de leurs demandes en nullité pour fraude et en résolution du contrat de fourniture du matériel ;
- la SARL AGP et la SARL Travaux Sud Omnium de leurs demandes en nullité et en résiliation du contrat de location financière ;
- la SARL AGP de sa demande de dommages-intérêts à l'encontre de la SAS CM-CIC Leasing Solution ;
- la SARL Travaux Sud Omnium de ses demandes indemnitaires ;
L'infirme pour le surplus ; Statuant à nouveau ; Prononce la nullité du contrat de fourniture d'un photocopieur TA DCC 6525 conclu entre la SAS INPS Groupe et la SARL AGP ; Prononce la caducité du contrat de location financière conclu entre la SARL AGP et la SAS CM-CIC Leasing Solution et du contrat de maintenance conclu entre SARL AGP et la SAS INPS Groupe ; Ordonne la restitution du photocopieur TA DCC 6525 à la SAS CM-CIC Leasing Solution aux frais de cette dernière ; Condamne la SARL AGP à payer à la SAS CM-CIC Leasing Solution les sommes de 23 958 TTC et 2 395, 80 TTC, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 16 janvier 2017 sur la somme de 21 562, 20 ; FIXE les créances de la SARL AGP au passif de la liquidation judiciaire de la SAS INPS Groupe aux sommes de 46 964, 22 et 1 000 ; Condamne Maître Vincent de C., en sa qualité de liquidateur de la SAS INPS Groupe, à verser à la SARL AGP la somme de 1 500 en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette les autres demandes formées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;Condamne Maître Vincent de C., en sa qualité de liquidateur de la SAS INPS Groupe, aux dépens de première instance et d'appel.