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Décisions

CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 29 avril 2019, n° 17-02224

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

LOCAM - Location Automobiles et Matériels (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Belieres

Conseillers :

MM. Muller, Arriudarre

TI Foix, du 24 mars 2017

24 mars 2017

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat en date du 3 novembre 2014, M. A. a commandé à la SAS Sitti la fourniture d'un site web destiné à promouvoir son activité d'auto-entrepreneur en maçonnerie et travaux de rénovation, pour une durée de 48 mois courant du 20 décembre 2014 au 20 novembre 2018, moyennant le règlement de 48 loyers mensuels de 117,60 euros TTC.

Un procès-verbal de réception de la fourniture du service a été signé par M. A. le 21 novembre 2014.

La SAS Locam, entreprise de location financière, est intervenue en qualité de cessionnaire de la licence d'exploitation du site web.

Plusieurs échéances sont demeurées impayées à compter de février 2015. Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 19 mai 2015, la SAS Locam a mis en demeure M. A. de lui régler les échéances impayées et l'a informé, qu'à défaut de paiement dans les huit jours, le contrat serait résilié de plein droit et l'intégralité des sommes deviendrait immédiatement exigible en application des clauses contractuelles.

Par acte d'huissier en date du 7 avril 2015, la SAS Locam a fait assigner M. A. devant le tribunal d'instance de Foix afin d'obtenir sa condamnation à lui payer, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la somme de 5 950,66 euros outre intérêts au taux légal au titre des loyers échus impayés et d'une indemnité de résiliation.

Par jugement avant dire droit du 15 juillet 2016, le tribunal a ordonné la réouverture des débats à l'audience du 26 août 2016 en demandant à la SAS Locam de produire les originaux des documents contractuels, du procès-verbal de livraison et des courriers de relance adressés à M. A. avant de prononcer la résiliation.

Par jugement contradictoire en date du 24 mars 2017, le tribunal a :

- condamné M. A. à payer à la SAS Locam la somme de 5 454,93 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2015 et celle de 10 euros,

- débouté la SAS Locam de sa demande en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné M. A. aux dépens de l'instance tels que définis par l'article 695 du Code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que le contrat prévoyait expressément la possibilité pour la SAS Sitti de soumettre au partenaire de son choix une demande de location financière portant sur tout ou partie des biens objets du contrat, ce dont M. A. était informé, qu'en l'absence de règlement des échéances mensuelles prévues et après délivrance de deux courriers de mises en demeure par la SAS Locam, en charge de la location financière du site internet, le tribunal a constaté que les conditions de la résiliation du contrat étaient réunies, a condamné M. A. à régler les échéances impayées et les mensualités restant dues au moment de la résiliation et a réduit le montant de la clause pénale.

Par déclaration en date du 13 avril 2017, M. A. a relevé appel total de ce jugement.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 18 octobre 2017, M. A., appelant, demande à la cour, au visa des articles L. 211-1, L. 212-1, L. 212-2, L. 121-23 et suivants du Code de la consommation, 1315, 1151, 1152, 1170, et 1174 anciens du Code civil, L. 442-6, I, 2 du Code de commerce, de la recommandation n° 86-01 de la commission des clauses abusives, de l'avis n° 15-1 de la Commission d'examen des pratiques commerciales, de :

- infirmer le jugement dans toutes ses dispositions,

A titre principal,

- constater l'absence de production aux débats du contrat original censé fonder les prétentions de la SAS Locam,

- dire qu'en conséquence, il n'existe aucun lien contractuel entre la SAS Locam et lui,

A titre subsidiaire,

- constater l'application du droit de la consommation au présent litige,

- dire que la clause insérée à l'article 1.8 " Transfert - Cession du contrat " des conditions générales du contrat de licence web a un caractère abusif et la dire nulle et réputée non écrite de ce chef,

- dire que l'absence de formulaire détachable du document contractuel en cause et la demande d'une avance pécuniaire de 700 euros par le commercial de la SAS Sitti au jour de la signature du contrat, constituent une violation des obligations imposées par le Code de la consommation,

- prononcer en conséquence la nullité du contrat de location financière passé entre lui et la SAS Locam pour violation des prescriptions liées au démarchage à domicile par la SAS Sitti,

- dire qu'en raison de l'indivisibilité des contrats liant fournisseur, bailleur et locataire, les fautes commises par le mandataire, la SAS Sitti, tenant à un démarchage commercial agressif, engagent la responsabilité du mandant, la SAS Locam,

A titre très subsidiaire,

- constater que la clause litigieuse insérée à l'article 1.8 " Transfert - Cession du contrat " des conditions générales de licence de site web a un caractère purement potestatif, et la déclarer nulle et non écrite de ce chef,

- constater que son engagement n'est pas ferme,

- en conséquence, dire et juger qu'il n'est pas contractuellement lié avec la SAS Locam,

En toutes ces hypothèses,

- condamner la SAS Locam à lui payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- décharger M. A. des condamnations prononcées contre lui en première instance en principal, intérêts, frais et accessoires,

A titre infiniment subsidiaire,

- constater l'existence du déséquilibre significatif existant entre les parties et en sa défaveur,

- dire qu'en raison de l'asymétrie des clauses contractuelles portant atteinte aux dispositions de l'article L. 442-6, I, 2 du Code de commerce, la SAS Locam sera condamnée au paiement de la somme de 6 000 euros à M. A. à titre de dommages et intérêts,

- ordonner la compensation entre cette somme et toutes celles qui pourraient être mises à sa charge dans le cadre de la présente procédure,

- constater que la clause d'indemnité de résiliation a le caractère d'une clause pénale et la réduire à de plus justes proportions,

- dire que la clause pénale de 10 % est surabondante et l'écarter ou la réduire à l'euro symbolique,

- le décharger des condamnations prononcées contre lui en première instance en principal, intérêts, frais et accessoires,

En tout état de cause,

- dire que les demandes émises par la SAS Locam sont sans objet et l'en débouter,

- condamner la SAS Locam à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Il soutient que le jugement doit être infirmé en ce que la SAS Locam n'a pas versé aux débats le contrat le liant à la SAS Sitti mais seulement les conditions générales et particulières relatives à ce contrat, ce qui est insuffisant à prouver l'existence des obligations le liant à cette société.

Subsidiairement, il fait valoir qu'en qualité de non professionnel ayant conclu un contrat sans rapport direct avec son activité professionnelle, il bénéficie des dispositions du droit de la consommation relatives au démarchage à domicile, que le contrat doit être annulé en ce qu'il ne comporte pas les mentions relatives au droit de rétractation ni le formulaire détachable pour l'exercice de ce droit et qu'il s'est acquitté de la somme de 700 euros avant l'expiration des délais de rétractation, que la responsabilité de la SAS Locam est engagée en qualité de mandataire de la SAS Sitti en raison de l'interdépendance des contrats, que la clause 1.8 du contrat prévoyant la cession du contrat n'est pas compréhensible et constitue une clause abusive qui doit être réputée non écrite.

Très subsidiairement, il soutient que cette clause 1.8 constitue une condition potestative en ce qu'il était contraint de s'en remettre à la décision discrétionnaire de la SAS Sitti de formuler, ou non, une demande de location financière, que cette clause doit être annulée en application de l'article 1174 ancien du Code civil, que son consentement à la location financière était nécessaire puisque la SAS Sitti n'avait que le pouvoir de formuler une demande pour son compte en application de cette clause, qu'en l'absence d'engagement ferme de sa part envers la SAS Locam, aucun contrat n'a existé. Il considère qu'il peut se prévaloir d'une exception d'inexécution tenant à l'arrêt des paiements puisque les prestations qu'il attendait du site web n'ont pas été fournies.

A titre infiniment subsidiaire, il précise que le contrat ne respecte pas les dispositions de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce en ce qu'il crée un déséquilibre significatif en sa défaveur qui doit être réparé par l'attribution de dommages et intérêts et que la clause prévoyant une indemnité de résiliation constitue une clause pénale qui doit être réduite en raison de son caractère excessif puisqu'elle représente le triple de l'indemnité principale.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 22 août 2017, la SAS Locam, intimée, demande à la cour, au visa des articles 1134 et suivants, 1149, 1152 anciens du Code civil, de l'article préliminaire du Code de la consommation en vigueur au jour de la conclusion du contrat comme dans sa rédaction actuelle, de :

- dire l'appel de M. A. non fondé et le débouter de toutes ses demandes,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a réduit à 10 euros la clause pénale de 10 %,

- lui allouer à ce titre la somme complémentaire de 530,96 euros,

- condamner M. A. à lui régler une indemnité de 1 750 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens d'instance et d'appel.

Elle indique que le contrat, qui se présente sous la forme de conditions particulières et générales, est produit aux débats tant par elle que par l'appelant, que ce dernier a accepté par avance son intervention qui s'est réalisée après signature du procès-verbal de réception, qu'il en a été informé tant par l'envoi de la facture que par les avis de prélèvement et a réglé auprès d'elle les deux premières mensualités.

Elle souligne que la destination professionnelle du site web souscrit ne fait pas de doute et l'exclut du bénéfice des dispositions du Code de la consommation. Elle conclut à la confirmation du jugement sauf en ce qui concerne les sommes allouées au titre de la clause pénale et considère que les sommes réclamées ne peuvent pas être réduites puisqu'elle a subi un préjudice constitué par les démarches administratives et de gestion engendrées par la défaillance de l'appelant.

MOTIFS :

Selon l'article 1315 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

En l'espèce, contrairement à ce qu'affirme l'appelant, la SAS Locam démontre l'existence des obligations dont elle réclame l'exécution puisqu'elle verse aux débats le même exemplaire du contrat conclu le 3 novembre 2014 que lui. Il comporte sur trois pages, au recto, les conditions particulières de licence du site web desquelles il ressort qu'il a souscrit un pack Start avec diverses options. Elles détaillent les prestations fournies au titre de l'hébergement du site et les sommes dues au titre des frais à régler, en une seule fois en début de contrat, et au titre de la licence et de l'hébergement du site, à régler de manière échelonnée sur toute la durée du contrat, outre la date et les signatures de M. A. pour son entreprise et du représentant de la SAS Sitti. Sur ce recto suit une annexe I concernant la demande de location financière du client relative au site web que Sitti s'est engagée à mettre à sa disposition.

Les conditions générales applicables aux contrats conclus entre la société Sitti et ses clients sont mentionnés au verso du contrat.

Aux termes de l'article liminaire du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable au moment de la souscription du contrat, est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale. Si l'appelant se prévaut d'une rédaction postérieure de cet article, résultant de la loi n° 2017-203 du 21 février 2017, inapplicable en l'espèce, pour bénéficier des dispositions protectrices du Code de la consommation en qualité de non professionnel n'ayant pas agi à des fins professionnelles, il ressort clairement du contrat conclu le 3 novembre 2014 qu'il a souscrit une licence de site web à des fins professionnelles de promotion de son activité de rénovation, en qualité d'auto-entrepreneur en maçonnerie, qu'il existe donc un rapport direct entre la souscription de ce contrat et son activité commerciale ou artisanale. Il ne peut, en conséquence, bénéficier ni des dispositions du Code de la consommation relatives au démarchage à domicile ni de celles relatives aux clauses abusives telles que définies à l'article L. 212-1 du Code de la consommation ni de celles relatives à la clarté de la rédaction des clauses des contrats proposés aux consommateurs par les professionnels. Il importe peu, sur ce point, que la SAS Locam l'ait assigné devant le tribunal d'instance plutôt que devant le tribunal de commerce, que cela ne vaut pas acquiescement à l'application du droit de la consommation comme le soutient l'intimé puisque la SAS Locam se fonde sur les clauses du contrat signé le 3 novembre 2014 et ne fait aucune référence aux dispositions du Code de la consommation.

Selon l'article 1170 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la condition potestative est celle qui fait dépendre l'exécution de la convention d'un événement qu'il est au pouvoir de l'une ou de l'autre des parties contractantes de faire arriver ou d'empêcher.

En l'espèce, l'appelant soutient à tort que constitue une condition potestative le fait pour la SAS Sitti de s'être réservée la possibilité de soumettre aux partenaires de son choix, pour le compte et au nom du client, une demande de location financière dans la mesure où cette dernière n'a aucune incidence sur l'exécution de la convention par la SAS Sitti qui est tenue de mettre à la disposition de M. A. un site web.

Par ailleurs, M. A. considère à tort qu'il ne s'est pas engagé à l'égard de la SAS Locam puisqu'il lui a réglé deux échéances mensuelles avant d'interrompre les versements en février 2015 et indique, dans ses écritures, qu'il était légitime à se prévaloir d'une exception d'inexécution en raison de l'absence de fourniture des prestations attendues alors que cette exception ne peut être soulevée que si l'existence du contrat n'est pas remise en cause mais sa seule exécution.

Aux termes de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. L'appelant ne peut pas davantage se prévaloir de ces dispositions afin de bénéficier d'une indemnisation puisqu'il n'a pas la qualité de partenaire commercial de la SAS Locam, la location financière le liant à cette dernière, bien qu'étant un contrat à exécution successive, ne pouvant pas s'analyser en un partenariat commercial en l'absence d'une volonté commune et réciproque d'effectuer des actes ensemble dans des activités de production, de distribution ou de service.

L'annexe I relative à la demande de location financière stipule en son article 16.1 que le contrat de licence pourra être résilié de plein droit si bon semble au bailleur, sans aucune formalité judiciaire, huit jours après une mise en demeure restée infructueuse, en cas de non-paiement à terme d'une seule échéance.

L'article 16.4 précise que le client devra, à la suite de la résiliation, restituer le site web et verser, en outre, au bailleur les loyers impayés au jour de la résiliation, majorés de 10 % et une indemnité de résiliation égale au total des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat telle prévue à l'origine majorée d'une clause pénale de 10 %.

En l'espèce, il n'est pas contesté que les échéances mensuelles n'ont plus été réglées à compter du 20 février 2015, que M. A. a été mis en demeure de régler les impayés par courrier simple du 29 avril 2015 et par lettre recommandée en date du 19 mai 2015 avec avis de réception signé le 27 mai 2015 et qu'en l'absence de règlement, le contrat a été résilié par le bailleur.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné M. A. à payer à la SAS Locam la somme de 5 454,93 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2015.

Les stipulations précitées prévoyant une majoration de 10 % des sommes dues au titre des loyers impayés au jour de la résiliation et au titre de l'indemnité de résiliation s'analysent en une clause pénale. En application de l'article 1152 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le juge peut modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. La SAS Locam réclame le versement d'une somme complémentaire de 530,96 euros. Toutefois, elle ne justifie d'aucun préjudice résultant de la défaillance du débiteur qui a dû restituer le site web à compter de la résiliation du contrat et se contente d'alléguer de coûts administratifs et de gestion dont elle ne justifie pas. Le montant de la peine conventionnellement fixé apparaît, en conséquence, manifestement disproportionné et le jugement sera confirmé en ce qu'il a réduit cette somme à 10 euros.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a débouté la SAS Locam de sa demande d'indemnité au titre de ses frais irrépétibles et condamné M. A. aux dépens.

M. A., qui succombe, supportera les dépens d'appel.

En raison de la nature de l'affaire et des circonstances de la cause, il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement rendu le 24 mars 2017, Y ajoutant, Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.