CA Montpellier, 1re ch., 7 mai 2019, n° 16-07170
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Chrystal (SAS)
Défendeur :
Izard
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Torregrosa
Conseillers :
M.Combes, Mme Rodier
Avocats :
Me Bellet, Couturier, Jaulin Bartolini
FAITS ET PROCÉDURE
Selon bon de commande du 25 mai 2013, Jean et X Y ont commandé à la SAS Chrystal la fourniture et la pose d'un plan de travail et d'une crédence pour leur cuisine moyennant le prix de 3 466.65 , puis d'un évier le 6 juillet 2013 pour un montant de 429 .
Au motif que l'ouvrage est affecté de malfaçons ainsi que constaté à l'occasion d'une expertise organisée par leur assureur le 13 février 2014 et illustrée au moyen d'un constat depuis lors dressé le 6 février 2017, ils ont fait citer leur adversaire devant le tribunal d'instance de Narbonne lequel, selon jugement rendu le 23 mai 2016 a condamné la SAS Chrystal à leur payer les sommes de 2 000 au titre de la remise en état de la cuisine et de 500 en réparation de leur préjudice moral, les a condamnés à payer à la SAS Chrystal la somme de 1 638.84 au titre du solde
restant dû, rappelé qu'en application de l'article 1290 du Code civil la compensation s'opérera de plein droit et condamné la SAS Chrystal à leur payer la somme de 1 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SAS Chrystal a relevé appel de cette décision dans des formes et des délais qui n'apparaissent pas critiquables.
Par conclusions dernières en date du 19 décembre 2016, elle soutient qu'il n'existe aucun désordre engendrant une non-conformité alors que le poseur a adapté le plan de travail à la configuration des lieux et aux murs courbés et fait valoir à cet effet l'exclusion prévue par l'article L 211-8 du Code de la consommation de telle sorte que les travaux ont été réalisés conformément aux règles de l'art et que sa responsabilité ne pouvait être retenue comme l'a dit le premier juge.
En revanche le jugement a justement écarté le défaut affectant le revêtement mural en crédence et le défaut général de finition de même que le prétendu préjudice de jouissance.
Contestant l'existence du préjudice moral invoqué, elle conclut à titre principal au rejet de l'ensemble des demandes formées à son encontre ainsi qu'à la condamnation de ses adversaires à lui payer les sommes de 1 638.84 au titre du solde de la facture restant dû, de 1 000 pour manquement au devoir de loyauté et de 1 500 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, sollicitant à titre subsidiaire la réduction des sommes réclamées au titre du défaut de conformité et en conséquence la compensation des créances.
Par conclusions dernières en date du 1er mars 2019, Jean et X Y poursuivent la confirmation du jugement en ce qu'il a reconnu que les travaux n'étaient pas achevés et présentaient des vices apparents et des non conformités en soulignant que leur adversaire ne conteste pas les défauts relevés par leur expert.
Ils demandent sur leur appel incident de retenir les trois défauts que ce dernier a admis dont celui affectant le revêtement mural et le défaut général de finition et en conséquence de condamner la SAS Chrystal à leur payer les sommes de 2 941.61 au titre de la mise en conformité, de 2 000 en réparation de leur préjudice de jouissance et de 500 en réparation de leur préjudice moral, outre la somme de 3 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et concluent au rejet de la demande adverse en paiement du solde de la facture.
MOTIFS
Attendu que le vendeur est tenu de délivrer une chose conforme aux prévisions contractuelles ;
Qu'aux termes de l'article L.211-4 ancien du Code de la consommation, il est tenu de livrer un bien conforme au contrat, répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance comme des défauts résultant de l'installation lorsque celle-ci a été mise à sa charge par le contrat ou a été réalisée sous sa responsabilité ;
Et que l'article 11des conditions générales du contrat rappelle que les marchandises bénéficient de la garantie légale contre toutes les conséquences des défauts de conformité ou des défauts consécutifs à des vices cachés ;
Attendu en l'occurrence que l'expert mandaté par l'assureur des époux Y, après avoir convié la SAS Chrystal à ses opérations et annexé à son rapport les observations que celle-ci souhaitait y voir apporter, retient en tant que désordres, d'abord la largeur d'un des deux plans de travail en L qui n'est que de 616mm au lieu des 630 mm prévus, découlant d'une erreur de prise de cote initiale, dont la conséquence est une insuffisance du débord du plan de travail par rapport au meuble bas et une diminution de la surface utile, ensuite le fait que le revêtement mural en crédence ne plaque pas correctement sur le mur support en raison du défaut de planéité de ce support doublée de l'absence de finitions de la partie supérieure du revêtement de finition, encore la réalisation d'une prise électrique non commandée, enfin l'absence de finition de la prestation alors qu'aucune réception des travaux n'est intervenue ;
Que la SAS Chrystal, si elle soutient que ces désordres n'engendrent aucune non-conformité, n'en conteste pas pour autant la matérialité ;
Attendu s'agissant tout d'abord des plans de travail que l'absence de conformité avec ce qui était commandé et attendu entraîne à la fois un aspect inesthétique et une restriction de l'usage de l'un des deux par la diminution de la surface utile ;
Qu'il ressort clairement des explications de l'expert comme de l'examen du constat du 6 février 2017, sauf l'hypothèse d'une découpe erronée en usine, que la cause en est l'erreur lors de la prise de cote sans que la SAS Chrystal puisse utilement opposer à ses adversaires les dispositions de l'article L 211-8 du Code de la consommation aux termes desquelles l'acheteur ne peut contester la conformité en invoquant un défaut qu'il connaissait ou ne pouvait ignorer lorsqu'il a contracté, soit en l'occurrence le fait que le mur soit courbé, alors que les époux Y étaient en droit d'attendre du vendeur professionnel que celui-ci préconise une solution technique alliant l'esthétique de l'ensemble et le respect des dimensions prévues ;
Qu'elle ne saurait davantage imputer cette erreur aux renseignements qu'ils ont fournis au regard des dispositions de l'article 10 du contrat précisant que lorsque l'acheteur a choisi de faire poser sa cuisine par le poseur agrée par le vendeur, il recevra la visite du poseur afin de vérifier la parfaite adaptation des mesures initiales qu'il a communiquées, et que si l'acheteur le souhaite le poseur lui indiquera les travaux à exécuter afin de préparer la pièce (eau gaz électricité), sans que cette liste ne puisse être considérée comme exhaustive ;
Que la SAS Chrystal admette d'ailleurs parmi les observations faites à l'expert que le résultat n'est pas satisfaisant et entérine de fait la solution de reprise préconisée par celui-ci en proposant de découper l'arrière du plan de travail en retour afin d'épouser le galbe du mur ;
Attendu, s'agissant ensuite du défaut affectant le revêtement mural en crédence qui ne plaque pas correctement sur le mur support, que ces mêmes dispositions sont applicables à cette prestation et l'emportent sur celles figurant à ce même article 10 aux termes duquel la tarification s'entend pour un poseur agréé par le magasin sur un chantier préparé, c'est-à- dire un chantier caractérisé par des murs solides, à l'aplomb, lisses et secs dès lors que l'absence de planéité qui constitue la cause du désordre devait nécessairement faire l'objet d'une réserve par le poseur et le conduire à indiquer les travaux à réaliser ; et qu'en acceptant ce support, celui-ci a manqué à cette
obligation dont doit répondre des conséquences le vendeur qui a facturé la prestation de pose aux époux Y ;
Qu'ici encore la SAS Chrystal admet parmi les observations faites à l'expert que le résultat n'est pas satisfaisant en raison du galbe du mur ;
Attendu que le premier juge a exactement considéré que la prise murale fixée sur la crédence n'étant pas prévue au contrat devait être déposée ;
Et qu'il a de même écarté à bon droit toute responsabilité de la SAS Chrystal à raison du défaut général de finition dès lors que si celle-ci n'a pu terminer sa prestation, encore que ni l'expert ni les intimés n'illustrent ce que recouvre cette formule alors que le fait est sans incidence sur l'étendue des travaux de remise en état, il ne peut être écarté que l'attitude d'X Y en soit la cause ainsi que le déclare le poseur dans une attestation établie en la forme légale ;
Que la réparation doit en conséquence inclure, en sus de la liste reprise par le tribunal, les frais de dépose et de repose de la crédence, soit la totalité du montant du devis fourni par la société IMMO SERVICE s'élevant à 2359,50 qui identifie suffisamment les différents postes au regard des désordres retenus ;
Attendu enfin que s'agissant des préjudices immatériels rien n'établit davantage qu'en première instance l'existence d'un trouble de jouissance affectant réellement l'usage attendu d'un équipement de cuisine alors en revanche que le préjudice d'ordre moral retenu par le premier juge ne ressort pas des éléments soumis à l'appréciation de la cour en l'absence de souffrances d'ordre psychiques avérées ;
Qu'il en est de même de la demande reconventionnelle formée par la SAS Chrystal qui ne caractérise pas la prétendue déloyauté de ses cocontractants au seul motif que ces derniers auraient provoqué la situation litigieuse et refusé la réception des travaux pour s'affranchir du paiement du solde de sa facture ;
Attendu en revanche qu'elle est fondée à obtenir paiement du prix convenu, indépendamment de l'exécution défectueuse de sa prestation, pour cette raison que Jean et X Y ne peuvent à la fois s'opposer à ce paiement et réclamer des dommages et intérêts afin de réparer le préjudice subi qui l'est en l'occurrence par l'allocation des indemnités qui précèdent ;
Attendu qu'au constat que chacune des parties succombe partiellement en ses prétentions, et sans remettre en question le sort des dépens tel que fixé par le premier juge et la condamnation prononcée au titre des frais irrépétibles, il convient de dire que chacune conservera à sa charge ceux des dépens qu'elle a exposés en cause d'appel.
Par ces motifs : LA COUR Statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort, Déclare les appels tant principaux qu'incident recevables en la forme, Confirme la décision déférée, hormis en ce qu'elle a condamné la SAS Chrystal à payer à Jean et X Y la somme de 500 en réparation de leur préjudice de jouissance et fixé à 2 000 le coût de la remise en état de la cuisine, L'infirmant en conséquence et statuant à nouveau, Condamne la SAS Chrystal à payer à Jean et X Y la somme de 2 359,50 au titre de la remise en état de la cuisine, Rejette toute autre demande et dit inutiles ou mal fondées celles plus amples ou contraires formées par les parties, Dit que chaque partie conservera à sa charge les dépens exposés en cause d'appel.